Quel accompagnement l’éducateur spécialisé peut-il mettre en place pour les mères victimes de violences conjugales ? Un regard éducatif au centre maternel : un défi entre gestion et émotion
Introduction
Ma formation d’éducatrice spécialisée est le fruit d’une reconversion professionnelle. Après avoir rencontré plusieurs éducateurs spécialisés qui ont partagé avec moi leurs expériences du métier, j’ai voulu me tourner vers le secteur social. J’ai construit mon identité professionnelle à partir de mes compétences antérieurement acquises notamment, en ce qui concerne les relations humaines, la communication, la conduite de projet et de réunion. J’ai également forgé mon identité professionnelle lors de mes stages dans trois secteurs d’intervention de l’éducation spécialisée : le handicap, l’insertion et la protection de l’enfance. Ces stages m’ont donné un aperçu concernant l’accompagnement et la nécessité dans mon domaine professionnel de s’ouvrir à d’autres disciplines pour lutter ensemble contre l’exclusion et les inégalités. J’ai finalement souhaité réaliser mon stage au sein d’un centre maternel.
L’accompagnement donné aux mères et à leurs enfants a directement suscité mon intérêt. J’étais particulièrement intéressée par la manière adoptée afin de travailler sur le lien mère-enfant, l’accompagnement à l’insertion, la construction du projet personnalisé. Dans ce centre maternel, j’ai pu côtoyer de nombreuses personnes qui ont des histoires différentes. Cela m’a amenée à axer ma réflexion sur la manière avec laquelle, il fallait agir dans le cadre de l’accompagnement de ces différents sujets. Mais dans ce centre, la question de la violence conjugale et de l’accompagnement adapté aux mères et à leurs enfants a déclenché en moi beaucoup d’intérêt. En effet, en France, la violence conjugale constitue un problème de santé publique préoccupante. Non seulement elle impacte sur la vie sociale, mais elle a également un coût global d’environ 2,5 milliards d’euros par an (Nectoux et al., 2010 : 405).
Ainsi, l’Etat Français se lance dans la mise en œuvre de stratégies de lutte contre cette violence. La conception des politiques de lutte contre la violence conjugale résulte de la compréhension du phénomène grâce aux impulsions des associations féministes en France en 1975. Puis, il y a la déclaration de l’ONU en 1993 qui va en faveur de la protection de la femme contre différentes formes de violences (Debats et al., 2009 : 58). Mais il faut tenir compte du fait que la lutte contre la violence conjugale ne peut se faire à moins de comprendre l’évolution qui s’opère au sein de la famille elle-même qui se trouve au centre même de la violence. Depuis ces dernières années en effet, la famille connaît une évolution considérable qui se traduit par l’apparition de nombreux types de familles mis à part la famille classique (Donoso et al., 2008 : 128). Il est donc probable que ces évolutions au sein de la famille influence aussi la fréquence de la violence conjugale.
Dans cette étude, je vais alors tenter de répondre à la question suivante : Quel accompagnement l’éducateur spécialisé peut-il mettre en place pour les mères victimes de violences conjugales ? Mon objectif dans la réalisation de cette étude, est d’identifier les besoins des femmes victimes de violences conjugales et de leurs enfants. A partir de l’identification de ces différents besoins, je crois pouvoir être en mesure de déterminer les principaux axes d’accompagnement que je dois mener en tant qu’éducatrice spécialisée, auprès des mères et de leurs enfants en difficulté. Pour y arriver, je vais donc cadrer dans la première partie l’établissement dans lequel, j’ai effectué mon stage. Puis, dans la deuxième partie destinée au cadre conceptuel, je vais développer les principaux termes qui vont être utilisés tout au long de ma réflexion à savoir, la famille, le concept mère-enfant, la violence intrafamiliale et la violence conjugale. Dans la troisième partie, je vais faire un diagnostic socio-éducatif de la situation de deux femmes victimes de violences conjugales afin d’être en mesure de déterminer les principaux points à aborder pour la conception et la mise en œuvre d’un projet d’accompagnement personnalisé.
- Cadre institutionnel et contextuel
- Le centre maternel
- Présentation générale du centre maternel
Le centre maternel affiche une capacité d’accueil total de 54 logements en 2018, avec 8 appartements extérieurs. Les appartements extérieurs sont alloués aux accompagnements spécifiques notamment, pour tester l’autonomie des résidentes. Ils sont aussi mis à la disposition des familles afin d’intégrer le père de l’enfant au projet de la famille lorsque la situation au sein du couple se stabilise.
Le nombre de résidentes accueillies est passé de 82 en 2013, à 75 femmes en 2018. Cependant, le nombre de sorties est plus conséquent en 2018 (32 femmes) par rapport à celui de 2013 (30 femmes). Pour l’année 2018, 30 jeunes femmes ont été accueillies au centre soit, trois arrivées par mois. Le séjour pendant les trois dernières années tourne autour de 15 mois.
Outre les mères en difficulté, le Centre Maternel accueille également leurs enfants de bas âge. Mais il est également possible que le Centre Maternel accueille des enfants « extérieurs ». La crèche compte 60 berceaux répartis dans six unités dont quatre s’occupent des bébés de 10 semaines à 18 – 20 mois environ. Deux autres unités accueillent les enfants âgés de 18-20 mois à 3 ans. Une éducatrice de jeunes enfants (EJE) est responsable d’une unité. En 2018, 29 nouveaux enfants étaient accueillis dans la crèche dont un « extérieur ». 31 autres en sont sortis dont deux « extérieurs ». L’entrée dans la crèche se fait généralement avant six mois et la sortie se fait avant deux ans. La durée de séjour dans la crèche est réduite par rapport à celle des crèches classiques (Rapport d’établissement, 2018).
Le Centre Maternel accueille les femmes 24h/24. Des agents d’accueil sont à la disposition des personnes accueillies pour leur fournir des informations utiles et aussi, pour réorienter les communications des partenaires de l’établissement. Ces agents d’accueil sont également responsables de la collecte des demandes logistiques des familles.
En 2019, la direction comprenait une directrice assistée d’une secrétaire médico-sociale rattachée à l’APF et aux services socio-éducatifs, ainsi que d’une secrétaire rattachée à la crèche. L’établissement comprend deux services et une crèche.
- Le Service d’accompagnement des familles est présidé par un Cadre du service avec une adjointe coordinatrice. Il comprend entre autres, deux maîtresses de maison, 4 intervenantes sociales, 6 éducateurs, 1 infirmière et 1 psychologue.
- Les services administratifs et généraux sont dirigés par un cadre administratif et des services généraux. Les services généraux comprennent deux agents techniques et trois agents d’entretien. Deux comptables sont assignés au service administratif. 3 agents d’accueil de jour et 3 autres de nuit assurent l’accueil.
- Dans la crèche, un cadre crèche et une puéricultrice adjointe organisent et supervisent les actions de deux agents d’entretien, un cuisinier, une buandière, un agent polyvalent, six éducatrices de jeunes enfants et 26 auxiliaires de puériculture. D’autre part, la crèche fait intervenir des personnels experts vacataires crèches dont un médecin de crèche vacataire qui travaille une demi-journée par quinzaine et une psychologue vacataire.
Les professionnels interviennent dans les espaces de vie, les studios où les mères sont accueillies, ainsi que dans les appartements extérieurs. Les différents acteurs qui travaillent au sein du Centre Maternel travaillent en réseau et sont aussi amenés en fonction des cas, à entrer en partenariat avec des professionnels externes. Cela demande donc un travail d’équipe, un partage d’informations et une bonne coordination de leurs actions. Pour ce faire, la transmission régulière des informations se fait lors des temps de chevauchement entre équipes, ou lors des réunions. Il peut s’agir de réunions thématiques entre différents services, réunion de l’équipe avec la direction, réunions d’équipes et de services, réunions sur les projets pédagogiques, réunion sur la qualité de services, réunions sur la plateforme socioculturelle, réunions institutionnelles interservices ou encore, des réunions partenariales. Ces différentes réunions sont complétées par les entretiens individuels des professionnels avec des cadres techniques, des psychologues ou la directrice elle-même. La cohésion entre des équipes est assurée par les échanges informels quotidiens (Projet d’établissement, 2016).
Pour mener à bien ses missions, le Centre Maternel collabore avec les hôpitaux, les structures de soins ainsi que les acteurs de départementaux qui travaillent dans le domaine de la santé ou du secteur social. Les intervenants sociaux par exemple, travaillent dans le cadre de la recherche de logement, d’emploi et dans la réinsertion sociale de la femme. Dans le domaine de la santé, le Centre Maternel entre en partenariat avec les médecins de ville qui se trouvent autour du Centre pour assurer la prise en charge des femmes et de leurs enfants et pour éviter les difficultés telles que le nomadisme médical (Rapport d’établissement, 2018).
- Les objectifs et missions du centre maternel
Les missions du centre maternel gravitent autour du lien mère-enfant. Ses actions sont organisées autour des trois pôles : Accueil, accompagnement, orientation. L’accueil des jeunes mères s’accompagne de leur information sur les prestations fournies par le centre maternel. L’accueil a pour objectif d’offrir un hébergement pour les mères et leurs enfants en fonction de leurs situations. Cet hébergement peut se faire dans des studios ou dans des appartements extérieurs. L’accueil individuel pour sa part est réalisé dans des lieux collectifs tels que les salons TV, les espaces de jeux, etc.
L’accompagnement offert par le Centre Maternel a pour objectif d’assurer l’autonomie de la mère et son soutien à la parentalité. Cette mission vise également à apporter à la mère et à son enfant dès leur arrivée, tout ce dont ils ont besoin, tout en tenant en compte de la place du père. Le Centre Maternel vise entre autres à faciliter les actes administratifs, matériels et logistiques de la vie. Pour ce faire, il met à la disposition des bénéficiaires des services socioéducatifs dont le but est d’accompagner la femme dans sa vie quotidienne et dans la réalisation de son projet individuel. Deuxièmement, le Centre Maternel met en œuvre aussi l’accompagnement périnatal et familial, visant à soutenir à la parentalité. Troisièmement, le Centre Maternel propose aussi une crèche ayant pour objectif d’assurer la garde des enfants afin d’assurer leur développement et leur socialisation (Projet d’établissement, 2016). L’établissement aide aussi les résidentes à résoudre des problèmes administratifs tels que la régularisation de leurs situations en France, ou la recherche d’un logement (Rapport d’établissement, 2018).
Dans le cadre du soutien à la parentalité, le Centre Maternel mène des actions pour préparer la naissance du bébé au cas où la mère accueillie est enceinte. Ces actions sont également réalisées afin de créer des lieux de parentalités et d’écoute. Les interventions du Centre Maternel se soucient entre autres, du développement de l’enfant à travers un suivi personnalisé de celui-ci par des professionnel, un suivi médical, l’établissement d’une crèche, d’une nursery, le suivi de son développement et si besoin est, sa réorientation vers les services de protection de l’enfance. Le soutien au développement de l’enfant requiert parfois, son orientation vers les lieux thérapeutiques et l’accompagnement à son placement (Projet d’établissement, 2016). Une assistante familiale se charge dans ce cas, du placement de l’enfant. Mais dans la plupart des cas, à la sortie de la crèche, les enfants ne sont plus gardés par leurs mères. L’établissement vise en effet à assurer l’insertion professionnelle de la mère. Cet objectif est atteint dans de nombreux cas. Ainsi, seuls 3 enfants sur 31 sont encore gardés par leurs mères à leur sortie de la crèche (Rapport d’établissement, 2018).
Outre à cela, le Centre Maternel donne son appui pour orienter la famille et préparer sa sortie de l’établissement. Les actions menées et les ressources mobilisées autour des bénéficiaires ne visent pas en effet, leur dépendance envers l’établissement, mais leur autonomie. Dans cette optique, les professionnels travaillent avec la jeune femme pour chercher la meilleure orientation pour celle-ci. La résidente détermine en effet des objectifs et les professionnels l’aident à les atteindre. En même temps, le Centre Maternel tente de rétablir les liens entre les parents, entre ceux-ci et leurs enfants, entre la famille en général. L’ultime objectif est le départ définitif de la résidente quand elle acquiert une situation stable. En fonction du vécu de la résidente, celle-ci peut être orientée vers un appartement extérieur ou un logement passerelle avant d’accéder à un logement direct. Au cas où la résidente ne peut pas encore accéder à un logement direct, elle pourrait être orientée vers un appartement institutionnel ou un mode de garde extérieur. Les familles sont également conseillées d’aller vers des logements meublés ou en sous-location (Projet d’établissement, 2016).
- Historique
- Les origines de la pouponnière
A ses débuts, la pouponnière a été créée en vue de réduire la mortalité infantile et de renverser le déclin démographique causé par les guerres napoléoniennes (1870). Ce contexte en effet, exposait les mères à des conditions très précaires dès la grossesse. Les «filles-mères » étaient rejetées par la société la plupart du temps car, elles mettaient au monde des enfants en étant célibataire, ou en ayant des relations adultères ou encore des relations de concubinage. Ne sachant où aller, elles étaient tentées d’avorter voire même, de commettre un infanticide. L’existence de ces enfants était donc menacée. Leur naissance constituait aux yeux de la société une déchéance qui ne pouvait qu’engendrer des déséquilibres au sein de la société. Par ailleurs, le contexte particulier de leur conception était considéré comme étant une immoralité de leurs parents.
Mais au lendemain des guerres, l’opinion publique de l’époque apportait un regard nouveau à la maternité. Celle-ci était considérée comme un moyen social pour assurer la continuité du genre humain. Désormais, il devenait primordial d’augmenter la natalité et de maintenir en vie les enfants même s’ils étaient le fruit d’une relation illégitime, et d’une mère célibataire. La protection des mères et des enfants illégitimes était encouragée par la société. C’est dans ce cadre que les asiles maternels ont été ouverts pour la première fois. A l’époque, l’asile servait à recueillir pendant une période déterminée, les personnes vulnérables telles que les malades, les sans-abris, les vieillards et les enfants.
L’assistance maternelle sous la IIIème République s’était développée. A cette époque, les pouvoirs publics s’étaient investis dans la conception de lois allant dans le sens de la protection de ces mères en difficulté. A cela s’ajoute les aides matérielles et financières qui leur étaient destinées. Les pouvoirs publics consentaient à soutenir ces mères vulnérables et à les protéger jusqu’à ce qu’elles aient un travail stable qui leur permette de vivre et de faire vivre leurs enfants. D’un autre côté, la société se sentait aussi responsable de la réhabilitation et du reclassement social des « filles-mères » au lieu de les délaisser (Projet d’établissement, 2016).
- De la pouponnière vers le centre maternel
La pouponnière a été créée en 1891 grâce au soutien d’Emile Zola et de la Société Maternelle Parisienne. Elle avait alors pour objectifs de développer la puériculture tout en prenant en compte des valeurs telles que l’hygiène et la solidarité. La pouponnière fonctionnait grâce à des femmes philanthropes et des hygiénistes qui donnaient leurs conseils. La première pouponnière de France a été officiellement inaugurée en 1893. Au fur et à mesure, les activités de la pouponnière se sont diversifiées. Elle éduquait les enfants et augmentaient les activités pour veiller à leur santé ainsi qu’à celle de leurs mères. Cela passait par la consultation des nourrissons, la mise en place d’une infirmerie, d’une école ménagère (1897), d’un institut de puériculture (1910), etc.
La filiale de la pouponnière a vu le jour en 1913. Cette filiale devenue une maison maternelle avait acquis en 1932 une maternité, puis un lactarium pour collecter le lait maternel de la région jusqu’en 1994. En 1943, la pouponnière est devenue une Maison Maternelle Départementale suite à l’acquisition d’un don de la part du Département et de l’œuvre laïque La Nouvelle Etoile des Petits Enfants de France. Par la suite, des lois et des réflexions nationales et locales ont permis à la Maison Maternelle Départementale d’élargir ses champs d’actions. Ainsi, outre la protection des mères et de leurs jeunes enfants, elle s’occupait également de la prévention et de la lutte contre la ségrégation sociale, de la reconstruction familiale, de l’insertion sociale des mères à travers leur réhabilitation et leur encouragement pour avoir leurs droits et leur autonomie.
En 1976, un hôtel maternel venait compléter la Maison Maternelle. La création de l’hôtel maternel répondait au besoin d’un séjour plus long pour faciliter l’insertion sociale des mères en difficulté. Puis en 1998, le Président du Conseil Général assignait un cabinet d’étude pour concevoir un nouveau projet d’établissement. En octobre 2000, l’équipe du Centre Maternel avec l’aide d’un cabinet d’audit conçoit un projet d’établissement. Ce dernier définit trois axes d’orientation des actions sociales de l’établissement : l’amélioration des conditions d’hébergement des familles, l’aide et le soutien des résidentes pour qu’elles puissent s’insérer au sein de la société, la mise en œuvre d’un accueil spécifique pour les mères mineures. En décembre de la même année, le Centre Maternel a été reconstruit. De 2011 jusqu’en 2012, les équipes du Centre Maternel se sont encore lancés dans la conception d’un nouveau projet d’établissement (Projet d’établissement, 2016).
- La population accueillie : les mères en difficulté
- Caractéristiques générales des mères nécessiteuses accueillies au centre maternel
Les mères accueillies sont toutes jeunes comme le montre le tableau ci-dessous :
Tableau 1 : Répartition des mères accueillies dans le centre maternel
– de 18 ans | 18 à 25 ans | 26 à 30 ans | 31 à 35 ans |
16.6% | 60% | 16.66% | 6.6% |
Les mères âgées de 18 à 25 ans sont les plus nombreuses (60% de la population totale) à entrer au sein du centre maternel. Les mères d’âge plus mûr âgées de 31 à 35 ans représentent la plus faible proportion de la population accueillie au sein du centre maternel. Leurs origines sont résumées sur le tableau 2.
Tableau 2 : Origine des femmes accueillies au centre maternel
France | Ile Maurice | Afrique Noire | Afrique du nord | Afghanistan | Tibet |
14 | 1 | 11 | 2 | 1 | 1 |
La plupart des femmes accueillies au centre maternel sont d’origine française (14), suivies par celles venues d’Afrique Noire (11). Les mères qui viennent de l’île Maurice, de l’Afghanistan, du Tibet et de l’Afrique du nord sont moins nombreuses. Sur les 30 femmes accueillies au centre, 16 ne sont pas nées sur le territoire français. Par conséquent, leur insertion se heurte à la barrière de la langue, à la différence culturelle par rapport au territoire d’accueil, la situation non régularisée. Dans la plupart des cas, ces femmes sont exposées au risque d’isolement.
Différentes raisons ont conduit ces femmes au centre maternel. Certaines d’entre elles ne sont pas soutenues par leurs familles à l’annonce de la grossesse, d’autres sont éloignées de leurs familles. D’autres ont divorcée suite aux violences conjugales. Ces dernières années, l’établissement est témoin de l’admission d’un nombre de plus en plus conséquent de femmes qui souffrent d’instabilité psychique.
Les jeunes femmes accueillies au centre sont issues de familles qui n’ont pas ou peu de source de revenus ou qui bénéficient d’un Revenu de Solidarité Active (RSA). A leur entrée au sein du centre maternel, la plupart de ces femmes n’ont pas de salaire. Nombre d’entre elles ont des problèmes de logement et habitent de ce fait, dans des foyers d’accueil, des centres d’hébergement, ou chez un membre de leurs familles (parents, frères ou sœurs).
La grande majorité de la population accueillie présente de nombreuses carences à cause de l’absence de suivi médical excepté pendant la période de grossesse. Cette situation se présente même si elles bénéficient d’une couverture maladie. C’est donc lors de leurs séjours au centre seulement, qu’elles peuvent bénéficier d’un bilan de santé, une analyse gynécologique, dentaire ou vaccinale. La plupart de ces femmes n’ont pas fait des consultations à titre préventif. Elles requièrent donc un accompagnement pour aller faire des consultations.
Les jeunes mères du centre sont pour la plupart du temps, des mères isolées et traumatisées par leurs vécus. Du point de vue psychologique, ces femmes n’ont pas confiance en elles. Certaines sont même sujettes à une dévalorisation profonde. Elles ont donc besoin d’un suivi psychologique. Cependant, très peu seulement consentent à faire ce suivi proposé (Rapport d’établissement, 2018). Cette situation pourrait être renforcée par le fait que dans la plupart des cas, ces femmes ont un faible niveau de qualification, ce qui ne leur permet pas d’accéder à des postes stables et bien rémunérés. Les ruptures scolaires peuvent résulter des problèmes intrafamiliaux, de placements répétés ou encore, de l’immigration (Projet d’établissement, 2016).
70% des femmes accueillies sont enceintes ou arrivent avec des enfants de moins de 6 mois. Ainsi, elles ont besoin d’infirmières, d’auxiliaires de puériculture pour assurer leur accompagnement. Les enfants âgés de plus d’un an lors de leur entrée au centre maternel présentent parfois des troubles qu’il convient d’évaluer et d’orienter vers les partenaires qui pourraient leur fournir un accompagnement adéquat (Rapport d’établissement, 2018).
- Les axes d’interventions du centre maternel auprès des mères accueillies
Le centre maternel offre plusieurs types d’accompagnement aux mères en difficulté : l’accompagnement à la parentalité, l’accompagnement éducatif et l’accompagnement social, l’accompagnement à la santé, l’accompagnement psychologique. Cet accompagnement peut se faire au niveau individuel ou au niveau collectif. Il convient alors d’étudier les interventions au niveau individuel à travers la mise en place du Projet Individualisé d’Accompagnement au Familles (PIAF).
Depuis 2018, des groupes de travail ont été formés pour identifier les mères les plus vulnérables lors de leur entrée, et d’apporter une grande vigilance par la suite. Les infirmières et les auxiliaires de puériculture encouragent les mères à faire un suivi de grossesse et les aident à préparer leurs trousseaux. Elles sont accompagnées pendant la maternité. L’équipe chargée d’accompagner les résidentes comprend entre autres, des éducatrices spécialisées pour aider les mères ainsi que des éducatrices de jeunes enfants, des intervenants sociaux, des maîtresses de maison, de deux infirmières et d’une psychologue. L’équipe pluridisciplinaire accompagne les jeunes parents à la parentalité. Elle intervient aussi dans leur éducation, leur insertion sociale et fait le suivi de la santé des jeunes mères.
L’accompagnement à la parentalité commence par un entretien individuel de soutien à la parentalité. Cet entretien porte sur différents thèmes comme la gestion des émotions, l’interprétation et les réactions des mères ou des parents face aux pleurs du bébé, le maternage, les pratiques culturelles, l’histoire de la famille, le rôle et la place du père pour l’enfant, la fratrie, les limites imposées à l’enfant, etc. Les entretiens individuels sont complétés par les visites dans les studios des femmes afin de mieux comprendre leurs situations et de constater leur vie quotidienne notamment l’organisation, l’hygiène, le régime alimentaire, le rythme de vie, la consommation de produits toxiques. A travers ces échanges, l’équipe pluridisciplinaire établit un lien de confiance avec la personne accompagnée. Les échanges permettent aussi de laisser les jeunes mères s’exprimer sur leurs besoins.
Lors des échanges avec les mères, les professionnels peuvent également constater les conditions de vie de l’enfant ainsi que des liens qu’il tisse avec ses parents. Les auxiliaires de puériculture prennent en charge les enfants et les observent. Ils relaient les mères si celles-ci sont malades ou sont fatiguées, ou si elles sont en rendez-vous médical, ou hospitalisées. Les professionnels gardent les enfants lorsque les mères font des démarches administratives ou des démarches d’insertion professionnelle. L’intervention des professionnels est particulièrement cruciale si la mère présente une dépression. Ces activités permettent de donner un peu de répit aux mères le temps qu’elles se ressourcent. Par la même occasion, ces activités permettent d’apprécier la qualité de la relation mère-enfant.
Dans le but d’améliorer l’accompagnement des familles, l’établissement a conçu un tableau du temps consacré aux familles. Cet outil sert à connaître les ressources mobilisées pour accompagner chaque famille et permet entre autres, de faciliter la coordination des activités des professionnels. Le tableau du temps consacré aux familles fait transparaître les pratiques professionnelles, la fréquence et la durée des interventions auprès de chaque personne accompagnée. Il est donc plus facile d’en déduire s’il existe des situations complexes qui tendent à monopoliser les ressources et par conséquent, de perfectionner la prise en charge.
Outre ce premier outil, les activités des différentes personnes qui interviennent auprès de la mère en difficulté sont coordonnées par le PIAF. La conception de ce projet ou du projet individuel obligatoire met la bénéficiaire au centre des décisions. Dans ce cas, la jeune mère en difficulté aidée par ses référents établit le projet individualisé. Dans d’autres cas, c’est le couple qui établit le projet avec les référents. La mise à jour du projet se fait quand les professionnels du Secteur d’Action Social apportent des modifications au niveau de la prise en charge tous les quatre à six mois. Au bout de ce temps en effet, il est possible d’évaluer si les objectifs fixés lors de la première conception du projet individualisé ont été atteints. Le cas échéant, les stratégies et les objectifs sont redéfinis.
L’éducateur spécialisé se trouve au centre de l’accompagnement éducatif. Avec l’aide de l’équipe pluridisciplinaire, il analyse toutes les facettes de l’accompagnement : la situation administrative et financière, l’identité de l’accompagnée et ses relations intrafamiliales, ses liens socio-affectifs, la santé de la mère et de l’enfant, la gestion du quotidien avec les maîtresses de maison. L’accompagnement éducatif a pour finalité d’aider la mère à établir une relation avec son enfant et renforcent ses compétences en tant que jeunes mères. L’accompagnement éducatif va donc dans le sens de l’intérêt de l’enfant pour qu’il ne manque pas de soins, qu’il trouve toujours l’affection dont il a besoin, et qu’il évite une quelconque forme de maltraitance. Les éducatrices interviennent aussi auprès des pères (Rapport d’établissement, 2018).
Le centre maternel intervient aussi dans la protection de l’enfance qui, selon la loi n°2007-293 du 5 mars 2007, « a pour but de prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, d’accompagner les familles et d’assurer, le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs. » Pour y parvenir, le centre maternel offre les services suivants :
- Hébergement pour les femmes enceintes et les mères accompagnées d’un enfant de moins de trois ans
- Accompagnement interdisciplinaire permettant de développer les relations entre les parents et l’enfant
- Soutien à l’insertion ou réinsertion sociale et professionnelle
- Elargissement du réseau relationnel pour éviter l’isolement social (Projet d’établissement, 2016)
- Cadre conceptuel
- Le concept de famille et son évolution
- Définition de la famille
Le terme « famille » est une notion complexe qui peut avoir plusieurs définitions tant la famille a connu des évolutions et que sa perception d’une génération à une autre change également. Ainsi, une famille pourrait être définie comme étant un groupe de personnes liées entre elles par les liens de parenté ou par alliance. L’appartenance à la famille dans ce cas, est déterminée par la généalogie et le gène partagé entre ses différents membres. Mais il a été constaté que la famille peut également désigner un groupe de personnes qui vivent dans une même maison. Cette définition met l’accent sur la localisation géographique des différents membres de la famille et non pas sur leur lien de parenté. Dans ce cas, la famille est assimilée au ménage, à un groupe domestique. Puis, il y a la famille nucléaire qui comprend un homme, une femme et leurs enfants (Quilliou-Rioual, 2015 : 127).
La famille est l’unité de base de toute société. Elle est composée de plusieurs individus liés entre eux par des liens moraux, matériels. Chaque membre de la famille a ses devoirs et ses responsabilités envers les autres membres de la famille. Dans cette optique, les membres sont responsables de la protection, de l’organisation de la famille, du secours et de l’assistance. Les parents doivent se respecter mutuellement et cohabiter dans la même habitation. Ils doivent reconnaître leurs enfants et les nourrir, les éduquer, etc. Les enfants ont un devoir de respect et d’obéissance envers leurs parents. Les membres de la famille sont amenés à accomplir leurs devoirs dans la solidarité pour assurer la cohésion. Cela ne peut se faire à moins qu’ils ne s’entraident. La survie de la famille se fait à travers l’accomplissement du devoir alimentaire (Zalewski, 2004 : 11-12).
La famille structure la personne psychiquement. De la famille dépend la capacité de l’individu à s’intégrer dans la société, à être autonome mais indépendant et à avoir sa liberté. La famille permet à l’individu de se différencier des autres. La famille en elle-même, constitue et créé l’individu (Laupies et Rendu, 2004 : 17-18).
- Evolution de la famille
L’image de la famille classique est constituée par un père, chef de famille qui doit la nourrir, l’entretenir et la protéger. La femme au même titre que les enfants est placée sous la tutelle de son mari. Mais au fur et à mesure que le statut de la femme évolue, elle a investi l’espace professionnel (Ferrand, 2005 : 71-72). Le statut de la femme a changé, celui de la famille également.
Depuis les années 1970, la société entre dans une mutation et la famille, son élément de base évolue également. Les divorces se sont multipliés. Plusieurs familles se sont recomposées, certaines familles sont monoparentales. Le modèle de composition de la famille est de plus en plus hétérogène. En considérant le cas de la famille recomposée, les enfants ont la possibilité d’entrer en relation avec ses deux parents si la recomposition résulte d’un divorce. Mais cette évolution au sein de la composition de la famille remet en question les missions des parents, ainsi que celles des beaux-parents. L’existence de la famille recomposée remet en question également la définition même de la famille qui, auparavant, était censée être composée d’individus liés par le sang. Dans cette nouvelle forme, la famille accueille des personnes qui n’ont pas de liens de sang avec elle (Clément et Bonvalet, 2012 : 273).
La nouvelle structure familiale accepte également la pluriparentalité. A son origine dans les années 1990, la pluriparentalité suppose que la famille est recomposée. Elle insiste alors sur les liens entre les beaux-parents et les beaux-enfants. Mais au fur et à mesure, cette première conception de la pluriparentalité a également évolué pour assimiler plusieurs personnes qui assurent les différents rôles parentaux auprès de l’enfant. La famille n’est donc plus composée de deux parents uniquement, mais de plusieurs autres. Ce cas se produit chez les familles dont les enfants ont été adoptés. Ces derniers vont vouloir par la suite, chercher à établir leur véritable identité en retrouvant leurs parents biologiques. Ainsi, ils auront plusieurs parents qui vont vouloir assurer l’éducation, l’élevage, etc. de l’enfant. Les parents biologiques tissent des liens de sang qui sont plus ou moins forts avec leurs enfants, mais d’un autre côté, ils vont aussi nouer des relations fortes avec leurs parents d’adoption. Ceux-ci vont aussi les aimer profondément vu qu’ils les ont nourri, éduqué, assuré plusieurs fonctions parentales auprès d’eux. Chez les familles recomposées, les liens entre le beau-parent et l’enfant de la (du) compagne sont forts mais différents des liens qu’ils nouent avec leurs propres enfants. De même, ils n’ont pas les mêmes rôles que les parents biologiques (Marquet, 2010).
La famille moderne ne se base plus sur la fonction asymétrique des différents membres qui la composent. Désormais, le père n’est plus le seul maître à la maison. La société actuelle veut mettre sur le même piédestal les différents membres de la famille, ce qui n’est pas sans conséquence sur la compréhension des différents rôles, statuts et missions des parents et des enfants, de la femme, du mari. La femme n’est plus sous l’autorité de l’homme. Cette nouvelle forme de composition de la famille donne la possibilité et la liberté aux époux de divorcer quitte à assumer la monoparentalité ou la recomposition de la famille avec des membres issus d’une autre famille qui s’est séparée aussi. La nouvelle conception de la famille autorise également la coparentalité c’est-à-dire, l’égalité des deux parents en ce qui concerne l’autorité parentale. Cela influence fortement sur les relations de couple et sur les relations entre les parents et leurs enfants. Les liens affectifs entre les membres de la famille deviennent de plus en plus volatiles (Alby et Vivès, 2015 : 22-23).
Vu sous ces différents angles de changements, la famille à l’heure actuelle constitue donc un terrain de négociation entre les conjoints. Désormais, le genre et le statut au sein de la famille ne détermine plus la tâche qui est assignée à chacun de ses membres. Le modèle hiérarchique fait place à la prise de décision conjointe et à une autorité partagée entre les deux parents. Dans ce nouveau modèle, les enfants acquièrent également une autre forme de socialisation. La liberté est le maître mot dans le rôle et les missions de chaque membre de la famille (Donoso et al., 2008 : 129).
- La parentalité et ses enjeux
La parentalité renvoie à la fonction de parent. Cette fonction peut être réalisée par une seule personne que ce soit un homme, une femme. Celui qui exerce le rôle parental peut être le géniteur ou non. Il peut être un beau-parent ou autre. Il peut être homosexuel, ne pas être en couple mais il assure et assume le rôle parental. La parentalité n’est donc pas définie juridiquement ni même, par un statut social. Il s’agit d’une compétence que présente la personne qui va s’occuper de l’enfant. La parentalité provient principalement de l’évolution de la structure familiale dans laquelle, des acteurs étrangers peuvent entrer dans le processus de socialisation de l’enfant. Cela est observé par exemple lors du divorce des parents biologiques, la recomposition de la famille, ou la famille monoparentale (Martin, 2004).
La parentalité n’est donc pas un processus biologique, mais psychologique qui se produit lorsqu’un couple ou une personne va devenir parent. L’adulte devient parent pour l’enfant qu’il engendre que ce soit de façon naturelle, ou à travers la Procréation Médicalement Assistée (PMA). La parentalité ne repose donc plus sur la seule filiation et la procréation (Alby et Vivès, 2015 : 20-21), mais sur la maturation de l’adulte pour qu’il puisse assurer ses rôles de parent (Marquet, 2010).
En soulignant les fonctions de la personne en tant que mère ou père, la parentalité correspond selon les psychanalystes, à un processus de maturation psychiques et affectifs permettant d’assurer ses rôles de parents. Ce processus garantit alors la capacité du parent à subvenir aux besoins de son enfant tant du point de vue physique à travers les soins nourriciers, que du point de vue affectif et psychique. La parentalité se manifeste à travers le désir de la personne d’avoir un enfant, passage qui marque son entrée à l’âge adulte (Lamboy, 2009 : 32-33). Cependant, la parentalité se heurte à quelques obstacles à l’heure actuelle.
La société d’aujourd’hui en effet, est témoin de l’abandon de la structure traditionnelle de la famille, pour se tourner vers d’autres structures familiales (monoparentales, recomposées, issues de l’immigration, etc.). Or, il est difficile de définir les rôles et les missions de chaque acteur dans ces nouvelles structures familiales. C’est la raison qui a conduit nombre de parents à abandonner leurs enfants, à se montrer irresponsables et incompétents lorsqu’il est question d’attribuer des soins à leurs enfants et d’imposer leur autorité et leur contrôle sur eux. Dans ce scénario, les parents n’interviennent que peu ou pas dans la vie de leurs enfants, ce qui est susceptible d’entraîner chez ceux-ci des troubles de comportements et des difficultés de socialisation (Lamboy, 2009 : 36).
Les responsabilités parentales ne peuvent être séparées du contexte sociodémographique et économique du pays dans lequel, la famille évolue. Chez une famille monoparentale dirigée par une femme par exemple, il lui devient difficile de contrôler son enfant vu qu’elle s’écroule sous la charge de travail domestique, le suivi des enfants, le travail proprement dit, etc. Dans cette situation particulière, la mère tend à se tourner vers ses enfants pour partager les charges de travail et les charges psychologiques. Or, cela modifie les relations entre la mère et l’enfant. Celui-ci est obligé de devenir adulte précocement pour aider sa mère, pourrait ne plus être motivé par l’école. S’ensuit les difficultés ultérieures pour trouver du travail, le manque d’argent et la délinquance (Martin, 2004).
La parentalité est donc un concept complexe tant dans sa définition que dans sa pratique. C’est la raison pour laquelle, de nombreuses pouponnières ont été établies pour assurer le bien-être de l’enfant et soutenir les parents dans l’exercice de leur parentalité. Cela requiert la modification de la considération des parents de l’enfant. Désormais, les décisions et les mesures prises ne sont plus focalisées sur leur jugement comme étant fautifs, mais sur leur statut de victimes, rencontrant des difficultés à établir leur identité de parents. Ainsi, les relations entre les professionnels et les parents pourraient être vues comme étant une coopération (Pioli, 2006).
- Le concept mère-enfant
- Les relations entre la mère et son enfant
Le lien qui lie l’enfant et sa mère constitue un de ses besoins primaires pendant les premières années de sa vie. Ce lien le rassure et le protège de tous les dangers qui l’entourent. Il est donc évident que le lien tissé entre la mère et son enfant conditionne la survie psychologique et physiologique de celui-ci. Au cours de cette période, l’enfant a besoin de la présence et de l’affection de ses parents pour devenir une personne autonome dans le futur (Sadlier, 2015 : 20). Selon la théorie de l’attachement, tout être humain tisse des liens affectifs forts dès sa naissance afin de satisfaire ses besoins vitaux notamment, sa protection. Ainsi, l’enfant, développe des comportements d’attachement à ses parents. Cela comprend la recherche de la proximité avec l’objet d’attachement représenté ici par ses parents (Houzel, 2017 : 153).
Viossat (2009 : 55-56) situe cette relation mère-enfant dès la conception de l’enfant. Alors qu’il est dans le ventre de sa mère, il partage l’espace utérin ainsi que les émotions de sa mère. Il commence déjà à écouter la voix de sa mère, tout comme il est attentifs aux battements cardiaques de celle-ci. Ces différents sons contribuent déjà à l’établissement du lien affectif entre la mère et son enfant. Ce lien se renforce pendant la phase extra-utérine. La relation entre le fœtus et sa mère in utero, constitue la base de leur relation post-natale. Cette première relation est certes imaginaire dans la mesure où la mère et l’enfant ne se connaissent pas encore. La mère a sa rêverie maternelle et commence déjà à avoir une idée du visage et du tempérament de son enfant. En d’autres termes, elle fait une représentation anticipatrice de son enfant (Viaux-Savelon, Dommergues et Cohen, 2014 : 201).
La qualité des relations entre la mère et son enfant est conditionnée par les soins que la mère apporte à son enfant. Les nourrissons nés dans un contexte difficile comme ceux nés prématurément par exemple, requièrent plus que les nourrissons nés normalement, beaucoup de caresses, d’étreintes et de baisers de sa mère surtout, pendant le nourrissage. Cela leur permet de développer un attachement sécure. A l’inverse, plus une mère est attachée à son enfant, plus elle est encline à lui procurer des soins et de lui faire des signes d’affection. Outre les soins, l’enfant demande aussi la sensibilité maternelle (Abergel et Blicharski, 2013 : 54).
Selon la situation étrangère développée par Ainsworth pour mesurer le degré d’attachement de l’enfant à sa mère en présence de facteurs de stress, les enfants ne développent pas le même attachement à leurs mères. Ainsi, il y a trois types d’attachements de l’enfant à sa mère : l’attachement sécurisant, anxieux-évitant et anxieux-résistant. Dans le premier cas, l’enfant se sent en sécurité puisqu’ils ont confiance en la proximité et la protection de sa mère. Dans le deuxième cas, l’enfant ne s’agite pas du tout lorsqu’il se sépare de sa mère et cherche même à l’éviter. Dans ce cas précis, l’enfant ne demande pas de réconfort de la part de sa mère. Ces enfants sont ceux dont les réclamations ont été rejetées par leurs mères à tel point qu’ils n’expriment plus leur peur et leur détresse. Dans le troisième cas, l’enfant est très anxieux lorsqu’il ne voit pas sa mère. Il montre une profonde détresse. Mais lorsque sa mère retourne le voir, l’enfant n’arrive pas non plus à se consoler. Ce comportement est caractéristique des enfants qui reçoivent des réponses inadaptées à leurs besoins, de la part de leurs mères. Celles-ci peuvent alors avoir des comportements très variables et difficiles à prévoir allant du rejet, à l’indifférence puis, la protection. Les enfants qui développent ce type d’attachement sont ceux qui se préoccupent le plus de la disponibilité de leurs mères. Et pour qu’elles s’occupent d’eux, ils expriment de façon exagérée leurs besoins de protection et de réconfort maternel. Il faut noter cependant, que tous ces comportements d’attachement ont pour seul but de rester en contact avec la mère (Provost et al., 2009 : 140).
- Conséquences de la séparation
Si l’enfant développe dès les premiers jours de sa vie des comportements d’attachement, alors toute rupture avec ses parents ou de l’un d’entre eux va avoir des conséquences négatives. Abergel et Blicharski (2013 : 61) ont fait une étude sur les enfants nés prématurément en France. Les auteurs en ont conclu que ces enfants sont séparés de manière précoce de leur mère. Ce contexte particulier amène l’équipe de soignant dans l’hôpital à le séparer de ses parents, pour s’occuper de lui. Dans ce cas précis, la séparation est longue et trop tôt pour le nourrisson. Ainsi, il va chercher de plus en plus la proximité et la protection de sa mère.
Dans le cas d’une violence conjugale, c’est la relation mère-enfant elle-même qui est prise pour cible pour l’agresseur. Pour parvenir à ses fins, il peut par exemple s’interposer entre la mère et son enfant pour limiter leurs interactions. Deux scénarii peuvent se produire. Dans le premier scénario, la mère développe une représentation négative de son bébé et se dévalorise à tel point qu’elle ne se sent plus apte à assurer correctement son rôle de mère. Elle devient donc moins attachée à son bébé et l’enfant développe un attachement insécure dès l’âge de 15 mois. Dans le deuxième scénario, la violence faite à la femme est intense si bien qu’elle se tourne beaucoup plus vers son enfant pour le protéger. Elle se montre plus sensible, plus attentive envers son enfant. Le bébé développer alors un attachement sécure avec sa mère (Racicot, Fortin et Dagenais, 2010 : 328 – 329).
Au cas où la séparation est inéluctable, elle devrait être préparée ou au moins, aménagée (Houzel, 2017 : 171). La séparation précoce de l’enfant et de sa mère pendant sa petite enfance peut devenir traumatisante si elle n’est pas préparée. L’étude comparative faite par David (2005 : 99) sur John et Lucy, deux enfants qui ont dû être séparés de manière précoce de leur mère qui devait être hospitalisée par exemple montre les diverses réactions des enfants qui doivent être séparées précocement de leurs mères. Pour John, la séparation fût traumatisante alors que pour Lucy, ce n’était pas le cas. Le fait est que John a été séparé brusquement de sa mère et placé dans une pouponnière. Il ne connaissait personne dans sa structure et se trouvait donc seul pour gérer ses émotions. Certes, il faisait confiance aux professionnels, mais ne pouvait pas pour autant surmonter sa peur. Pour Lucy, la séparation s’était faite progressivement. Il y avait toujours des personnes qu’elle connaissait qui venait la voir avec sa maman dans un premier temps, et sans elle par la suite. Lucy a donc pu se préparer à la séparation et jouait normalement avec ses jouets.
- Le concept de violence intrafamiliale
Avec l’évolution de la famille, les violences intrafamiliales commencent également à émerger. Certains parents peuvent commettre des maltraitances, des actes pédophiles à l’endroit de leurs propres enfants. Le cas inverse est également observé. Ainsi, certains enfants maltraitent leurs parents. Dans ce cas, les enfants deviennent des tortionnaires pour les parents martyrs, en imposant leur autorité sur leurs parents (Perrin, 2003 : 59-60). Dans la plupart des cas de parricide, l’agresseur est le fils et le père est l’agressé. La violence se produit dans un contexte de vengeance de l’enfant envers un père qui autrefois, l’agressait directement ou qui agressait sa mère et/ou un de sa fratrie. Il interprète alors son geste comme un acte de libération de la famille d’un père violent. Dans d’autres cas, les enfants qui arrivent aux mains avec l’un de leurs parents sont sous l’emprise de substances illicites et/ou présentent une maladie mentale (Millaud et al., 2008).
Dans le cas de parents martyrs, les parents tendent à taire l’affaire devenue tabou et sujet de honte aux yeux des personnes extérieures. La manifestation de la violence de l’enfant-roi, tyrannique et voulant imposer ses propres règles à ses parents pourrait en effet, être interprétée comme étant une défaillance au niveau de la relation parent-enfant et l’incapacité des parents à contrôler leurs enfants. Ainsi, quelque part, les parents victimes se culpabilisent de ne pas avoir été à la hauteur de leurs enfants, de ne pas avoir pu leur donner une bonne éducation pour qu’ils puissent s’épanouir. Ils peuvent se reprocher d’avoir maltraité leurs enfants en faisant des négligences ou en faisant des abus (Perrin, 2003 : 62).
Dans le cas des violences perpétrés par les entourages proches et aussi par les parents, il y a les relations incestueuses, les violences sexuelles commises par un membre de la famille sur un enfant. Dans nombre de cas, les jeunes filles ayant subi des abus sexuels avant leurs 18 ans étaient victimes de la violence de leurs pères ou de leurs beaux-pères. Souvent, ces abus se répètent, mais la victime ne veut pas ou a peur de s’exprimer sur la violence qu’elle subit. Elle peut redouter qu’en révélant la vérité, elle porte atteinte à l’honneur de la famille. Ainsi, elle continue de vivre ses souffrances dans le silence. L’auteur du crime reste alors impuni jusqu’à ce que son comportement soit découvert, mettant fin alors à ses violences répétitives (Debauche, 2015).
Les actes de violences envers les enfants se produisent fréquemment au sein des ménages où le père s’est montré violent envers sa femme. Si le couple se sépare et que le père obtient des droits de visite, les enfants sont exposés aux risques de violences sexuels de la part de leurs pères pendant ces visites. Certains pères osent même tuer leurs enfants pour se venger de leurs femmes (Romito, 2011 : 90-92). Dans le cas du filicide (meurtre de l’enfant par un de ses parents), l’enfant est donc utilisé comme étant un objet de vengeance envers l’autre parent. Le père violent craignant que son enfant ne devienne comme lui, est susceptible de le tuer (Millaud et al., 2008).
La violence conjugale se manifeste également lorsqu’un frère tue une de ses sœurs (sororicide), ou qu’une sœur ou un frère tue un autre frère (fratricide). Les parents peuvent violenter leurs enfants. D’autres membres de la famille peuvent également commettre un acte de violence envers les autres (Rude-Antoine et Pievic, 2011 : 31). La violence conjugale fait partie des violences intrafamiliales. C’est ce sujet qui va être développé dans ce qui va suivre.
- La violence conjugale
- Définition et différentes formes de violences conjugales
La violence conjugale également appelée violence de couple est une forme de violences de genre au cours de laquelle, un individu utilise sa force physique ou verbale sur un autre afin d’établir un rapport de domination. Souvent, la violence conjugale est commise par un homme. Dans ce cas, elle constitue la manifestation du prolongement de la domination de l’homme sur la femme. Mais il existe aussi des formes de violences conjugales qui sont perpétrées par des femmes. La violence conjugale peut être appréhendée comme étant un problème social, psychologique, mais aussi, un problème de santé (Morvant et al., 2005).
Morvant (2005) définit quatre formes de violence : les violences verbales et psychologiques, physiques, économiques et sexuelles. Les violences verbales et psychologiques constituent les préliminaires des violences physiques. En premier lieu, l’agresseur commence par crier, ou à tenir des propos menaçants ou obscènes qui dévalorisent la victime. Il la culpabilise, la méprise à travers ses paroles. Mais parfois, l’agresseur refuse également d’adresser la parole à sa victime, ou la menace par le regard.
En ce qui concerne les violences physiques, il y a les gifles, les morsures, les crachats, les brûlures. Dans certains cas, l’agresseur recourt à la séquestration, utilise des armes ou des objets pour blesser la femme. Il n’est pas rare non plus que l’agresseur détruise les biens personnels de la victime ainsi que ses moyens de communication ou de déplacement tels que l’ordinateur, le téléphone, la voiture, etc. (Morvant et al., 2005).
Pour dévaloriser la femme et la rendre plus dépendante de lui, l’agresseur outre les autres formes de violence, peut perpétrer la violence économique. Cette dernière se manifeste par la confiscation de son salaire. Dans certains cas, le conjoint demande à sa femme d’arrêter de travailler ou de changer de travail tout en lui imposant toutes les dépenses du ménage. Au cas où la femme ne travaille pas, l’agresseur contrôle ses dépenses jusqu’au moindre sou. Parfois même, il ne donne pas d’argent à la femme au foyer (Morvant et al., 2005).
La violence conjugale se manifeste souvent par le viol qui oblige la femme à se soumettre aux désirs de pouvoir de son mari, sans avoir son mot à dire. Le viol conjugal est donc une appropriation du corps de la femme et l’acte en lui-même est utilisé pour punir la femme. Elle peut se manifester à travers les injures et les grossièretés dites à la femme. Le viol est également utilisé pour souiller le corps de la femme et pour l’avilir. Pour la femme, la soumission involontaire à ce viol pourrait être pensée comme un moyen de calmer la violence de l’autre ou un moyen pour y échapper. Et pourtant, des victimes rapportent que leurs agresseurs continuaient de les frapper même pendant et après l’acte. La victime croit que si elle ne s’y soumet pas, elle risque encore de subir la violence redoublée de son mari (Bin-Heng, Cherbit et Lombardi, 1996 : 61).
- Cycle de la violence
Le cycle de la violence explique les raisons pour lesquelles, la victime ne parvient pas à se résoudre à quitter son agresseur. La violence conjugale suit un cycle comprenant les quatre phases suivantes :
- Phase 1 – phase de tension: C’est une période marquée par des excès colériques, des silences lourds, des intimidations et des menaces de la part de l’agresseur. La victime sent bien cette tension qui monte et tente de calmer la situation. Cette situation fait monter l’anxiété chez la victime.
- Phase 2 – phase d’agression : Pendant cette phase, le conjoint agressif fait éclater sa colère sur sa femme. L’agression peut être verbale, psychologique, physique, sexuelle ou économique. La durée et la gravité des éclats de violence varient en fonction des cas. Après l’agression, la victime ressent de la colère et de la honte, ainsi qu’un fort sentiment d’injustice.
- Phase 3 – phase de justification : Après la crise de colère et de violence, l’agresseur se calme et s’excuse. Il justifie ses gestes et avancent des raisons extérieures à lui pour expliquer les raisons de son emportement. Il peut offrir même offrir un cadeau à sa victime pour se faire pardonner. Face à son geste, la femme accepte ses excuses et le couple vit normalement. Dans certains cas, la victime vit cette phase comme étant une deuxième lune de miel. Mais derrière ce geste, l’agresseur veut responsabiliser sa victime. Cette dernière va vouloir croire aux excuses et aux justifications. La posture qu’elle va prendre, c’est de s’ajuster aux comportements de son conjoints pour le faire changer. A ce moment précis, la victime va douter qu’elle était bien la victime d’agression. Elle ne se doute plus du fait que son mari soit violent puisqu’il est capable de se calmer et de s’excuser. Elle va se rendre responsable de la situation si bien que sa colère va disparaître aussitôt.
- Phase 4 – phase de réconciliation : C’est un moment caractérisé par une apparente désorientation de l’agresseur. Il veut inverser les rôles et se mettre à la place de la victime qui fait tout pour se faire pardonner, demande de l’aide, parle de thérapie voire même, de suicide. A ce terme, la femme voit une lueur d’espoir. Elle croit désormais que son agresseur fait de nombreux efforts pour changer. Ainsi, elle l’accorde une deuxième chance, change d’attitude envers celui-ci et l’aide (Bin-Heng, Cherbit et Lombardi, 1996 : 87-88 ; Prud’homme, 2011 : 181).
Or, lorsque la femme prend cette initiative après cette dernière phase, l’homme peut intensifier et augmenter la fréquence de ses agressions (Bin-Heng, Cherbit et Lombardi, 1996 : 87-88). En effet, cette dernière phase permet à l’agresseur de contrôler et de manipuler sa victime. Peu importe les humeurs et les comportements de son conjoint, elle va s’y ajuster. Elle va constater alors qu’elle n’a aucune prise sur sa vie de couple, se sent impuissante car les violences se renforcent. Par conséquent, elle en vient même à croire que les violences qu’elle subit sont normales et justifiées. Elle cherche constamment à trouver des justifications à ses attitudes et à sa situation (Prud’homme, 2011 : 181). Les périodes de tensions peuvent se multiplier et le couple entre alors dans une spirale de la violence (Bin-Heng, Cherbit et Lombardi, 1996 : 88).
- Les auteurs de violences conjugales
Le mari constitue l’auteur des violences conjugales en premier. Il établit une relation de domination sur sa femme en la considérant comme étant son objet sexuel, sa servante, la mère de ses enfants et toute autre forme lui permettant d’instaurer ce rapport de domination (Bin-Heng, Cherbit et Lombardi, 1996 : 56). Il s’impose comme étant le faiseur de loi au sein de la famille si bien qu’aucune décision ne peut être prise sans son autorisation, rien ne doit être fait sans son consentement. Il impose ses règles à la femme et aux enfants en mettant en avant sa force. Toute la famille doit alors suivre sa règle car, dans la maison, c’est la loi du plus fort et le plus fort, c’est l’agresseur. Il détermine les interdits, les dus de la famille. Il est le juge qui détermine les fautes et identifie les coupables. Il décret également les punitions à affliger à la personne qui n’a pas respecté ses règles (Bin-Heng, Cherbit et Lombardi, 1996 : 101-102).
En France, il a été constaté que les violences conjugales étaient commises par des agresseurs appartenant à différentes classes sociales et catégories socioprofessionnelles. Néanmoins, il existe des groupes au sein desquels, les violences conjugales sont plus fréquentes. Ainsi, les agresseurs au moment des faits sont pour la plupart, des chômeurs, des ouvriers ou des emplois. Les risques qu’ils deviennent violents diminuent chez les catégories socioprofessionnelles des cadres, des professions intellectuelles supérieures, les chefs d’entreprises, les artisans et les commerçants (Arnault, 2009 : 93).
Après la violence qu’il a faite sur sa femme, le conjoint violent se pose comme étant une victime et s’afflige lui aussi, de nombreuses punitions : accidents, blessures volontaires, dépense d’argent pour des raisons irrationnelles. Puis, il revient à la charge pour dénoncer encore sa femme comme étant à la source de ses malheurs même indirectement (Bin-Heng, Cherbit et Lombardi, 1996 : 102). L’homme agresseur peut se présenter comme étant un mari jaloux qui reproche à sa femme de se faire belle pour faire des avances à un autre homme. C’est la raison pour laquelle, il cherche à la rabaisser. Il est autoritaire et manipulateur et fait un chantage émotionnel à sa victime (Hernández Orellana, 2015).
Souvent, les auteurs de violences conjugales sont des hommes toxicomanes ou alcooliques et qui ont expérimenté des relations instables avec leurs pères pendant leur enfance. Certains n’ont pas ressenti l’affection de la part de leurs pères, et d’autres ont été victimes de violences conjugales eux-mêmes pendant leur enfance (Bourassa et al., 2013 : 156).
Bien qu’ils soient rares, les violences conjugales peuvent également être perpétrées par les femmes. Cette violence de la part de la femme pourrait être une réponse défensive à l’encontre de la violence de son conjoint (Morvant et al., 2005). Cela correspond à la résistante violente décrite par Michael Johnson (2008) cité par Lapierre et Côté (2014 : 73). Cet auteur a identifié trois formes de violences conjugales : le terrorisme intime, la résistante violente et le contrôle mutuel. Le terrorisme intime correspond à la forme de violence conjugale perpétrée par l’homme en vue de dominer sa femme. Mais quand le terrorisme s’intensifie, la femme va mettre au point des stratégies de résistance notamment à travers des violences verbales et physiques. La résistance violente s’apparente de ce fait, à un geste de légitime défense. Et pourtant, il est très rare qu’une femme parvienne à blesser gravement son agresseur. Cela vient du fait que les hommes sont plus corpulents que les femmes. La résistance violente de la femme et sa tentative de représailles physique se solde souvent par l’augmentation de la colère et de l’agressivité de l’agresseur.
Dans le cadre de la violence de couple situationnelle, le couple se dispute fréquemment, souvent au sujet des enfants, sans parvenir à trouver une solution. Des problèmes de communication viennent envenimer la situation qui devient alors ingérable et finit par l’accentuation des violences physiques, des blessures (Lapierre et Côté, 2014 : 73). Ainsi, la violence conjugale peut être commise aussi bien par l’homme que par la femme, mais la posture de l’un ou de l’autre détermine l’intensité de la violence.
Certaines cultures comme celles rencontrées en Afrique notamment, au Caméroun par exemple, élargissent le cadre conjugal à la belle-famille, aux enfants, ainsi qu’aux relations sociales des conjoints. Ces différents acteurs sont aussi susceptibles de perpétrer la violence conjugale sur la femme directement en violentant la femme ; ou indirectement, en légitimant les actes de violences conjugales. La société accepte en effet, l’implication voire même l’ingérence de la belle-famille dans la vie du couple. Elle approuve entre autres, le droit de la belle-famille de corriger la femme même dans sa sphère privée. L’adoption d’un style de mariage occidental par des femmes ayant épousé une personne issue de cette communauté suscite la volonté chez sa belle-famille à briser les limites culturelles et à corriger la femme selon les méthodes traditionnelles. Par ailleurs, ce comportement est très encouragé par le conjoint (Chouala, 2008).
- Profils des femmes victimes
Les femmes victimes de violences conjugales sont issues de différentes classes sociales, professionnelles, ethniques. Les profils des victimes varient d’une société à une autre. Ces variations en effet, sont liées à l’image de la femme telle qu’elle est acceptée par la société d’appartenance. A Antananarivo (Madagascar) par exemple, les femmes victimes de violences conjugales sont âgées en moyenne de 32 ans, sont en union libre et exercent une activité à faible revenu (artisanat ou commerce informel). La société malgache en effet, tend à idéaliser la femme au foyer qui s’occupe de son mari et de ses enfants. En exerçant une activité, elle s’écarte du modèle imposé par la société et suscite en même temps la jalousie du mari qui la suspecte d’avoir des relations avec d’autres hommes, de devenir indépendante de lui (Gastineau et Gathier, 2012).
A l’opposé, dans les pays industrialisés notamment en France, les victimes de ces agressions les plus graves sont les plus jeunes, souvent des femmes sans emploi ou des étudiantes ou des femmes dont la situation professionnelle est très instable. Souvent, les victimes sont des femmes qui ont déjà subi des violences sexuelles avant l’âge de 18 ans ou qui ont été témoin de violences très graves. Elles tendent de ce fait, à reproduire ce qu’elles ont constaté antérieurement (Morvant et al., 2005). Au Québec, les victimes de violences conjugales sont des femmes qui ne sont pas mariés avec leurs conjoints. Celles qui vivent dans une structure familiale où l’inégalité du genre est encore de rigueur sont à risque puisque l’homme agresseur va tenter d’imposer sa force et son pouvoir sur la femme. De même, lorsque l’inégalité économique se creuse entre la femme et l’homme, celle-ci présente un risque accru d’être violentée. Ainsi, les femmes qui n’ont que peu de ressources sont plus vulnérables par rapport aux femmes indépendantes économiquement (Chamberland, 2003 : 88-90).
Cependant, le profil des victimes change également en fonction du type de violence conjugale infligée et selon le pays considéré. Lamy et al. (2009) par exemple, ont étudié le profil clinique et psychologique de 628 femmes victimes de violences psychologiques admises aux urgences du CHU de Tours. Ils ont déterminé dans leur étude que ces femmes sont issues d’une catégorie socioprofessionnelle élevée. Cependant, leur examen a révélé que 83% d’entre elles ont auparavant vécu des expériences de vie traumatisantes.
- Les conséquences de la violence conjugale sur la femme, l’enfant et la vie de famille
La violence conjugale est une situation qui met la femme sur la position de dominée à tel point qu’elle n’ose plus faire quoi que ce soit envers son tortionnaire. Elle n’ose même plus parler ou prendre la moindre initiative. Désormais, toute sa vie tourne autour de l’interprétation que son mari va en faire (Bin-Heng, Cherbit et Lombardi, 1996 : 55-56). C’est une situation qui provoque une grande peur chez elle : peur que le mari ne la tue, peur qu’il lui enlève les enfants, etc. (Bin-Heng, Cherbit et Lombardi, 1996 : 61).
La violence conjugale provoque aussi le mal-être et la honte chez la femme. En essayant de s’ajuster aux humeurs de son agresseur, elle se sent impuissante. Dans ce cas, elle a peur que son agresseur ou que les « autres » ne lui reprochent de ne pas réagir face à son agression. A l’opposé, quand elle essaie de se défendre, son agresseur lui rappelle aussitôt qu’elle est la violente dans le couple. Cela va rapidement décourager la femme à réagir car dans l’un ou dans l’autre cas, elle est toujours fautive. Devant ce fait, elle ne peut recourir à aucune autre personne mise à part son conjoint. Les violences répétitives à l’endroit de la victime vont également susciter chez celle-ci le doute en ce qui concerne sa perception, ses valeurs et sa capacité à se défendre (Prud’homme, 2011 : 182). La violence conjugale est également source d’isolement social et psychologique (Morvant et al., 2005).
Pendant la grossesse, la violence conjugale est source de stress pour la mère. Or, le stress libère les hormones de stress qui pourraient favoriser les fausses couches et le faible poids du bébé à l’enfant. Nombre de femmes victimes de violences conjugales sont susceptibles de recourir à la consommation de substances illicites pour calmer leurs stress et leurs douleurs. Les violences peuvent provoquer la perte d’appétit, des troubles cardio-vasculaires et affectent de ce fait, le développement du fœtus. La mère peut également rejeter le bébé quand celui-ci résulte de la violence conjugale ou quand elle les a subies pendant la grossesse (Sadlier, 2015 : 25-26).
Outre à cela, les victimes présentent souvent des plaies, des brûlures, des fractures et des hématomes qui les conduisent parfois à l’hôpital. Dans les cas les plus graves, la violence conjugale se solde par le décès de la victime. Soit, celle-ci se suicide ; soit, elle finit par être tuée par son agresseur (Morvant et al., 2005).
La violence conjugale se répercute également sur les enfants du couple. Les enfants sont injuriés, parfois même battus au même titre que leurs mères (Bin-Heng, Cherbit et Lombardi, 1996 : 102). La violence a même des impacts non négligeable sur le développement et la survie psychologique et physiologique de l’enfant dès les premiers mois de la grossesse car, il vit dans une situation d’agressivité. Les besoins des enfants victimes et témoins de violences conjugales sont supérieurs à ceux des enfants n’ayant pas subis de telles agressions (Sadlier, 2015 : 19).
L’exposition de l’enfant à des scènes de violences conjugales répétitives affecte négativement sur les liens qu’il tisse avec ses parents. L’enfant témoin malgré lui de ces vagues de scènes terrorisantes, ne pourra trouver de l’assurance qu’en recourant vers un de ses parents qui sont, également les sources de sa peur. Il se trouve donc bloqué dans une situation paradoxale le conduisant à un attachement désorganisé. En étant vulnérables et ne sachant vers qui se tourner, l’enfant va essayer d’auto-réguler sa détresse. En quelque sort, il devient parentalisé et veille soit sur la victime de la violence, soit sur l’auteur de celle-ci. Parfois, l’enfant parentalisé va veiller sur ses deux parents. Or, c’est le phénomène inverse qui devrait se produire. Il appartient aux parents de veiller sur leurs enfants pour qu’ils puissent se développer (Sadlier, 2015 : 22).
Quand le lien parent-enfant se brise, l’enfant se trouve au centre d’un chantage affectif. Il ne pourra que prendre le parti de l’un de ses deux parents. Il n’a d’autre choix que d’aller avec la victime qui se trouve en position inférieure ou choisir l’auteur de la violence en position de domination. Le choix d’affiliation à l’un des parents est considéré par l’enfant comme étant un moyen pour retrouver son équilibre émotionnel. Mais en même temps, cette situation paradoxale le contraint à se focaliser sur sa sécurité et sur celle de ses parents (Sadlier, 2015 : 23).
Les violences conjugales sont sources de souffrances émotionnelles et de troubles de comportements chez les enfants victimes. Ils sont plus susceptibles de se replier sur eux-mêmes et tendent de ce fait, à s’isoler. Ils deviennent plus agressifs envers eux-mêmes et envers les autres. Ces violences ne manquent pas d’impacter sur les capacités de l’enfant et ses motivations à aller à l’école. Les enfants témoins ou victimes de violences répétitives sont plus enclins à présenter des troubles de sommeil. Ils se montrent incapables d’accomplir des activités banales. Ils évitent ou fuient les situations ou les personnes qui pourraient leur rappeler l’agression physique ou verbale (Sadlier, 2015 : 24-25).
Du point de vue physique, ces enfants sont susceptibles d’être blessés accidentellement lors des éclats de violences. Nombre d’enfants exposés à la violence conjugale montrent des troubles du comportement alimentaire. Ils refusent de se nourrir. Certains développent des idées suicidaires, recourent à l’alcool ou à des substances illicites pour soulager leur mal-être. Les conséquences de la violence conjugale se posent chez l’enfant et l’adolescent ayant été exposé à la violence conjugale à court, à moyen et à long terme. De nombreux enfants dans ce cas sont sujets au syndrome de stress post-traumatique (SSPT) (Côté et Lessard, 2009 : 122-123).
La vie de famille toute entière se trouve déstabilisée par la violence conjugale. Dans ce sens, elle brise les liens entre le père et son enfant. Une étude qualitative menée au Québec auprès de 22 pères atteste de ce fait. En devenant agressifs avec les enfants et leurs mères, ils n’ont que peu ou pas de contacts avec leurs enfants. Dans la plupart des cas, ces hommes présentent une addiction à l’alcool ou aux substances illicites. Cela explique en partie leurs comportements agressifs, mais pour les enfants, c’est une cause de perte de crédibilité de leurs pères à leurs yeux. Les enfants n’ont plus confiance en leurs pères et ceux-ci ne veulent plus leur apporter les soins qu’ils devraient pourtant assurer (Bourassa et al., 2013 : 155). En somme, la violence conjugale remet en question les liens relationnels et affectifs qui devraient être établis au sein d’une famille (Girard et al., 2004 : 479).
- L’accompagnement des femmes victimes de violences conjugales
Les victimes éprouvent de la honte si bien qu’elles n’osent pas fréquemment parler à une autre personne sa situation. Ainsi, quand elles sont identifiées, leur accompagnement commence par l’écoute empathique. Il s’agit de ne pas remettre en question leurs dires, mais de les écouter et de croire en ce qu’elles disent. L’expression de leurs ressentis constitue pour les victimes, un moyen pour sortir de la honte. Pour l’accompagnateur, c’est une opportunité pour identifier ses besoins et d’agir en conséquent (Morvant et al., 2005). L’accompagnement d’une femme victime de violence conjugale requiert de ce fait, l’installation d’un climat de confiance lui permettant de s’exprimer librement. Le professionnel qui l’accompagne pour sa part, doit l’écouter attentivement et avec empathie. Ecouter la victime suppose que le professionnel accorde un crédit à ce qu’elle dit (Debats et al., 2009 : 60).
Les victimes de violences conjugales se caractérisent par une faible estime de soi, causant une dépendance affective envers leurs agresseurs. Dans cette optique, elles ne vont plus chercher à les quitter. L’accompagnement des victimes requiert de ce fait, un travail sur l’estime de soi. Il nécessite entre autres, de fournir à la victime des moyens pour sortir de ce cycle de la violence en lui faisant comprendre qu’elle est victime et qu’elle peut agir sur sa situation (Prud’homme, 2011 : 184).
Mis à part la considération de l’individu dans son unicité, il est également possible de faire un accompagnement collectif. Ce mode d’accompagnement est surtout utilisé pour aider les victimes à trouver un hébergement et pour faciliter son insertion au sein de la société. Dans ce cas, les victimes sont invitées à s’exprimer dans des groupes de paroles qui traitent le thème de la violence conjugale. En favorisant les rencontres et les échanges entre les femmes qui ont vécu des situations similaires, il pourrait être plus facile de déclencher l’entraide, le soutien et l’encouragement entre elles. Les groupes de paroles permettent entre autres, de briser l’isolement de la femme. Pour les victimes, ces échanges leur permettent de connaître qu’elles ne sont pas seules à vivre une telle situation et que les autres femmes pourraient leur conseiller vu qu’elles étaient à la même situation auparavant. Cela complète l’accompagnement individuel prodigué à la victime. Le groupe de parole permet donc d’une part, de prendre conscience de ce qui arrive à soi et d’autre part, de connaître sans juger la situation des autres et des actions qu’elles ont menées pour s’en sortir (Debats et al., 2009 : 62).
Il faut noter que les femmes victimes de violences conjugales peuvent aussi être des mères de famille. L’enfant est donc à mettre au centre de l’accompagnement. La prise de décision de la femme prend compte en effet, de l’enfant. D’ailleurs, certains enfants accompagnent leurs mères lorsqu’elles viennent dans les établissements. Cela révèle d’une part, qu’ils cherchent à protéger et soutenir leurs mères, mais d’autre part, c’est aussi un signe qui dit que l’enfant souhaite également s’exprimer sur ce qu’il a vu et ce qu’il a vécu. Dans ce cas, il est impératif de laisser aussi parler l’enfant en présence de sa mère. L’accompagnement se fait donc au niveau du dyade mère-enfant (Debats et al., 2009 : 66).
- Diagnostic socio-éducatif et conception du projet d’accompagnement personnalisé
- Diagnostic socio-éducatif
- Présentation des situations de départ
a.1) Situation 1 : le cas de madame Sana
Pour préserver son anonymat, je vais appeler la mère en difficulté madame Sana, et sa petite fille, Aldama. Elles étaient venues au centre maternel suite aux violences physiques, sexuelles et psychologiques faites par son compagnon, que j’appellerais M. Momo. Ce dernier semble également connaître une instabilité professionnelle et familiale. Il ne parvient pas à se poser dans aucun projet professionnel et vit chez son frère à Paris. Madame Sana vivait pour sa part, chez sa famille avant son admission au sein du centre maternel.
Madame Sana est née au Sénégal en 1996. Elle a quitté le Sénégal pour venir vivre en France avec son père et ses sœurs à l’âge de 14 ans. Elle fait la connaissance de M. Momo sur site de rencontres. Ils décident de se rencontrer physiquement lors d’une fête d’anniversaire chez son cousin. Elle a appris par la suite qu’elle était enceinte et en a fait part à M. Momo. Le couple s’est séparé parce que M. Momo ne voulait pas d’enfant. Peu après, ils se sont reconciliés. Mais le jour de l’accouchement, ils se sont encore disputés. Mme Sana rentre alors chez ses parents. Une assistante sociale la conseille de lancer une procédure pour déterminer la pension alimentaire et le mode de garde. M. Momo a reconnu sa fille, mais ne s’est pas impliqué pour autant dans les projets concernant celle-ci.
Le couple s’est encore remis ensemble jusqu’au sixième mois d’Aldama. M. Momo est parti en vacances chez lui à Mauritanie. Lors de son retour, leur relation de couple s’est dégradée. M. Momo lui infligeait d’abord des violences psychologiques, puis physiques, et enfin, sexuelles. Il regardait un film pornographique et se masturbait devant sa compagne et sa fille. S’ensuit une violente dispute. Il l’a alors étranglée devant sa fille jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse. Quand elle a repris connaissance, il s’est excusé. Il lui imposait des pratiques sexuelles auxquelles, elle ne consentait pas. Il se montrait très jaloux. Il était également violent avec sa propre fille qu’il traitait de « pute » comme sa mère. Le couple a fini par se séparer. Les violences se sont intensifiées lorsque Mme Sana s’est séparé de son ex-compagnon. Il la harcèle au téléphone, et la menace de mort. Il publie dans les réseaux sociaux des photos compromettantes de Mme Sana. Depuis, elle vit dans la peur. Elle n’ose parler ni à la police, ni à sa propre famille qui a déjà programmé son mariage avec M. Momo.
A son entrée au centre maternel, madame Sana montrait des signes visibles de fatigue et de repli sur soi. Elle s’enfermait dans son studio, fermait les volets et restait dans l’obscurité avec sa fille. Elle prenait peu soin d’elle et tendait à se cacher à travers des habits amples, trop grands. Elle appréhendait les rendez-vous avec les professionnels : soit elle arrivait en retard, soit, elle les oubliait. Cependant, elle venait nous voir en-dehors des rendez-vous pour discuter. Nous prenions notre déjeuner ou dîner ensemble pour nouer des liens avec l’accompagnée. Mais même pendant ces temps, elle restait dans sa bulle, regardait la télévision, sans trop se préoccuper de la réalité.
Lorsqu’elle était admise au centre maternel en juillet 2008, les deux parents avaient l’autorité parentale sur la petite Aldama. En effet, M. Momo essayait de garder le lien avec Mme Sana à travers leur fille. Ainsi, il s’est montré très aimable avec Mme Sana si bien qu’elle a accepté que M. Momo accueille chez lui la petite Aldama un weekend sur deux. Mais au fil du temps, les comportements de M. Momo vont susciter la peur chez Mme Sana qui va demander alors l’exclusivité de l’autorité parentale sur sa fille. M. Momo n’a pas respecté son droit d’hébergement et voulait imposer à Mme Sana l’accueil d’Aldama à son domicile à Paris où il vit avec son frère.
En janvier 2020, Mme Sana obtient la protection de la justice et M. Momo n’a plus de droit de visite ou d’hébergement pour sa fille. Il ne peut pas non plus approcher Mme Sana. Et pourtant, M. Momo continuait de la menacer et de pénétrer dans sa chambre au sein du centre maternel. Il la suivait alors qu’elle sortait pour sa formation, l’insultait et l’a blessée en lui arrachant son téléphone devant de nombreux témoins. Mme Sana a subi par la suite les jugements des autres mères accueillies au sein du centre maternel. Celles-ci lui reprochaient d’être à l’origine de l’introduction de M. Momo au sein du centre ainsi que de son propre malheur.
Mme Sana est une femme généreuse et serviable qui n’hésite pas à aider les autres. Elle trouve beaucoup de plaisir à écrire. Dans son blog, elle reprend en partie, les violences qu’elle a vécues. Elle met l’accent sur ses émotions et ses ressentis. Elle est très ambigüe sur sa sexualité. Après sa séparation avec son ex-compagnon, elle a eu une aventure avec une autre femme du centre maternel.
a.2) Situation 2 : le cas de madame Gérardine
Pour préserver son anonymat, je vais appeler la deuxième victime de violences conjugales Mme Gérardine, son fils, Isaac et son ancien compagnon M. Sylvain. Mme Gérardine est née en France en 1998. Avant son admission au centre maternel, elle habitait chez une amie de son père à Paris pour éviter les conflits avec sa famille. Mais cette dernière ne pouvant pas prolonger l’hébergement de Mme Gérardine et d’Isaac, la mère de famille a dû se tourner vers l’établissement. Son père se trouve également dans une situation complexe puisqu’il est lui-même hébergé et ne peut pas dans cette optique, se permettre d’accueillir sa fille et son petit-fils.
Mme Gérardine n’a eu aucun diplôme et n’est plus dans le milieu scolaire. En troisième, elle a prévu de suivre un CAP Petite Enfance mais elle a décroché lorsqu’elle a quitté le logement de son arrière-grand-mère pour aller chez sa tante. Elle a tenté de poursuivre ce projet un peu plus tard, mais cela n’a jamais pu aboutir parce qu’elle était tombée enceinte. A l’heure actuelle, elle montre encore quelques signes de désorientation en ce qui concerne son avenir et celui de son fils. Elle est sans ressource et a contracté de nombreuses dettes.
A son arrivée et même actuellement, Mme Gérardine se montre très vulnérable. Elle montre des signes visibles de frustration et d’instabilités à cause de ses relations conflictuelles avec sa propre famille, mais aussi avec son père. Le cas de Mme Gérardine se distingue par le fait qu’il n’y pas qu’un seul agresseur, mais des agresseurs. M. Sylvain, également Français a eu une relation avec Mme Gérardine depuis juillet 2017. Mais tout au long de leur relation, il s’est montré violent envers Mme Gérardine. Cependant, elle n’a jamais déposé plainte. Par contre, elle s’est séparée de M. Sylvain en août 2018. Outre à cela, la mère et la sœur de M. Sylvain entre également dans leur relation de couple et se disputent également avec Mme Gérardine et l’ont agressée physiquement. Après avoir passé quelques jours chez son ancien compagnon en janvier 2019, la jeune femme a reçu des coups de la part de M. Sylvain et de sa sœur.
Après la naissance du petit Isaac et de la séparation du couple, les violences de M. Sylvain se sont accentuées. Il a osé même porter la main sur le petit âgé au moment des faits, de six mois. Il a étranglé Mme Gérardine et lui a porté trois coups de poing au visage. Elle a crié pour que les voisins entendent sans que ceux-ci ne réagissent à ses cris. Elle a déposé plainte et n’a plus aucun contact avec le père de son fils.
- Analyse des différents besoins de la mère victime de violence conjugale
Le cas de madame Sana
Lors de mes échanges avec madame Sana, j’ai observé son désespoir et sa désorientation. Elle ne parvient pas à trouver ses repères. Cela pourrait provenir du fait qu’elle a connu de nombreuses ruptures avec les personnes qu’elle aime depuis son enfance. D’abord, il y a la rupture de ses liens avec son père qui quitte sa famille pour épouser une Française en vue d’avoir des papiers. Madame Sana est témoin de la violence physique de son père envers sa mère. Elle est devenue une enfant parentalisée car, elle devait s’occuper de sa mère et de sa sœur après le départ de son père.
La deuxième rupture survient avec ses grands-parents maternels et plus particulièrement, avec son grand-père qui interdit sa femme de visiter madame Sana, sa sœur et sa mère, qui était souffrante à cette époque. Du côté maternel, ses grands-parents entrent également en conflit, ce qui va se solder par le divorce et le remariage de son grand-père maternel. C’est là uniquement que madame Sana pourra retrouver ses liens avec sa grand-mère maternelle. Une troisième rupture survient lorsque cette dernière présente des troubles psychologiques et qu’elle a commencé à frapper sa petite-fille et l’a mise par la suite, sous une douche froide. De fil à aiguille, elle a encore dû se séparer d’elles pour s’installer chez son grand-père paternel à la demande de son père. Elle connaîtra une rupture douloureuse à la mort de sa mère qui va succomber à la suite de sa maladie et qu’elle sera obligée de s’adapter aux conditions de vie chez son grand-père.
La rupture culturelle et la perte d’identité vont survenir lorsque madame Sana va quitter le Sénégal, son pays natal, pour s’installer chez son père et sa nouvelle belle-mère avec qui, il a eu un autre enfant. Les violences physiques et les insultes de sa belle-mère ont déstabilisé la vie de madame Sana. Elle est privée de ce qu’elle aime notamment, la lecture. Or, cela lui aurait permis de s’épanouir. Son déracinement semble impacter sur sa socialisation. Elle ne parvient pas à se faire des amis au collège et subit les moqueries de ses camarades. A la maison, elle est violentée aussi bien par son père que par sa belle-mère. Elle semble être au cœur d’un chantage affectif entre son père et sa nouvelle femme. Le climat familial étant trop tendu, son père la renvoie de nouveau au Sénégal au bout de deux ans. Cela constitue une autre rupture.
Les relations entre madame Sana et son père ne seront plus ou moins stabilisées que quand celui-ci décide de se remarier avec une nouvelle épouse d’origine sénégalaise. Cette dernière prend aux yeux de madame Sana la figure maternelle qu’elle a perdue. D’ailleurs, elle va l’appeler « maman », signe qu’elle avait besoin encore de sa mère qui pouvait la protéger. Madame Sana dit n’avoir jamais subie de violences de la part de sa nouvelle belle-mère. Par ailleurs, c’est cette dernière qui va convaincre son mari de la ramener en France. La famille se retrouve alors. Il nous semble que madame Sana a enfin trouvé une mère, mais n’a pas encore trouvé un père, un homme qui puisse la protéger car, elle se sentait désorientée, dévalorisée au sein de la société d’accueil. Elle pensait alors trouver cette figure de protection chez son compagnon. Or, celui-ci la violentait également. Par conséquent, madame Sana semble être bloquée dans la spirale de la violence conjugale connue par ses grands-parents, ses propres parents et par elle-même. Elle vit dans la souffrance et la peur.
Dans cette optique, elle pourrait aussi prendre peur pour l’avenir de la petite Aldama qu’elle sent en danger vu que son ex-compagnon parvient toujours à s’introduire dans leurs studios malgré les dispositifs mis en place et la menace. Elle ne se sent pas soutenue par sa famille sous prétexte que son mariage avec le père de son enfant était déjà prévu et ne pouvait donc plus être annulé. Elle a besoin de se trouver un équilibre en cherchant du travail lui permettant de subvenir aux besoins de sa fille. Mais par-dessus tout, elle a besoin de trouver la protection pour elle et pour sa fille. Ses liens avec sa fille ne sont pas instables, mais elle a besoin de revoir son emploi du temps pour mieux l’adapter à ses besoins et à ceux de sa fille.
Le cas de Mme Gérardine
Mme Gérardine est une mère attentionnée qui se préoccupe de l’éducation et des soins apportés à son fils. Elle souhaite l’élever dans un cadre sans violence. La protection de son enfant est primordiale pour elle. Ainsi, l’hébergement et plus particulièrement, le logement sécurisé pour elle et son fils constitue sa première préoccupation. Et pourtant, elle ne peut pas être logée chez sa famille ou chez l’amie de son père indéfiniment. C’est la raison pour laquelle, à l’instar du précédent cas, elle a besoin d’accompagnement pour trouver un logement social, qui pourrait garantir une condition de vie pour elle et pour son fils, mais aussi leur sécurité (par rapport à M. Sylvain qui se montre de plus en plus violent et menaçant).
Tout comme Mme Sana, Mme Gérardine a également connu les tensions et les rapports conflictuels au sein de sa famille. Cette dernière lui reproche d’avoir eu un enfant trop tôt et ne lui accorde aucun soutien. Elle est en colère contre sa mère, le reste de sa fratrie et sa tante. Elle a quelques échanges avec son arrière-grand-mère, mais ceux-ci sont négatifs. De plus, elle se trouve isolée géographiquement de sa famille qui se trouve en Ile-de-France, à l’exception de sa mère qui s’est remariée et est partie vivre dans le sud de la France. Depuis, Mme Gérardine n’a plus de contact avec sa mère. Elle se trouve donc isolée, ne trouvant pas de liens affectifs familiaux pour la rassurer. La famille ne se parle plus et elle ne veut pas non plus, parler avec le père de son fils. Mme Gérardine ne possède aucun point d’ancrage et tend à se refermer sur elle-même. Ainsi, Mme Gérardine a besoin d’être écoutée, de se sentir soutenue.
J’ai aussi remarqué chez Mme Gérardine, une expression agressive de sa frustration. Elle n’a pas de problème particulier pour entrer en relation avec les professionnels de l’établissement. Par contre, ses relations avec les autres résidentes peuvent devenir conflictuelles. Ses altercations violentes avec d’autres résidentes ont obligé la direction de l’établissement à lui donner un premier avertissement. Mais par la suite, elle a aussi enfreint le règlement intérieur du centre maternel. Par conséquent, elle a dû effectuer un travail d’intérêt général avec un agent d’entretien. Elle a reconnu qu’elle a eu un comportement irrespectueux envers les résidentes et de l’ensemble du personnel et se met un peu plus à l’écoute des recommandations. L’observation de cette poussée de violence et de refus de se plier aux règles qui régissent sa communauté d’accueil me fait réfléchir sur le mal-être profond dans lequel, la victime de violence conjugale vit.
Durant sa relation avec M. Sylvain, elle n’a pas osé parler, ni porter plainte pour les violences conjugales et les dommages matériels et immatériels qu’elle a connus. Mais une fois qu’elle se sent plus à l’aise et protégée dans cette structure d’accueil, alors elle se relâche pour vociférer sa frustration et de retourner tous les coups qu’elle a endurés contre ses co-résidentes. Je pense de ce fait, que Mme Gérardine a besoin d’un accompagnement pour l’apprendre à mieux gérer ses émotions et pour l’aider par la même occasion, à s’insérer au sein de la société. Tout cela exige en effet, le respect de la loi, des différentes règles pour assurer l’harmonie de la société. Cela lui sera d’une grande aide aussi bien, pour son insertion sociale que pour son insertion professionnelle. Je pense entre autres, qu’elle a besoin d’accompagnement pour l’aider à exprimer correctement et de manière pacifique et respectueuse, ses ressentis, ses impressions.
Mme Gérardine est traumatisée. Elle souhaite commencer un travail psychologique pour faire face à la peur, l’angoisse et la frustration. Elle a besoin d’un soutien psychologique pour pouvoir se projeter à l’avenir avec Isaac. Elle ne montre aucune réticence pour aller chez la psychologue. Néanmoins, elle est très impatiente quant aux résultats. Elle attend que les interventions de la psychologue donnent des résultats immédiats. Cela explique la raison pour laquelle, elle a manqué son dernier rendez-vous avec la psychologue. Sur ce point, elle a encore besoin d’aide pour qu’elle puisse atteindre ses objectifs.
- Analyse des différents besoins de l’enfant
Le cas d’Aldama
Au premier jour de son entrée, la petite Aldama ne manifestait pas d’inquiétude. Elle investissait l’espace de jeu avec sa mère et rejoignait les autres enfants pour jouer. Madame Sana jouait également avec sa fille. Mais au fur et à mesure, j’ai constaté quelques signes d’anxiété et d’agressivité chez la petite fille. Alors qu’elle jouait avec les autres enfants, elle tentait à plusieurs reprises de prendre les jouets d’une autre petite fille accueillie au centre maternel. Elle n’hésitait pas à crier, à taper et à tirer les cheveux voire même, à griffer l’autre enfant si celle-ci ne se laissait pas faire. La petite Aldama se mettait très vite en colère et pouvait se montrer particulièrement agressive si elle n’obtenait pas ce qu’elle désirait. Quand sa mère était présente, Aldama ne s’en éloignait jamais et revenait souvent lui faire des câlins. A sa première séparation de sa mère, elle se mettait à pleurer et réclamait celle-ci. Mais après, les séparations se faisaient plus facilement.
Pendant les premiers repas à la crèche, l’enfant présentait également des troubles au niveau du comportement alimentaire. Elle mangeait de toutes petites quantités et semblait se rassasier très vite. Madame Sana a expliqué que ce comportement résultait du fait que sa fille grignotait à longueur de journée et ne parvenait à prendre que de petites quantités de nourriture à la fois. Il était également très difficile de faire dormir la petite Aldama à la crèche. Elle s’endormait rapidement puis, se réveillait en sursaut au bout de trois minutes. Elle s’agrippait alors à l’adulte qui se trouvait près d’elle et le griffait. Elle se rendormait par la suite, la tête sur les jambes de l’adulte et le reste du corps sur son matelas. Elle pleurait à son réveil, s’apaisait, se calmait assez rapidement à la vue de la professionnelle qui la prend dans ses bras. Selon sa mère, les comportements de la petite Aldama provenaient des irrégularités au niveau de l’heure à laquelle, la petite prenait ses repas et dormait. Madame Sana et sa petite fille ne sortaient pas beaucoup de leurs studios, ce qui fait qu’elles étaient plutôt renfermées.
Madame Sana semblait très ravie de l’adaptation qu’offrait la crèche à sa fille. Mais peu à peu, elle montrait des signes de fatigue. Elle se réveillait péniblement le matin, pendant le temps d’adaptation de sa fille et exprimait son épuisement aux professionnels. Malgré cela, elle s’est toujours montrée attentive à ce que faisait sa fille avec qui, elle joue souvent. A l’heure actuelle, la petite Aldama joue beaucoup. Depuis son admission au centre maternel, le langage de la petite a beaucoup évolué. Elle est capable de dire des petites phrases et continue d’enrichir son vocabulaire. Cependant, elle continuer à jouer seule. Elle échange des phrases avec les autres enfants, mais préfère toujours rester seule pour jouer dans son coin.
Aldama se montre curieuse et participative pour réaliser des activités plus structurées. Elle s’intéresse à tout ce que les autres font. Il lui arrive d’arrêter son jeu pour voir ce que les autres font. Elle se montre plutôt mûre pour son âge. Elle intervient pour régler les conflits de deux enfants en leur rappelant la discipline. Si auparavant, elle montrait des signes d’anxiété, les accompagnements que nous lui avons fournis l’ont permis de gérer sa colère et de s’ouvrir aux autres en exprimant directement ses besoins. Elle arrive à verbaliser ses ressentis si bien qu’elle n’a plus besoin de crier pour se faire entendre. Elle est attentionnée avec les autres enfants et les professionnels. Elle demande aux professionnels et aux autres enfants s’ils vont bien et les caresse, les embrasse pour les apaiser ou les consoler. Elle ne trouve pas non plus ses repères horaires depuis que sa mère a fait une formation car, celle-ci arrive souvent en retard. Pour aider Mme Sana, nous lui avons suggéré de suivre les horaires.
Au début de son admission, l’enfant présentait des besoins pour réadapter son rythme de vie. A l’heure actuelle, elle sait se montrer patiente lors du repas. Elle mange normalement et demande même d’être resservie. Elle n’est plus agressive et aide les autres enfants. Par exemple, elle essuie la bouche à un enfant qui se trouve à côté d’elle. Elle prévient l’adulte en cas d’incident. Elle commence aussi à avoir un sommeil normal. Elle ne pleure plus au réveil et se réveille d’elle-même. Mais elle a encore besoin d’avoir plus d’ouverture avec les autres puisqu’elle joue seule. C’est la raison pour laquelle, l’équipe de la crèche va continuer à soutenir Aldama dans l’expression de ses émotions et de ses ressentis pour ne plus être contrariée et ne plus fondre en larmes. Elle va également poursuivre l’accompagnement de Mme Sana en vue de faire évoluer sa fille et l’aider à répondre aux besoins de celle-ci pour qu’elles puissent sortir prochainement du centre maternel.
Le cas d’Isaac
Le petit Isaac est né en juin 2018. Son père, M. Sylvain l’a reconnu, mais ne s’est pas impliqué dans son éducation ou dans son entretien. Il ne cherche même pas à voir son fils. Peu après sa naissance, Mme Gérardine a donné l’enfant à M. Sylvain pour qu’il le garde pendant quatre jours. Cependant, peu de temps après, il l’appelle pour récupérer le petit Isaac sous prétexte qu’il n’arrive plus à supporter les cris du bébé. Sachant qu’elle allait récupérer leur enfant, M. Sylvain l’a attendue à l’improviste dans le couloir, en disant des insultes à l’endroit du petit Isaac. De plus, il a agressé sa mère en sa présence et il a également porté deux gifles au visage du petit. C’est la raison pour laquelle, Mme Gérardine a demandé la garde exclusive du petit Isaac. Mme Gérardine se trouve de ce fait, seule pour élever l’enfant.
Pendant ces quelques jours où l’enfant a été gardé par son père, je ne peux pas avoir des éléments précis concernant la relation que le père a eue avec son enfant. Je ne peux que suspecter des violences. Il n’a pas hésité à frapper publiquement l’enfant sur son visage, il est possible qu’il ait pu aussi agir de la sorte chez lui, quand il était seul avec le petit Isaac. Mais ce dernier ne sachant pas encore parler, ne peut pas témoigner des liens qu’il a eus avec son père. En tout cas, le comportement de M. Sylvain laisse penser qu’il n’a jamais voulu cet enfant et qu’il n’a aucunement l’intention de s’en occuper. Les violences physiques telles que celles subies par le petit Isaac peuvent déjà briser ses liens avec son père même à cet âge avancé.
Malgré le contexte difficile de son éducation et de son entretien, le petit Isaac montre un comportement positif. Il est plutôt calme et a de très bonnes relations avec sa mère. Du point de vue santé, il présente un léger souffle cardiaque. Il avait donc besoin de soins qui doivent également être suivis. Etant donné qu’il soit encore âgé de quelques mois, il a besoin d’accompagnement pour son éveil et son éducation. Il a besoin de protection au même titre que sa mère qui se trouve violentée. Afin que sa mère puisse subvenir aux besoins de l’enfant, nous lui avons proposé un accompagnement pour son insertion professionnelle. Le centre maternel pour sa part, lui propose d’accueillir son bébé dans une crèche.
Bien que ses relations avec son père soient tendues et pourraient ne pas se rétablir, les relations du petit Isaac avec sa mère sont très bonnes. Elle se montre très attentionnée envers son fils mais ne le laisse pas pour autant, avoir des comportements désobligeants avec les autres. Elle parvient sans difficulté à imposer son autorité envers son fils en cas de besoin. Cela ne veut pas pour autant dire qu’elle est autoritaire avec son fils. Elle veut seulement poser les limites à son fils. Et elle se montre très fière de cette capacité. De plus, elle pose des questions aux professionnels pour leur demander conseil en ce qui concerne le développement de l’enfant. Le petit montre beaucoup d’attachement à sa mère sans pour autant, se montrer trop invasif au point de pleurer lorsqu’il se sépare d’elle pour la première fois. Lorsqu’elle revient, il se montre toujours souriant et calme.
Dès son arrivée jusqu’à présent, Isaac n’a pas montré de difficulté particulière à s’adapter à l’environnement de la crèche. Il parvient rapidement à intégrer le groupe d’enfants ayant été accueillis dans la crèche avant lui. Isaac ne reste pas jouer dans son coin. Il se fait très vite des amis avec qui, il joue. Il communique et joue avec tous les enfants sans distinction d’âge. Il leur sourit et les caresse, mais parfois, sans le vouloir, il en vient à ennuyer les autres tant il est enthousiaste. Il n’est pas agressif et imite le mouvement des autres enfants. Il les console lorsqu’ils pleurent. Mais il accepte également les jeux avec sa mère et les professionnels de l’établissement. Isaac est un enfant curieux qui cherche à explorer l’espace de jeu. Quelquefois, il lui arrive de prendre le jouet d’un autre enfant, mais il le lui rend directement lorsque le professionnel le lui dit. Isaac aime les activités motrices. Il est toujours en mouvement et explore chaque jour de nouvelles activités.
Isaac ne s’arrête que lorsqu’il est fatigué. A ce moment, il pleure et ne peut être calmé que quand un adulte vient le prendre dans ses bras. Nous avons pu observer que le petit Isaac est en quête d’attention que ce soit de la part des autres enfants, que de la part des adultes. C’est la raison pour laquelle, il n’hésite pas à venir vers les adultes pour discuter avec eux avant de partir jouer. Il n’aime pas lorsqu’il y a des irrégularités au niveau de l’horaire où il prend son repas. Il ne présente pas de troubles du comportement alimentaire.
Isaac ne présente pas des troubles du sommeil tant il se dépense lors de ses activités. Mais il réclame toujours une présence pour le rassurer. L’accompagnement dispensé au petit Isaac consiste donc principalement à l’aider à prendre sa nourriture à table de manière autonome. Vu qu’il s’est toujours tourné vers des activités motrices, l’équipe de la crèche pense l’aider à développer sa concentration pour l’orienter vers d’autres activités moins motrices.
- Conception du projet d’accompagnement personnalisé
- Les interventions menées auprès de la mère victime de violence conjugale
Le cas de madame Sana
Mme Sana est titulaire d’un Bac littéraire. Cependant, elle se repliait sur elle-même, se dévalorisait et était très renfermée. Nous avons donc menée des actions afin qu’elle puisse s’épanouir en la soutenant dans son insertion professionnelle. Cela a requis l’appui de madame pour qu’elle puisse suivre une formation en secrétariat. Dès le début de sa formation, j’ai constaté que Mme Sana a repris confiance en elle-même. Elle s’ouvre un peu plus aux autres et fait de nouvelles connaissances. Elle a également obtenu sa certification et a trouvé un emploi à temps plein en intérim à Paris. Son contrat a été renouvelé pour un mois de plus. Elle bénéficie entre autres, d’une aide à la gestion du budget des familles depuis janvier 2019, ce qui lui a permis d’équilibrer son budget. Elle possède entre autres, une petite épargne grâce au suivi de l’UDAF.
Mme Sana est visiblement sortie de l’emprise de M. Momo. Néanmoins, elle est vulnérable psychologiquement. Il semble qu’elle ne soit pas encore complètement remise de sa situation. C’est ainsi que je lui ai proposé de consulter un psychologue, mais madame semble être réticente pour y aller, prétextant le manque de temps. J’ai respecté son choix. Mais, avant son départ, elle va rencontrer les différentes associations qui pourraient l’aider à surmonter la situation. Finalement, elle a accepté de voir la psychologue qui a trouvé qu’elle avait besoin de se changer les idées lorsque ses crises d’angoisse ressurgissent.
La petite Aldama a eu 3 ans au mois de janvier 2020. Par conséquent, Mme Sana doit quitter l’établissement. Ainsi, elle a été accompagnée dans les démarches administratives de recherche de logements. Son dossier a été étudié et a été accepté pour bénéficier d’un bail glissant. Elle souhaite accéder à un logement près de l’établissement où elle se sent protégée. En effet, elle a très peur de vivre seule. Outre sa protection et celle de sa fille, Mme Sana a peur de ne pas pouvoir gérer ses dépenses et de faire revivre son expérience antérieure à sa fille : manque de ressources, multiples carences, etc.
Le cas de Mme Gérardine
La première intervention qui a été entreprise auprès de Mme Gérardine et de son fils fût l’accueil au centre maternel pour qu’ils puissent vivre même temporairement dans un cadre sécurisé et adapté où ils peuvent trouver les aides dont ils ont besoin. Par la suite, comme elle n’avait aucune ressource et qu’elle devait rembourser des dettes importantes, nous lui avons soutenue dans ses démarches d’insertion professionnelle. Pour le bien de la mère et de l’enfant à long terme, il a été nécessaire de séparer la dyade mère-enfant pour que la mère puisse travailler son insertion professionnelle.
La deuxième intervention menée auprès de la mère en difficulté est son accompagnement dans l’insertion professionnelle. Mme Gérardine est très motivée pour trouver un emploi stable. C’est dans ce cadre qu’elle a fait à la fois une inscription au pôle emploi et un pré-entretien pour devenir agent de numérisation. Elle a obtenu un contrat de travail à temps partiel en novembre 2019. Outre le fait que ce travail lui apporte des ressources permettant de vivre et de subvenir aux besoins de son fils, le travail constitue également pour Mme Gérardine une alternative pour se soustraire de la collectivité.
Les professionnels ont entre autres accompagné Mme Gérardine dans ses démarches administratives. Elle a accumulée en effet, des dettes (dont des dettes hospitalières, des dettes SNCF) et était fichée à la Banque De France (BDF) car, elle était interdit de banque. Grâce à l’accompagnement des professionnels, elle a pu obtenir un accord de la BDF pour qu’elle ouvre un compte. Elle bénéficie d’aides budgétaires et l’accompagnement réalisé sur le plan financier consiste à l’aider à rembourser les dettes qu’elle a accumulées au fil des mois.
Mme Gérardine a bénéficié d’un accompagnement psychologique de la psychologue du centre maternel. Le travail psychologique consiste à accompagner Mme Gérardine à prendre soin d’elle et à reprendre confiance en elle, avoir une vision plus valorisante d’elle-même en tant que mère du petit Isaac et en tant que femme qui est apte à accomplir ses devoirs. Elle est aidée entre autres, pour accomplir sa fonction maternelle. Dans le cas précédent, nous avons vu que certaines mères en difficulté peuvent avoir du mal notamment, être fatiguée lorsqu’elles entrent dans un processus d’insertion professionnelle. Certes, toutes ces mères se sont montrées bienveillantes et attentives avec leurs enfants, mais elles étaient vulnérables tant du point de vue psychologique que physique. C’est la raison pour laquelle, les professionnels sont encore mobilisés pour les éduquer et les soutenir à la parentalité, afin qu’elles puissent toujours honorer leurs devoirs de mères.
- Les acteurs mobilisés et leurs rôles respectifs
Dans les deux cas étudiés, le directeur du centre maternel joue un rôle important dans la mesure où c’est lui qui accepte d’héberger au sein de son établissement la mère et son enfant. La psychologue du centre maternel se charge de l’accompagnement psychologique des femmes victimes de violences conjugales pour qu’elles puissent avoir une perception positive d’elles-mêmes et reprennent confiance en elle.
Les intervenants sociaux se sont chargés de la démarche administrative des personnes accompagnées et ont orienté les jeunes mères en difficulté à la naissance de leurs enfants. Dans le cas de Mme Sana par exemple, c’est l’assistante sociale qui l’a soutenue pour réclamer une pension alimentaire pour sa fille et pour déterminer le mode de garde de l’enfant. Pour le cas de Mme Gérardine, c’était également l’assistante sociale qui l’a dirigée vers le service d’aides financières de la CPAM.
L’institution juridique entre en scène dans la résolution des deux affaires dans la mesure où c’est elle qui détermine le mode de garde ainsi que les mesures permettant de protéger la mère et son enfant. Elle agit pour limiter les dégâts causés par le père de l’enfant et prévient les possibles récidives de celui-ci.
Les auxiliaires de puériculture jouent également un rôle crucial dans la prise en charge de l’enfant et de l’établissement d’une relation de qualité entre la mère et son enfant. Aussi bien dans le cas d’Aldama que dans celui d’Isaac, les petits avaient besoin d’assurance pour dormir. L’assurance ne peut être donnée que par leurs mères ou par les professionnels qui les relaient lorsqu’elles sont en formation ou travaillent. L’ensemble de l’équipe de la crèche se chargent entre autres, de l’organisation des jeux pour les enfants et cherchent des activités adaptées à chacun d’eux, veillent à la qualité nutritive et gustative de leur nourriture et surveillent leurs comportements alimentaires.
Nous, les éducateurs spécialisés intervenons auprès des jeunes mères en difficulté. J’avais déjà rapporté que les femmes victimes de violences conjugales se confiaient vers moi pour exposer leurs problèmes. Notre premier rôle est donc l’écoute, mais nous assurons également d’autres rôles dans le cadre de l’accompagnement. Mais ces derniers seront développés dans la partie suivante (partie 3).
Il est intéressant de remarquer qu’outre les professionnels issus de différents domaines, la famille et l’environnement au sein de l’établissement même a influencé la qualité de l’accompagnement et l’efficacité de celui-ci. Dans le cas de Mme Sana par exemple, les pertes de repères se sont accentuées lorsqu’elle a senti que sa famille ne pouvait pas la soutenir parce que son mariage avec M. Momo était déjà prévu et que pour l’honneur de la famille, il était impossible de retourner sur ses décisions. Pour Mme Gérardine, l’indifférence de sa famille et la distance géographique avec elle creuse la rupture affective qui frappe la famille. La famille donc, joue un rôle dans le renforcement ou l’affaiblissement de l’accompagnement donné par les professionnels.
Puis, il y a le rôle de l’entourage direct qui est devenu la nouvelle famille des mères en difficulté. L’entourage direct comprend toutes les autres mères et leurs enfants qui sont accueillis au sein du centre maternel. Nous avons vu par exemple, que la petite Aldama n’avait pas envie de jouer avec les autres enfants. Tout ce qu’elle voulait, c’était sa mère. Mais à force de retrouver d’autres enfants qui ont également connu des expériences éprouvantes comme elle, elle commençait à s’épanouir peu à peu. De plus, elle protège et aide tous les autres enfants lors des repas.
Du côté de Mme Sana, sa mère, nous avons vu qu’elle cherchait du réconfort auprès d’une autre mère de famille qu’elle a rencontrée au sein de l’établissement même. Certes, ce comportement pourrait être une autre manifestation de la perte de repères qui s’est impactée même sur l’orientation sexuelle de la jeune femme. Cela pourrait être un déni de l’homme qui l’a fait souffrir physiquement, mais il pourrait également être interprété comme étant un état de désespoir qui pousse Mme Sana à chercher du réconfort et de la protection envers une personne qui pourrait la comprendre. Dans ce sens, une autre mère éprouvée par les expériences de la vie est plus susceptible de la comprendre beaucoup plus qu’un homme. Cela ne veut pas dire qu’elle est devenue lesbienne d’un coup. Elle m’a révélé récemment, qu’elle avait des relations homosexuelles à son adolescence, mais que son père s’y est farouchement opposé. Il semble qu’elle ait cherché à plaire à père ou espérait le calmer un peu en se pliant à ses désirs. Toutefois, elle paraît toujours attirée par les hommes à en juger ses « rechutes » avec son ex-compagnon, ses relations amoureuses à distance avec un ami d’enfance, et ses relations avec un autre Sénégalais.
D’autre part, il y a les autres mères de famille qui ne l’ont pas soutenue au sein du centre maternel. Ces dernières lui reprochaient d’être à l’origine des problèmes au sein de l’établissement. Alors que nous cherchons à faciliter l’insertion sociale et professionnelle de madame, nous avons vu que les autres co-résidentes pourraient décourager la jeune femme à rester dans cet établissement à travers leurs comportements. Nous pouvons donc en déduire que les professionnels s’investissent pour soutenir les mères en difficulté. Mais ils pourraient être limités dans leurs interventions par la qualité de l’environnement de travail c’est-à-dire, la qualité des relations entre les différents résidents, le climat qui y règne. Cela requiert donc du travail sur l’amélioration de l’environnement au sein du centre maternel, en installant un climat de confiance, de respect et d’entraides mutuels. D’ailleurs, nous avons constaté le comportement agressif et les altercations entre Mme Gérardine et d’autres résidentes au centre maternel. Ce genre de comportement est susceptible de décourager les mères en difficulté.
- Les difficultés rencontrées
Le cas de Mme Sana et de sa fille a montré une faille aussi bien dans le système judiciaire que dans les mesures et les dispositifs de sécurité au sein du centre maternel pour protéger les mères et leurs enfants. Certes, la justice a interdit à M. Momo de ne plus s’approcher de Mme Sana et de sa fille, mais en pratique, cette décision n’a jamais permis de protéger entièrement Mme Sana. Or, le centre maternel devrait être un refuge pour elle et son enfant. Il devrait la rassurer. Outre à cela, cette faille au niveau du dispositif de sécurité a eu des conséquences directes sur l’insertion sociale de cette mère en difficulté dans la mesure où j’ai rapporté que les autres mères en difficultés également accueillies au sein du centre maternel lui reprochaient d’être à l’origine du problème (insécurité, intrusion d’un inconnu dans l’établissement). Cela n’est pas sans conséquence sur Mme Sana. Nous avons mis en œuvre tous les moyens et les ressources en notre possession pour renforcer la protection de Mme Sana sans vraiment y parvenir.
Le problème éthique constitue une autre difficulté que j’avais rencontrée lors des processus d’accompagnement des victimes de violence conjugale. Dans le cas de Mme Sana, j’ai observé qu’elle avait besoin d’un soutien psychologique. Et pourtant, elle se montrait très réticente pour y aller. Elle trouvait toujours des excuses pour ne pas venir chez la psychologue. J’ai identifié ce besoin chez elle et pourtant, je ne pouvais pas agir en-dehors de ce qu’elle accepte. Je dois toujours respecter le choix de la personne accompagnée et ne pas la juger. Je dois la considérer comme une personne apte à prendre les décisions concernant sa vie, celle de son enfant, sa vie de famille, sa santé. Tout ce que j’ai pu faire, c’est de discuter avec la mère en difficulté pour lui exposer la situation et pour l’orienter, lui proposer l’adresse d’un psychologue. Certes, elle a accepté d’avoir des échanges avec moi et la psychologue, mais cette séance à mon avis, n’est pas suffisante pour lui permettre d’être plus forte afin qu’elle ne rechute plus et qu’elle prenne confiance en elle-même. Elle présente un trouble de l’achat compulsif, un moyen pour elle d’éviter ses angoisses. Or, cela pourrait impacter sur sa capacité à gérer son budget et pourrait être un risque d’autres crises.
La personnalité et le caractère de la personne accompagnée sont pris en considération dans le cadre de l’accompagnement. Mais parfois, l’expérience traumatisante qu’elles ont vécue cause des changements au niveau de leurs comportements, de leurs jugements et de leurs perceptions si bien qu’elles pourraient prendre des décisions contradictoires avec les points de vue du professionnel. Dans certains cas, les violences répétitives détruisent la personnalité de la personne à tel point qu’elle ne parle plus et n’accepte plus les soins qui lui sont apportés. Dans d’autres cas, les femmes violentées cherchent à prendre leur revanche sur la vie comme ce qui est arrivé à Mme Gérardine qui peut tendre à devenir agressive elle aussi. Elle est trop impatiente pour voir les résultats et nous devons lui rappeler qu’il faut plusieurs séances pour faire un travail psychologique et l’encourager à entreprendre cela.
Il me semble devant ce fait, indispensable de reprendre la notion de « restructuration de l’identité » définie par Donoso et al. (2008 : 134). Selon ces auteurs, il est nécessaire que la victime de violence conjugale devienne participe pleinement dans sa propre vie, mais pour y parvenir, elle a besoin d’enlever sa perception dévalorisante en tant que victime. Cette position les enferme en effet, dans une condition où elles sont des subalternes de l’agresseur, incapables de prendre des décisions pour leur propre compte, inaptes à se défendre et à gérer sa vie à moins de se référer à la volonté des autres.
Puis, il y a la question relative à la bonne distance. En tant que professionnelle, je dois toujours respecter cette distance avec la personne que j’accompagne. Je ne dois ni être froide et indifférente envers la personne à qui j’apporte de l’aide, ni être trop familière avec elle. Et pourtant, il s’avère très difficile parfois, de garder cette distance. Je ne peux installer un climat de confiance avec l’accompagnée à moins de me rapprocher d’elle. Pour sa part, elle m’est devenue très familière. Mme Sana par exemple, m’a avoué qu’elle était très contente de me parler parce que je ne l’ai pas jugée. J’évoque sa situation car, elle montre quelques limites au niveau de la structure dans laquelle, ces femmes sont hébergées. En la rendant responsable des faits, elle cherche de la protection et du réconfort. Et elle s’est accrochée à moi et au reste des professionnels de l’établissement. Elle nous parle de tout et de rien. Elle a besoin de nous voir tous les jours. Or, cela comporte le risque qu’elle devienne trop dépendante de nous et qu’elle n’oserait entreprendre aucune initiative sans faire référence à nous, notre établissement. Or, le but de notre accompagnement c’est justement de la rendre autonome et de faire d’elle une mère responsable, apte à prendre les bonnes décisions concernant sa vie et celle de son enfant.
- Les enjeux de l’accompagnement de la mère victime de violence conjugale pour l’éducateur spécialisé
- L’identité particulière de l’éducateur spécialisé et sa place dans l’accompagnement
L’éducatrice spécialisée jongle sur plusieurs disciplines notamment, la pédagogie, la psychiatrie, l’assistance sociale et la justice pour venir en aide aux personnes en difficulté (Quilliou-Rioual, 2015 : 3). Dans cette optique, l’éducation spécialisée ne peut pas être assimilée à une éducation classique. En se référant aux principes annoncés par les pionniers qui ont établi progressivement le fondement de l’éducation spécialisée et sa place dans l’aide aux personnes dans les difficultés, qui ne peuvent apprendre au rythme ordinaire de personnes ayant le même âge qu’elles. Parmi ces pionniers se trouve par exemple Maria Montessori qui a consacré des études à l’éducation spécialisée des enfants classés « idiots » à son époque. Elle annonce alors une des caractéristiques de l’éducation spécialisée : une éducation sans contrainte qui se focalise sur la nature et le développement de l’enfant beaucoup plus que sur sa capacité à se conformer aux normes d’enseignement imposées par la société en général. Dans cette optique, l’éducateur est amené à observer attentivement la personne accompagnée afin de déterminer les gestes adaptés lui permettant d’apprendre cette personne considérée alors dans sa singularité. Ainsi, l’éducation spécialisée pourrait être considérée comme étant une aide pour vivre (Quilliou-Rioual, 2015 : 8). L’éducateur comme son nom l’indique alors, mène des actions éducatives auprès des femmes et des enfants qui ont connu des problèmes. Il donne aux mères en difficulté par exemple, des conseils et des aides ainsi que des éducations spéciales (Chauvière et Fablet, 2001 : 80).
L’éducateur spécialisé prend aussi le statut de militant engagé pour assurer le bien-être des personnes en les accompagnant. Son accompagnement se fait à travers les émotions et la parole, donnant ainsi libre champ à l’interlocuteur en difficulté de s’exprimer. Il intervient également dans la défense des droits des personnes qu’il accompagne pour qu’ils obtiennent ce qui leur revient de droit en tant qu’être humain (Quilliou-Rioual, 2015 : 9). L’éducateur spécialisé travaille avec et sur l’être humain et plus particulièrement, sur la personnalité afin de l’aider à s’épanouir. C’est la raison pour laquelle, il relie différentes disciplines entre elles pour pouvoir agir sous différents angles sur la personne accompagnée et pour répondre à ses besoins. Sa stratégie éducative doit alors tenir compte des besoins du sujet (Quilliou-Rioual, 2015 : 17).
Dans le processus d’accompagnement, l’éducateur spécialisé mobilise ses connaissances théoriques, méthodologiques et pratiques pour établir un lien social avec la personne à accompagner. Le lien social renvoie aux relations qui permettent à l’individu de s’intégrer au sein d’un groupe social pour éviter qu’il ne perde ses repères sociaux. En effet, l’individu peut se perdre lorsque son environnement change et qu’il ne parvient plus de ce fait, à trouver des moyens ou des ressources internes et externes pour avoir le contrôle sur cet environnement. En ne se sentant plus à sa place, la personne ne se perçoit plus comme étant une personne apte à agir sur sa vie. Dans certains cas, la personne accompagnée est passée par des expériences traumatisantes qui lui ont fait ressentir un certain rejet de la part de la société à tel point qu’il ne se sent plus apte d’agir correctement. Cette situation va conduire tout au moins à la perte de repères, et tout au plus, pourrait pousser à la déstabilisation voire même, au suicide (Quilliou-Rioual, 2015 : 25).
Dans ce cadre, l’éducateur spécialisé se place comme étant un aide garantissant que ces personnes retrouvent leurs repères et soient toujours intégrées au sein de l’ensemble social. Certes, les personnes à accompagner ont leurs propres histoires de vies, leurs caractères, leur état de santé qui peut parfois, les limiter dans leurs activités. Cela ne veut pas pour autant dire qu’elles n’ont plus leurs places dans la société. Il s’agit alors pour l’éducateur spécialisé d’accompagner cette personne à construire une identité forte acceptable et acceptée au sein d’un groupe social. Pour ce faire, il est indispensable d’établir une relation éducative basée sur la confiance : la confiance en sa hiérarchie et confiance en la bonne foi de la personne accompagnée (Quilliou-Rioual, 2015 : 25).
- La gestion de l’émotion lors de l’accompagnement de la femme victime de violences conjugales
Lors de l’écoute des victimes, les professionnels et plus particulièrement l’éducateur spécialisé, sont confrontés à des réalités difficiles à admettre. Ils sont face à une victime vulnérable qui raconte un parcours difficile et son récit peut susciter une vive émotion chez son interlocuteur. Mais les émotions vives pourraient conduire à des propositions et des conseils inadaptés, pouvant empirer la situation de l’accompagnée. Ainsi, l’entretien d’une bonne distance avec la personne accompagnée est nécessaire (Debats et al., 2009 : 60).
L’émotion est inséparable de la pratique d’accompagnement et pourtant, il s’avère difficile de la contrôler. En effet, elle ne peut pas être localisée même si elle se manifeste parfois par des sensations corporelles. De même, elle est aussi difficile à exprimer verbalement. L’émotion est aussi subjective si bien qu’il peut parfois être difficile pour une personne d’interpréter les expressions d’une autre personne qu’elle accompagne ou avec qui elle discute. Ainsi, tout être humain dont l’éducateur spécialisé peut tomber dans le piège de l’interprétation hâtive des émotions de son interlocuteur. Il est à remarquer en effet, que certaines personnes peuvent dissimuler pour de nombreuses raisons ses réelles émotions. Les personnes accompagnées par exemple, peuvent dissimuler leurs émotions pour apaiser la colère de leur éducateur (Nouvelle, 2010 : 136).
Et pourtant, l’émotion est aussi nécessaire pour fonder ses raisonnements selon Nouvelle (2010 : 136). Ainsi, je pense que l’accompagnement ne devrait pas consister à refouler mes émotions devant le récit et le désarroi des femmes victimes de violences conjugales que j’accompagne. Pour ce faire, je dois être capable de gérer mes émotions. Dans cette optique, il est nécessaire de faire un travail émotionnel mais là, il faut distinguer le travail émotionnel privé et le travail émotionnel professionnel. Le travail émotionnel professionnel invite le travailleur à exprimer certaines de ses émotions à travers le sourire, l’attention, etc. afin de permettre à la personne accompagnée de faire son travail émotionnel privé. La manière de contrôler et de contenir ses émotions varie en fonction du professionnel. Certains peuvent pas exemple, faire des notes personnelles qu’ils vont utiliser lors des échanges avec leurs collègues de travail. Le fait d’écrire ce qui a été vécu permet au professionnel de se défaire de l’histoire de vie des personnes accompagnées et d’adopter une posture d’extériorité à la relation avec celles-ci. Cette démarche d’écriture permet entre autres au professionnel de faire une réflexivité quant à la manière de réagir devant telle ou telle situation. La réflexion avec les membres de l’équipe allège un peu la situation et les émotions, mais en même temps, elle permet de résoudre le problème lié à la posture à prendre en équipe (Debarge, 2013 : 14).
La posture éducative que tout éducateur spécialisé devrait acquérir pourrait permettre aussi à mon avis, de limiter les impacts des affects et des émotions sur notre capacité de discernement. Quilliou-Rioual (2015 : 231) donne quelques indications concernant cette posture éducative. Il parle de l’établissement d’une relation de confiance avec la personne à accompagner, de l’écouter et de ne pas le juger. La préservation de la relation de confiance suggère que l’éducateur spécialisé ne divulgue pas des secrets professionnels notamment, la vie de la personne à accompagner. L’affection et l’attention portées à l’endroit de la personne devraient toutes contribuer à son bien-être.
- Autres enjeux
Les violences conjugales laissent des séquelles aussi bien au niveau de la mère, de l’enfant, du lien qui les lie et de la famille toute entière. Il n’est pas rare que les femmes victimes de violences conjugales rencontrent encore beaucoup de difficultés à élever et soutenir leurs enfants même longtemps après les faits (Racicot, Fortin et Dagenais, 2010 : 329). Or, l’accompagnement prodigué par l’éducateur spécialisé est défini dans le temps. Et le temps est fortement requis pour installer un climat de confiance, pour « retrouver » son enfant, pour « se retrouver » elle-même et surtout, pour se reconstruire. Cela varie en fonction de l’histoire de vie de la mère accompagnée, de sa personnalité, de ses ressources, etc. Mais le temps, c’est également la dimension sur laquelle, ni l’éducateur spécialisé, ni la femme, ni l’enfant n’a aucune prise.
Les professionnels de l’établissement aident les victimes de violences conjugales à établir un projet de vie. Et pourtant, l’établissement et la mise en œuvre de celui-ci est rendu difficile à cause l’inhibition de la femme à prendre des décisions. La construction d’un projet de vie suppose en effet, que la femme reconstruise son identité, acquière des connaissance et des habiletés pour lui permettre de déterminer des objectifs, les tâches et le plan d’actions à suivre pour atteindre les objectifs initiaux qu’elle s’est posés. Dans cette optique, les femmes sont amenées à replonger dans le passé afin de mieux réagir pour le futur. En bref, la conception et la mise en œuvre du projet de vie mobilise les compétences personnelles de la femme victime de violences conjugales (Donoso et al., 2008 : 138-139). Mais cette entreprise pourrait s’avérer difficile pour une femme victime de violence conjugale dans la mesure où elle est amenée à replonger dans un passé traumatisant. Cela pourrait expliquer alors les raisons pour lesquelles, certaines femmes ne parviennent pas ou peinent à avancer comme Mme Sana.
Conclusion
Après avoir analysé ces différentes facettes de la violence conjugale, je peux conclure que ce phénomène est très complexe tant elle se manifeste sous plusieurs formes. Cela implique également, différentes disciplines et différentes stratégies pour accompagner la personne en difficulté. Mes échanges avec Mme Sana et Mme Gérardine, l’observation de leurs enfants m’ont permis de connaître que même si la violence conjugale constitue dans de nombreux cas, un point de non-retour en ce qui concerne les relations père-enfant, il est possible d’envisager le développement, l’autonomie et l’épanouissement de l’enfant et de sa mère à condition de leur donner toutes les ressources possibles pour y parvenir.
Ces échanges m’ont aussi fait réfléchir sur mon rôle et la posture que je dois prendre en tant qu’éducatrice spécialisée. J’ai réalisé au cours de cette étude, que chaque cas est très différent. Ainsi, le processus d’accompagnement ne peut pas être standardisé. Certes, j’avais pu déceler de nombreux points communs chez les deux victimes que j’avais accompagnées : la spirale de la violence de génération à génération, la peur, l’exposition de l’enfant à la violence du père, la vulnérabilité physique et psychologique. Mais en même temps, j’ai constaté aussi des différences entre ces deux victimes : le facteur culturel, le niveau d’étude, les caractères et les ressources de ces mères en difficulté. Et je crois que c’est uniquement en considérant la personne dans sa singularité que je peux identifier les gestes et les actions que je dois réaliser avec elle et pour elle.
Je me rends compte entre autres, que peu importe l’accompagnement que nous, les professionnels, mettons en place, il existe toujours des risques que la personne que nous accompagnons « rechutent » et retournent directement chez leurs tortionnaires. Il y a aussi des risques qu’elles n’acceptent pas les soins et les propositions que nous lui donnons. Dans notre posture professionnelle, il nous est impossible d’aller au-delà des volontés des personnes que nous accompagnons. A moins de tomber dans la piège de l’ethnocentrisme et de penser que les solutions que nous avançons soient infaillibles et toujours meilleures, nous devons toujours respecter le choix de la personne accompagnée.
Or, il peut nous être parfois difficile d’accepter et de respecter ce choix, surtout lorsque nous savons que la personne est encore sous l’emprise de son tortionnaire ou qu’elle est encore vulnérable si bien qu’elle pourrait ne pas peser correctement le poids de ses décisions. Puis, il y a la question du temps. Nous avons besoin de temps pour échanger avec la personne accompagnée afin qu’elle se livre complètement. Elle a aussi besoin de temps pour se remettre et pour construire son identité. Personnellement, je pense que ce travail est un processus long qui demande beaucoup de temps. Celui-ci ne peut être déterminé à l’avance car, le temps requis pour faire le deuil, la construction de l’identité, change d’une personne à une autre. Cette étude pourrait donc être prolongée et approfondie en axant les recherches sur la détermination des facteurs qui pourraient déterminer la prédisposition d’une victime à se défaire de sa situation de victime de violences conjugales pour se projeter dans l’avenir.
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