IPA : infirmier(e) en pratique avancée
IPADE : infirmier(e) en pratique avancée diplômée d’état.
PCC : plan de crise conjoint.
PA : pratique avancée.
DSM5 : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux version cinq.
DAIP : directives anticipées incitatives psychiatriques
SOS : plan souhaité d’organisation des soins.
GPS : guide de prévention et de soin.
IPQ : questionnaire sur la perception de la maladie
PEPPA: participatory, Evidence-Based, Patient-Focused Process For Advanced. Practice Nurcing. Rôle Développement.
OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique.
DAP : directives anticipées psychiatriques.
JCP : Joint Crisis Plan.
Introduction :
Depuis quelques années, le statut du patient connait un réel changement dans le système de santé. Désormais, le patient prend la position de celui qui réclame le droit de prendre des décisions au sujet de sa vie.
Le plan de crise conjoint est un formulaire complété par le patient sur ses souhaits de prise en charge, au cas où il se retrouverait dans l’incapacité d’exprimer sa volonté.
En France, les volontés des patients sont privilégiées pour leur permettre d’exprimer leurs souhaits de prise en charge en situation de fin de vie.
Avec l’évolution des pratiques, la place de la parole du patient dans le soin est croissante.
Encore peu connu en France, la rédaction du plan de crise conjoint pour les patients atteints de pathologie de troubles bipolaires n’est encore pas développée.
En revanche l’introduction des directives anticipées (DA) auprès des patients atteints de pathologies psychiatriques graves et chroniques s’est bien développée à l’étranger. Elles donnent la possibilité aux patients d’exprimer à l’avance, leurs souhaits de prise en charge en cas de décompensation.
Le plan de crise conjoint, rédigé par le patient, reprend des informations concernant les traitements médicamenteux, la prise en charge non médicamenteuse, mais aussi des informations non médicales. Il permet aussi au patient de désigner une personne de confiance, l’objectif étant d’améliorer son rétablissement et son autonomie.
C’est ainsi qu’à sa création, plusieurs bénéfices tant cliniques qu’organisationnels ont pu être imaginés : améliorer le pouvoir décisionnel du patient sur sa maladie, améliorer les relations entre le patient, les équipes de soins et les familles, réduire les hospitalisations et leur durée, réduire le recours aux mesures coercitives et aux hospitalisations sous contrainte (Nicaise et al, 2013)
Les résultats, en rapport avec les hospitalisations sont encore contradictoires, mais il semble que le plan de crise conjoint permet de remettre le patient au centre de sa prise en charge.
En revenant avec le patient sur ses précédentes décompensations, sur les symptômes annonciateurs de rechute où lors de la rechute, mais aussi sur ce qui a été mis en place, sur ce qui a fonctionné au pas, ou ce qui aurait pu être mis en place, il peut être observé que la rédaction du plan de crise conjoint a une valeur psycho éducative.
Le travail bibliographie réalisé a permis de mettre en lumière plusieurs freins au développement du plan de crise conjoint.
Ainsi, ce travail de mémoire propose une réflexion. Il s’intéresse en premier lieu à la contribution de l’infirmier en pratique avancée, comme coordonnateur et accompagnateur des transitions, tant au niveau des soignants qu’au niveau des patients, pour accepter les changements. Ensuite, il aborde l’élaboration du plan de crise conjoint, en vue de son implantation sur le CMP espace Villard du secteur centre au Centre Psychothérapique de l’Ain. Et enfin, il porte sur une analyse autour de ma propre transition professionnelle.
Ce travail me servira de guide dans la perspective d’installer cet outil dans ma pratique future auprès des patients que j’aurais en charge, ainsi que dans mon cheminement dans ce nouveau métier.
Partie I : Problématique et cadre conceptuel.
1.1. La problématique :
Mon intérêt pour le plan de crise conjoint a émergé durant cette formation de pratique avancée. C’est ainsi que j’ai découvert son existence, et j’ai entamé un travail de réflexion sur la nécessité de l’introduire dans ma pratique et d’accompagner les équipes à se l’approprier.
Je me suis intéressée aux patients qui souffrent de troubles bipolaires, parce que dans ma pratique, j’ai souvent été amenée à organiser des hospitalisations sous contraintes pour ces patients qui sont ramenés vers le soin dans un état de crise avancée. En effet, la personne qui souffre de troubles thymiques peut subir des variations importantes de l’humeur, qui altèrent sa conscience des troubles et génèrent un impact négatif sur sa vie.
Durant la phase maniaque, la conscience des troubles est altérée dans son ensemble.
Toutes les informations qui auraient pu être acquises en amont ne sont plus utilisables.
Le sentiment de toute puissance et les altérations des capacités de raisonnement, rendent le patient inaccessible à la prise de conscience des troubles. Lors de l’hypomanie, le patient a accès partiellement à ces données, mais la frontière de la manie peut être rapidement franchie.
Dès lors, il n’est plus possible de faire marche arrière et il existe très souvent une montée en puissance, du fait de l’emballement psychique, favorisée par l’arrêt du traitement, la réduction du temps de sommeil, l’hyperactivité, et le recours aux toxiques.
Un véritable cercle vicieux s’installe, où les conséquences du trouble deviennent des facteurs d’entretien et d’aggravation. Cela compromet la prise en charge rapide et personnalisée du patient. Par conséquent, élaborer à l’avance un plan d’action de crise tel que le plan de crise conjoint permettra au patient d’exprimer ses préférences quant à sa prise en charge. Cette démarche permettra également aux soignants de recueillir des données sur les signes de récidive.
La mise en place de cet outil est très répandue à l’étranger, mais peine à s’installer en France.
Tout au long de ce travail de mémoire, grâce à un travail de recherche documentaire, je me suis appliquée à repérer les obstacles qui font barrière à son implantation et à déterminer le rôle que pourrait avoir l’infirmière en pratique avancée pour faciliter sa mise en place notamment dans un CMP pivot du secteur centre du Centre Psychothérapique de l’AIN où j’ai effectué mon stage.
Pour formuler et repérer mes concepts et mes mots clés pour ma recherche de littérature, je me suis basée sur l’acronyme PICOT qui m’a permis d’identifier les concepts suivants : troubles affectifs bipolaire, plan de crise conjoint, rétablissement.
1.2. Cadre conceptuel :
1.2.1. Le trouble affectif bipolaire :
La définition du trouble affectif bipolaire retenue dans cette problématique est celle du manuel « The Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders – cinquième édition » (DSM 5), qui le décrit comme l’alternance de dépression et d’épisodes maniaques ou hypomaniaques. Ainsi, l’existence de manie ou d’hypomanie caractérise le trouble bipolaire.
La manie et l’hypomanie se caractérisent par la conjonction de symptômes d’hyper-fonctionnement des émotions, de la pensée et du corps :
L’Émotions se caractérise par : unehumeur expansive, une labilité émotionnelle, une hyper-réactivité émotionnelle à des événements minimes, une augmentation de l’estime de soi, mais aussi : une irritabilité, une tension interne, une colère.
La Pensée se caractérise par : une accélération de la pensée, une fuite des idées, une distractibilité.
Le corps peut exprimer les manifestations suivantes : uneaugmentation de l’énergie, une agitation motrice, une hyperactivité souvent stérile (le patient ne va pas jusqu’au bout de ce qu’il entreprend), une diminution du temps de sommeil sans fatigue, une anorexie fréquente, une augmentation de la libido, une hypersexualité.
La manie comporte des symptômes plus intenses, jusqu’à la perte de contact avec soi-même et la réalité (idées délirantes, comportements aberrants). Inversement, l’hypomanie ne présente pas ces éléments psychotiques.
Selon le DSM 5, les symptômes doivent durer au moins sept jours pour être considérés comme de la manie et quatre jours pour de l’hypomanie.
Une étude menée à la demande de l’organisation mondiale de la santé (OMS) sur des sujets de plus de 18 ans, dans onze pays (le Brésil, la Bulgarie, la Colombie, l’Inde, le Japon, le Liban, le Mexique, la nouvelle Zélande, la Roumanie, le Shenzhen en chine et les Etats-Unis), (Merikangas et al, .2011) a estimé la prévalence vie-entière du spectre bipolaire à 2.4% dont 0.6% pour le trouble bipolaire de type I, 0.4% pour le trouble bipolaire de type II et 1.4% pour le trouble bipolaire subsyndromique. La prévalence du trouble bipolaire de type I et du trouble bipolaire subsyndromique était plus élevée chez les hommes, alors que la prévalence du trouble bipolaire de type II était plus élevée chez les femmes. Environ la moitié des patients souffrants de troubles bipolaires de type I et subsyndromique avait eu un début de la maladie avant l’âge de 25 ans, alors que pour ceux souffrants de bipolarité de type II, la maladie s’est déclarée plus tardivement.
L’étude note aussi que la sévérité combinée des épisodes dépressifs et hypo/maniaque était plus importante pour les troubles bipolaires de type I et II que pour les troubles bipolaires subsyndromiques.
Le taux de patient avec un retentissement fonctionnel sévère ou très sévère était plus important pour la dépression (74%) que pour la manie (51%), le taux de patients suivis par les services spécialisés est plus important chez les patients souffrants de trouble bipolaire de type I (51.6%) et de trouble bipolaire de type II (59.9%) que chez ceux souffrants de trouble bipolaire subsyndromique (33.3%).
Les antécédents de tentatives de suicide étaient relevés chez un quart des patients avec le trouble bipolaire de type I.
Le traitement médicamenteux est indispensable pour contrôler la maladie bipolaire sur du très long terme. Il est personnalisé en fonction de l’âge, du sexe, du nombre d’épisodes (maniaques, hypomaniaques, dépressifs), et de la tolérance des médicaments déjà prescrits.
Le lithium reste le médicament de référence, même s’il est le plus souvent prescrit en association avec d’autres molécules. Le traitement des crises doit être distingué de celui de la prévention des rechutes. Les prises en charges psychologiques jouent un rôle majeur dans l’amélioration du pronostic de la maladie et dans la qualité de vie des patients.
La meilleure manière de se prémunir d’une crise serait de mettre en place des mesures préventives permettant d’empêcher sa survenue de manière efficace.
1.2.2. Le plan de crise conjoint (PCC) :
Historiquement, le plan de crise conjoint (PCC) est apparu dans les années 1990 au Royaume-Uni pour répondre à la demande des usagers des services de santé mentale qui souhaitaient voir leurs intérêts reconnus dans le processus d’accompagnement(Stherby et al, 1999).
Le PCC est une forme récente de déclarations anticipées, permettant de prévenir et de mieux gérer une éventuelle future crise, en considérant les préférences des usagers en matière de soins et de traitements dans un processus de décision partagée, entre l’usager et son réseau de soutien professionnel et/ou personnel, le rôle de chacun ayant été défini en amont de la crise.
Le plan de crise conjoint (PCC) est la forme la plus aboutie et la mieux étudiée des déclarations anticipées (Henderson et al, 2008 ; Bartolomai et al, 2012).
Il est destiné, aux professionnels et aux proches pour leur indiquer de façon anticipée les contacts, les mesures pratiques, ainsi que les soins préférés ou à éviter en cas de perte de discernement (Bonsack et al, 2015).
Son contenu, comporte en règle générale des données sur les personnes qui l’établissent, une définition de la crise, l’identification des signes précoces, en partant de la crise actuelle et en remontant dans le temps jusqu’à l’état d’équilibre, l’identification des besoins relatifs à la crise, les soins et le traitement, les mesures concrètes de préservation de l’environnement, la ou les personnes informées de l’existence du plan de crise, et la ou les personnes qui doivent être informées en situation de crise. La rédaction du plan de crise conjoint semble plus facile à envisager en ambulatoire, dans une période de stabilité clinique, ou l’alliance thérapeutique et les capacités d’Insight sont de bonne qualité, plutôt qu’à la fin d’hospitalisation, ou la décompensation est encore trop récente.
Son intérêt est qu’il permet au patient d’anticiper la survenue d’une crise ultérieure, tout en négociant de façon anticipée le rôle de chacun des partenaires impliqués (Bonsack et al, 2015).
Le PCC s’inscrit aussi dans les nouvelles perspectives de soins qui mettent l’accent sur les actions d’éducation thérapeutique et de prévention.
1.2.3. Le concept de rétablissement :
Le concept de rétablissement, est né dans les suites du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis, au sein du mouvement des usagers de la psychiatrie.
Certains de ces usagers se faisaient appeler « les survivants de la psychiatrie », en référence à la maltraitance, l’inefficacité et la toxicité du système de soins qui prétendait les soigner (Davidson, Rowe et al., 2006).
Le rétablissement correspond à une modification récente de la vision de la pathologie psychiatrique chronique. Celle-ci a longtemps été perçue comme une maladie à l’évolution déficitaire inéluctable et à l’origine de handicaps incurables. Pourtant aujourd’hui, en se basant sur les mouvements d’usagers qui prennent une part de plus en plus active dans les prises en charge, d’une part, et sur les résultats d’études scientifiques sur l’hétérogénéité des évolutions à long terme des troubles psychiatriques, d’autre part, une perception moins pessimiste se développe activement. Ainsi, la prise en charge se centre sur une attitude volontariste, qui redirige la cible des interventions vers ce que la personne elle-même désire, vers ses buts personnels. Les soignants et le patient sont dans une relation plus équilibrée de partage d’expertises : le soignant fait part de ses connaissances scientifiques, le patient de ses expériences devenant expert de son propre trouble. L’objectif partagé est de développer des interventions personnalisées visant à accomplir les buts fixés par le patient. Le soignant se doit donc d’apprendre à s’éloigner d’une vision strictement médicale de ses prises en charge, et d’accepter que la relation avec son patient ne soit plus paternaliste.
1.3. Analyse critique des écrits.
Pour cette recherche, les banques de données PubMed, et google scholar ont été consultées. De plus j’ai aussi consulté, certains sites Internet en SUISSE, au CANADA et en France, et des articles sur santé mentale.
Les termes MeSH ont été utilisés selon les équations de recherche suivantes : « plan de crise conjoint », « joint Crisis plan », et aussi « joint Crisis plan AND bipolar disorder ». Les critères d’inclusions incluent, toutes formes d’études, en français ou anglais, touchants une population d’adultes souffrants de troubles psychiatriques, sans limite dans le temps. Ont été exclus, les recherches dans d’autres langues que celles mentionnées précédemment, celles qui ne traitent pas du plan de crise conjoint, ou/et des directives anticipées, ainsi que celles qui étaient situées hors du champs psychiatrique.
La littérature concernant le plan de crise conjoint n’est pas abondante, parmi les résultats que j’ai trouvés, j’ai pu après lecture rapide retenir 30 articles, qui traitent des effets du PCC ou des directives anticipées et des obstacles à leur mise en œuvre (annexe1).
1.4. L’analyse documentaire :
1.4.1. Plan de crise conjoint en France :
Les recherches dans ce domaine au niveau national sont à l’état expérimental, ainsi trois études sont en cours.
L’étude de directives anticipées incitatives psychiatriques (DAiP), se déploie sur 3 sites, à savoir Paris, Lyon, et Marseille. Elle évalue un modèle de directives anticipées en psychiatrie, avec la participation d’un pair aidant, dont l’objectif est d’évaluer l’impact du dispositif sur le nombre d’hospitalisation sous contrainte (Tinland et al, 2019).
Une autre recherche multicentrique est en cours pour le développement d’un modèle de directives anticipées psychiatriques. Elle est appelée Plan Souhaité d’Organisation des Soins (Plan SOS). Ce plan concerne la prise en charge de patients atteints de pathologies psychotiques chroniques et intégrés aux soins de secteur, il s’inspire du plan de crise conjoint développé au Royaume-Uni et a la particularité d’associer à la rédaction du document avec le patient, l’équipe de soins, les proches, ainsi qu’un médiateur extérieur à la prise en charge.
Une autre initiative est également en cours d’expérimentation, avec un guide de prévention et de soin (mon GPS), cet outil a été développé par deux psychologues. Il s’agit d’un plan de crise conjoint pour la psychiatrie.
Il vise à faciliter l’expression et le respect des souhaits des personnes, dans l’hypothèse où elles ne seraient plus en mesure de consentir, du fait des troubles psychiques.
L’étude PLANCO ISO, portée par des soignants de l’équipe mobile de psychiatrie stéphanoise, est une étude randomisée contrôlée, qui a pour objectif principal l’évaluation de l’efficacité du PCC sur la diminution du recours à l’isolement. Elle inclut 96 patients, les inclusions ont débuté fin 2019.
1.4.2. L’impact du plan de crise conjoint :
Les études menées sur l’impact du PCC ont été essentiellement menées sur les pathologies psychotiques. Toutes mettent en évidence la perception positive de l’outil par la grande majorité des patients. Les bénéfices identifiés sont un renforcement du sentiment de sécurité, un meilleur contrôle sur leur santé mentale et leur vie en général, une meilleure connaissance de leurs troubles psychiques, une motivation augmentée dans la poursuite des soins et du traitement, le sentiment d’une meilleure alliance thérapeutique, et une bonne satisfaction à l’égard de l’outil en général (Thornicroft et al .2013 ; Ruchlewska et al.2014). Le plan de crise conjoint a le potentiel de modifier significativement et de manière positive, la relation thérapeutique en donnant au patient une plus grande autonomie dans les décisions thérapeutiques (Ritchie, Sklar, & Steiner, 1998).
Il accroit l’autonomie et atténue le traumatisme et la peur associée à l’absence de participation à la prise de décision au moment de la décompensation (Swanson et al, 2006 ; Swanson, & Swartz. 2007).
L’étude d’Elbogen a montré que les patients qui comprennent mieux comment les directives anticipées psychiatriques fonctionnent et peuvent influencer leur vie et leur traitement, perçoivent un plus haut niveau d’autonomie, à un an. (Elbogen, Swanson, et al, 2007).
Une étude menée en consultation ambulatoire au canton de Genève a permis aux soignants de percevoir chez les usagers utilisateurs de PCC une meilleure adhérence médicamenteuse et une meilleure alliance thérapeutique, une meilleure prise en compte des troubles psychiques et de ses répercussions au quotidien, ainsi qu’une modification effective des rapports de force entre patients et soignants (Bartolomei et al.2012).
Les interventions globales intégrant le PCC ont pu mettre en évidence une bonne amélioration de l’optimisme chez les usagers, notion qui peut être associée à la notion d’espoir dans le processus du rétablissement.
Il est cependant difficile de savoir si ces résultats sont attribuables au fait de recourir au PCC, ou d’avoir intégré ce dernier dans une intervention plus globale d’accompagnement qui comprenait de la psychoéducation.
Les évaluations régulières et un rappel de l’existence d’un plan de crise par les chercheurs semblent avoir un impact positif chez les usagers bénéficiant d’un PCC (Ferrari et al, 2021).
Les études anglophones et suisses précitées ont constaté un certain essoufflement quant à l’engouement du PCC, qui semble montrer une baisse de satisfaction de la part des usagers sur la durée. Ces études suggèrent une difficulté à garder en tête l’importance et la nécessité de maintenir cet outil vivant et évolutif, à distance de la crise et ce, tant de la part des usagers que des soignants.
1.4.3. L’opinion des patients sur les PCC :
L’aperçu des usagers par rapport aux directives anticipées est plutôt bon, ils se disent intéressés par la rédaction d’un tel document pour ne plus revivre des situations douloureuses de crise (Borschmann et al, 2013).
1.4.4. L’opinion des professionnels sur les PCC :
La littérature sur l’aperçu des professionnels (Farelly et al, 2014 ; Ruchlewska et al, 2014) fait apparaitre des obstacles organisationnels à l’implantation des PCC, de même que des résistances à leur introduction. Ces derniers peuvent éprouver un sentiment de menace dans leur expertise. Seuls 53% des soignants connaissent l’existence des DAP, et 20 à 37% d’entre eux leurs modalités de fonctionnement (Srebnik et al, 2003 ; Maître et al, 2018). Ces résultats peuvent ainsi impacter leur implantation, d’où l’importance, de repérer ces obstacles pour assurer un meilleur accompagnement.
1.4.5. Les Obstacles :
Malgré, leur efficacité et le fait qu’ils soient sollicités par les patients, les PCC ne sont pas toujours utilisés. Plusieurs facteurs sont en cause. Selon une revue de la littérature réalisée par SHIELDS et al, ceux-ci peuvent être classés en trois catégories. Il peut s’agir d’obstacles liés aux professionnels de santé, aux patients, mais aussi aux ressources disponibles et à l’organisation des soins (Shields et al, 2014).
1.4.5.1. Obstacles liés aux professionnels de santé
L’obstacle le plus fréquemment cité, en ce qui concerne les professionnels de santé, est le manque de connaissances et d’informations autour du plan de crise conjoint. En effet, selon les études, seuls 1% d’entre eux se considèrent comme familiers avec cet outil (Shields et al 2014 ; O’Connell et al. 2005). D’après Van Dorn et al, pour 64% d’entre eux, le manque d’information serait à l’origine de difficultés freinant la mise en place du plan de crise conjoint (Van Dorn et al, 2006).
La crainte que les patients n’aient pas les capacités pour rédiger le plan de crise conjoint est souvent mise en avant. Jusqu’à 51% des professionnels pensent que les demandes de traitements pourraient être inappropriées (Van Dorn et al, 2006). Ils s’inquiètent par exemple, que le plan de crise conjoint soit utilisé pour refuser tout traitement psychiatrique (Srebnik et al, 2003 ; Shields et al, 2014). Certains estiment que les patients ne prendront pas l’initiative de mettre régulièrement à jour leur plan de crise conjoint, et que par conséquent, ce dernier ne sera plus d’actualité au moment de son utilisation (Srebnik et al, 2003 ; Oconnell et al, 2005 ; Thornicroft et al, 2010). Une des préoccupations existantes réside dans le fait que les professionnels de santé risquent de ne pas être totalement impartiaux lorsqu’ils aident les patients à remplir leur plan de crise conjoint, et qu’ils influencent son contenu (O’Connell et al, 2005 ; Henderson et al, 2009 ; Farelly et al, 2014). Des études montrent qu’il existe également une préoccupation concernant le risque de voir sa responsabilité engagée en cas de non-respect du plan de crise conjoint (Shields et al, 2014). Selon WILDER et al, elle est citée par 18% des professionnels de santé (Wilder et al, 2013). Ils s’inquiètent également d’éventuelles répercussions juridiques suite à de mauvais résultats cliniques, consécutifs à la mise en œuvre du plan de crise conjoint qu’ils n’auraient pas approuvé (Sribnik et al .2008). Enfin, le fait de donner de « faux espoirs » aux patients est un obstacle régulièrement mentionné. En effet, dans le cas où les choix du patient seraient indisponibles ou non réalisables, le plan de crise conjoint risque de ne pas être appliqué (Farelly et al, 2014).
1.4.5.2. Les Obstacles liés aux patients
Bien que les patients donnent un aperçu positif quant à la rédaction d’un PCC, il a été observé que le manque d’informations et de connaissances sur les plans de crise conjoint représente un obstacle important pour eux. Peu d’entre eux sont au courant de son existence. De plus, une fois la démarche lancée, le manque de soutien des professionnels peut devenir un obstacle important. Près de 94% des patients estiment ainsi qu’ils ne pourraient pas rédiger l’intégralité de leur plan de crise conjoint sans aide (Shields et al, 2014).
En effet, selon Elbogen et al, 43% des patients pensent ne disposer de personne qui puisse les aider à remplir le plan de crise conjoint (Elbogen et al, 2006). Certains ont indiqué qu’ils avaient une confiance limitée envers les professionnels de santé. Leur méfiance serait expliquée par le fait qu’ils doutent que le plan de crise conjoint soit appliqué et ait un effet sur les traitements prescrits (Shields et al, 2014). De plus, ils s’attendent, en déclarant aux médecins qu’ils ont rédigé un plan de crise conjoint, à susciter des réactions négatives de leur part. Cela s’expliquerait par la crainte que leurs opinions ne soient pas prises en compte, de se voir opposer une réponse négative de la part du médecin, ou encore, par la peur d’être pénalisé pour avoir abordé des sujets tels que l’isolement ou la contrainte (Shields et al, 2014). Du fait d’expériences négatives antérieures parfois traumatisantes, certains patients deviennent sceptiques à l’égard du système de soins et à la prise en compte de leur parole (Wauchope et al, 2011).
1.4.5.3. Les obstacles organisationnels et institutionnels.
Une problématique majeure, en termes de ressources, se retrouve dans le temps nécessaire à la réalisation du plan de crise conjoint. En effet, 57% des professionnels de santé pensent qu’ils n’auront pas assez de temps pour aider les patients à remplir leur plan de crise conjoint et faciliter sa mise en œuvre (Khazaal et al, 2008 ; Wilder et al, 2013). Les problématiques liées à la logistique, comme le fait de disposer d’un espace pour stocker et récupérer le plan de crise conjoint, de les intégrer dans le logiciel de soin, et de pouvoir y accéder facilement en situation de crise, constituent des obstacles importants (Shields et al, 2014). Par exemple, dans une étude, Srebnik et Russo constatent que malgré un protocole strict, les soignants, dans les situations de crise, n’ont pu accéder au plan de crise conjoint que dans 20% des cas (Srebnik et al, 2008). Bien que ces problématiques liées à la logistique aient été repérées par 25% des soignants (O’Connell et al, 2005), elles restent encore peu évaluées dans la littérature (Nicaise et al, 2013).
Aussi, au vu de tous ces obstacles, un accompagnement de tous les acteurs impliqués dans l’introduction du PCC peut s’avérer nécessaire pour aider au changement.
1.5. Le plan de crise conjoint comme un outil favorisant le changement des pratiques en psychiatrie :
En 2012, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a invité la communauté médicale à mettre en place des mesures visant à protéger les droits et la dignité des personnes souffrant d’affections psychiatriques. Pour ce faire, elle a lancé un nouvel outil, le « Quality Rights Tool Kit ». Différents objectifs y sont fixés, parmi lesquels :
• La protection du droit à la capacité juridique dans les services de santé mentale.
• L’application de stratégies visant à diminuer l’isolement, la contention, et d’autres pratiques coercitives.
• La promotion du rétablissement.
• La mise en œuvre de la prise de décision accompagnée et la planification anticipée.
Le développement des PCC est un exemple d’application concrète de ces recommandations internationales. Dans un contexte d’évolution de l’exercice de la psychiatrie marqué par l’émergence de concepts tels que le rétablissement et la prise de décision médicale partagée, ils permettent au patient d’être acteur de sa prise en charge.
Par ailleurs, les études soulignent que cette forme d’intervention auprès des patients, s’inscrit bien dans les nouvelles perspectives de soins actuelles, qui mettent l’accent sur les actions d’éducation thérapeutique et de prévention pour favoriser l’engagement et induire les changements. De par leurs compétences élargies dans différents domaines, les IPA peuvent s’impliquer dans le développement de cet outil. Mais Comment agiront-elles pour accompagner les transitions nécessaires à la mise en place du plan de crise conjoint auprès de patients bipolaires, et assumer leur propre transition ?
Partie II : les solutions potentielles pour réduire les obstacles :
Comme nous venons de le constater, de nombreux obstacles entravent la mise en œuvre et l’utilisation du Plan de Crise Conjoint. Un certain nombre d’entre eux pourraient être surmontés grâce à une réflexion critique, à une connaissance et une compréhension plus approfondie de leur utilité fondamentale (Shields et al., 2014).
Avant d’aborder les stratégies sur lesquelles les IPA peuvent s’appuyer pour aider au développement du plan de crise conjoint dans les soins, voyons d’abord ce qui caractérise leur métier.
2.1. La Qualité et valeur des soins infirmiers en pratique avancée
Tout au long de son histoire, le but fondamental de la profession infirmière s’est défini autour de l’action du prendre soin, afin d’améliorer la santé et le bien-être du patient, tout en créant un environnement sain, lui permettant de maintenir cet état (Meleis, 2012). L’introduction des rôles de pratique infirmière avancée constitue l’une des solutions envisagées pour permettre l’amélioration continue des soins aux patients dans un contexte d’augmentation des pathologies chroniques comme les troubles de l’humeur. L’élargissement de leur champ de pratique, leur expertise et leurs compétences constituent une valeur ajoutée dans la qualité des soins. Il est de ce fait pertinent de chercher à distinguer la valeur ajoutée des nouveaux rôles infirmiers, pour exploiter au maximum leur potentiel et leur contribution au développement de nouveaux outils tels que le plan de crise conjoint pour optimiser la santé des patients.
Pour mieux cerner la contribution de l’IPA dans introduction du plan de crise conjoint auprès des patients souffrant de bipolarité, il importe en premier lieu de clarifier les caractéristiques et les compétences nécessaires à l’accomplissement de ce rôle dans une perspective disciplinaire.
2.2. Les caractéristiques de la pratique des IPA :
Tout d’abord, selon Hamric et al (2014), l’IPA se base sur les valeurs fondamentales de la profession infirmière, incluant le respect du patient et de sa famille, l’advocacy, et une vision holistique de l’expérience de santé et de l’environnement du patient.
Les principales pratiques de l’IPA incluent plus particulièrement les activités de promotion de la santé, de prévention de la maladie, ainsi que le développement d’une relation de partenariat avec le patient. De manière plus concrète, Hamric et al (2014) précisent sept compétences de base aux rôles de l’IPA, ce qui comprend, les soins directs, l’éducation à la santé, la consultation, la pratique basée sur les données probantes, le leadership, la collaboration, et la prise de décision éthique. Parallèlement en France, l’arrêté du 18 juillet 2018 relatif au régime des études en vue du diplôme d’Etat d’infirmier en pratique avancée définit six grandes compétences à acquérir pour l’IPA :
- , en s’appuyant, si elles le désirent, sur les théories de leur profession.
Selon KEMP la nomination d’un coordonnateur dans la mise en place de plan de crise conjoint, dont la principale responsabilité serait de coordonner les efforts de mise en œuvre entre les différents acteurs, est indispensable (Kemp et al, 2015).
En tant que coordonnateur de parcours de soin, l’IPA pourra être force de proposition et de soutien dans la mise en place de cet outil. Comme par exemple, comment présenter un message complet et clair sur la nature, les objectifs et les avantages potentiels du plan de crise conjoint à divers acteurs, en particulier sur leur utilisation dans les soins axés sur le rétablissement. Elle pourra promouvoir la collaboration entre les différents utilisateurs potentiels de cet outil, elle aidera à surmonter les contraintes et à maintenir de l’intérêt pour ce processus.
2.3. L’IPA comme agent facilitateur de l’implantation du PCC :
Selon Thornicroft et al (2013) et Farrelly et al (2016), il est possible qu’une limite importante de leur étude sur l’efficacité du PCC consiste en l’absence d’une étape préparatoire visant à évaluer l’attitude des soignants à l’égard de cette nouvelle pratique. La prédisposition du milieu organisationnel et des professionnels à l’implantation du PCC serait effectivement un prérequis à son adoption et à son utilisation en contexte réel, alors qu’aucune étude ne s’est penchée sur cette variable jusqu’à présent. Dans le même sens, ayant constaté des différences importantes dans le taux d’achèvement des PCC à chaque site d’implantation, Williams, Smith et Lumbus (2014) insistent sur l’importance de considérer le contexte et la culture de chaque secteur au sein duquel une nouvelle pratique est introduite. Maître et al (2018) reconnaissent que malgré les bénéfices potentiels du PCC, « il reste à résoudre des problèmes en termes d’organisation du système de soins, pour que les équipes puissent investir du temps et des budgets pour leur formation à l’utilisation des directives, et de plus amples recherches sont nécessaires en vue de leur utilisation pratique ».
2.4. L’IPA comme accompagnateur des équipes dans l’analyse de leur pratique :
Le plan de crise conjoint en santé mentale permet à la personne d’acquérir davantage d’autonomie, de participation à la prise de décision, de légitimité, de dignité et de respect, et de contribuer pleinement à son rétablissement. Cet outil s’appuie sur les ressources et stratégies d’adaptation des usagers (Viateau et al, 2021). De nombreux écrits soulignent en effet l’importance de leur rôle et participation aux soins sur le plan individuel et collectif. L’Organisation mondiale de la santé déclare ainsi que « tout être humain a le droit et le devoir de participer individuellement et collectivement à la planification et à la mise en œuvre des soins de santé qui lui sont destinés. » (OMS, 1978).
Plusieurs auteurs assurent que l’élaboration du plan de crise conjoint oriente le patient vers une participation active à ses choix de vie, à une prise en compte de son cheminement avec la maladie, à une prise de conscience critique permettant la capacité à résoudre des problèmes, et à prendre des décisions ainsi que le renforcement de la confiance en ses propres capacités (Henderson et al, 2008 ; Bartolomai et al, 2012 ; Bonsack et al, 2015).
Depuis plusieurs années, la perception et le rôle des usagers des services de santé et de leurs familles ont ainsi évolué. Nous sommes passés d’un modèle biomédical, où le patient passif et peu informé dépendait du savoir et des décisions médicales, à une approche plus holistique, où l’usager est actif, de plus en plus impliqué dans ses soins et son rétablissement.
Dans ce contexte, la mission des soignants est d’accompagner la personne pour lui permettre de retrouver sa position de sujet et d’acteur de sa santé, en prenant en compte non seulement ses besoins et symptômes mais aussi son expérience, son vécu avec la maladie, et ses ressources. L’IPA, en tant que coordinatrice des programmes d’éducation thérapeutiques dans les secteurs de santé mentale, est tenue d’amener les équipes à questionner leur positionnement dans la relation soignant-soigné, à prendre du recul sur leur pratique, à « lâcher prise » pour favoriser l’alliance thérapeutique et donner la parole à la personne malade (Perrin-Niquet, 2020).
Mais les soignants sont-ils prêts à prendre en compte l’expérience de l’usager et l’accompagner dans l’appropriation de son plan de crise conjoint ? Comment peuvent-ils soutenir le patient pour qu’il évolue dans son processus de rétablissement ?
2.4.1. Accompagnement des soignants dans la rédaction du PCC :
L’accompagnement dans la rédaction du plan de crise conjoint est alors une façon d’être qui demande de changer de conception de soin. En tant qu’IPA, comment travailler sur le positionnement des équipes, à partir de quels leviers ?
• Par le biais de la clinique, des analyses de situations, l’IPA peut questionner les pratiques, ce qui suppose que l’IPA doit posséder un leadership clinique reconnu auprès de ses pairs.
• L’IPA aura un rôle important de réassurance. Les équipes doivent accepter de travailler différemment, de se poser aussi la question pour soi : « Comment moi j’envisage les choses ? Qu’est-ce qui m’interroge ? Qu’est-ce que je pourrai mettre en place ? ». Bien sûr, cela ne peut se faire que si l’on se sent en sécurité. Pouvoir se dire en équipe nos interrogations, accepter de ne pas tout maîtriser, s’autoriser à dire que l’on n’est pas d’accord, et arriver à une cohérence et un consensus, tout cela suppose d’avoir confiance dans les capacités des patients à rebondir mais aussi dans celles des soignants. Rebondir, c’est toujours une ouverture, c’est ouvrir le chemin des possibles pour le patient, le soignant, et aussi l’entourage. »
• Pour faciliter l’implantation du plan de crise conjoint auprès des soignants, et par conséquent auprès des usagers, l’IPA doit être vigilante sur l’accompagnement des équipes dans l’analyse des situations particulières. Comment permet-on à un soignant d’analyser sa pratique, de la faire évoluer, de la confronter à d’autres ? A-t-il la liberté de le faire ? Comment établir des relais ? L’expertise de l’IPA est importante, car il faut faire des liens avec des expériences professionnelles. La professionnalisation, le temps, ainsi que la confrontation à un certain nombre d’expériences de travail sont essentiels pour acquérir une posture facilitante à l’implantation du plan de crise conjoint.
Plus l’IPA soutiendra les soignants dans le développement de leurs compétences cliniques, plus ils adopteront « naturellement » des postures propices au rétablissement des patients. Aider les jeunes soignants à acquérir plus de compétences cliniques, d’assurance de capacités d’analyse et de synthèse, c’est les amener à se détacher de ce besoin de savoir pour être davantage à l’écoute du patient ». Dans ce processus de mise en place du plan de crise conjoint, la complémentarité de l’expérience vécue par le patient et l’expérience des professionnels vont permettre de co-construire les stratégies d’adaptation nécessaires pour « faire face », « agir sur » les déterminants de santé et ainsi améliorer la qualité de vie. Chacun va partager ses connaissances, son expérience et ainsi contribuer au changement de l’autre, avec l’autre, dans une volonté de faire avec, de faire ensemble.
2.5. Accompagnement du patient vers le changement :
Pour toute personne vivant avec un trouble psychique, notamment un trouble bipolaire, la maladie est un traumatisme. Surmonter ce choc et accepter de vivre et vivre bien avec, c’est tout l’enjeu du processus de transition vers le rétablissement.
2.5.1. Évaluation du niveau de préparation du patient à la transition : de la maladie au rétablissement :
L’évaluation du niveau de préparation de la personne consiste à déterminer les interventions à engager ou à prolonger. L’infirmière recueille les informations sur le sens que le patient donne au changement, sur les connaissances et sur les aptitudes exigées par la situation nouvelle. Souvent en début de la maladie les patients refusent de s’engager dans les soins, perdent l’espoir et abandonnent.
Ils ne détiennent alors pas les connaissances et les aptitudes exigées par la situation. Autrement dit, ils n’ont pas encore conscience du processus de transition à traverser, puisque cette conscientisation est liée à la perception, à la connaissance et à la reconnaissance d’une transition. Précisons ici que Meleis insiste sur les thérapeutiques du soin centrées sur des outils de communication et d’interaction. Il faut alors informer afin de déterminer les actions à engager. Il importe de déstigmatiser les soins pour gommer les craintes et les représentations qui les entourent. Cette démarche est décisive, puisque Meleis spécifie que les croyances personnelles des malades ont le potentiel de contrarier une transition saine.
2.5.2. Les étapes d’accompagnement du patient vers le changement :
D’après l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive en Suisse, l’implantation du plan de crise conjoint nécessite « un besoin d’une communication par étapes afin de susciter un processus de maturation ».
Ce processus de communication et la qualité de la relation entre le patient et les soignants sont la base d’une prise de décision libre et éclairée. Celle-ci évolue progressivement depuis les années 90. Elle est passée du modèle paternaliste à celui centré sur le patient pour, actuellement, s’orienter vers le partenariat.
Il ne s’agit pas seulement d’une transmission d’informations, mais également d’une méthode pédagogique, adaptée aux troubles, ayant pour but une appropriation du pouvoir et une modification des attitudes et des comportements (Bonzack, 2015).
Selon Raoul Gross, le plan de crise conjoint constitue un véritable outil thérapeutique en ce sens, qu’il examine les conditions de vie du patient dans tous ses besoins, ce qui lui permet de déceler les manques, les déséquilibres et les solutions concrètes pour retrouver l’équilibre.
Ainsi, les besoins peuvent être comblés et des thérapies autant sur le plan médicamenteux qu’au niveau du quotidien peuvent être trouvées, comme des stratégies pour l’arrêt des toxiques, la mise en place d’un réseau de soins, la gestion administrative par un tiers, la recherche d’un lieu de vie…
A tous les niveaux, le plan de crise conjoint pour être utile au patient, pour repérer ses besoins et l’amener vers une volonté de changement pour une vie plus satisfaisante et une meilleure connaissance de soi.
2.5.2.1. La connaissance de soi :
Lorsque le patient entreprend de rédiger son plan de crise conjoint, il est important qu’il soit accompagné par un membre de l’équipe soignante en post-crise qui pourrait l’éclairer dans son parcours vers la rédaction de ses volontés.
Tout d’abord parce que le soignant connait bien l’aspect clinique de la maladie, des médicaments que le patient peut être amené à remettre en cause en raison d’effets secondaires, de par sa connaissance approfondie des médicaments, mais également de la maladie du patient, le soignant pourra être à même de le conseiller sur les effets secondaires comme sur les bénéfices des médicaments qu’il sera amené à prendre.
L’autre raison de la collaboration patient-soignant, lors de la rédaction du plan de crise conjoint, est le fait que le soignant puisse exercer le rôle de fil conducteur auprès du patient dans son parcours à travers sa propre histoire.
Ainsi, grâce à ce travail préliminaire et aux questions éclairées du soignant, le patient va pouvoir repérer en soi les causes passées de sa maladie, les formuler et se rendre compte de ce qui a déclenché sa crise.
Cette étape consiste en un examen des manques et des besoins ressentis par le patient à tous les niveaux de son existence, en commençant par les plus basiques : que lui faut-il pour vivre ? comment aime-t’il manger ? de combien d’argent a-t-il besoin ? où vit-il ? est-il en sécurité ?
Cette étape de reconnaissance de soi-même peut être longue, elle pourra nécessiter plusieurs entretiens afin que le patient puisse prendre pleinement conscience des enjeux autour de lui, si le patient est prêt à changer, le soignant pourra lui proposer la deuxième étape qui consiste en la visite du présent.
Ainsi, le patient pourra déterminer que sa vie présente des carences en besoins primaires, de sécurité, d’appartenance à un groupe social ou familial. Le rôle de plan de crise conjoint dans cet approfondissement de soin n’est pas de répondre à ses besoins mais de les démasquer afin de rendre le patient conscient et de lui donner la possibilité d’agir pour traiter les problèmes à la racine.
Le plan de crise conjoint permettra au patient de reconnaitre sa situation de vie dans un premier temps, de se connaitre lui-même dans son parcours, et dans un second temps de faire entendre sa volonté.
Une fois que cette visite du présent est établie, que les carences et les besoins sont clairement repérés, soignant et patient peuvent proposer une hypothèse de travail de l’avenir du patient, où le plan de crise conjoint s’ouvre sur un travail de collaboration étroite et efficace qui tend à construire la volonté du patient, que ce dernier exprimera et transcrira personnellement. Le soignant n’est là qu’à titre de conseil et de guide, c’est la projection vers le futur.
2.5.2.2. La mise en place du futur :
Il s’agit de la mise en place par le patient de tous les éléments qu’il jugera nécessaire d’exprimer pour que sa volonté soit connue lorsque son discernement sera à nouveau perdu.
La réalisation du plan de crise conjoint relève de la fouille du passé, de cet examen du présent et d’un projet de l’avenir, précisément parce que le patient procède à une élaboration de la connaissance de soi dans son parcours de vie avec ses lacunes, ses carences et ses besoins. Ce sont ces manques qu’il va maintenant tenter de compenser par la rédaction de ses volontés, en tenant compte de plusieurs acteurs, que sont le corps médical et les infirmiers, les responsables de son entourage familial et social, de son organe de tutelle s’il en a, et de tout l’ensemble de son réseau social.
C’est à ce moment-là que le patient doit se rendre compte que le projet du plan de crise conjoint en psychiatrie s’inscrit dans une dynamique plus large que le cercle restreint de sa seule personne, et c’est en ce sens que l’on peut dire que le plan de crise conjoint engage une responsabilité accrue de la part du patient, ce qui ne va pas sans une prise en charge de sa liberté.
2.5.2.3. Plan de crise conjoint et liberté :
Comme nous l’avons vu, le plan de crise conjoint s’inscrit dans une démarche différente des soins sous contrainte (Khazaal et al, 2014). En faisant participer activement le patient au processus de décision, il vise à améliorer son autonomie et sa capacité de décision sur sa vie et sa maladie, ainsi que l’alliance thérapeutique. Ceci implique que la volonté du patient, au moment de son expression, doit être éclairée. Or, faire preuve d’une volonté éclairée et pouvoir l’imposer pour son bien, voilà ce que l’on pourrait nommer la liberté, tout en gardant à l’esprit que son bien ne doit pas porter préjudice aux biens d’autrui.
Il se trouve par ailleurs que le patient bipolaire vit dans un entourage social. Il est issu d’une famille, il connaît, par sa maladie, des membres du corps médical et souvent également des membres de réseaux sociaux ou d’autres organes de tutelle.
Ainsi, sa volonté, lorsqu’elle s’exprimera dans son plan de crise conjoint, devra tenir compte de cet entourage, ne fusse que pour le prévenir ou le préserver des crises que le malade pourrait avoir à subir.
Ayant pris conscience, dans la phase de connaissance de soi, des dommages qu’il avait subis, mais également des troubles qu’il avait pu faire naître au sein de son entourage, le patient va progressivement, grâce à la rédaction de son plan de crise conjoint, engager sa responsabilité en prenant les rênes de son existence perturbée.
Ainsi, le plan de crise conjoint, tout en accroissant la responsabilité du patient, va lui faire prendre une pleine mesure de sa liberté, et l’amener enfin progressivement à prendre position dans sa vie et à commencer à décider de ce qui est bon ou mauvais pour lui et les autres.
Ce processus aura permis au patient de faire appel à sa liberté éclairée. Il aura consenti, dans son plan de crise conjoint, à se contraindre lui-même, donnant également l’autorisation à autrui de le contraindre en cas de perte de discernement.
Il peut alors être observé que le plan de crise conjoint, lorsqu’il est bien préparé par une connaissance approfondie du passé et du présent du patient, c’est-à-dire des conditions externes et internes autant que des besoins et des carences dans lesquelles il vit, peut être un outil précieux pour engager la responsabilité et accroître la liberté du patient. Sans cet outil, le patient, en effet, risquerait de perdre son droit d’expression, de mise en œuvre de sa volonté à travers une collaboration éclairée avec le soignant.
2.5.2.4. L’acceptation de sa condition.
L’une des caractéristiques du plan de crise conjoint pour le patient qui l’a rédigé en suivant les étapes de la visite scrupuleuse de son passé et de son présent, est notamment l’accès à l’acceptation de sa condition de malade ou de personnes en voie de guérison, en prise directe avec les obstacles dont la vie lui fait part.
Cette acceptation de soi n’est pas anodine face au manque de conscience morbide qui touche le patient bipolaire en état maniaque et qui affecte sa volonté de suivre un traitement.
La question qui se pose alors est de voir en quoi l’élaboration du plan de crise conjoint en psychiatrie peut conduire le patient à l’acceptation de sa maladie ou, autrement dit, à faire preuve de conscience morbide lorsque la maladie se déclare, ou même lorsque celle-ci est latente et qu’il doit la traiter par la prise constante de médicaments.
Comme évoqué auparavant, le patient, avant d’entreprendre la rédaction de son plan de crise conjoint, est souvent aidé par un soignant pour se connaître dans le parcours qu’il a effectué jusqu’à la crise. Cette visite de son passé sert, entre autres, à lui dévoiler les aspects cachés de ses réactions, de ses mécanismes de fonctionnement, de ses habitudes, et de la manifestation de sa maladie.
Se reconnaissant ainsi, le patient sera à même de se regarder, comme dans le miroir de sa vie. Il devra alors, avant de transcrire les volontés qui marqueront ses propres directives pour son bien-être éclairé, s’accepter tel qu’il est, sans détours, grâce à ce travail préliminaire du plan de crise conjoint par lequel il aura pris conscience de l’enjeu primordial de changer, par sa volonté, le passé de sa vie en lui donnant un sens nouveau (Gross, 2011).
S’accepter ainsi, accepter sa condition, c’est faire preuve de tolérance envers soi-même, mais également de sincérité, d’authenticité, pour reconnaître ce que l’on veut vraiment changer dans sa propre existence. Après avoir accepté sa condition, il est possible d’identifier ses forces et ses faiblesses, et de déterminer les outils à sa portée pour exercer le changement de direction que l’on désire pour sa vie : mise en place de garde-fous, de réseau soignants, choix de certains médicaments plutôt que d’autres, prévention de la rechute, et imposition du respect de toute autre volonté que le corps médical, familial ou social pourrait ignorer ou ne pas respecter lors d’une nouvelle perte de discernement.
Il faut également dire qu’en cas de perte de discernement, la présentation aux patients de ses directives, qu’il a rédigées en conscience, peut lui remémorer et lui faire accepter les décisions qu’il avait prises le concernant lorsqu’il possédait tout son discernement. La relecture de ses propres directives peut mieux lui faire accepter les contraintes qu’il s’était données lui-même au sein de ses directives, car la mémoire n’est pas altérée par tous les manques de discernement psychique, surtout lorsque le patient a passé beaucoup de temps à travailler sur son plan de crise. Un patient qui a perdu son discernement et à qui l’on a fait relire ses volontés, peut se reconnaitre à travers elles, et accepter ce qui y est inscrit en termes de directives par le passé, avançant ainsi vers une thérapie et une acceptation de soi, claire, admise et élaborée dans ses écrits.
Le plan de crise conjoint apparait bien comme un moyen d’augmenter non seulement la conscience des troubles chez le patient, mais également de lui faire accroître son acceptation de soi, préliminaire indispensable à une bonne mise en œuvre de sa volonté et de son jugement qu’il exercera ensuite dans la rédaction de son plan de crise conjoint, en collaboration avec le soignant, en ayant conscience de ses troubles.
2.5.2.5. La diminution des risques et la prévention de la rechute :
Dans le cadre de la maladie bipolaire, les causes de la rechute du patient peuvent être nombreuses.
Au travers de la dynamique d’accompagnement, le patient aura donc reconnu les pièges et les embûches qui, tout au long de son passé, lui ont causé du tort, dommage et chute, l’amenant à des crises dont souvent il s’est vu comme victime mais parfois aussi comme auteur.
C’est notamment le cas des tentations auxquelles le patient peut éviter de succomber, connaissant ses faiblesses et acceptant désormais sa condition : drogue, abus d’alcool, insomnie ou rythme de sommeil saccadé voire non respecté, lacunes au niveau de ses besoins fondamentaux qui pourraient l’amener à un déséquilibre psychique, arrêt de ses médicaments, situation de stress ou de burnout au travail ou en famille, solitude trop grande, manque de suivi médical, etc.
La rédaction du plan de crise conjoint en psychiatrie s’opère parallèlement à une longue maturation pour le patient où celui-ci se forme progressivement à une prise de conscience, et change petit à petit d’optique sur lui-même, passant de l’inconscience de ce qu’il était à un état de prudence. C’est ainsi, par ce processus de maturation, qu’il va également prendre conscience de la nécessité pour lui-même de diminuer dans sa vie les obstacles qui peuvent se présenter encore à sa santé.
De plus, le patient, grâce à ce travail de préparation, va prendre conscience de l’importance de chasser de sa vie la souffrance qui s’y était installée sous forme de maladie, cette souffrance qui l’affectait ou l’affecte encore, lui-même, ou son entourage.
Pour atteindre ce but, le patient va alors mettre en place des moyens de contrecarrer les risques qu’il aura reconnus comme récurrents dans son histoire personnelle pour éviter les rechutes.
2.5.2.6. L’intégration familiale et sociale :
L’être humain ne peut vivre en solitaire, car il est fondamentalement un individu social. Issu d’une famille où il est appelé à trouver sa place, il est destiné à vivre dans une société où il a le droit de travailler ainsi que de pouvoir aimer et être aimé.
Or, les patients bipolaires sont touchés par le repli et l’exclusion familiale et sociale qui peuvent entrainer à la longue des carences mentales, une stigmatisation et une marginalisation.
Par conséquent, il serait recommandé lors de l’élaboration du plan de crise conjoint de tenir compte de la situation familiale et sociale, d’appartenance et d’estime, et de modifier le plan de crise conjoint suivant l’évolution de la situation de vie du patient.
Ainsi, des mesures d’adaptation, s’il s’agit du travail, pourraient être mises en place avec l’employeur, des propositions pourront être ainsi trouvées pour placer le patient dans une structure de vie sociale qui lui convient. Un nouveau lieu de vie, des foyers spécialisés, ou encore des institutions sociales, tout peut concourir à l’accompagnement du patient dans l’optique d’une meilleure intégration et d’un recouvrement de l’estime des autres et de soi-même.
Comme souligné auparavant, il convient de tenir compte du fait que le plan de crise conjoint doit viser le but premier d’un outil thérapeutique pour le patient. Celui-ci doit alors prendre ses dispositions pour aller mieux dans son existence, tout en devenant le plus autonome possible, c’est-à-dire en exerçant sa liberté. Cela veut dire qu’il pourra, lorsqu’il sera en possession de son plein discernement, s’employer à exprimer sa volonté sur tous les domaines de son existence, à tous les niveaux de ses besoins. L’autonomie est une valeur éthique fondamentale. Elle englobe la capacité mentale de prendre ses propres décisions, ainsi que la notion d’indépendance face à aux contraintes extérieures (Ambrosini et Crocker, 2009).
Des études ont montré que, quand un patient était libre d’exprimer ses souhaits de traitement, il percevait qu’il le contrôle mieux et se sentait davantage responsable de celui-ci (Williams et al, 1998 ; Ryan & Deci, 2000).
Cette disposition libre de sa volonté requiert le discernement du patient, mais aussi une prise de conscience de ses ressources, de ses faiblesses, et donc une acceptation de soi et de la collaboration d’avec les soignants et le réseau social.
Ainsi, ce travail de réflexion autour de solutions potentielles pour améliorer la mise en œuvre du plan de crise conjoint, est venu renforcer mon objectif de l’implanter sur mon lieu de travail. Au Centre Psychothérapique de l’Ain lors de ma prise de poste.
2.6. Plan d’action pour favoriser l’implantation du PCC au CMP ESPACE VILLARD :
Dans ce but, j’ai profité de ma période de stage pour précéder à un état des lieux au niveau de notre institution et réfléchi à un plan d’action dont le déroulement est exposé ci-après.
2.6.1. Etat des lieux au centre Psychothérapique de l’Ain :
Pour que la mise en œuvre du plan de crise conjoint soit réussie, il est important de développer une collaboration et une coordination entre les différents services du secteur, voire de l’hôpital afin de surmonter les obstacles culturels et organisationnels.
Ma mission principale en tant que coordonnatrice serait de coordonner les efforts de mise en œuvre entre les différents acteurs, repérer les manques, offrir une assistance technique.
Durant ma période de stage, j’avais la possibilité de passer dans différents lieux de soins aussi bien en ambulatoire qu’en intra hospitalier, ainsi qu’en service d’urgence. Cette situation m’a permis d’interroger plusieurs acteurs de soin sur leur connaissance du plan de crise conjoint :
Auprès des infirmiers, j’ai conçu et présenté un PowerPoint d’information sur le plan de crise conjoint.
Tous ne connaissaient pas l’existence de cet outil, ils sont très intéressés pour le développer auprès de leurs patients car ils lui trouvent de l’intérêt. En revanche, ils se questionnent sur leur manque de formation quant à la rédaction du plan de crise conjoint et sur la manière de le rendre visible et accessible dans le dossier du patient.
Il ressort de cette courte enquête que l’utilisation du plan de crise conjoint est encore confidentielle au Centre Psychothérapique de l’Ain.
Cela étant, l’accueil est très favorable par les soignants, toutes catégories confondues. De plus, l’institution a entrepris une formation généralisée pour tous les soignants en psychiatrie communautaire, qui encourage l’introduction du plan de crise conjoint.
2.6.2. Rencontre avec l’équipe qui utilise le plan de crise conjoint au centre de réhabilitation :
Cette équipe utilise le plan de crise conjoint depuis 3 ans auprès d’un nombre restreint de patients. Selon eux, il peut être rédigé après une prise en charge en psychoéducation, et notamment après l’amélioration de l’insight.
La rédaction se déroule en 3 temps :
Tout d’abord, le patient est informé par le médecin et l’infirmier référent qui lui présente le formulaire pour qu’il commence à réfléchir à l’outil et donner son consentement.
Ensuite, le patient est accompagné par son infirmier référent pour la rédaction de son PCC qui est repris avec le psychiatre, jusqu’ à l’arrivée à un consensus.
Enfin, le PCC est rédigé dans sa version définitive, et un exemplaire est conservé dans le dossier informatisé du patient.
L’objectif du PCC est de pouvoir contractualiser avec le patient, des bornes, une forme de thermostat, avec des symptômes qui sont acceptables et d’autres qui nécessitent une réadaptation de la prise en charge. Il a aussi pour objectif, d’informer des mesures à mettre en place, pour protéger les biens et les proches du patient, en cas de décompensation. Il donne la possibilité au patient, de mentionner les traitements qu’il ne souhaite pas notamment du fait des allergies, mais aussi des mesures de prise en charge qu’il souhaiterait éviter (par exemple la contention). Le patient peut aussi mentionner les éléments, dont il souhaite pouvoir disposer, notamment en cas d’hospitalisations musique, livre, etc. Il peut être observé que, pour le centre, les objectifs du PCC sont en adéquation avec ceux définis dans la littérature (Stherby et al, 1999).
Il ressort de l’expérience de ce service que peu de patients ont pu rédiger leur plan de crise conjoint, car peu de soignants maitrisent le processus d’accompagnement à la rédaction du plan de crise conjoint.
En revanche, j’ai rencontré deux patients qui ont rédigé leur plan de crise conjoint, ils sont très satisfaits de l’accompagnement et signalent facilement son existence auprès des autres partenaires rencontrés dans leur parcours de vie.
Au vu de sa récente introduction dans ce service, les soignants ont peu de retour sur l’impact du plan de crise conjoint sur les hospitalisations (nombre, durée, d’admission sous contrainte).
Les limites actuelles de l’utilisation du plan de crise conjoint sont à 4 niveaux :
Tout d’abord, les patients dont les pathologies sont insuffisamment stabilisées, ou ayant des troubles cognitifs trop avancés, sont en difficultés pour rédiger le plan de crise conjoint.
Ensuite, il peut ne pas être proposé au patient, pour des raisons subjectives, propre au psychiatre, parce qu’il représente un niveau d’engagement supérieur dans la prise en charge d’un patient pour le psychiatre traitant.
D’autre part, les soignants ont la volonté de faire, mais ont besoin d’être accompagnés et formés.
Une façon pour l’IPA de résoudre ce manque de connaissances, sera de mettre en place des programmes de formations courtes et pratiques visant à sensibiliser un large éventail d’acteurs sur l’utilité et la mise en œuvre du plan de crise conjoint.
Il me faudra toucher plusieurs catégories professionnelles telles que les travailleurs sociaux, les administrateurs, les professionnels de santé (médecins, psychologues, infirmiers, curateurs (Shields et al., 2014).
Enfin, une des grandes limites est organisationnelle. Pour pouvoir être utilisé de façon optimale, il faudrait que le PCC soit accessible, il existe peu de recherches sur les moyens efficaces pour surmonter les obstacles liés à l’accessibilité et à l’utilisation des PCC.
Selon Sbrenik et al. (2008) d’une part, et Shields et al. (2014) d’autre part, la mise en place d’un système d’information, tel que l’intégration du PCC dans le dossier médical informatisé, serait prometteuse pour régler le problème de l’accessibilité.
Une alerte pourra, en effet, être déclenchée s’il existe un formulaire de plan de crise conjoint.
Au sein de notre CMP, il faudra qu’il soit intégré dans le projet de service qui est en cours de construction actuellement, pour que chaque soignant se sentirait impliqué et acteur de cette nouvelle modalité de prise en charge. Il pourrait ainsi être intégré au dossier informatique, doté d’une alerte et utilisé par les équipes de liaison aux urgences et les équipe intra hospitalière d’entrée.
Cet état des lieux montre que, bien qu’encore peu utilisée, cette nouvelle modalité de prise en charge est prometteuse, notamment parce qu’elle permet aux patients de se réapproprier leur pathologie et leur prise en charge.
Il pointe aussi que l’utilisation optimale du plan de crise conjoint ne sera possible que si celui-ci est accessible et utilisé par les différents acteurs de la prise en charge : structures extra hospitalières, médecin traitant, service d’hospitalisation, services d’urgence notamment.
2.6.3. Rencontre avec les médecins, l’encadrement et l’équipe infirmière :
Il ressort de ces rencontres, que le plan de crise conjoint doit être simple, pour être fiable. Il ne doit pas forcément être suivi, dans son ensemble, mais il doit permettre, de discuter honnêtement, de ce qui pourra être tenu et de ce qui ne le sera pas forcément. La rédaction du plan de crise conjoint semble plus facile à envisager en ambulatoire, dans une période de stabilité clinique, ou l’alliance thérapeutique et les capacités d’Insight sont de bonne qualité, plutôt qu’à la fin d’hospitalisation, ou la décompensation est encore trop récente.
2.6.4. Rencontre avec l’équipe de soin des urgences psychiatriques :
Lors de cette rencontre, l’équipe des urgences semble très favorable à cet outil qui le voit comme un moyen qui leur faciliterait la mise en lien avec le patient, mais cette équipe se pose la question sur son accessibilité.
J’ai discuté autour de la faisabilité de certaines demandes et du fait qu’il n’était pas opposable comme le choix de certains anxiolytiques plutôt qu’un autre. J’ai aussi insisté sur le fait que les patients seront informés en fonction de la situation clinique dans laquelle ils se présentent aux urgences ou des facteurs organisationnels propres à l’hôpital, cela pourrait être un obstacle à l’application du plan de crise conjoint.
J’ai convenu de les rencontrer à nouveau si mon projet se concrétise.
Le travail en réseau étant indispensable à la réussite de ce projet de prise en charge, il faudra organiser une rencontre avec l’ensemble des partenaires pouvant être impliqués dans la mise en place du plan de crise conjoint, pour les informer, recueillir leur point de vue, et faire valider le formulaire du plan de crise conjoint qui reflètera les souhaits et les préconisations de chacun.
Un protocole de mise en place du plan de crise conjoint sera rédigé, en spécifiant les patients à qui il pourra être proposé, les différentes étapes de la mise en place, ainsi que les modalités de diffusion, d’acceptabilité et de modification du document.
Pour que le document puisse être utilisé au mieux, il faut que les soignants présents lors de la rédaction puissent s’engager pour l’équipe et que cette démarche soit intégrée dans le projet de service.
De plus, afin d’évaluer le versant psychoéducatif de la rédaction du plan de crise conjoint, il sera demandé au patient rédigeant son plan de crise conjoint de bien vouloir remplir un questionnaire sur sa perception de sa maladie, avant et à distance de la rédaction.
Le questionnaire sur la perception de la maladie (IPQ) (Moss-Morris et al, 2002) est une méthode d’évaluation des représentations cognitives de la maladie. L’IPQ est une mesure dérivée théoriquement comprenant cinq échelles qui fournissent des informations sur les cinq composantes qui sous-tendent la représentation cognitive de la maladie. Les cinq échelles évaluent :
– les symptômes que le patient associe à la maladie, la cause,
– les idées personnelles sur l’étiologie, la chronologie,
– la durée perçue de la maladie, les conséquences,
– les effets attendus, le résultat et le contrôle de la guérison,
– la manière dont se présente le contrôle, ou de se remettre de la maladie.
L’IPQ a un nombre spécifique d’éléments de base, mais permet à l’utilisateur d’ajouter des éléments pour des groupes de patients particuliers, ou des menaces pour la santé. Les données sont présentées à l’appui de la fiabilité et de la validité des échelles IPQ dans différentes populations de maladies chroniques.
2.6.5. Projection dans les étapes de la mise en place sur un moyen terme :
Lors d’un premier entretien, le psychiatre et l’infirmier référent présenteront le formulaire du plan de crise conjoint au patient, ainsi que la notice d’information.
Les objectifs et attentes du plan de crise conjoint seront expliqués, ainsi que les différentes étapes de leur mise en place. Les limites ainsi que le caractère non opposable du plan de crise conjoint sont aussi abordés.
C’est également lors de cette rencontre qu’un questionnaire sur la connaissance de la maladie (IPQ) sera remis au patient. Il lui sera demandé de le compléter, avant de remplir le plan de crise conjoint.
Dans un deuxième temps, le patient sera accompagné d’un soignant en présence d’un proche s’il le souhaite, pour répondre aux différentes questions que comporte le plan de crise conjoint. Cette étape peut durer le temps nécessaire au patient (je l’évalue à quatre semaines), pour lui permettre de s’approprier les différents thèmes du plan de crise conjoint, et de formuler les réponses. L’équipe soignante reste à sa disposition, en cas de question. Plusieurs rendez-vous peuvent être proposés. Il est nécessaire de bien veiller à ce que le patient ne soit pas influencé dans ses réponses, et que le plan final tient compte des éventuels désaccords entre les différentes parties.
Dans un troisième temps, une version définitive du plan de crise conjoint sera rédigée, intégrée au dossier informatique du patient, et des copies seront distribuées aux personnes que le patient désignera : lui-même, ses proches, son généraliste…
2.6.6. Rencontre avec les personnes participantes à la mise en place du plan de crise conjoint et étant amenées à les utiliser :
Cette rencontre visera à présenter aux personnes participantes le formulaire du plan de crise conjoint, et à leur expliquer leur rôle dans sa mise en place. Il en est de même en ce qui concerne le questionnaire IPQ et les différentes étapes de la rédaction.
2.6.7. Diffusion accessibilité et modification du plan de crise conjoint.
2.6.7.1. La Diffusion :
A l’issue de la rédaction, une copie sera remise aux personnes désignées par le patient. Celles-ci sont nommées au début du formulaire (patient lui-même, psychiatre traitant, médecin généraliste, proche…). Une copie reste disponible dans le dossier du patient.
2.6.7.2. Accessibilité :
Pour une plus grande accessibilité du document, et dans le respect du secret médical, l’équipe du Département d’Informatique Médicale sera sollicitée pour que le plan de crise conjoint soit intégré au dossier informatique du patient.
2.6.7.3. Modification, révocation et limites de la validité :
Les modifications pourront être possibles en dehors des périodes de décompensation, elles pourront se faire lors d’une rencontre patient-psychiatre ou infirmier référent, ou lors d’une rencontre regroupant un plus grand nombre d’intervenants, selon les souhaits du patient.
Le plan de crise conjoint n’a pas de limite de validité et peut s’arrêter, sur demande écrite du patient, en dehors des périodes de décompensation.
Pour réussir ce projet, je pense m’appuyer tout d’abord sur un travail de collaboration avec ma hiérarchie au niveau du secteur et au niveau institutionnel, favoriser la communication autour de cet outil au niveau des partenaires et des proches du patient. M’appuyer sur les résultats de travaux de recherche dans ce domaine et peut être si possible faire appel à des pionniers dans ce domaine pour nous nous éclairer et nous exposer leur expérience.
Grâce au travail de réflexion que j’ai développé en début du chapitre. J’ai pu identifier les compétences qu’il me faudra mobiliser en tant que future IPA, pour accompagner des acteurs de soins dans les processus du changement soignant-soigné afin de lever les obstacles à l’introduction de nouvelles pratiques de soin.
Par ailleurs, l’évolution vers ce métier d’infirmière en pratique avancée m’impose aussi des changements au niveau de mon identité professionnelle, comment pourrais-je alors réussir ma propre transition, pour construire, renforcer ma professionnalité, et trouver une légitimité auprès des équipes de soins ?
Partie III : Transition de l’infirmière à l’infirmière en pratique avancée :
L’objet ici est de repérer les transformations identitaires de l’IPA en situation de transition professionnelle de l’infirmière généraliste experte à l’infirmière en pratique avancée novice.
Au niveau international, de nombreuses recherches ont abordé la question, notamment aux Etats-Unis et au Canada. En France, la littérature sur la question est peu abondante, mais j’ai pu m’appuyer sur des articles de Christophe Debout dont l’analyse fait totalement échos à mon parcours.
De mon point de vue, du projet de formation à l’investissement de son poste sur le terrain, l’IPA se heurte à des défis inattendus et traverse des phases que nous allons tenter d’aborder à travers ce dernier chapitre.
Pour commencer abordons le concept de la professionnalité émergente.
3.1. Le concept de professionnalité émergente :
La professionnalité émergente suppose une « première construction d’un soi professionnel » pour des stagiaires se destinant à une formation initiale vers le monde du travail. Elle renvoie également à la « construction renouvelée d’un soi professionnel » pour les acteurs qui ont déjà une expérience. Il ressort de ces deux situations que la professionnalité émergente pourrait être entendue comme la caractéristique de tout professionnel cherchant à se développer professionnellement, voire à se perfectionner tout au long de son activité professionnelle, en faisant l’expérience de tâtonnements qui conduisent à des restructurations du soi professionnel. La construction intermédiaire, vécue par le sujet se formant, s’appuie sur des savoirs génériques propres au métier visé et sur des savoirs singuliers, sans lesquels l’acteur ne pourrait pas se reconnaître dans son savoir-faire (Jorro, 2011).
L’expression de professionnalité émergente introduit l’idée que le professionnel se formant vit des processus de transition et de transformation durant son parcours.
Selon Christophe Debout, des enseignements issus de la recherche montrent que La transition vécue par une infirmière confirmée, qui s’engage dans une formation de pratique avancée est aussi souvent ressentie comme difficile.
De ce fait, ce dernier préconise la prise en compte de ces données probantes pour faciliter le parcours de formation des IPA et leur première prise de poste (Debout, 2018).
En effet, pour ma part dans ce processus de transition, j’ai quitté le poste que j’occupais antérieurement et dans lequel mes compétences, voire mon expertise, étaient souvent reconnues par mes pairs mais aussi par les autres membres de l’équipe pluriprofessionnelle. J’ai retrouvé le statut d’une étudiante qui aspire à accéder à la fonction d’IPA mais qui, de fait, est considérée comme novice dans ce domaine de compétences.
Selon Karen Spinks, l’étudiante IPA qui entame cette transition a l’impression de « tomber de l’échelle » (Spinks, 2009).
J’ai dû alors m’acculturer rapidement à l’environnement universitaire dans lequel j’ai évolué durant ma formation. De plus, l’alternance intégrative sur laquelle reposent les programmes de formation d’IPA m’ont amené à rapidement effectuer des stages cliniques. J’ai dû alors trouver ma place au sein des équipes qui m’ont accueillie en stage et tirer parti des ressources que ces terrains de stage proposent. En tant qu’étudiante, je me suis retrouvée confrontée à une gamme de comportements émanant des membres de l’équipe, allant de la bienveillance à la franche hostilité quant à la fonction que j’aspire à exercer. J’ai dû parfois faire face à l’absence de prise en compte par les professionnels assurant mon encadrement des compétences infirmières que je maitrise pourtant.
Le périmètre d’exercice élargi qui m’est octroyé nécessite l’acquisition de nouvelles compétences afin d’être investi pleinement. L’exercice de la fonction d’infirmière en pratique avancée requiert également le réinvestissement d’acquis issus de l’expérience professionnelle de l’infirmière. J’ai dû identifier, dans mes activités infirmières antérieures, celles qui seront conservées dans ma nouvelle fonction, celles qui se trouveront modifiées et celles que je ne mettrai plus en œuvre.
3.2. La transition en deux étapes :
Les études réalisées (Jones, 2005 ; Barnes, 2015 ; Harper-McDonald et al, 2020) mettent en évidence que le processus de transition débute à l’entrée de l’étudiante IPA dans le parcours de formation et ne s’achève que lorsque cette dernière, une fois diplômée, a terminé sa période d’intégration dans son premier poste d’IPA. Personnellement, ce processus est entamé dès lors que j’avais envisagé d’exercer une fonction d’IPA, soit avant même que la formation débute. Avec du recul je pense que ce processus aurait nécessité une préparation d’un point de vue psychologique et professionnel. Les différents stades qui se succèdent dans cette transition que j’ai vécue peuvent être identifié comme suit.
3.2.1. Première étape : la période de formation.
Selon Jons, (2005), quatre stades peuvent être identifiés durant le parcours de formation.
La reconfiguration de l’identité́ infirmière de l’IPA s’opère durant les étapes 1 et 2 (Benner, 1982).
Pour ma part, l’entrée en formation et le premier stage clinique m’ont plongé dans un fort sentiment de dépendance à l’égard des personnes qui contribuent à ma formation théorique et clinique. Cette situation contraste avec le niveau d’autonomie qui me caractérisait souvent avant l’entrée en formation, lorsque j’exerçais en qualité́ d’infirmière confirmée. Du fait que ce stage clinique, notamment lors du premier semestre, soit davantage dans l’observation que dans l’action, cela a suscité chez moi un sentiment d’incompétence.
L’avancée dans le parcours de formation théorique et clinique m’a amené à nouveau à reprendre confiance en moi et à développer peu à peu des stratégies visant à faire face à l’incertitude inhérente à cette période de formation, ce qui a eu pour effet d’accroitre mon seuil de tolérance.
J’ai fait preuve d’une appétence à l’égard des savoirs utiles à ma pratique, avec parfois l’impression de ne pas les intégrer suffisamment.
Cette étape a été marquée par un réajustement de mes attentes initiales à l’égard de ma future fonction qui, souvent, étaient trop ambitieuses. Peu à peu, j’ai développé mon autonomie et ma propre conception de la fonction d’IPA.
À la fin de mon parcours de formation, j’ai pu percevoir l’interdépendance qui doit exister entre les différentes composantes de ma fonction. J’ai pu plus aisément me situer à l’interface entre les soins infirmiers et l’exercice médical. Cette étape m’a permis d’affiner ma définition de la fonction que je m’apprête à exercer et je me sens prête à achever ma transition pour ma première prise de poste.
3.2.2. Deuxième étape : la première prise de poste en qualité d’IPA
Selon la littérature, quatre phases ont été́ identifiées dans cette seconde partie du processus (Jones, 2005).
La première phase est celle dite d’orientation. Cette phase qui succède immédiatement à la première prise de poste suscite de l’enthousiasme chez la jeune diplômée. Celle-ci éprouve le besoin de prouver sa valeur dans l’environnement de travail qu’elle rejoint. Elle ressent le besoin d’introduire des changements dès sa prise de poste. Cette phase est marquée par un niveau élevé d’anxiété chez l’IPA, dont l’étiologie est à rechercher tant au niveau de ses objectifs personnels que de ceux fixés par l’institution qui l’emploie.
Pour ma part, c’est une période au cours de laquelle j’ai commencé à travailler plutôt sereinement avec la cadre de santé en attendant d’être diplômée.
A ce stade, je n’ai pas eu du mal à retrouver ma place parmi l’équipe infirmière et médicale. Je m’inscris à nouveau dans une dynamique individuelle de construction de ma professionnalité.
Dans la continuité arrive la phase de la frustration, marquée par un sentiment de découragement. Ces réactions humaines sont le plus souvent provoquées par des attentes irréalistes qui émanent soit de l’IPA, soit de sa hiérarchie.
Dans son environnement de travail, l’IPA doit déployer beaucoup d’énergie pour prouver sa valeur. Cette étape conduit l’IPA à réviser ses objectifs et à réorganiser ses activités.
Ensuite, l’obtention de résultats et de feedbacks positifs lui permet de porter un regard plus optimiste sur sa situation professionnelle. Ce regain d’optimisme lui donne la possibilité de mettre en œuvre de nouvelles missions et activités et même d’envisager de nouveaux projets.
Enfin, intervient la phase d’intégration. Elle est marquée par une reprise de confiance en soi de l’IPA. Elle prend de l’assurance dans l’exercice de sa fonction. Son identité professionnelle est stabilisée : elle se considère pleinement comme une IPA et est reconnue comme telle. Elle gagne en influence au sein de son environnement de travail. Elle engage alors de nouveaux projets. Une congruence entre les valeurs de l’IPA et celles de l’institution qui l’emploie est souvent observable à ce stade.
Toutefois, le processus de transition peut se trouver entravé. Trois situations de ce type ont été décrites (Jones, 2005) : gel du processus, réorganisation qui génère une incohérence entre les valeurs de l’IPA et celle de l’institution, et enfin, l’auto- satisfaction trop marquée qui empêche toute progression. Un instrument de mesure spécifique composé de 16 items a été développé afin de suivre le processus de transition de l’IPA, il est intitulé Nurse Practitioner Role Transition Scale (NPRTS) (Cusson et al, 2011).
À l’heure actuelle, il n’est validé qu’en langue anglaise.
3.3. Les facteurs impactant l’expérience vécue.
Durant cette transition, l’étudiante IPA se trouve confrontée à des agents stressants multiples qui, de surcroît, peuvent se combiner. Ceux-ci sont de deux types (Barnes, 2015).
• les agents stressants intrapersonnels ont trait aux valeurs de l’étudiante IPA, à ses principes, à sa motivation et aux objectifs qu’elle se fixe en entrant en formation.
• les agents stressants interpersonnels sont, quant à eux, induits par les différents acteurs avec lesquels l’étudiante IPA va interagir : les patients et leurs proches tout d’abord (attentes, craintes, comportements…), les membres de son groupe professionnel (infirmières, pairs, cadres et directeurs de soins), les autres professionnels de santé́ (médecins, psychologues, autres professionnels paramédicaux…).
Les travaux réalisés ont également permis d’identifier les facteurs qui influencent positivement cette transition dans l’exercice d’une fonction ainsi que ceux qui, au contraire, constituent des obstacles pour l’étudiante IPA (Barnes, 2015 ; Hart et al, 2016). Ces éléments sont liés aux caractéristiques intrapersonnelles de l’infirmière, mais également à des facteurs interpersonnels au sein de l’environnement dans lequel elle évolue.
Les caractéristiques personnelles sont nombreuses :
• les attentes de l’étudiante forgées au contact d’IPA confirmées et/ou des publications professionnelles ;
• le caractère choisi ou non de ce changement de fonction ;
• le degré de préparation de sa formation ;
• les connaissances et les capacités qu’elle peut mobiliser dans cette transition ;
• le sens qu’elle attribue à l’expérience qu’elle vit ;
• les obstacles qu’elle va rencontrer et les soutiens qui lui seront proposés ;
• l’expérience professionnelle acquise avant l’entrée en formation a été identifiée comme essentielle : elle facilite la transition et en réduit la durée.
Les facteurs interpersonnels sont également multiples. Ils renvoient :
• à la nature du parcours d’intégration qui lui est proposé́ ;
• au degré d’isolement de l’IPA dans son environnement de travail ;
• à la possibilité de choisir ses modèles et ses contre-modèles ;
• aux comportements hostiles dont elle est parfois victime de la part de certains membres de l’équipe infirmière et/ou médicale.
Confrontée à cette transition, l’étudiante IPA, puis la nouvelle diplômée, va développer, le plus souvent inconsciemment, des stratégies d’adaptation plus ou moins efficaces.
A partir de ce que j’ai pu observer tout au long de mon parcours, une stratégie sera considérée comme efficace si la transition opérée conduit l’IPA débutante à éprouver un sentiment de bien-être dans l’exercice de sa nouvelle fonction, si sa confiance en elle croît graduellement en parallèle avec l’acquisition d’une maitrise des compétences attendues et si, enfin, elle peut investir pleinement l’autonomie accordée à sa fonction.
En revanche, une stratégie sera qualifiée d’inefficace si elle génère des émotions négatives chez l’IPA, une perte de confiance en soi et une impression d’isolement et de manque de soutien. Cette situation se manifeste par :
• une identité professionnelle qui peine à se reconfigurer ;
• une première prise de poste difficile ;
• une insatisfaction au travail ;
• un faible niveau de performance ;
• un haut niveau d’anxiété ;
• un sentiment d’insécurité ;
• l’installation progressive d’un épuisement ;
• une volonté de changer de poste.
3.4. Les stratégies d’accompagnement :
Des stratégies efficaces ont été́ identifiées afin d’accompagner ce processus et d’éviter ses conséquences néfastes (Brykczynski, 2014 ; Fitzpatrick, 2016). Elles intéressent à la fois la période de formation et l’intégration dans le premier poste, et impliquent une multitude d’acteurs.
3.4.1. Accompagnement pendant le parcours de formation :
Le projet pédagogique prendra nécessairement en compte la transition vécue par l’étudiante IPA. Plusieurs activités complémentaires peuvent ainsi être mises en œuvre. Celles que je suggère sont alors les suivantes :
• sensibiliser l’étudiante, les enseignants et les tuteurs au processus de transition ;
• évaluer cet aspect lors du suivi pédagogique et repérer la stratégie d’adaptation adoptée ;
• permettre à l’étudiante d’accroitre son seuil de tolérance à l’incertitude dans l’exercice de sa fonction, notamment dans la mise en œuvre de son raisonnement clinique ;
• limiter l’écart théorie/pratique durant la formation : en maximisant les bénéfices de l’alternance intégrative et en favorisant le maintien de l’expertise clinique des enseignants chargés des cours théoriques ;
• encourager le repérage par l’étudiante de modèles et de contre-modèles ;
• multiplier les analyses de pratiques ;
• favoriser la création d’un réseau de soutien entre étudiants.
Lors de la première prise de poste, il appartient aux responsables d’encadrement qui accueillent l’IPA nouvellement diplômée de concevoir et de mettre en œuvre un dispositif de préparation à l’emploi formalisé. Ce dispositif s’attachera à :
• donner à l’IPA la possibilité de « récupérer » à l’issue de la formation ;
• clarifier ses missions et activités ;
• structurer la phase de prise de poste en établissant un plan de charge progressif qui doit être négocié et évalué ;
• informer les parties prenantes ;
• organiser un mentorat au sein de la structure ;
• maintenir la pratique réflexive acquise en formation ;
• l’encourager à conserver son réseau de soutien ;
• lui proposer de s’autoévaluer fréquemment et de demander des feedbacks ;
• dépister les problèmes précocement et engager sans délai une démarche de résolution des conflits.
La mise en œuvre effective de cette stratégie conditionnera grandement l’expérience vécue par l’étudiante IPA et sera déterminante quant à sa plus-value au sein de l’équipe.
3.4.2. Accompagnement à la prise de poste :
L’adjonction d’un poste d’infirmier de pratique avancée au sein d’une équipe ne peut en effet se concevoir comme un acte isolé. Comme le soulignent Denise Bryant Lokosius et ses collègues (2004), un projet de cette nature doit être envisagé de manière systémique, donnant ainsi l’opportunité à l’équipe de repenser l’organisation des soins dans le cadre d’une démarche projet centrée sur le patient et son parcours.
3.4.3. Le modèle PEPPA :
Le modèle PEPPA (Participatory, Evidence-based, Patient-Focused Process for Advanced Practice Nursing Rôle Développement), très fréquemment utilisé au niveau international pour structurer l’introduction de la pratique avancée, met en exergue la nécessité de partir d’une analyse préalable des besoins, de l’offre de soins existante, mais aussi des insuffisances constatées dans l’organisation en place (Bryant-Lukosius et al, 2004).
Cette étape préalable permet ensuite de concevoir un nouveau modèle de prise en charge plus performant, incluant la contribution de l’infirmière en pratique avancée. Ce modèle sera explicité dans le protocole d’organisation rédigé en amont du déploiement.
3.4.4. Le rôle des cadres dans l’accompagnement
Si les grandes lignes de la réorganisation des soins sont en général définies par le groupe de pilotage dédié, il appartient à l’encadrement des secteurs directement concernés de l’affiner et, surtout, de la mettre en place. La rédaction d’un protocole d’organisation explicite de manière claire et fonctionnelle permet de synthétiser l’ensemble des décisions prises. Ce protocole doit, au regard des textes, être signé par le/les médecins(s) et le/les IPADE concerné(s). Ce document pourra également servir de base à la rédaction des documents d’information destinés aux patients à qui un suivi par un IPADE sera proposé par leur médecin.
La qualité de l’accueil de l’IPADE et l’accompagnement qui lui sera proposé lors de sa prise de poste seront essentiels au succès du projet. Le rôle du cadre est essentiel à cette étape. Il lui incombe de fixer des objectifs réalistes, mais aussi d’accompagner la transition vécue par l’IPADE (Debout, 2018).
Il lui appartient également d’accompagner les réactions induites par ce changement chez les membres de l’équipe. En outre, il convient aussi à l’encadrement de veiller à procurer un environnement de pratique favorable à l’IPADE comme pour tout autre membre de l’équipe. Il s’agit de ne pas tomber dans les travers mis en évidence dans l’étude de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) qui soulignait que nombre d’environnements de pratiques sous-utilisent les compétences possédées par les infirmiers formés au niveau master (OCDE, 2016).
Personnellement, faciliter sa participation à des réseaux d’IPA est essentiel afin de rompre son isolement et de prévenir l’apparition d’un sentiment de solitude
3.4.5. L’évaluation de l’activité de l’infirmière en pratique avancée.
La conception du dispositif d’évaluation de la nouvelle organisation et de l’activité propre de l’IPADE constitue également un préalable au déploiement des premiers professionnels.
La connaissance approfondie de ses caractéristiques, de sa contribution spécifique au sein de l’équipe pluriprofessionnelle, d’un secteur d’activité et des travaux publiés, permettra à l’encadrement de concevoir un dispositif d’évaluation adapté à la contribution apportée par l’IPADE. Les travaux du professeur en sciences infirmières Ruth Kleinpell (Kleinpell, 2005 ; 2017) dans ce domaine sont incontournables afin de retenir des indicateurs suffisamment sensibles pour capturer les aspects spécifiquement imputables à l’IPA dans ses différents champs d’activité.
Il faudra notamment éviter dans ce domaine de ne retenir que des indicateurs quantitatifs, uniquement cliniques ou encore centrés exclusivement sur le temps médical gagné. En effet, je considère que la fonction d’IPA ne s’inscrit pas dans une logique de substitution, elle constitue une contribution dans l’offre de soins alliant une expertise infirmière avec des compétences élargies notamment dans le domaine médical.
3.5. Des outils pour le perfectionnement professionnel continu de l’IPA.
3.5.1. Le tutorat :
Cet outil soutient le perfectionnement professionnel et appuie le maintien en poste du personnel, la planification de la succession, la satisfaction au travail et l’élargissement des rôles. Les programmes de tutorat, y compris le tutorat en ligne, se sont avérés efficaces pour renforcer les compétences en recherche et la capacité des infirmières et infirmiers en pratique avancée (Bryant-Lukosius, 2015 ; Hart et al, 2016).
3.5.2. L’encadrement :
L’encadrement permettra à l’IPA de tisser un partenariat dans un processus de réflexion et de création, il l’aidera à maximaliser son potentiel personnel et professionnel, pour trouver ses propres réponses à n’importe quelle difficulté qu’elle rencontre.
Le travail de la personne qui encadre est de poser des questions puissantes et d’écouter afin de pousser l’encadrant à renforcer les aptitudes et la créativité qu’il possède déjà, plutôt que de les instruire ou de les aviser. Les composantes importantes d’un modèle d’encadrement comprennent l’établissement de la relation, la définition du problème, la résolution du problème, et la transformation.
4.Conclusion :
La volonté des acteurs de promouvoir l’autonomie de l’usager et d’aller vers un meilleur respect du consentement en contexte de crise a été clairement identifiée dans la recherche documentaire, de même que la pertinence du PCC à ces fins, mais elle est loin de suffire pour en assurer le succès dans la pratique.
En effet, les résultats de recherche confirment que la généralisation du PCC se heurte à de nombreux obstacles et mettent l’accent sur le long processus de l’élaboration, qui induit des changements dans les relations soignant-soigné.
La plus-value de l’infirmière de pratique avancée dans l’instauration du plan de crise conjoint consistera en un accompagnement des équipes dans l’analyse et la formation dans leur pratique de soin, car l’élaboration du plan de crise conjoint est un long processus de collaboration entre le soignant et le patient qu’il faut savoir appréhender.
D’autant plus que cet accompagnement se termine par la mise en place d’un écrit formel qui permet une visibilité du travail infirmier basé sur la relation et lui confère une reconnaissance.
La connaissance du phénomène de transition, son anticipation et l’accompagnement de l’IPA qui le traverse sont des élément-clé dans l’introduction de la pratique avancée. Il s’agit de minimiser les effets négatifs de ce processus, tout en sachant bien entendu qu’il sera vain de vouloir les annihiler, dans la mesure où il s’agit d’un processus qui comporte une dimension intra-personnelle. De plus, la temporalité de ce processus ne peut être ignorée, et ce temps est incompressible. Des objectifs réalistes doivent être formulés par les responsables d’encadrement lors de la prise de poste d’une infirmière de pratique avancée pour lui permettre de trouver sa place dans l’accompagnement des équipes.
Par ailleurs, une approche systémique est requise pour concevoir et mettre en œuvre un accompagnement efficace. Il s’agit de sensibiliser et d’impliquer les acteurs : formateur, tuteur, employeur, encadrement, mais aussi membres de l’équipe pluriprofessionnelle.
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