Cet exemple de thèse de médecine générale vise à vous donner un aperçu des attentes académiques relative à la rédaction de ce type de thèse.

Problématique : Comment évaluer la pertinence des passages des personnes âgées de 75 ans et plus aux urgences afin d’améliorer le recours aux soins par cette catégorie de patients ?

Résumé

Objectifs : La fréquentation des urgences est en constante augmentation particulièrement, chez les personnes âgées. Le but de cette étude est donc d’évaluer la pertinence des passages aux urgences des personnes âgées de 75 ans et plus, et de décrire les passages inappropriés.

Méthode : Étude épidémiologique descriptive, rétrospective menée en juin 2019 aux urgences du centre hospitalier de Libourne. Les patients recrutés sont ceux âgés de 75 ans et plus, étant donné qu’ils présentent un risque élevé de recourir aux urgences. L’évaluation de la pertinence a été réalisée selon une grille de critères explicites contenus dans la version française de l’Appropriateness Evaluation Protocol (AEPf). A partir de cette grille, les passages pertinents (AEPf+) sont distingués des passages non pertinents (AEPf-).

Résultats : Bien qu’ils ne soient pas beaucoup nombreux par rapport aux AEPf+, les AEPf- représentent tout de même 19.55% des patients admis aux urgences. Dans la majorité des cas, ces patients AEPf- viennent aux urgences par leurs propres moyens, prennent moins de médicaments et rapportent des motifs qui sont différents de ceux qui sont fréquemment évoqués par les AEPf+. Leur admission non pertinente au sein des urgences est à corréler avec la lenteur des procédures, l’absence de structure adaptée pouvant accueillir ces patients âgés, la longue attente des résultats ou des décisions de la famille du patient. D’une manière générale, 56% de ces patients sont admis aux urgences durant la semaine et durant le jour.

Conclusion : L’AEPf seul n’est pas suffisant pour déterminer la pertinence de l’admission du patient âgé aux urgences, d’où la nécessité de recourir à d’autres outils comme l’Identification of Senior at Risk. Une amélioration de la formation et de l’organisation du service des urgences pourrait réduire les pertes dans les passages non pertinents.

Mots-clés : urgences, patients âgés, pertinence, AEPf

Abstract

Aims of the study : Emergency department (ED) visits increase, resulting in bottleneck of the admission of “real urgent” patients, particularly in group of elder patients. The aim of the study is to appreciate the pertinence of the admission of this group of patients in ED, and to characterize inappropriate visits.

Method: Epidemiologic, descriptive, retrospective approach led in June 2019 at the ED of the hospital of Libourne. Patients included in the study were those of 75 years old and more, because they represent the group with high risk of utilization of ED. Evaluation of the pertinence of the ED visit and admission was made with Appropriateness Evaluation Protocol (AEPf). This tool offered criteria to distinguish between appropriate (AEPf+) and inappropriate (AEPf-) ED visits.

Results: Although less numerous compared to AEPf+, AEPf- represent somehow 19.55% of the patients of 75 year old and more patients. In most cases, those patients AEPf- come to the ED by their own mean, take fewer medications, and report causes of consultation different from those of the AEPf+. Their inappropriate coming at the ED is correlated with slowness of procedures, lack or even absence of structure adapted to the needs of elder patients, long wait of results or of the decision of the family. In general, 56% of these patients are received in ED during day, and during business days.

Conclusion: AEPf alone is not sufficient to appreciate the pertinence of the admission of elder patients in ED. That encourages the need to utilize other tools like Identification of Senior at Risk. Improvement in emergency team training and in organization of the service of ED may reduce the lost caused by inappropriate ED visits.

Keywords: emergency department, elder patients, pertinence, AEPf

Introduction

Les urgences accueillent principalement des patients qui doivent bénéficier de soins urgents. Mais des patients viennent aux urgences pour des besoins qu’ils pensent être urgents. Certains passages ne sont pas pertinents et causent l’encombrement des services d’urgences (Mevel, 2015). Plus le patient reste longtemps dans le service d’urgences, plus la qualité des soins qui lui sont prodigués se détériore et plus, il peut y avoir des complications dans sa prise en charge. L’encombrement du service d’urgences augmente la mortalité des patients même pour les cas les moins graves. Outre à cela, il est source de recrudescence de violences parmi les patients (Marjanovic et al., 2017 : 8).

D’une manière générale, les patients qui viennent aux urgences sont composés majoritairement (80% des cas) de patients qui sont venus par leur propre initiative aux urgences et ceux qui ont été orientés aux urgences par un médecin (20% des cas). La première classe de patients sont souvent plus jeunes par rapport à ceux qui ont été adressés aux urgences par leurs médecins. Ils ne passent qu’un délai très court aux urgences et souffrent souvent d’une maladie grave (Joly & Damm, 2021 : 353). Les personnes âgées sont plus susceptibles d’aller aux urgences à cause de leur fragilité physique, psychique et socioéconomique. Cette catégorie de patient est vulnérable du fait qu’elle présente souvent une polypathologie. Beaucoup d’entre eux sont dépendants et viennent aux urgences pour des crises, des causes médicales, mais aussi sociales. La fragilité augmente au-delà de 75 ans (DREES, 2017 : 1-2). Les études menées auprès de ce groupe de patient sont donc à encourager.

Les données épidémiologiques fiables concernant le passage aux urgences et leur pertinence sont nécessaires pour aider les preneurs de décisions à améliorer l’accès aux soins. Si ces données peuvent être disponibles chez d’autres pays, celles-ci ne peuvent pas être transposées au cas français vu la différence des comportements anthropologiques. L’absence de définition précise d’un patient « non urgent » dans la littérature scientifique ne facilite pas la tâche des professionnels qui accueillent les patients aux urgences. Ils doivent en effet juger la pertinence du passage aux urgences. Le fait d’avoir été dirigé aux urgences par un médecin implique que le passage aux urgences est pertinent. Les personnes qui y viennent de leur propre chef pourtant, peuvent aussi présenter des cas graves. Ainsi, leur passage aux urgences est pertinent (Joly & Damm, 2021 : 353-354).

L’évaluation de la pertinence du passage aux urgences est donc cruciale pour améliorer la qualité des soins prodigués aux patients et pour réduire le taux de mortalité et l’aggravation de leur état. Les personnes âgées sont des personnes à risque, vu leur état de santé et leur vulnérabilité. Mais dans ce cas, comment savoir si leur passage aux urgences est pertinent ? Cette étude s’intéresse aux patients âgés de 75 ans et plus, qui sont plus fragiles par rapport à toutes les autres classes d’âges. Elle tente de répondre à la question suivante : Comment évaluer la pertinence des passages des personnes âgées de 75 ans et plus aux urgences afin d’améliorer le recours aux soins de cette catégorie de patients ?

Le principal objectif de cette étude est d’évaluer le taux des admissions médicament non pertinents des personnes âgées de 75 ans et plus aux urgences. Cet objectif principal comporte deux objectifs secondaires : (i) identifier les déterminants de non pertinence des admissions aux urgences ; (ii) proposer des dispositifs permettant de limiter la prévalence de ces admissions non pertinentes. Le but final de cette démarche est d’émettre des propositions d’amélioration du recours aux soins des personnes âgées.

  1. Généralités
    1. Les urgences
      1. Les missions du service des urgences

Le service des urgences constituent la première porte d’entrée à l’hôpital (Zgaya, Hammadi et Renard, 2017 : 108). Ce service a été désigné comme étant une interface entre l’hôpital et la société, ce qui fait en sorte qu’il soit le service le plus visible et le plus accessible de l’hôpital. De par cette accessibilité, le service des urgences est aussi le principal pourvoyeur de patients pour l’hôpital (Ridel, 2021). Ce service des urgences est aussi connu du public pour offrir des services à toutes personnes dans le besoin même si celle-ci n’a pas les moyens pour payer, d’où la prédisposition des personnes, et ne particulier les plus nécessiteux aussi à venir vers lui. C’est ainsi, que le service accueille une grande diversité de patients. Cette diversité ne doit pas uniquement être considérée au niveau de la diversité des raisons pour lesquelles, le patient vient aux urgences, mais aussi au niveau de leur appartenance sociale. Les urgences accueille des personnes qui ont une assurance, et d’autres qui ne sont pas assurées (Di Somma et al., 2015 : 172).

Les urgences sont chargées de l’accueil inconditionnel des patients à toute heure de la journée afin de leur apporter du soutien et des soins qui n’ont pas été programmés à l’avance (Galichon, 2014 : 26). Cet accueil se fait 24h/24, tous les jours de l’an (Zgaya, Hammadi et Renard, 2017 : 109). Les patients admis au service des urgences sont des personnes qui ont des maladies aigues, victimes d’accidents pour diverses raisons notamment, leur manque de connaissance concernant la santé, les minorité et les personnes en marge de la société (Schumacher et al., 2013). Les accueillir revient à hiérarchiser les priorités parmi les patients qui viennent demander des soins et de l’aide (Jézéquel, 2018).

Comme des patients présentant diverses maladies peuvent se présenter au service des urgences, il incombe aux professionnels de santé qui y travaillent, les infirmiers en particulier, de faire le triage des patients. Cette première démarche consiste à classer par ordre de gravité, d’urgence les patients, tout en assurant que tous les patients puissent accéder aux soins. Les patients qui ont besoin d’une assistance immédiate sont prioritaires par rapport à ceux dont le risque vital n’est pas élevé et peuvent par conséquent attendre. Le système de triage peut varier d’un établissement à un autre selon la présence d’arbre décisionnel, les protocoles mis en place par l’établissement, le nombre de « classes d’urgences » identifiées par les professionnels, l’environnement hospitalier, les ressources et les équipements à la disposition de l’hôpital et qui affectent les activités des professionnels. Certains pays ont défini leurs propres systèmes de triage des patients aux urgences grâce à différents systèmes : Australia’s National Triage Scale (NTS), Canadian Emergency Department Triage and Acuity Scale (CTAS), United Kingdom’s Manchester Triage System (MTS) et US Emergency Severity Index (ESI) (Acosta, Duro et Lima, 2012 : 182). Le tableau 1 donne une idée sur la détermination de la hiérarchisation des priorités chez les patients accueillis en urgence, en les répartissant sur différents niveaux.

Tableau 1 : Les différents niveaux de triage des patients qui arrivent aux urgences et le délai de prise en charge pour chaque niveau, selon le référentiel de la Société Française de Médecine d’Urgence (citée par Wolff, 2016)

Niveau I : Pronostic vital en jeu La situation clinique menace la vie et demande une intervention médicale immédiate
Niveau II : Détérioration imminente des fonctions vitales, ou douleur sévère L’état de santé du patient est assez grave ou se détériore si rapidement qu’il y a un risque potentiel à la survie, ou de défaillance organique, s’il n’est pas traité dans les dix minutes qui suivent l’arrivée. Le délai de mise en place du traitement est en corrélation avec l’évolution de l’état clinique du patient. Le délai de prise en charge doit être inférieur à 10 minutes.
Niveau III : Défaillance latente ou situation urgente L’état de santé du patient risque de se dégrader et d’entraîner une défaillance organique ou d’un membre si le délai de prise en charge dépasse 30 minutes
Niveau IV : Problème sérieux sans risque de décompensation vitale Le patient présente un état aigu mais stable. Le délai de prise en charge doit être de 60 minutes.
Niveau V : Motif de recours moins urgent correspondant à une simple consultation sans acte technique L’évolution de l’état du patient n’est pas déterminée par le facteur temps. Le délai de prise en charge peut excéder 2 heures

Bien que les systèmes de triage puissent différer d’un pays à un autre et d’une structure à une autre, il est toujours observé que le triage aux urgences consistent toujours à collecter le plus grand nombre d’informations sur le patient notamment, sur l’historique de sa maladie, sur la principale raison pour laquelle il a été orienté ou est venu ou encore amené au service des urgences. Après cette étape, des examens physiques sont effectués afin d’observer les signes et les symptômes permettant de déterminer le risque encouru par le patient. Les connaissances et les capacités de l’infirmière chargée du recueil des patients et des premiers examens sont fortement mobilisés durant cette première étape de l’admission aux urgences, d’autant plus qu’il lui revient d’interpréter les signaux psychologiques, les communications verbales et non verbales envoyées par le patient. La lucidité du patient permet en effet d’évaluer la qualité des informations cliniques fournies par le patient (Acosta, Duro et Lima, 2012 : 186-7).

L’intuition de l’infirmière compte beaucoup dans l’appréciation de l’état du patient, notamment son apparence physique et la manière qu’il adopte pour exposer son cas. Il faut noter cependant, que l’état du patient varie au cours du temps, ce qui contraint les infirmiers à vérifier régulièrement les paramètres et l’état du patient pour pouvoir réviser la classification de son état en fonction de sa gravité. La connaissance de la structure et des différentes divisions du travail sont aussi déployées au moyen de décider d’admettre le patient à l’hôpital. Cette connaissance est aussi cruciale pour mieux gérer le temps d’attente aux urgences (Acosta, Duro et Lima, 2012 : 186-7).

Les urgences assument la régulation et la préparation des soins pour les personnes qui viennent vers elles, pour diverses raisons. Elles sont également responsables de la permanence des soins. Si des patients venant de l’extérieur de l’hôpital sont dirigés vers les urgences, il se peut aussi que les urgences accueillent les patients hospitalisés victimes d’accidents aigus (Galichon, 2014 : 32). Mais l’accueil et les soins prodigués aux personnes demande l’identification de la demande et des besoins des patients, à travers l’analyse des symptômes (Zgaya, Hammadi et Renard, 2017 : 109).

Les urgences constituent un soutien aux soins de santé primaires en offrant aux patients la possibilité de faire un diagnostic complexe et à gérer l’important flux de patients. Ce soutien se manifeste aussi par la disponibilité des urgences en-dehors des horaires des soins primaires notamment, pendant les weekends. Par ailleurs, il n’est pas rare que les médecins des services de soins primaires dirigent les patients vers les urgences dans les cas les plus complexes ou les plus difficiles à prendre en charge (Morganti et al., 2013).

Comme les patients qui viennent aux urgences peuvent être dans un état critique, il incombe à ce service de préserver la vie et de stabiliser l’état du patient. Dans cette optique, les soignants adoptent les gestes diagnostiques et thérapeutiques urgents en fonction de ce qu’ils observent (Zgaya, Hammadi et Renard, 2017 : 110). Vu sous cet angle, les urgences assurent la protection des patients, contre les effets de la maladie sur leurs corps et sur leur mental. Ce rôle de protection des urgences se manifeste entre autres, à travers son intervention dans la prévention du suicide. Pour prendre l’exemple des personnes âgées, les urgences interviennent pour maintenir en vie la personne qui a intenté sur sa propre vie, mais en même temps, elles assurent aussi le rôle de prévention pendant la période qui précède la tentative de passage à l’acte (Costanza, 2015 : 12).

Chez la population de patients très âgés qui montrent une forte dépendance, leur état est souvent critique lorsqu’ils sont admis aux urgences. Il est fort probable dans ce cas, que l’hôpital constitue le lieu de leur fin de vie. Les professionnels qui les accueillent aux urgences sont donc tenus de les prendre en charge en rassemblant toutes les conditions permettant d’optimiser autant que faire se peut, cette admission aux urgences (Le Conte, Batard et Potel, 2018 : 215).

Les urgences ne constituent cependant qu’une porte d’entrée. Lorsque le patient est mis hors de danger, il doit être orienté vers le service le mieux adapté à son cas. Dans certains cas, les patients sont admis en hospitalisation de courte durée en fonction des moyens à la disposition de l’établissement (Zgaya, Hammadi et Renard, 2017 : 110). Dans d’autres pays comme l’Australie par exemple, les infirmiers des urgences ne se contentent pas de recueillir les informations et les paramètres du patient, mais peuvent aussi administrer les premiers soins en donnant des médicaments oraux, des inhalations, une sérothérapie, et aussi procéder à l’électrocardiogramme (Acosta, Duro et Lima, 2012 : 187).

  1. Les défis rencontrés par les urgences

L’imprévisibilité et la gestion des imprévus constituent un des principaux défis pour le personnel des urgences. Les urgences doivent faire face à différents pics d’activités relatifs au service ou extrinsèques. Les pics d’activités intrinsèques proviennent de l’évolution de l’état des patients. Si leur état ne se stabilise pas, toute l’équipe est contrainte d’adapter l’organisation des soins. Or, l’état physiologique des patients varie au cours de la journée, ce qui fait que les soignants peuvent rapporter des tâches prévues pour effectuer des tâches imprévues pour améliorer l’état du patient. Certaines tâches deviennent urgentes et doivent être faites dans l’immédiat. L’imprévisibilité extrinsèque est relative à l’arrivée de nouveaux patients qui n’ont pas été programmés au service. Cette irrégularité au niveau du flux de patients qui arrivent rend difficile l’organisation et la planification des tâches des différents intervenants. Par ailleurs, il est difficile d’établir un standard de soins vu la grande diversité des raisons et des symptômes pour lesquels les patients sollicitent les soignants (Kadri, 2014 : 21).

La surcharge constitue un autre défi auquel, les urgences doivent faire face surtout en France (Marchetti, Lepape et Lauque, 2014 : 349). Les passages dans les urgences augmentent chaque année, allant de 18.4 millions en 2012, pour atteindre 21.2 millions de passages en 2016, ce qui équivaut à une augmentation d’environ 15% en 4 ans. Le pourcentage de patients qui n’auraient pas dû aller aux urgences est estimé à 20% en 20191. Il faut noter cependant, que ce problème de saturation est inhérent au service des urgences depuis sa création. Il a été seulement renforcé par certains évènements notamment, la montée d’épidémies, la limitation du nombre de lits. Cette dernière raison est à mettre en relation avec l’incapacité des urgences à évacuer les patients vers d’autres services au sein de l’hôpital (Ridel, 2021).

La pandémie de la Covid-19 qui a éclaté depuis 2020 a mis en relief l’importance de cette surcharge au niveau des urgences. En effet, les soignants n’étaient pas uniquement confrontés à l’augmentation de flux de patients qui arrivaient aux urgences, mais aussi au risque élevé de contagion. Cette pandémie a fait émerger l’importance de séparer les patients entre eux pour minimiser la transmission de la maladie. De plus, la vitesse à laquelle la maladie évolue laisse peu de temps aux soignants. Le triage des patients constituait un autre défi (Drogrey, Pernet et Hausfater, 2020 : 235). Il est probable que ce défi soit rencontré pour toutes les épidémies où la contagion est élevée.

La surcharge des passages aux urgences est à l’origine du prolongement du temps d’attente avant que le patient ne puisse être pris en charge. En même temps, la surcharge des urgences est aussi source de retard dans l’attribution de soins et dans la réalisation des examens complémentaires, alors qu’une telle situation pourrait se solder par la mort du patient (Marchetti, Lepape et Lauque, 2014 : 349-350). Ainsi, plus le temps d’attente aux urgences est long, plus le patient est insatisfait du service. Cela a également un impact sur les professionnels qui enregistrent une baisse de productivité (Pateron, 2013 : 69). L’engorgement aux urgences a été identifié comme étant à l’origine des erreurs médicales (Di Somma et al., 2015 : 172). Le médecin peut prescrire des médicaments inappropriés ou contre-indiqués lorsqu’ils font face à une masse de personnes en attente dans les urgences. Souvent, les patients n’accèdent pas aux analgésiques et aux antibiotiques dont ils ont besoin. Les soignants ont du mal à suivre les guides de bonnes pratiques en temps d’engorgement des urgences (Morley et al., 2018).

De plus, le risque de mortalité est particulièrement élevé lorsqu’il y a surcharge dans le service des urgences. A cela s’ajoute l’augmentation de la durée d’hospitalisation et des dépenses hospitalières. L’augmentation de la mortalité est due à l’inaccessibilité aux soins pour les patients réellement urgents incluant l’infarctus du myocarde, la pneumonie et les patients douloureux. La surcharge fait en sorte qu’il est difficile de trouver un lit non occupé pour accueillir le patient urgent. Outre à cela, une telle situation ne facilite pas l’organisation interne. La continuité des soins pourrait être compromise (Sun et al., 2013). La surcharge dans les urgences favorise aussi la promiscuité entre les patients et affecte leur sécurité. Pour le personnel, c’est une situation frustrante (Yarmohammadian et al., 2017).

Pour les patients et leurs accompagnateurs, la longue attente dans les urgences est aussi frustrante et constitue une source d’insatisfaction. Ces deux acteurs peuvent se sentir maltraitées par le personnel aux urgences. Ainsi, certains d’entre eux n’hésitent pas à se plaindre. Mais une telle attitude dénote des problèmes au niveau de la communication entre les soignants, les soignés et leurs accompagnateurs. Or, un problème de communication se solde toujours par des conflits (Charrier et al., 2019 : 798). Les violences enregistrées dans le service des urgences sont pour la plupart, des violences verbales. Néanmoins, 14% des cas correspondent à des violences physiques. Parfois, l’issue des agressions physiques à l’encontre des soignants peut se solder par la mort de ceux-ci. Bien que rares, ces faits montrent un profond dysfonctionnement du système de santé et une mauvaise organisation au sein des urgences. Les violences peuvent se manifester par des comportements antisociaux, des insultes, des menaces. Elles sont perpétrées par des patients en état d’ébriété ou sous l’emprise de tout autre stupéfiant, ou encore des patients souffrant de troubles psychiatriques ou neuropsychiatriques (Ridel, 2021).

Certains services des urgences manquent de moyens humains et matériels (Galichon, 2014 : 34). Le manque de moyen humain dans le service des urgences est à mettre en lien avec l’augmentation du nombre de patients qui requièrent les soins (Daouzli, 2012). Les ressources manquent alors que les demandes augmentent. La situation est particulièrement difficile avec la présence de bedblockers c’est-à-dire, des patients qui ne sont pas particulièrement « urgents » et qui pourtant, occupent un lit pendant une longue durée dans un service où les patients séjournent à courte durée. Les bedblockers suscitent de ce fait, l’indignation même chez les professionnels. Ils font partie des patients indésirables à qui, les soignants ne trouvent pas de solution, tant leurs problèmes sont dus à plusieurs éléments interdépendants. Une telle situation rappelle aux soignants leur impuissance face à certaines situations (Wolff, 2016).

Outre le problème du blocage de l’accès aux urgences du fait de l’indisponibilité et/ou du manque de lits disponible, l’engorgement est aussi à imputer à l’augmentation du nombre de patients qui viennent auprès de ce service. Les patients s’engouffrent dans les urgences parce qu’ils n’accèdent pas au service de soins primaires et au mauvais usage des urgences par les patients. Une étude menée auprès de 34 patients aux urgences en France a montré que 76% des patients venaient aux urgences parce qu’ils s’inquiètent de l’apparition des symptômes en moins de 24h. 32.1% avaient bien cherché à accéder au service de soins primaires mais n’y étaient pas parvenus, ce qui les a orientés vers les urgences (Durand et al., 2012). D’ailleurs, en France, les urgences sont tenues d’accueillir tous les patients même ceux qui ne sont pas « réellement » urgents du fait qu’elles soient toujours ouvertes et que les patients peuvent s’y rendre sans rendez-vous ou sans frais d’avance (Kadri, 2014 : 17).

D’autres sont venus pour les avantages qu’ils pourraient tirer en utilisant le service des urgences. En effet, ils ne pouvaient pas bénéficier d’analyses et d’autres ressources comme la radiographie et les laboratoires dans les services de soins primaires. Les patients non-urgents souhaitaient être traités dans un seul lieu et non pas être renvoyé d’un lieu à un autre avant de pouvoir se soigner. D’autre part, les médicaments fournis aux urgences sont beaucoup plus intéressants pour les patients par rapport à ceux fournis dans d’autres structures. La grande majorité des patients non-urgents (79.3%) avaient pris la décision d’aller aux urgences, de leur propre chef. Certains d’entre eux viennent aux urgences alors que leurs cas n’est pas vital. Leurs problèmes ne menace pas leur pronostic vital et ils le savaient. Seulement, ils voulaient être rassurés sur leur état. Cela reflète le fait que l’inadaptabilité des critères retenus pour juger l’urgence d’une situation d’un établissement à un autre et d’un pays à un autre (Durand et al., 2012).

Le manque de moyens est à imputer à la restriction des dépenses sanitaires, ce qui a conduit à la diminution du nombre de lits (Wolff, 2016). Les problèmes financiers portent préjudice à la capacité du service à améliorer son organisation interne (Zgaya, Hammadi et Renard, 2017 : 115). Lorsque le service des urgences se trouve confronté à plusieurs problèmes reliés au manque de personnel, de matériel, c’est l’image de l’hôpital lui-même qui est affecté (Daouzli, 2012). Une telle situation augmente aussi la violence au travail chez l’équipe des urgences (Casalino et al., 2015 : 227).

Le manque de connaissances des patients concernant la santé peut les pousser à recourir aux urgences en premier au lieu de recourir à d’autres structures. A cela s’ajoute la perception des personnes qui ont une faible compréhension du système sanitaire selon laquelle, les urgences constituent une porte d’entrée au système de santé. Or, ces faits sont à l’origine de l’encombrement du service des urgences (Schumacher et al., 2013). Certes, le manque de connaissances des patients les pousse à venir auprès des services des urgences, mais ce n’est pas la seule raison qui puisse expliquer l’encombrement dans le service. Il a été observé en effet, que les patients qui ne sont pas orientés vers d’autres structures d’hospitalisation constituent aussi une des raisons de l’encombrement, d’où la nécessité de les réorienter directement vers un autre service (Andronikof et al., 2016 : 86). L’encombrement n’optimise pas le fonctionnement du service des urgences et augmente les dépenses en santé (Zgaya, Hammadi et Renard, 2017 : 109). De plus, l’encombrement du service des urgences s’accompagne de la promiscuité entre les patients graves et les patients qui ne sont pas atteints de maladies graves et suscitant une prise en charge « urgente » (Daouzli, 2012).

Les missions qui incombent au service des urgences le confrontent à des questions éthiques relatives à la fin de vie car, elles accueillent des personnes âgées en fin de vie. Dans un contexte de vieillissement de la population, de plus en plus de personnes âgées vont être accueillies dans les urgences. A cela s’ajoute la question de l’accueil des immigrants (Galichon, 2014 : 35). Il semblerait que devant la contrainte financière à laquelle, le service des urgences doit faire face, il peut procéder à une sélection des patients, ce qui pourrait être à l’origine de l’inégalité sociale quant à l’accès aux soins d’urgence (Morel, 2016). L’urgence est un lieu de violence sociale symbolique dans la mesure où c’est le lieu où les plus démunis se tournent en cas de besoin. En même temps, ce lieu ne peut pas les accueillir s’ils ne faisaient pas partie des urgences vitales, ce qui en fait un lieu de renforcement des inégalités sociales (Ridel, 2021). De plus, il est difficile de déterminer les cas « urgents » et ceux qui ne sont pas urgents. Il n’existe pas de critères permettant de déterminer sans ambigüité l’urgence d’une situation (Zgaya, Hammadi et Renard, 2017 : 111). Néanmoins, certains auteurs se sont exercés à tenter de la définir (tableau 2).

Tableau 2 : Synthèse des différentes définitions de l’urgence (source : Zgaya, Hammadi et Renard, 2017, p.111).

DéfinitionsSources
L’urgence est « toute circonstance qui, par sa survenue ou sa découverte, introduit ou laisse supposer un risque fonctionnel ou vital si une action médicale n’est pas entreprise immédiatement ».(Société française de médecine d’urgence, 2001)
Urgence vitale doit bénéficier de la prise en charge la plus précoce possible, qu’elle survient dans les services de soins, d’investigations ou dans tout autre secteur accessible au public au sein d’un établissement(Société française d’anesthésie et de réanimation, 2004)
L’urgence véritable, conduisant à une médecine d’urgence ponctuelle et bien codifiée, risque d’occulter l’urgence ressentie, c’est-à-dire, un réel problème de fond à prendre également en compte(Alvin et Marcelli, 2005)
« Les urgences sociales font partie du service public de l’urgence. »(Société française de médecine d’urgence, 2008a)

Des entretiens semi-dirigés menées auprès de soignants français ont montré que l’urgence d’un cas est subjective et dépend de la perception du soignant en fonction de ce qu’il observe. Ainsi, ils ont identifié quatre formes d’urgences qui peuvent se cumuler entre elles :

  • L’urgence « vraie » ou vitale : Comme elle menace la vie du patient, elle est qualifiée de vraie urgence et requiert une prise en charge immédiate, en déployant le plateau technique des urgences.
  • L’urgence sociale : Elle est qualifiée de non-urgence. Les professionnels tentent de répondre aux demandes du patients et lui fournir des prestations secondaires comme l’hébergement, la nourriture, la boisson. Dans d’autres cas, il peut s’agir d’une veille médico-sociale au cours de laquelle, les urgentistes deviennent des médecins-traitants des patients qui reviennent régulièrement aux urgences. Ces derniers ne reçoivent donc pas un suivi médical. Enfin, l’urgence sociale renvoie aussi aux démarches de couverture sociale, impliquant la protection des victimes de violences ou les personnes en état de précarité qui recherchent des foyers d’hébergement, etc. Les patients sont donc orientés vers des associations caritatives et les équipes peuvent leur faire des dons. Mais cette urgence sociale est souvent à l’origine de conflit entre les professionnels
  • L’urgence ressentie : Elle est une urgence subjective puisqu’elle se base sur le ressenti du patient. Elle n’est donc pas une urgence objective telle qu’elle est observée par les professionnels de santé. Elle pourrait être la résultante de l’anxiété du patient.
  • L’urgence légère : Ce sont les urgences qui ne demandent pas beaucoup d’intervention : les petites plaies, les petites infections localisées, etc. (Wolff, 2016).

En parallèle avec ce manque de connaissances sur les critères permettant de qualifier une situation d’urgent, la subjectivité de la notion conduit à des modifications au niveau des attentes de la part des patients. En effet, il n’est pas rare que la perception de l’urgence par le patient soit en décalage par rapport au point de vue du soignant. Or, le patient sent ou pense que son cas est urgent, et exige de ce fait, des soins urgents. La différence entre urgence perçue et urgence réelle peut donner l’illusion au patient que les soignants ne s’occupent pas suffisamment de lui (Zgaya, Hammadi et Renard, 2017 : 112).

La réalisation des analyses au laboratoire requiert beaucoup de temps et constitue un défi pour les personnels des urgences. Les analyses en elles-mêmes peuvent être complexes ; dans la plupart des cas, plusieurs étapes doivent être effectuées dans le cadre d’un test : demande de tests par le médecins, collecte d’échantillons, étiquetage, transport, analyse, envoi des résultats des analyses, interprétation de ceux-ci et information du patient sur sa maladie (Yarmohammadian et al., 2017).

  1. Les différentes démarches adoptées pour améliorer la qualité des services fournis aux urgences, dans différents pays

Pour éviter la suractivité dans le service des urgences, les pays anglo-saxons favorisent le tri des patients qui viennent aux urgences et les réorientent vers les structures les plus adaptées à leurs cas notamment, vers le réseau de soins ou à domicile (Marchetti, Lepape et Lauque, 2014 : 350). Cette pratique commençait aussi à être appliquée par certains urgentistes français. La réorientation des patients vers d’autres structures n’est pas une pratique systématique en France et lorsqu’elle se produit, le patient est souvent dirigé vers des structures médicales proches de son domicile (Marchetti, Lepape et Lauque, 2014 : 351). En France, une infirmière organisatrice de l’accueil se charge de faire le tri de gravité du cas des patients qui arrivent aux urgences avant qu’une évaluation médicale ne soit pratiquée sur eux (Pateron, 2013 : 69).

Le tri et la réorientation des patients vers d’autres structures s’accompagnent d’autres démarches :

  • Une prise en charge rapide des patients qui ne présentent pas de risque vital immédiat
  • Réduction de la mobilisation de personnels et de moyens en faisant s’asseoir les patients qui n’ont pas besoin d’être en position couchée
  • Etablissement d’un protocole de prise en charge de certaines pathologies qui pourraient être facilement repérées par l’infirmière organisatrice de l’accueil, étant donné qu’elle ne fait pas de diagnostic
  • Réduction du temps alloué à la réalisation des examens complémentaires en simplifiant le circuit de réalisation de l’examen et l’accès aux appareils requis
  • Informatisation du parcours patient
  • Hospitalisation anticipée lorsque celle-ci est requise sans pour autant être urgente (Pateron, 2013 : 69-70)

Nous avons vu pourtant que le triage constitue lui-même un problème pour l’équipe de l’urgence. De ce fait, certains établissements ont décidé de mettre en place une équipe d’évaluation rapide des patients qui se présentent ou qui sont amenés au service des urgences pour réduire le temps alloué au triage et à l’attente. Cette équipe est principalement sollicitée pendant les journées les plus chargées. Il en a résulté une réduction de la durée de séjour dans les urgences. Le succès de cette équipe pourrait être relié à l’augmentation des ressources aux urgences, car le manque de ressources a fortement réduit la capacité de l’équipe des urgences à répondre aux besoins des patients et de leurs familles (Traub et al., 2015 : 624).

Afin de pouvoir préparer les ressources nécessaires pour accueillir les patients, la prévision des admissions aux urgences s’avère indispensable pour réduire le nombre de patients attendant d’être reçus. Cette prévision se base sur l’analyse des séries chronologiques c’est-à-dire, des données recueillies au niveau d’une même unité d’observation à différentes périodes. Cela a été appliqué en Israël, aux Nouveau-Mexique et en Arabie Saoudite. L’analyse d’une série chronologique décrit un phénomène et tente d’expliquer celui-ci afin de pouvoir prendre des décisions. Une telle analyse est aussi indispensable pour apprécier les systèmes de gestion hospitalière (Kadri et al., 2014).

Les simulations à travers des modèles permettent d’envisager la fluctuation des patients et de préparer par la suite, les ressources nécessaires pour les accueillir. Les modèles constituent des outils d’aide à la décision pour le responsable du service des urgences dans sa mission de gestion des crises et de patients. Le modèle permet de faire une projection sur l’arrivée des patients par heures. Mais certaines arrivées anormales suite aux évènements imprévus comme les catastrophes naturels ou les épidémies sont plus difficiles à simuler. Les anomalies peuvent être brusques ou progressives (Kadri, 2014 : 125-126).

D’autre part, la difficulté à évacuer les patients qui arrivent aux urgences constitue une des principales raisons de l’engorgement dans ce service. Pour résoudre ce problème, certains établissements en France ont opté pour la création d’une unité polyvalente d’hospitalisation dont la mission est d’aider le médecin à ne plus devoir rechercher un lit pour mettre les nouveaux arrivants et de réduire le délai moyen de séjour dans le service. Avec cette unité, il était désormais possible d’augmenter la disponibilité quotidienne de lits pour les patients et de diminuer les transferts des patients vers un autre établissement qui pourrait l’accueillir. La présence de cette unité polyvalente d’hospitalisation a également permis à toute l’équipe des urgences de raccourcir le délai de prise de décision médicale et de réduire l’incertitude liée au fait de ne pas connaître si les ressources seront nécessaires pour accueillir les patients. La présence de l’unité polyvalente d’hospitalisation a épargné les négociations entre le médecin urgentiste et le médecin receveur, puisque le patient est accueilli dans cette unité et sa transmission ne s’en trouve plus négociée. En d’autres termes, l’unité polyvalente d’hospitalisation répond au besoin des patients d’accéder directement au lieu d’hospitalisation et de sécuriser les patients tout en les mettant dans un environnement plus calme en attendant de recevoir les soins appropriés (Andronikof et al., 2016 : 89).

Afin d’éviter ou tout au moins, de réduire les situations conflictuelles, la vidéo-surveillance a été utilisée. Le personnel amené à entrer en contact direct avec les patients et leurs accompagnateurs sont encouragés à suivre une formation à la gestion de conflit. Mais au cas où le professionnel de santé ne parvient pas à calmer les personnes qui montrent une attitude violente à son encontre, un médiateur peut être requis (Charrier et al., 2019 : 798). Ce dernier informe le patient sur le déroulement de la prise en charge des urgences afin qu’il comprenne le système et n’entre pas en conflit. Le médiateur aux urgences répond aussi aux questions que les patients peuvent poser. Il peut même aller jusqu’à éduquer les patients et à soutenir les professionnels de santé (Charrier et al., 2019 : 801). Et pourtant, l’intégration du médiateur peut poser problème parce que la charge de travail des professionnels et du médiateur ne leur donne pas forcément une marge suffisante pour collaborer. Le médiateur doit suivre le rythme des soignants, ce qui peut le contraindre à reporter sa médiation auprès des patients et de leurs accompagnateurs (Charrier et al., 2019 : 805). Face aux échecs, certains établissements proposent au personnel des urgences de s’initier aux techniques de self-defense (Ridel, 2021).

En Californie, la réduction ou la prévention des violences dans les urgences passe par la fouille systématique de chaque patient qui arrive dans le service des urgences. Des agents de sécurité sont recrutés en masse et des portiques de détection de métaux sont installés pour surveiller les patients avant qu’ils n’entrent dans les urgences. A ces différents dispositifs s’ajoutent l’information des patients et de leurs accompagnants. Dans certaines structures, les accompagnants sont autorisés à accompagner le patient, surtout dans les urgences pédiatriques. Pour les adultes, les accompagnants peuvent accéder à une zone sécurisée pendant un délai précis (Casalino et al., 2015b : 233).

Il a été observé que l’amélioration de l’accueil et des services fournis aux patients admis aux urgences dépendait de l’optimisation de toute l’organisation. Dans ce cadre, le lean management a été utilisé pour gérer le flux de patients dans les urgences. Le lean management est une approche de gestion qui se base sur l’identification puis l’élimination des activités qui ne sont pas nécessaires. Initialement utilisée dans le domaine automobile par Toyota, le lean management commence également à séduire les établissements de santé. Ce mode de pensée s’avère important étant donné que les activités non nécessaires alourdissent la chaîne de production. Dans le cas du service des urgences, les activités non nécessaires sont la queue, l’attente des résultats d’analyses (Bucci et al., 2016 : 4210).

Dans ce cadre, chaque membre de l’équipe est mobilisé et la communication est améliorée. Le manque de communication entre professionnel est source d’engorgement dans les urgences (Bucci et al., 2016 : 4216). La réussite du lean management dans l’amélioration de la qualité des services fournis aux urgences vient de la collaboration entre les membres de l’équipe et une meilleure coordination des activités de chaque intervenant. L’organisation des ressources est plus rationnelle et fonctionnelle. Ainsi, le temps d’attente est réduit, les opérations sont plus stables et les méthodes de travail sont plus claires pour tous les acteurs. Le lean management permet aussi de mettre en place une approche plus structurée pour résoudre les problèmes (Mazzocato et al., 2012).

Le lean management suggère la standardisation des activités à mener lorsque le patient vient aux urgences. Cette standardisation repose sur l’identification et la mise en œuvre des meilleures démarches pour accueillir et soigner les patients. Le triage est la procédure la plus standardisée afin de réduire le temps d’attente et l’engorgement, en décidant plus rapidement si un patient allait ou pas être admis aux urgences. Si le lean management est principalement focalisé sur la révision des processus pour les rendre plus efficients, il facilite également la réorganisation du service des urgences lui-même (Bucci et al., 2016 : 4216). Néanmoins, le grand nombre de faits imprévus et la diversité des patients et des besoins en urgence rend difficile cette standardisation (Kadri, 2014 : 24).

En Suède, une équipe multidisciplinaire des urgences a décidé d’intégrer le lean management pour améliorer la qualité de services fournis aux patients. L’équipe s’est réunie pour identifier, les pertes inutiles et les causes de celles-ci. C’est ainsi qu’ils ont identifié que le délai d’attente pour voir le médecin et le temps perdu après la collecte d’information constitue la principale source de perte pour les urgences. Le temps passé à attendre découle de l’inadéquation entre la capacité réelle d’accueil du service et les demandes qui sont fortement élevées. Cette inadéquation est à imputer à l’inefficacité des procédures, au manque de médecins seniors, l’attribution de plusieurs tâches à la fois par un personnel en nombre restreint. Lorsqu’une personne doit en effet courir après plusieurs tâches, il est fort probable qu’il va y avoir des interruptions dans la réalisation des activités (Mazzocato et al., 2012).

Pour minimiser ces pertes, l’organisation du service et la répartition des tâches des différents intervenants a été revu. Dans ce cadre, le nombre de personnes qui va examiner le patient a été réduit et cette tâche est principalement allouée au médecin. L’infirmière n’intervient que si besoin est, ce qui la rend disponible pour faire d’autres tâches. Par contre, leurs bureaux ont été mis côte à côte pour qu’ils puissent communiquer entre eux. La gestion des flux de patients est assuré par un spécialiste et une infirmière. Ce binôme est chargé d’orienter les patients vers un couple de médecin et d’infirmière ayant les compétences requises pour aider le patient. Cette orientation repose évidemment sur l’évaluation de l’état du patient par le binôme. Au cas où leurs collègues sont dans l’incapacité d’évacuer rapidement les patients, alors ils viennent à la rescousse. Ils deviennent donc des assistants du couple médecin-infirmière en cas de besoin. Le médecin senior est chargé d’aider et de transmettre son savoir au médecin junior et aide de ce fait, le couple de médecin-infirmière lors de l’évaluation et du traitement. De plus, des réunions régulières sont organisées entre l’équipe et le manager pour identifier les barrières et les failles au niveau de l’amélioration de la gestion des flux de patients et les actions correctives à mener (Mazzocato et al., 2012).

La composition de l’équipe qui accueille et prend en charge les personnes qui viennent aux urgences impacte sur la gestion du flux de patients et sur la réalisation des activités du service. La multidisciplinarité de l’équipe a été mise en avant en Amérique pour atteindre ce but. Une équipe multidisciplinaire permet en effet, d’avoir une vision plus ouverte sur les problèmes et sur les solutions à mettre en place. Chaque individu a sa propre manière d’appréhender le problème de l’encombrement des urgences et vu sa spécialité, il peut devenir force de proposition pour orienter le reste de l’équipe à des solutions innovantes. En étant issu de différentes disciplines, chaque membre peut mettre à la disposition de l’équipe ses propres ressources intellectuelles, son savoir-faire. Cette équipe doit être composée de leaders, des personnes possédant des expertises techniques pouvant être exploitées dans la mise en œuvre de la stratégie, des urgentistes, des infirmiers, et des personnels qui apportent leur soutien au reste de l’équipe comme les registraires et les commis, des statisticiens qui se chargent de la collecte et de l’analyse des données statistiques, des représentants des patients. L’équipe est amenée à discuter régulièrement (McHugh et al., 2011).

L’équipe multidisciplinaire est dirigé par trois leaders ayant chacun leurs atouts et leurs ressources qu’ils pourraient partager avec le reste de l’équipe :

  • Un leader au quotidien dont les missions sont de contrôler la réalisation quotidienne des tâches dans les délais ; d’encourager l’équipe à les effectuer ; de communiquer avec l’équipe concernant la stratégie à mettre en place.
  • Le chef principal d’hôpital pour aider à surmonter les obstacles qui peuvent survenir et qui peut assister et soutenir l’équipe afin qu’elle acquière toutes les ressources dont elle a besoin pour concrétiser sa stratégie.
  • Un leader technique donne un soutien technique à l’équipe et peut même la guider. Il contribue aux innovations technologiques pour faciliter les activités de l’équipe des urgences. Sa bonne compréhension des processus et du système lui permet de soutenir l’équipe du point de vue technique (McHugh et al., 2011).

Parler de l’organisation des urgences revient non seulement à réviser ses ressources, mais aussi à rationnaliser l’architecture même du service afin de pouvoir optimiser les actions de chaque intervenant. Un benchmarking au niveau des services d’urgences en Californie a montré par exemple que le service des urgences était dans la plupart des cas, situé au cœur même de l’hôpital pour un meilleur accueil et prise en charge des patients. En mettant au centre de l’hôpital le service d’accueil des urgences vitales, il est plus facile de mobiliser en temps réel les équipes médicales et paramédicales. Certains établissements font en sorte que les proches qui accompagnent les patients puissent voir leurs proches sans pour autant qu’ils ne viennent perturber les opérations faites par les soignants, ni prendre le risque de contracter eux-mêmes des maladies (Casalino et al., 2015b : 235).

L’Australie opte pour la réduction du délai d’attente dans les urgences pour éviter l’engorgement du service. Dans cette optique, la règle du « 4-heures » (National emergency access target ou NEAT) a été mise en place. Selon cette règle, une certaine proportion de patients devrait être évacuée : admise à l’hôpital, transféré dans une autre structure ou retournée à domicile. Cette règle a permis par la même occasion, de réduire le taux de mortalité à l’hôpital suite à une longue attente (Sullivan et al., 2016).

  1. Les personnes âgées, une population vulnérable
    1. Caractéristiques des personnes âgées

Les patients âgés représentent la plus grande partie de la population accueillie aux urgences. Leur séjour aux urgences est plus long par rapport à celui des patients plus jeunes qu’eux et ils sont également les patients qui sont les plus susceptibles à faire une rechute et à être admis de nouveaux dans le service des urgences. Par rapport aux autres classes d’âge, les patients âgés souffrent de plusieurs maladies une fois qu’ils quittent les urgences (Kessler et al., 2013 : 51). La population âgée est hétérogène ; elle regroupe des personnes âgées issues de différents milieux sociaux, ayant des ressources différentes et différents soutiens sociaux. L’hétérogénéité de cette population est aussi observée au niveau des buts de leurs traitements, tout au moins, du traitement pour lequel, elle vient aux urgences. De même, les personnes âgées « jeunes » seniors n’ont pas les mêmes caractéristiques que les personnes très âgées. La population âgée compte des jeunes vieux (65 à 74 ans), des vieux (75 à 84 ans) et les très vieux (plus de 84 ans) (McGreevy et Kahn, 2014 : 1).

Dans la plupart des cas, les patients âgés admis au service des urgences requièrent des soins intensifs et montrent une probabilité élevée de mourir (Kessler et al., 2013 : 54) ou d’être réadmis à l’hôpital (Ellis, Marshall, Ritchie, 2014 : 2034). Les personnes âgées sont donc considérés comme étant des personnes qui portent atteinte au bon fonctionnement des urgences en « bloquant » l’organisation. Les récidives dans les visites aux urgences sont également élevées chez les patients âgés. De plus, après leur visite, ils sont de plus en plus exposés au risque de souffrir de déclin fonctionnel voire même, de mourir après leur visite (Hendin et al., 2018 : 763). Il est donc indispensable de caractériser cette population afin de mieux la comprendre.

Le processus de vieillissement se manifeste à travers différents changements physiologiques ainsi que des changements au niveau de l’apparence. Si l’intégrité physiologique de la personne âgée est perdue, son apparence physique est également modifiée. La personne âgée se caractérise par des rides, une diminution progressive de la taille à cause de la réduction de la masse musculaire et de la masse squelettique. A cet âge, les activités sexuelles sont réduites et les activités de nombreux organes sont aussi diminuées. Les effets du vieillissement pourtant, ne peuvent pas être généralisés ; ils varient en fonction de l’environnement de l’individu (présence de polluants ou de radiations par exemple), son hygiène de vie, son régime alimentaire, ses activités physiques, ses gènes et ses microbiotes. Ces différents facteurs influencent la capacité de l’individu à faire face à des stress biologiques ou abiotiques et à faire des adaptations afin de vivre plus longtemps (MacNee, Rabinovich et Choudhury, 2014 : 45).

La limitation des activités qu’elle peut entreprendre caractérise la population âgée. Cette incapacité peut être modérée ou grave (Grenier, 2012 : 177). L’incapacité est à mettre en relation avec la dépendance envers autrui pour pouvoir réaliser certaines choses, pour obtenir du soutien et pour les aider dans leurs activités quotidienne. La dépendance pourtant, ternit le statut de la personne âgée, qui, du coup, devient un fardeau, un problème pour son entourage, pour les professionnels qui s’occupe d’elle et pour la société en général. Elle ne peut plus faire valoir sa capacité à prendre en main sa vie, à décider sur son sort, surtout, lorsqu’elle est atteinte de maladies cognitives. Les personnes âgées sont considérées comme des personnes qui ont perdu leur droit à être autonomes et à s’autodéterminer, ce qui fait qu’elles aient besoin de protection juridique (Grenier, 2012 : 181).

La limitation des activités est corrélée avec le changement du système physiologique de la personne âgée. Ce changement affecte le système nerveux central et périphérique, ce qui fait que la personne âgée n’a plus la même sensibilité proprioceptive qu’un jeune individu. Sa vision, son appareil cutané, ses articulations, ses muscles tendent à se relâcher, ce qui l’expose à des risques accrus de difficultés à marcher et au risque de chuter suite à un manque d’équilibre. L’automatisme gestuel que chaque individu a construit depuis son enfance se perd petit à petit chez la personne âgée, ce qui conduit aussi à la perte du schéma de la marche. L’altération de ses fonctions physiologiques fait en sorte que la personne âgée ne soit plus toujours apte à donner une réponse physiologique adaptée (de Jaeger, 2018 : 4-5). L’avancée en âge s’accompagne inévitablement de la diminution des fonctions corporelles de l’être humain comme le montre le tableau suivant :

Tableau 3 : Evolution des fonctions corporelles chez l’homme (source : de Jaeger, 2018, p.5)

Rapidité de la transmission nerveuse100989592
Filtration intestinale100928678
Efficacité des battements cardiaques100908075
Volume pulmonaire utile100857860
Capacité respiratoire maximale100846240

Le vieillissement s’accompagne de l’altération de la fonction immunitaire tant du point de vue quantitative que qualitative. Au fur et à mesure que l’avancée en âge, le tissu lymphoïde diminue, le nombre de cellules immunitaire décroît également. Les cellules tueuses naturelles ou leucocytes par contre, se multiplient. Le nombre de cellules T augmente jusqu’à l’âge adulte et périclite avec le vieillissement. Les proportions de cytokines pro-inflammatoires telles que le TNF-α et l’IL-6 à l’opposé, sont plus élevées chez les personnes âgées que chez les personnes adultes. Ces modifications au niveau de la fonction immunitaire sont à l’origine de la vulnérabilité des personnes âgées aux infections et à différentes maladies dont les troubles cardiovasculaires, les maladies autoimmunes. Elles sont aussi à l’origine de l’incapacité de l’individu à donner une réponse appropriée face à la vaccination et aux infections (Valiathan, Ashman et Asthana, 2016 : 255).

En lien avec cette altération du système immunitaire, les personnes âgées sont souvent polypathologiques et par conséquent, elles prennent aussi de nombreux médicaments. L’administration de plusieurs médicaments pourtant, augmente aussi le risque d’interactions médicamenteuses ou le manque d’observance de la part du patient. Or, tout cela peut s’accompagner de troubles nutritionnels, de troubles fonctionnels, de chutes et de fractures, d’hospitalisation et d’institutionnalisation (Schuling et al., 2012). De plus, l’iatrogénie peut renforcer la morbidité et la mortalité chez les personnes âgées en les rendant beaucoup plus vulnérables par l’affaiblissement de leur statut fonctionnel. Leur précarité ne leur permet pas non plus d’accéder aux médicaments et pourtant, dans les pays développés, environ 5 médicaments sont en moyenne prescrits aux personnes âgées. Certaines d’entre elles ne peuvent pas forcément se payer ses médicaments et encore moins, l’hospitalisation, ce qui provoque l’augmentation de la morbidité et du risque de mortalité (Elezi et al., 2019 : 9).

La polypathologie et l’administration de plusieurs médicaments constitue un cas complexe requérant une prise en charge spécifique des personnes âgées. Cette prise en charge demande de l’expérience et de la pratique, qui ne sont pas toujours acquises par tous les médecins qui se trouvent confrontés à ces patients. De plus, cette prise en charge demande du temps pour examiner calmement la personne âgée et pour lui demander des informations. Mais il n’est pas toujours évident d’obtenir ces informations surtout chez les personnes âgées montrant des troubles cognitifs ou des troubles du comportement. Il n’y a d’autres personnes qui puissent donner ces informations que les proches aidants des personnes âgées ; et pourtant, de plus en plus de cette catégorie d’âge sont isolés. Et lorsqu’ils sont présents, certains d’entre eux ne donnent pas suffisamment d’informations pouvant mettre le médecin sur la bonne piste ou fournissent des informations non fiables (Bosson et al., 2016 : 25).

Les personnes âgées sont beaucoup plus susceptibles de montrer une autonégligence, par rapport aux autres classes d’âge. Cette autonégligence se manifeste par le refus de prendre soin de sa personne, ce qui veut dire refus de se nourrir ou de manger des aliments équilibrés, de respecter les prescriptions du médecin, de faire preuve d’hygiène, de faire attention à ses gestes pour éviter les accidents. L’autonégligence porte atteinte à la sécurité de la personne et pourrait être associée à la mortalité et à une utilisation du système de santé notamment, du service des urgences. La fréquence d’utilisation des urgences augmente proportionnellement avec le degré de sévérité de l’autonégligence (Dong, Simon et Evans, 2012).

Du point de vue social, les personnes âgées sont plus exposées au risque d’isolement social. Au fur et à mesure de l’avancée en âge, les activités en société et le réseau social se restreignent. Les personnes âgées se sentent de plus en plus délaissées à leur propre sort et distanciées par rapport aux activités et aux engagements sociaux. Nombre d’entre elles se sentent seules et par conséquent, sombrent dans la dépression, des troubles personnels voire même, dans des pensées suicidaires (Toepoel, 2013 : 356). La rupture des liens de la personne âgée avec son entourage et le reste de son réseau social résulte de sa retraite du lieu de travail où elle avait encore ses liens avec ses collègues de travail et les personnes avec qui elle entrait en relation. D’un autre côté, l’avancée en âge des enfants, devenus désormais adultes indépendants favorise leur distance par rapport à leurs parents pour se consacrer à leur vie de couple, à leurs propres familles. Les personnes âgées ne peuvent donc se tourner que vers leurs anciens amis, mais le vieillissement fait en sorte que nombre d’entre eux soient déjà partis. Or, il n’est pas évident que les personnes âgées puissent construire de nouvelles relations (Toepoel, 2013 : 357).

Outre à cela, les personnes âgées sont aussi des personnes fragiles et vulnérables tant du point de vue physiologique que social et financier. Plus la personne âgée est fragile, plus elle est susceptible de se tourner vers le système de santé. La fragilité associée au vieillissement est donc un facteur qui augmente les dépenses en santé. Pour illustrer ce fait, en France, une personne âgée fragile va chez son médecin deux fois plus souvent qu’une personne âgée non fragile. Les dépenses en soins ambulatoires d’une personne âgée fragile en 2016 étaient de 4000 € contre 3200 € chez une personne âgée non fragile (Sirven et Rapp, 2016 : 3-4). La vulnérabilité des personnes âgées se manifeste non seulement par leur incapacité à effectuer certaines tâches de la vie quotidienne, mais aussi leur vulnérabilité aux complications comme les infections nosocomiales, l’exposition au risque d’hospitalisation, d’infections nosocomiales d’institutionnalisation voire même d’augmentation de la mortalité à long terme (Launay et al., 2014 : 44).

La vulnérabilité des personnes âgées, les expose souvent à différentes formes de maltraitance perpétrée dans la plupart des cas, par une personne de leur propre entourage (Wettstein, 2016 : 391). Le risque de maltraitance est particulièrement élevé chez les personnes âgées montrant des limitations physiques ou mentales, des personnes âgées souffrant de dépression. Les agressions et les maltraitances de personnes âgées ne sont pas très fréquentes en institution, du fait des audits et des contrôles réguliers. Par contre, elles sont plus fréquentes dans l’environnement familial où les parents âgés sont maltraités par un membre de leurs propres familles. Il n’est pas à écarter pour autant que la personne âgée puisse être maltraitée par un soignant payé par la famille pour s’occuper d’elle (Bond et Butler, 2013 : 258).

Les violences psychiques sont les plus fréquentes et se manifestent par les insultes et les humiliations ou les menaces perpétrés à l’endroit du parent âgé (Wettestein, 2016 : 391). Cependant, dans la majorité des cas, la personne âgée subit différentes formes de maltraitance chez elle. Les maltraitances physiques s’ajoutent alors aux maltraitances émotionnelles (Bond et Butler, 2013 : 258). La négligence et la maltraitance financière peuvent accompagner cette forme de violence. Les personnes âgées peuvent être victimes de violences physiques ou plus rarement, de violence sexuelle. Bien que présentes, ces violences à l’encontre des personnes âgées ne sont pas toujours rapportées (Wettstein, 2016 : 391).

  1. Les principales raisons d’admission des personnes âgées aux urgences

Le vieillissement de la population a renforcé l’admission des personnes âgées aux urgences (Arrouy et al., 2016 : 234). Les personnes âgées viennent aux urgences pour différentes raisons, mais dans la majorité des cas, les troubles fonctionnels et les syndromes gériatriques constituent leurs principaux motifs de visite des urgences (Gray et al., 2013 : 467). A cause de leur vulnérabilité physiologique, cette catégorie de patients est plus susceptible de présenter des maladies chroniques telles que les problèmes cardiaques, le diabète mellitus, l’hypertension, la maladie cérébrovasculaire, la démence et la maladie de Parkinson. Les maladies chroniques s’accompagnent également de comorbidités ce qui risque fortement de conduire à une maladie aigüe (Ellis, Marshall, Ritchie, 2014 : 2033-2034). L’admission aux urgences est décidée lorsque le patient présente une pathologie aigüe ou lorsque sa pathologie chronique s’aggrave (Arrouy et al., 2016 : 234).

La douleur abdominale compte parmi les raisons fréquentes pour lesquelles, les patients âgés viennent aux urgences. Elle concernait environ 5% à 10% des admissions aux urgences pour les patients âgés de 65 ans et plus (Pappas et al., 2013 : 300). En 2012, dans un hôpital neuchâtelois, la douleur abdominale constituait le quatrième motif de consultation des personnes âgées de 65 ans et plus (Tran et al., 2012 : 1548). La douleur abdominale pourrait être l’effet des troubles abdominaux, ou constituer un symptôme d’une maladie. Mais dans ce cas précis, il sera un peu plus difficile pour le médecin d’établir un diagnostic parce que les symptômes observés à cet âge ne correspondent pas à ceux observés chez les plus jeunes et que les multiples maladies qui frappent les personnes âgées dans la majorité des cas, rend encore plus difficile le diagnostic (Pappas et al., 2013 : 300). De ce fait, la consultation pour une douleur abdominale compte parmi les motifs de consultation qui consomment le plus de temps et de ressource (Tran et al., 2012 : 1548).

Les personnes âgées sont souvent admises aux urgences après une crise suite à des problèmes médicaux. Parfois, leur venue aux urgences fait suite à des problèmes sociaux tels que l’isolement social, la perte de mobilité, etc. (DREES, 2017 : 1). Certes, l’absence d’aidants naturel peut se produire, mais les raisons sociales conduisant à l’admission des patients âgés aux urgences sont peu nombreuses par rapport aux raisons médicales (Sough et al., 2012 : 156). L’iatrogénie par exemple, fait partie des principales causes pour laquelle, les personnes âgées sont fréquemment admises aux urgences. Les risques liés aux interactions médicamenteuses augmentent avec la prise de plusieurs médicaments à la fois, qui, elle-même, résulte de la polypathologie et de la comorbidité des patients âgés. Les effets secondaires des médicaments a contribué à l’augmentation de l’admission des personnes âgées dans les urgences et cette tendance est en hausse (De Paepe et al., 2012).

Les chutes avec traumatologie, les problèmes digestifs, la dyspnée, les troubles neurologiques, les malaises, l’altération de l’état général constituent les principaux motifs d’admission des personnes âgées aux urgences (Sough et al., 2012 : 153). La chute est une raisons les plus fréquentes pour laquelle, les personnes âgées sont admises aux urgences (Ellis, Marshall, Ritchie, 2014 : 2036). 10% des personnes âgées admises aux urgences ont toutes fait une chute. Cette chute peut s’accompagner d’une fracture au niveau du fémur proximal, mais aussi dans d’autres endroits ; ainsi que d’un hématome sous-dural (Sautebin et al., 2012 : 1539). Les personnes âgées de plus de 80 ans peuvent faire des chutes très fréquemment. Les fractures sont les principales causes de leur venue aux urgences. Il est à remarquer que cette chute devrait aussi interpeller les soignants sur d’autres facteurs pouvant expliquer la chute : problèmes de visions, problèmes cognitifs, troubles liés aux médicaments que le patient prend, perte de mobilité, instabilité de la posture (Ellis, Marshall, Ritchie, 2014 : 2036). Si les chutes sont très fréquentes avec l’avancée en âge, les patients ne sont pas forcément admis à l’hôpital ; certains d’entre eux peuvent rentrer chez eux après évaluation de la gravité ou non de la blessure et de l’exposition du patient à un nouveau risque de chute (Sautebin et al., 2012 : 1539).

Les patients âgés peuvent venir aux urgences pour des maladies qui auraient pu être évitées telles que la pneumonie bactérienne, l’insuffisance cardiaque congestive et aussi l’infection urinaire (Morris et al., 2014). D’un autre côté, les effets des négligences ou du manque de soins de la part de leurs aidants naturels peuvent conduire les personnes âgées vers les urgences. En effet, 40% des visites des personnes âgées auraient pu être évitées si elles ont bénéficié de soins suffisants pour l’accomplissement de leurs activités quotidiennes. Certaines d’entre elles par exemple, arrivent aux urgences à cause de la décomposition de la peau suite au manque de toilettes, la perte de poids ou la déshydratation causée par l’absence de personnes pour aider la personne âgée à se nourrir et à boire. Les blessures peuvent survenir lorsque la personne âgée fait une chute ou se blesse en faisant des activités quotidiennes sans être supervisée ou suffisamment encadrée par un aidant (Hass et al., 2017 : 206-207). Cette constatation met en relief un autre motif de visite et d’admission de la personne âgée aux urgences : les blessures et les pathologies résultant de négligences ou de maltraitances. Cependant, il est difficile pour l’ensemble de l’équipe des urgences de distinguer les personnes âgées maltraitées du fait qu’elles n’en parlent pas souvent ou parce que les signes permettant de les reconnaître sont minces (Bond et Butler, 2013 : 258).

Les urgences accueillent entre autres, les patients âgés suicidaires. Les personnes âgées accueillies dans ce cas, ne sont pas celles qui ont développé des pensées suicidaires, mais celles qui sont déjà passées à l’acte une fois et qui n’ont pas réussi. Ces personnes n’ont pas forcément enregistré des antécédents psychiatriques décelables, ce qui ne permet pas toujours aux urgentistes et aux infirmières de les reconnaître. Dans la plupart des cas, elles sont amenées aux urgences suite à la constatation de blessures, de lésions physiques qui ne laissent pas penser a priori à une tentative de suicide. Les patients âgés suicidaires amenés aux urgences peuvent souvent être confondus avec les personnes âgées qui s’autonégligent et refusent de se nourrir. Ils peuvent également être assimilés à des personnes âgées qui ont oublié leurs médicaments ou qui ont tout simplement oublié ou confondu les médicaments qu’ils devaient prendre avec d’autres. La tentative de suicide passe dans ce cas, pour un simple accident (Costanza, 2015 : 12).

  1. Les enjeux relatifs à l’admission des personnes âgées aux urgences

Parfois, très peu d’informations concernant les symptômes, les traitements qu’ils suivent et leur historique médical sont recueillies à leur arrivée (Kessler et al., 2013 : 53). Pour prendre l’exemple précis des chutes des personnes âgées, l’urgentiste doit connaître les facteurs de risque de chute, les antécédents de chute ou de perte d’autonomie sont des informations nécessaires et pourtant, elles ne sont pas suffisamment recueillies. L’interrogation du patient et de son accompagnateur peut être particulièrement longue et donc éprouvante pour le patient. Par ailleurs, les urgentistes estiment qu’il est plus important de se concentrer sur les conséquences traumatiques plutôt que sur les facteurs de risque de chutes. Lorsqu’ils jugent que les conséquences ne portent pas atteinte à la vie du patient, celui-ci est directement reconduit chez lui, sans bénéficier d’un suivi ou de recommandations de bonnes pratiques, une fois à la maison (Cabillic et al., 2013 : 355-356).

Si les patients ont été amenées de leurs maisons vers le service des urgences, il existe une possibilité que certaines informations vitales telles que les signes vitaux, la liste des médicaments qu’ils prennent, leur état mental, les motifs de la transmission vers les urgences manquent (Kessler et al., 2013 : 53). La même constatation est faite chez les personnes âgées admises en institution. Souvent, les urgentistes n’ont pas d’informations suffisantes sur les médicaments pris par le patient, l’histoire médicale et le niveau de soin (Peguero-Rodriguez, Polomeno et Lalonde, 2021 : 15). Le manque d’information est particulièrement élevé chez les patients âgés qui souffrent de problèmes cognitifs. Or, cela affecte beaucoup la prise en charge des patients âgés. Le manque de communication entre les personnes qui prennent soin des patients âgés et des personnes qui les accueillent aux urgences ne permet pas d’obtenir plus d’informations sur le patient. Par conséquent, ce dernier se trouve exposé aux risques liés aux interactions médicamenteuses, aux failles de la coordination des activités des professionnels de santé, et au risque d’être admis de nouveau à l’hôpital (Kessler et al., 2013 : 53).

Du fait que les patients âgés présentent souvent des problèmes cognitifs, ils ne sont pas toujours aptes à s’exprimer et à comprendre la stratégie adoptée par les professionnels de santé pour les prendre en charge. Les limites au niveau de la communication ne permettent pas non plus aux professionnels de santé de comprendre les raisons pour lesquelles, les patients âgés sont admis au service des urgences. Les patients âgés ne connaissent pas l’efficacité des soins qu’ils reçoivent en urgence et peuvent se plaindre de ne pas être satisfaits des services qui leur ont été prodigués. L’insatisfaction est aussi observée du côté des professionnels de soins qui ne parviennent pas très bien à comprendre les besoins du patient (Kessler et al., 2013 : 57).

La polypathologie accompagnant l’avancée en âge fait en sorte que les patients âgés sont présents en grand nombre aux urgences (Sun et al., 2013). La comorbidité qui caractérise cette classe de patients nécessite plus de ressources et de temps, autrement dit, tout ce qui manque à l’équipe dans le service des urgences (Büla, Jaccard Ruedin, Carron, 2012 : 1535). Il devient plus difficile pour le médecin d’établir un diagnostic des personnes âgées qui se présentent aux urgences du fait que leur symptomatologie ne soit pas similaire à celle des autres classes d’âges. Par conséquent, pour avoir plus de précisions sur l’état du patient, le médecin est contraint de prescrire d’autres examens complémentaires, ce qui allonge la durée du passage du patient aux urgences (Arrouy et al., 2016 : 234).

Les personnes âgées sont polypathologiques et peuvent aussi être sujets à la polymédication. Leurs caractéristiques et leurs besoins demandent aussi une prise en charge « sur mesure ». Il est probable en effet que les processus de prise en charge initialement établi pour les patients non âgés ne leur conviennent pas. De même, l’environnement où le reste des patients est accueilli peut devenir hostile et dangereux pour cette patientèle âgée. Par conséquent, les professionnels doivent faire un sous-triage qui impacte ineluctablement sur le temps requis pour faire le diagnostic de la maladie. Certains établissements en Amérique ont donc décidé de dédier des salles d’urgences uniquement aux patients âgés. La prise en charge des patients âgés qui arrivent aux urgences requièrent entre autres, un renforcement des compétences des professionnels de santé. Leur formation leur est donc proposée pour pouvoir répondre rapidement et de manière efficace aux demandes des patients âgés (Büla, Jaccard Ruedin, Carron, 2012 : 1535).

L’admission aux urgences peut avoir des effets non désirés pour les personnes âgées. Nombre de celles qui ont été admises aux urgences montrent des complications comme les infections nosocomiales, les chutes, les plaies de pression. De plus, il est probable qu’elles subissent un déclin fonctionnel et sombrent dans le délirium pendant leur séjour aux urgences (Peguero-Rodriguez, Polomeno et Lalonde, 2021 : 13). 10 à 45% des patients âgés admis aux urgences montrent un déclin fonctionnel trois mois après leur admission. 10% d’entre eux sont susceptibles d’être institutionnalisés trois mois après leur admission aux urgences et 10% peuvent mourir dans les trois mois qui suivent leur admission aux urgences (Deschodt et al., 2015). Or, ces complications s’accompagnent inexorablement de coûts supplémentaires en relation avec la complexité des traitements à mettre en place (Peguero-Rodriguez, Polomeno et Lalonde, 2021 : 13).

Les patients âgés admis aux urgences nécessitent de nombreuses ressources notamment, des infirmières. D’autre part, il existe un risque que le temps d’admission des patients âgés dans les urgences soit prolongé, ce qui fait d’eux des bedblockers. Ils peuvent constituer un obstacle à l’admission des autres patients, mais en même temps, cette longue durée d’exposition au service des urgences les expose également à d’autres risques comme l’insomnie, la perturbation de la nutrition (Schumacher et Melady, 2022 : 6). De ce fait, l’admission des personnes âgées aux urgences représentent à la fois des problèmes quantitatifs relatifs à la disponibilité et à l’efficacité des ressources, mais aussi qualitatifs. En effet, les patients âgés peuvent être mal vus aussi bien par les autres patients que par les soignants. Ils donnent l’impression de ne pas être à leur place aux urgences, alors que leur présence est souvent justifiée (Büla, Jaccard Ruedin, Carron, 2012 : 1535). Quelques problèmes quantitatifs et qualitatifs relatifs à l’admission des personnes âgées aux urgences sont présentés dans le tableau suivant.

Tableau 4 : Enjeux structurels et leurs possibles répercussions sur les personnes âgées accueillies aux urgences (source : Büla, Jaccard Ruedin, Carron, 2012, p. 1535)

Exemples de problèmes structurelsConséquences possibles
Espace limitéBarrière à la mobilité si besoin d’un moyen auxiliaire, incontinence urinaire fonctionnelle
IntimitéBarrières supplémentaires à l’évaluation de certains problèmes sensibles (par exemple : incontinence, maltraitance, discussion face à la mort et à une éventuelle limitation thérapeutique …)
Absence de main courante, sols inadaptés, encombrement des couloirsChutes
Absence de fenêtres et de lumière du jourDésorientation, états confusionnels
Bruit, éclairage ambiantBarrière à la communication, perturbation du sommeil et accentuation des états confusionnels
Disponibilité limité du personnel pour assister les patientsApports hydriques et alimentaires insuffisants Isolement relatif et risque d’utilisation accrue de contention physiques

L’admission de personnes âgées en urgences constitue aussi un enjeu de taille pour les personnels des urgences. En effet, elles ont leurs propres besoins qu’ils ne parviennent pas forcément à satisfaire. Certains médecins urgentistes avouent même être impuissants ou incompétents dans le cadre de la prise en charge de patients âgés, ce qui pourrait expliquer en partie l’inefficacité de leur prise en charge dans certains cas. La prise en charge ne pourra être optimisée à moins que des analyses ne soient faites sur eux. Or, les analyses prennent toujours du temps, et par conséquent, leur prise en charge est souvent reportée (Ellis, Marshall, Ritchie, 2014 : 2034).

En parlant d’analyse, il s’avère indispensable de mettre en lumière les possibles limites de la réalisation des analyses et la prise de décision pour les patients âgés qui viennent aux urgences. Les connaissances gériatriques sont principalement requises, or, les urgentistes ne maîtrisent pas forcément ce domaine. Les urgentistes peuvent donc faire appel à d’autres spécialistes pour établir avec lui le diagnostic. Il peut par exemple appeler un kinésithérapeute pour évaluer la mobilité du patient, une infirmière pour vérifier s’il est incontinent, un psychiatre pour évaluer l’état mental du patient et un cardiologue pour vérifier s’il présente des risques d’attaques cardiovasculaires quelconque (Ellis, Marshall, Ritchie, 2014 : 2034).

A ces problèmes s’ajoutent l’inadaptation de la structure des urgences aux caractéristiques des personnes âgées. Alors que certaines d’entre elles ont des problèmes auditifs, les bruits dans les urgences peuvent leur porter préjudice. De même, les personnes qui ont des problèmes visuels ou cognitifs pourraient prendre peur ou ne pas se sentir à l’aise dans cet environnement où les stimuli visuels sont nombreux. Dans ce cas, il leur faut un environnement plus adapté, moins angoissant pour les personnes âgées. Et pourtant, les limites budgétaires empêchent l’établissement d’une telle structure pour accueillir les patients âgés. Or, ces situations affectent négativement la qualité de la prise en charge de ces patients. Ainsi, les résultats de la prise en charge chez les personnes âgées ne sont pas aussi satisfaisants que ceux des patients plus jeunes (Ellis, Marshall, Ritchie, 2014 : 2034).

Ce ne sont pas uniquement des problèmes techniques et matériels qui portent atteinte à la qualité de l’accueil des personnes âgées aux urgences, mais aussi le manque de connaissances des besoins de cette patientèle par les soignants. Le personnel des urgences en effet, ne possèdent pas beaucoup de compétences leur permettant de répondre aux besoins des personnes âgées qui présentent des maladies chroniques, polypathologiques et présentant souvent des comorbidités. Par conséquent, il existe une forte probabilité que leur diagnostic soit faussé. Le délirium qui est un des symptômes les plus fréquents chez les personnes âgées par exemple, n’est pas toujours remarqué par les médecins urgentistes dans 56 à 76% des cas (Craswell et al, 2016).

Face à cette situation, certains établissements australiens ont décidé de dédier une équipe d’intervention gériatrique dans le service des urgences. Cette équipe multidisciplinaire est composée d’infirmières et de médecins spécialisés dans la prise en charge des populations âgées vulnérables. De par ses expériences, cette équipe d’intervention gériatrique est capable de faire des évaluations spécifiques, de prendre des décisions et de mettre en œuvre des actions coordonnées en vue d’aider les patients gériatriques même les plus complexes (Craswell et al, 2016).

D’autre part, l’admission d’une personne âgée aux urgences comporte aussi des enjeux éthiques. Certes, pour les personnels des institutions dans lesquelles elles ont été admises, l’orientation de la personne âgée vers les urgences est la meilleure décision à prendre pour que le patient puisse bénéficier des soins et être admis à l’hôpital. Cependant, pour la personne âgée ainsi que pour sa famille, cette décision peut être une source d’inquiétude. La personne âgée peut se sentir lésée dans la mesure où ce sont d’autres personnes qui discutent et prennent des décisions à sa place ou influencent ses décisions. Cela modifie considérablement sa perception sur les soins qui lui sont prodigués et sur sa satisfaction aussi. Nombre de personnes âgées se plaignent de la trop longue durée d’attente dans les urgences, l’inconfort physique qu’elles doivent subir pendant ce temps. A cela s’ajoute la perception de la personne âgée d’être abandonnée ou ignorée par le reste du personnel. Les proches des aidants naturels pourraient aussi voir en la décision d’amener leurs parents âgés à l’hôpital pourrait plus être une contrainte, du fait de l’état de santé de la personne âgée, qu’une décision qu’ils auraient souhaité. Les familles des personnes âgées en effet, souhaitent éviter autant que possible l’hospitalisation (Peguero-Rodriguez, Polomeno et Lalonde, 2021 : 15).

  1. Matériels et méthode
    1. Lieu d’étude : le Centre Hospitalier de Libourne
      1. Présentation générale du Centre Hospitalier de Libourne

Le Centre hospitalier de Libourne comporte trois établissements principaux : la Fondation Sabatié, l’hôpital R. Boulin et l’hôpital Garderose. En tout, les trois établissements disposent de 1284 lits et places. 560 lits sont destinés aux activités de médecine, chirurgie et obstétrique, mais des activités de court séjour ; 114 lits sont alloués aux soins de suite et de réadaptation (moyen séjour) ; 220 lits pour la psychiatrie ; 50 lits sont destinés au foyer d’accueil médicalisé et 340 lits sont dédiés à l’Etablissement d’Hébergement pour personnes âgées dépendantes. Des places d’accueil de jour sont réservées pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer2. Le Centre hospitalier de Libourne assure les soins dans différentes spécialités médicales à l’exception de la neurochirurgie et de la chirurgie cardiaque3.

Le Centre hospitalier de Libourne accueille un large de patient provenant d’une vaste territoire allant de l’est du Bordeaux jusqu’aux limites de la Dordogne et de Charentes. En moyenne, l’établissement accueille 32 400 entrées directes en Médecine, chirurgie et obstétrique, 1000 entrées en Soins de suite et réadaptation et 1500 entrées en psychiatrie. Le Centre hospitalier enregistre 165 000 visites pour des consultations et des soins externes et 1600 naissances. Grâce à cette large zone géographique qu’il dessert et à ces chiffres importants de patients qu’il accueille le Centre hospitalier de Libourne compte parmi les établissements les plus importants en Aquitaine4. Il est le deuxième établissement d’Aquitaine. Le centre hospitalier propose ses services aux habitants d’une zone rurale caractérisée par sa forte densité de population âgée d’Aquitaine5.

L’amélioration de la prise en charge des patients est optimisée par différents dispositifs dont 2 imagerie par résonnance magnétique, 3 scanners dont 1 est consacré à la radiothérapie, 5 salles de radiologie, 1 service de radiothérapie avec 2 accélérateurs de particules, 3 salles de coronarographie et 11 salles de bloc opératoire. Le pôle logistique met à la disposition des patients et de leurs accompagnateurs, une blanchisserie, une unité centralisée de production culinaire et des services pour achats et hôtellerie6. Le Centre hospitalier de Libourne emploie 3400 salariés ce qui en fait le premier employeur à Libourne7. Les employés médicaux de l’établissement peuvent être classés en fonction de leurs statuts (tableau 5), auxquels s’ajoutaient 74 résidents et étudiants, ainsi que 34 sages-femmes.

Tableau 5 : Répartition des effectifs médicaux du Centre hospitalier de Libourne en fonction de leur statut en 2019 (source : Centre Hospitalier de Libourne8)

StatutEffectif
Praticiens hospitaliers158
Assistants des hôpitaux37
Praticiens contractuels38
Praticiens attachés24

Les employés non médicaux pour leur part, sont largement plus nombreux par rapport aux personnels médicaux (3045 en 2019) comme le montre le tableau suivant :

Tableau 6 : Répartition des effectifs non-médicaux par catégorie (source : Centre hospitalier de Libourne9)

CatégorieEffectif
Administratif335
Soignant2 137
Socio-éducatif50
Médico-technique130
Technique393
  1. Présentation du service des urgences

Les urgences du Centre Hospitalier de Libourne enregistrent en moyenne plus de 55 000 visites par an. Afin d’aider le patient et éviter les engorgements, le site officiel du service des urgences du Centre hospitalier informe les patients sur les urgences vitales : doute sur un AVC, un infarctus. Le cas échéant, pour les cas qui ne sont pas une urgence vitale et plus particulièrement, pour demander un médecin généraliste, le centre hospitalier de Libourne oriente déjà les patients vers leurs médecins habituels (pendant les heures ouvrables) ou vers la Maison Médicale de Garde (pendant les heures de garde). Les informations sur cette dernière est aussi affichée sur le site officiel du Centre hospitalier de Libourne10.

Notre revue de littérature a montré que le manque de connaissances des patients sur les raisons de la longue attente, et la durée de cette attente elle-même, peuvent être sources de conflits et de violences dans le service des urgences. Le Centre hospitalier de Libourne a anticipé cette situation en expliquant aux visiteurs qui consultent son site sur les raisons de la longue attente dans les urgences : priorité des urgences vitales, niveau de gravité de l’état de santé du patient, affluence des patients, la disponibilité des salles d’examen, l’attente des résultats des analyses, la disponibilité des spécialistes, la durée d’attente des moyens de transport. Cependant, l’établissement rassure ses patients sur ses efforts pour limiter autant que possible la durée d’attente dans les urgences11.

Dans ce même esprit, le Centre hospitalier de Libourne favorise aussi des partenariats avec d’autres établissements publics comme le centre hospitalier de la Haute Gironde de Blaye et le centre hospitalier de Ste-Foy-La-Grande. Ce partenariat mis en place depuis plus de dix ans a pour but d’améliorer la gestion des urgences et du SMUR12. Dans ce cadre, même si la responsabilité médicale et l’encadrement paramédical reviennent exclusivement au centre hospitalier de Libourne, une antenne Urgences et SMUR est formée à Ste-Foy-La-Grande. Les partenaires forment un réseau interhospitalier doté d’une unité d’hospitalisation de courte durée de 10 lits à Libourne et de 2 lits à Ste-foy-La-Grande13.

Pour assurer l’activité polyvalente du service des urgences, une équipe multidisciplinaire s’occupe des patients qui y sont accueillis. L’équipe multidisciplinaire comprend des médecins urgentistes, des pédiatres, des cadres de santé, des infirmiers, des aides-soignants, des ambulanciers, des agents hôteliers, des brancardiers, ainsi qu’une assistante sociale. L’équipe des urgences collabore aussi avec des spécialistes du Centre hospitalier, de l’équipe mobile de gériatrie, de l’équipe de liaison et de soins en addictologie, ainsi qu’une équipe mobile de soins palliatifs14.

Les patients sont accueillis en premier lieu par une infirmière organisatrice de l’accueil, en collaboration avec le médecin référent d’accueil. La gravité des cas est évaluée et les patients sont classés par ordre de gravité pour pouvoir orienter les patients par la suite, dans les secteurs les plus appropriés à leurs cas :

  • Secteur urgences vitales : Le patient est directement admis en zone d’urgences vitales afin de bénéficier de prises en charge médicales et paramédicales intensives.
  • Secteur circuit court : Un médecin ausculte le patient et peut lui faire un examen sur place
  • Zone technique des urgences : Dans cette zone, le patient est examiné par un médecin urgentiste et lui prescrit des soins infirmiers, ou lui fait des examens. Le patient seul dans ce cas, sera pris en charge, ces accompagnateurs ne sont pas admis dans cette zone. La zone technique des urgences est subdivisée en deux petites zones : la zone petite chirurgie pour les patients qui ont besoin de suture ou de plâtre ; et d’une zone de suivi où le patient attend les résultats de ses examens complémentaires avant que les soignants et les médecins ne prennent une décision. A ce stade, le patient peut recevoir une visite.
  • Secteur pédiatrie dédié aux enfants jusqu’à 17 ans. La prise en charge se fait par un personnel médical spécialisé en pédiatrie. L’enfant est accompagné par un seul parent15.

Après ce premier tri, trois scénario peuvent se produire :

  • Les patients admis en urgences vitales ou en circuit court peuvent être hospitalisés en fonction de leur état de santé. Ils seront de ce fait, orientés vers un service de l’hôpital.
  • Les patients accueillis dans la zone technique des urgences peuvent retourner chez eux après avoir reçu des soins. Le retour à domicile peut se faire par les moyens de transport à la disposition du patient ou à défaut, par une ambulance sur prescription médicale.
  • Les enfants admis en secteur pédiatrie sont dirigés vers une unité d’hospitalisation de courte durée pour une surveillance médicale de quelques heures16.
  1. La population étudiée : les personnes âgées de 75 ans et plus

Les personnes âgées de 75 ans et plus ont été choisies pour faire l’objet de cette étude dans la mesure où elles sont beaucoup plus nombreuses à venir aux urgences par rapport aux personnes âgées plus jeunes (moins de 75 ans) (Deschodt et al., 2015).

Le risque de polypathologie est plus élevé chez les personnes âgées de 75 ans et plus, par rapport aux jeunes seniors (moins de 75 ans) (Arrouy et al., 2016 : 234). Souvent, ces seniors avaient déjà souffert de maladies qui n’ont pas été identifiés par les soignants qui s’occupent d’eux quotidiennement. Il est également très difficile de diagnostiquer toutes les pathologies dont souffrent les patients âgés de 75 ans et plus. Ils présentent donc un problème médical aigu qui ont échappé aux soignants. La complexité de leurs cas ne permet pas à leurs familles ou à leurs institutions de les soigner « à domicile » (Graf, Chevalley et Sarasin, 2012 : 1544). Cette classe de personnes âgée se caractérise entre autres par un risque élevé de dépendance physique et/ou sociale (Arrouy et al., 2016 : 234), ainsi que par un faible revenu par rapport aux plus jeunes classes d’âges (Gray et al., 2013 : 468).

Les personnes âgées de 75 ans et plus constituent la majorité des personnes âgées qui recourent aux service des urgences. Elles sont également les patients dont la durée de séjour aux urgence est plus longue (pouvant dépasser les 24 heures). La classe d’âge des seniors de plus de 75 ans se caractérisent entre autres, par une fréquence élevée d’hospitalisation (cinq fois plus élevée par rapport aux moins de 75 ans) et pouvant être victimes de nombreux effets indésirables. La récidive est fréquente chez les personnes âgées de 75 ans et plus (taux de réadmission de 24% dans les trois mois qui suivent la première admission aux urgences) (Graf, Chevalley et Sarasin, 2012 : 1544).

  1. Méthode

Afin d’évaluer la fréquence d’admissions médicalement non pertinentes chez les personnes âgées de plus de 75 ans au service des urgences du centre hospitalier de Libourne, une étude épidémiologiques, descriptive, rétrospective et monocentrique a été choisie. Cette méthode a été choisie parce qu’elle nous permet non seulement de connaître la distribution et la fréquence de ces admissions non pertinentes aux urgences, mais en même temps, de déceler les facteurs ayant pu intervenir dans cette fréquence. L’étude dans le service des urgences a été réalisée pendant une semaine, allant du 01/06/2019 au 07/06/2019.

Critères d’inclusion et d’exclusion

Les patients inclus dans l’étude étaient les personnes âgées d’au moins 75 ans, ayant fait un passage non programmé aux urgences de Libourne, suivi ou non d’une hospitalisation. Les patients exclus de l’étude étaient composés des personnes de moins de 75 ans, dont le résumé du passage aux urgences est vide. Les patients dont le passage aux urgences était programmé ont été également exclus de l’étude.

Collecte de données et critères d’évaluation

Les patients qui consultaient au service des urgences plusieurs fois pendant la période d’inclusion, étaient inclus à chaque nouveau passage. L’étude portait donc sur le nombre de passages aux urgences et non sur le nombre de patients. Pour chaque patient, l’âge, le sexe, l’origine, le mode d’arrivée, le motif de consultation, le diagnostic final, la polymédication, la présence ou non de pathologie chronique, la catégorie de pathologie chronique, le mouvement, horaire d’admission aux urgences ont été enregistrés. Les données recueillies ont été transmises par le Département Informatique Médical (DIM). Elles contenaient la liste des patients de plus de 75 ans présentés aux urgences pendant une semaine. Mais nous nous sommes également procurés des données à partir de la consultation des dossiers informatisés des patients sur URQUAL et CROSSWAY. Le score de Charlson et Wscore ont été collectés.

La pertinence de l’admission aux urgences a été évaluée selon la grille AEPf (Appropriateness Evaluation Protocol version française) de Davido, modifiée pour le besoin de l’enquête :

Critères de sévérité clinique

  1. Coma, inconscience, désorientation d’installation récente
  2. Pouls <50/min ou >140/min
  3. PAS <90 ou >200 mmHg, PAD<60 ou >120 mmHg
  4. Cécité ou surdité brutale
  5. Perte brutale de la motricité d’une partie du corps
  6. Fièvre >39°C depuis plus de 5 jours
  7. Syndrome hémorragique
  8. Troubles électrolytiques ou des gaz du sang

Na <123 ou <156mEq/l

K <2.5 ou >6mEq/l

HCO3- <20 ou >36 mEq/l

pH<7.3 ou >7.45

  1. Atteinte brutale des fonctions essentielles (impossibilité de bouger, respirer, uriner, syndrome occlusif)
  2. Ischémie aigue à l’ECG
  3. Agitation aigue
  4. Intoxication aigue (médicament, alcool, CO)
  5. Traumatologie avec impotence fonctionnelle

Critères liés à la prise en charge

  1. Initiale (voie publique)
  2. Traitement intraveineux ou remplissage
  3. Chirurgie ou actes prévus dans les 24 heures, nécessitant soit une anesthésie, soit l’utilisation de matériel ou de services uniquement disponibles dans l’hôpital
  4. Surveillance des signes vitaux (pouls, tension artérielle, fréquence respiratoires, rythme cardiaque, surveillance neurologique) au moins une fois toutes les 4 heures
  5. Prescription d’un traitement nécessitant une surveillance continue ou faisant craindre une réaction allergique ou hémorragique
  6. Traitement dans une unité de soins intensifs
  7. Nécessité d’une assistance respiratoire
  8. Douleur aigue ou récente nécessitant un traitement antalgique de palier III ou ayant résisté à un traitement de palier II

Un patient qui présente au moins un de ces critères est considéré comme étant AEPf+ (passage pertinent). Si aucun des critères n’est retrouvé chez le patient, alors il est AEPf- (passage non pertinent).

A la fin de l’analyse, un listing des 35 patients AEPf- a été effectué pour évaluer les soins qui leur ont été prodigués, le lieu d’hébergement adapté et les raisons de leur admission aux urgences. Cette démarche méthodologique permet de connaître les failles au niveau de l’admission des patients non pertinents au sein des urgences.

Analyses statistiques

Les données ont été analysées à partir du logiciel SAS version 9.4.

  • Variables quantitatives

Les variables quantitatives ont été décrites par le nombre d’observations (N), le nombre d’observations manquantes, la médiane, le minimum, le maximum, la moyenne et l’écart type. La comparaison des variables quantitatives entre les patients AEPf- et AEPf+ a été faite à partir du test de Student.

  • Variables qualitatives

Les variables qualitatives ont été décrites par le nombre d’observations (N) et la fréquence (%) de chacune des modalités. Les catégories manquantes ont été dénombrées. Les pourcentages ont été calculés par rapport à la population totale hors données manquantes. Le test du Chi-2 a été utilisé pour comparer les proportions. Le test exact de Fisher est effectué si les fréquences attendues sont inférieures à 5. Tous les tests statistiques étaient bilatéraux et le seuil de significativité est fixé à 5% (p <0.05).

  1. Résultats

Les données sur 190 patients ont été initialement collectées, mais 11 d’entre eux ont été exclus de l’étude parce que leur résumé de passage aux urgences était vide ou parce que leur passage aux urgences était déjà prévu. Ainsi, 179 patients ont répondu aux critères d’inclusion fixés. 4 d’entre eux étaient passés 2 fois aux urgences. Tous les autres n’y sont passés qu’une seule fois. Parmi les 179 patients retenus, 144 étaient AEPf+ et 35 AEPf- (tableau 7). Ainsi, les passages médicalement pertinents sont plus nombreux par rapport aux passages non pertinents.

Tableau 7 : Pertinence du passage des patients aux urgences (N =179)

AEPf+144 (80.45%)
AEPf-35 (19.55%)

Les caractéristiques des patients âgés de plus de 75 ans admis aux urgences en fonction de la pertinence de leur passage sont présentées dans le tableau 8.

Tableau 8 : Caractéristiques des sujets en fonction de leur statut AEPf (N = 179)

Modes d’arrivéeFisher Exact P < 0.001
Données manquantes19221
Ambulance42 (33.60%)10 (30.30%)52 (32.91%)
Pompier48 (38.40%)3 (9.09%)51 (32.28%)
Propre moyen27 (21.60%)19 (57.58%)46 (29.11%)
SAMU8 (6.40%)1 (3.03%)9 (5.70%)

Le tableau 8 montre que l’âge moyen des patients AEPf+ inclus dans l’étude est de 84 ans. L’âge minimal de ce groupe est de 75 ans, tandis que le plus âgé a 102 ans. Dans le groupe des AEPf-, l’âge médian est de 82 ans, avec un minimum de 75 ans et un maximum de 95 ans. 105 femmes et 74 hommes constituent les participants à l’étude, mais aussi bien chez les hommes que chez les femmes, les AEPf+ sont plus nombreux (84 chez les femmes et 60 chez les hommes) par rapport aux AEPf- (21 chez les femmes et 14 chez les hommes). La majorité des patients âgés de 75 ans admis aux urgences (77.71%) ont été emmenés de leurs domiciles vers les urgences. 22.29% seulement viennent des institutions. En ce qui concerne le transport des patients âgés vers les urgences, l’ambulance reste le moyen le plus déployé (32.91% des cas), suivi des pompiers (32.28% des cas), des moyens de transport personnels des patients (29.11%). Le SAMU est appelé dans 5.70% des cas, ce qui en fait le moyen le moins fréquent utilisé par les patients et leurs familles pour aller aux urgences.

Les différents tests n’ont pas identifié des différences significatives entre les patients AEPF- et AEPf+ pour les variables suivantes : l’âge (p = 0.154), le sexe (p = 0.86) et la provenance (p = 0.20). Toutefois, une différence très significative (p <0.001) a été observée en ce qui concerne le mode d’arrivée aux urgences. En effet, les patients AEPf- tendent plus à déployer leurs propres moyens pour arriver aux urgences, tandis que les AEPf+ recourent plus aux pompiers et au SAMU.

  • Moment d’admission des patients aux urgences

56% des patients sont admis aux urgences durant la semaine et durant le jour. Aucune différence significative n’a pu être identifié entre la période d’admission aux urgences des patients AEPf+ et AEPf- (p = 0.88) (tableau 9).

Tableau 9 : Période d’admission des patients âgés de 75 ans et plus aux urgences (N = 179)

Horaire d’admission
Jour80 (55.56%)20 (57.14%)100 (55.87%)Chi-2 P = 0.878
Nuit63 (43.75%)15 (42.86%)78 (43.58%)

Nous disposons d’informations relatives au score brut et pondéré de Charlson pour 77% (N= 138) des patients inclus dans l’étude. Le score brut moyen au test de Charlson est de 2. Le score brut minimum est de 0 et le maximum est de 9. Le score pondéré moyen de Charlson est de 2, avec un écart-type de 3. 40% des patients ont un score pondéré de Charlson compris entre 1 et 2, tandis que 32% ont un score égal à 0. 16% ont un score pondéré moyen ≥5 (Graphique 1). Cependant, aucune différence significative n’a pu être décelée (p > 0.05) entre les patients AEPf+ et AEPf-.

Graphique 1 : Répartition du score pondéré de Charlson (N= 138)

  • Motifs de consultation

Les patients âgés de 75 ans et plus viennent aux urgences pour diverses raisons présentées dans le tableau ci-dessous.

Tableau 10 : Motifs de consultation aux urgences des patients AEPf+ et AEPf- (N=179)

Autres motifs de consultationFisher exact P < 0.001
Non133 (93.66%)21 (60.00%)154 (87.01%)
Oui9 (6.34%)14 (40.00%)23 (12.99%)

Bien que les motifs de consultations soient divers, ceux qui sont les plus fréquemment évoqués sont l’asthénie, la douleur (abdominale et thoracique), la traumatologie, la difficulté d’hydratation et d’alimentation, l’anémie et l’hémorragie, les malaises, les troubles du transit, la dyspnée, la confusion et le trouble de la conscience. 34% des patients arrivent aux urgences suite à un trauma, 17% pour dyspnée. Après ces deux principales raisons de recours aux urgences, la proportion de patients atteints par les autres motifs est faible : 10.17% pour la douleur abdominale, 8.47% pour les malaises, 6.21% pour la douleur thoracique, 5.65% pour l’anémie ou l’hémorragie, 5.65% pour les problèmes cognitifs, 5% pour l’asthénie, 2.26% pour les troubles du transit.

Une différence statistiquement significative est mise en évidence entre les patients AEPf+ et AEPf- concernant la dyspnée (p < 0.05). Les patients AEPf+ sont beaucoup plus nombreux à présenter une dyspnée par rapport aux patients AEPf-. La différence entre AEPf+ et AEPf- est statistiquement significative (p < 0.001) pour les autres motifs de consultation. En effet, les patients AEPf- consultent plus les urgences pour tous les autres motifs de consultation des patients. Pour le reste des motifs de consultation, les différences entre ces deux groupes ne sont pas significatives.

  • Diagnostic à la sortie des urgences

La traumatologie constitue le diagnostic le plus fréquent (34%) chez les patients âgés de 75 ans et plus admis au centre hospitalier de Libourne. Aucun patient n’a suscité la suspicion de cancer. D’autres diagnostics ont été établis : insuffisance cardiaque aigue (10.73%), cause pneumologique (10.17%), suspicion d’AVC (6.78%), anémie/hémorragie (6.78%), pathologie urinaire (4.52%), déshydratation (2.82%), syndrome coronaire aigu (2.26%). L’hospitalisation sociale constitue le diagnostic le moins fréquent (0.56% des cas). Le tableau 11 compare les diagnostics des patients âgés de 75 ans et plus à la sortie des urgences.

Tableau 11 : Comparaison entre les diagnostics des patients AEPf+ et AEPf- à la sortie des urgences (N = 179)

Autre diagnostic finalFisher exact P < 0.001
Non106 (74.65%)12 (34.29%)118 (66.67%)
Oui36 (25.35%)23 (65.71%)59 (33.33%)

Le tableau 11 montre que le diagnostic final de 33% des patients inclus dans l’étude, était autre que celui qui a été identifié dans ce tableau. Les AEPf+ sont plus à même de recevoir un diagnostic pneumologique (p= 0.026) ou pour une insuffisance cardiaque aigue (p = 0.015). En revanche, les diagnostics des patients AEPf- sont différents de ceux qui ont été précédemment identifiés dans le tableau ci-dessus. Il faut remarquer cependant, que nous ne sommes pas en mesure de mettre en évidence une différence entre les groupes AEPf+ et AEPf-. Comme la traumatologie constitue le principal motif de passage aux urgences chez les patients âgés de 75 ans et plus, il s’avère indispensables d’apporter plus de précisions concernant ce diagnostic. Les détails concernant la traumatologie des patients sont résumés sur le tableau suivant.

Tableau 12 : Précisions sur le diagnostic des patients identifiés comme souffrant de traumatologie (N = 60)

Traumatisme costal légerFisher exact P = 1.000
Négatif45 (91.84%)9 (90.00%)54 (91.53%)
Positif4 (8.16%)1 (10.00%)5 (8.47%)

61 patients ont reçu un diagnostic final de traumatologie. La chute est responsable du traumatisme dans 83% des cas (soit 49 patients). Pour 32%, il s’agissait d’une fracture, d’un traumatisme crânien (32%) et d’une contusion osseuse pour 30%. D’autre part, une différence significative est observée entre les patients AEPf+ et AEPf- concernant les causes et la nature du traumatisme. Les AEPf+ tendent à avoir une fracture (p = 0.022), un traumatisme crânien (p = 0.022) ou une chute (p = 0.008) par rapport aux patients AEPf-. Pour ces derniers, la contusion osseuse (60%), la chute (50%) et les plaies (30%) sont les traumatismes les plus fréquents.

  • Pathologie chronique et polymédication

76% des patients admis aux urgences présentent une pathologie chronique. Les AEPf+ sont plus susceptibles de présenter une pathologie chronique que les patients AEPf- (p = 0.030). Alors que 61.29% des patients AEPf- ont une pathologie chronique, cette proportion est plus élevée chez les AEPf+ (79.70%) (tableau 13).

Tableau 13 : Proportion de patients présentant une pathologie chronique chez les patients AEPf+ et AEPf- (N = 179)

Données manquantes11415Chi-2 P = 0.030
Absence de pathologie chronique27 (20.30%)12 (38.71%)39 (23.78%)
Présence de pathologie chronique106 (79.70%)19 (61.29%)125 (76.22%)

Graphique 2 : Répartition des différentes pathologies chroniques chez les patients âgés de 75 ans et plus accueillis aux urgences du centre hospitalier de Libourne (N = 125)

D’après la graphique ci-dessus, les pathologies cardiaques (74%), le diabète (30%) et le trouble neurocognitif ou les pathologies neurodégénérative (22%) constituent les principales pathologies des patients âgés. Cependant, il n’existe pas de différence significative entre les patients AEPf+ et les patients AEPf- (p >0.05).

69% des patients âgés de 75 ans et plus consomment plus de 5 médicaments. Une différence statistiquement significative (p = 0.004) existe chez les patients AEPf- et AEPf+. Les AEPf- prennent moins de médicaments (53.33% d’AEPf- consomment moins de 5 médicaments) par rapport aux AEPf+ (73.81% d’AEPf+ consomment plus de 5 médicaments) (tableau 14).

Tableau 14 : Comparaison entre la polymédication des patients AEPf + et AEPf- (N = 179)

Polymédication


Chi-2 P = 0.004
Données manquantes18523
Moins de 5 médicaments33 (26.19%)16 (53.33%)49 (31.41%)
Plus de 5 médicaments93 (73.81%)14 (46.67%)107 (68.59%)
  • Critères de sévérité cliniques chez les patients AEPf+

Parmi les patients AEPf+, 29% présentent un critère de sévérité clinique relatif à la traumatologie. 16% ont une atteinte brutale des fonctions essentielles et 9 % présentent un critère de sévérité relatif à un coma, une inconscience ou une désorientation d’installation récente. 5% présente une perte brutale de la motricité d’une partie du corps et 5% ont un syndrome hémorragique (tableau 15).

Tableau 15 : Critères de sévérité clinique chez les patients AEPf+ (N= 144)

Traumatologie
Négatif102 (70.83%)
Positif42 (29.17%)
  • Critères liés aux soins délivrés aux patients AEPf+

65% des patients AEPf+ ont reçu un traitement intraveineux ou remplissage et 42% ont bénéficié d’une chirurgie ou d’actes prévus dans les 24h, nécessitant sois une anesthésie, soit l’utilisation de matériel ou de services uniquement disponibles à l’hôpital (tableau 16).

Tableau 16 : Descriptif des critères liés aux soins délivrés aux patients AEPf+ (N= 144)

Douleur aiguë nécessitant un traitement antalgique de palier II ou ayant résisté à un traitement de palier II
Négatif139 (96.53%)
Positif5 (3.47%)
  • Devenir des patients après le passage aux urgences

Le devenir des 179 patients après leur admission aux urgences a été suivi. 36% d’entre eux ont été admis en UHCD (unité d’hospitalisation de courte durée), 31% sont retourné chez eux et 29% ont été hospitalisés (tableau 17).

Tableau 17 : Orientation des patients après leur admission aux urgences (N= 179). DCD (décédé) ; HOSP (hospitalisation) ; RAD (retour à domicile) ; UHCD (unité d’hospitalisation de courte durée) ; US (unité de surveillance) ; USI (unité de soins intensifs)

Données manquantes404
DCD1 (0.71%)0 (0.00%)1 (0.57%)Fisher exact P < 0.001
HOSP46 (32.86%)4 (11.43%)50 (28.57%)
RAD31 (22.14%)23 (65.71%)54 (30.86%)
UHCD55 (39.29%)8 (22.86%)63 (36.00%)
US1 (0.71%)0 (0.00%)1 (0.57%)
USI6 (4.29%)0 (0.00%)6 (3.43%)

D’après ce tableau, il existe une différence significative statistiquement (p < 0.001) entre les deux groupes de patients. Les patients AEPf+ tendent plus à être orientés vers une UHCD (39.29% contre 22.86% chez les AEPf-), à être hospitalisés (32.86% contre 11.43% chez les AEPf-). Les AEPf- pour leur part, sont plus nombreux (65.71%) à retourner chez eux par rapport aux AEPf+. Les mouvements des patients qui ne sont pas retournés chez eux sont présentés sur le tableau 18.

Tableau 18 : Mouvements des patients après leur admission aux urgences (N= 125)

N/nombre de données manquantes105/811/1116/9
Durée d’hospitalisation (jours)
Médiane (min ; max)6 (0 ; 52)1 (0 ; 18)6 (0 ; 52)t-test p = 0.127
Moyenne (ET)9 (10)4 (6)9 (10)
Durée du mouvement (jours)
Médiane (min ; max)1 (0 ; 24)1 (0 ; 9)1 (0 ; 24)t-test p= 0.574
Moyenne (ET)3 (4)2 (3)3 (4)

Pour les 125 patients qui n’ont pas été retournés à domicile, la durée moyenne d’hospitalisation est de 9 jours. La durée maximale d’hospitalisation atteint les 52 jours. La durée moyenne du mouvement est de 3 jours, tandis que sa durée maximale est de 24 jours. Le tableau ci-dessus n’a pas rapporté de différences significatives entre la durée d’hospitalisation des patients AEPf+ et AEPf-. 52% des patients ont été hébergés en UHCD et 10% en chirurgie zone 1 (tableau 19).

Tableau 19 : Unité médicale d’hébergement et de rattachement (N= 125)

Unité médicale de rattachement
Données manquantes95
CHR DIGESTIVE1 (3.33%)
GERIATRIE A2 (6.67%)
GERIATRIE B4 (13.33%)
MED. INTERNE – NEPHROLOGIE3 (10.00%)
MPR P12 APPAREIL LOCOMOTEUR2 (6.67%)
OPHTALMOLOGIE1 (3.33%)
ORTHOPEDIE12 (40.00%)
RHUMATO HC4 (13.33%)
UROLOGIE1 (3.33%)
  • Caractéristiques des patients AEPf-

Différentes raisons ont amené les patients AEPf- à venir aux urgences. Leur tableau clinique est dressé ci-dessous.

Tableau 20 : Tableau clinique des patients AEPf- (N= 35)

1Traumatisme minime du coude, diagnostic d’hygroma > RAD
102Purpura avec PQ 37000 PQ> RAD avec bilan externe
104Nausée, vomissement, selles rares chez une patiente parkinsonienne ayant fait de multiples occlusions sur brides > TDM pas d’occlusion, ECBU > ATB pour PNA et RAD
108HTA symptomatique depuis 1 mois avec parfois PAS à 200 mmHg le matin depuis quelques semaines et céphalées > HTA 150 /80 symptomatique non amélioré aux urgences par RAMIPRIL et LOXEN > hospitalisation en cardiologie pour adaptation du traitement
109Tuméfaction douloureuse du pied droit depuis 1 an, devenue douloureuse et invalidante > abcès pied drainé – augmentin
111Malaise vagal à type de vertige > ECG + bio RAS > RAD
114Cystite simple
120Morsure chien 13 cm jambe envoyé par MT pour avis greffe peau > cicatrisation dirigée et ATB augmentin avec surv par MT
131Douleur FIG depuis une semaine chez un patient aux antécédents d’IDM, I rénale chronique > bilan bio et ECG normal > écho en externe et recs MT
134Lombalgie depuis 1 mois sous fentanyl sans SG > rendez-vous pour radio rachis trop éloigné en externe > radio urgences arthrose lombaire > RAD ketoprofène + ceinture
147Dyspnée chronique, s’aggravant depuis quelques jours > pas de dyspnée de repos, 97% AA, FR 20 > angio TDM pas d’EP > poussée HTA 194/87
151Chute mécanique il y a 2 jours > grille costal pas de fracture > RAD antalgiques
157Douleurs abdominales et vomissements > constipation chez une patiente connue pour sténose colique > bilan asp > RAD
160Découverte de NHA sur radio lombaire > TDM aux urgences > vessie de lutte sur sondage ou cystite emphysémateuse > revoir MT avec éventuelle cs uro en externe
165Douleur malléole externe > Radio RAS > arthropathie microcristalline cheville
17Chute avec trauma tibial sans impotence
185Diarrhée depuis 2 jours chez un patient ayant un adk prostatique haut grade Gleason 10 T4 et constipation chronique > asp : stase stercorale colique gauche > fausse diarrhée de constipation > RAD (antécédents de démence mixte vasculaire et dégénérative)
19Abcès de cornée > hospitalisation en ophtalmologie
26Fièvre chez une patiente ayant une leiomyosarcome utérin métastatique pulm et carcinose péritonéale
33Adressé par le médecin de la MDR > pas de vomissement/ douleur abdominale > bilan normal > retour en EHPAD
36Plaie suturée pouce
39Epistaxis cédant spontanément sans déglobulisation
40Cervicalgie > torticolis cédant sous antalgiques simples
41Vertige > VPPB > bilan bio normal
42Œil rouge douloureuse > cs oph normal > RAD
50AEG chutes à répétition et sd inflammatoire crp 300
52Traumatisme poignet gauche sans impotence ni fracture à la radio
56Problème de dentier > avis odontologiste > renvoi de la patiente à son dentiste
58Arthrose du genou avec impotence totale
61AEG depuis 1 semaine et épigastralgie > bilan bio et avis gastr > FOGD en externe
63Chute mécanique avec plaie superficielle jambe
64Chute à répétition avec BU positive chez une patiente Alzheimer nécessitant un placement
82Epaule hyperalgique suite à une rupture de la coiffe sous skenan 30 le matin même > IRM puis RAD sans modification thérapeutique
9Envoyé par médecin MMG > chute méca radio poignet ras
90Point de compression au niveau de la résine manchette > incision RAD

Bien que ces patients aient été reconnus AEPf-, des soins ou des services leur ont été prodigués :

  • Avis diagnostic ou thérapeutique : pouvant résulter d’une consultation, de la visite d’un spécialiste n’appartenant pas au service, de décisions collégiales
  • Actes diagnostics ou thérapeutiques : Les explorations diagnostiques concernent les examens de laboratoires, les examens radiologiques. Les procédures thérapeutiques concernent l’administration de tout traitement médicamenteux, soin infirmier (pansement, oxygène, stomie, insuline, aspiration des sécrétions) ou soin médical ou paramédical. Les traitements per os sont exclus sauf s’ils nécessitent une surveillance particulière.
  • Surveillance thérapeutique ou clinique rapprochée  de quelques heures, difficilement réalisable en-dehors d’une admission
  • Education sanitaire : Le patient nécessite une prise en charge éducative à différents niveaux : prévention (risque de contagion par exemple), observance-ajustement – complications du traitement (diabète par exemple), complications évolutives de la pathologie
  • Soutien psychologique adapté au comportement, aux aptitudes intellectuelles et à l’état affectif du patient
  • Aide sociale en fonction des conditions économiques, culturelles, familiales (isolement) ou des conditions de logement du patient

Il se peut quand même que le patient ne reçoive aucun soin ni service. Il est pourtant admis aux urgences pour différentes raisons : attente de réalisation d’une procédure, attente de résultats, attente d’une décision, refus de sortir, attente d’une décision de la famille, recherche d’une possibilité d’hébergement ou d’une structure adaptée pour sa prise en charge.

Le jour de l’admission, le patient âgé de 75 ans et plus admis aux urgences aurait dû être orienté vers un lieu d’hébergement plus adapté à sa situation. Il peut s’agir de :

  • Son propre domicile : Ce retour à domicile peut être envisagé avec ou sans aide non médicale, paramédicale
  • Une structure d’hébergement telle qu’une structure médicalisée de proximité, une structure non médicalisée pouvant être loin de l’hôpital
  • Structure avec soins médicaux et/ou paramédicaux, structure médicalisée
  • L’hôpital (établissement de court séjour)
  1. Discussion et recommandations
    1. Discussion

Les profils des patients âgés de 75 ans et plus et leurs motifs de consultations rapportés dans notre étude sont similaires aux résultats obtenus par Sough et al. (2012 : 154-155). Le suivi effectué au centre hospitalier de Libourne permet d’affirmer que la proportion de patients non pertinents (AEPf-) admise aux urgences est faible par rapport aux admissions pertinentes. Néanmoins, elle représente 19.55% des patients de 75 ans et plus qui recourent aux services des urgences.

Ces résultats devraient toutefois être analysés avec prudence car, nous avons utilisé l’AEP pour évaluer la pertinence de l’admission des patients âgés de 75 ans et plus à l’hôpital. Et pourtant, cet outil base les critères d’admission sur les paramètres physiologiques et les caractéristiques de la structure. Ses résultats pourraient limiter les résultats obtenus auprès des patients, en particulier, les patients âgés. Par ailleurs, il a été démontré que la spécificité de cet outil chez les patients âgés est très faible, ce qui pourrait limiter son utilisation dans l’évaluation de la pertinence de l’admission de cette catégorie de patients (O’Regan et al., 2014). Cette limite de l’AEP pourrait entre autres expliquer les raisons pour lesquelles, certains patients n’auraient pas dû être admis aux urgences, mais être orientés vers d’autres structures.

Devant cette probabilité, il semble nécessaire d’établir des critères d’admission plus spécifiques, permettant d’identifier les patients âgés de 75 ans et plus, qui doivent vraiment être admis aux urgences. Les travaux de routine utilisés par l’équipe des urgences pour reconnaître si le passage du patient aux urgences est pertinent, se basent principalement et fréquemment sur les motifs rapportés directement par les patients et les facteurs gériatriques ne sont pas tellement pris en compte, alors qu’au fur et à mesure de l’avancée en âge, différentes caractéristiques émergent. Il pourrait être intéressant devant ce fait, de déterminer des indicateurs spécifiques permettant d’améliorer l’identification des patients dont le passage aux urgences est pertinent, et leur prise en charge. Pour ce faire, certains outils comme l’Identification of Seniors at Risk pourrait être utilisés particulièrement, pour ceux qui ont été amenés de leurs domiciles vers l’hôpital. Cet outil en effet permet de tenir compte des caractéristiques gériatriques pouvant affecter le diagnostic et par conséquent, la décision d’admission du patient âgé aux urgences. Ces caractéristiques comprennent le risque de mortalité, l’altération des fonctions physiques, les risques de réhospitalisation ou institutionnalisation (Hwang et al. ; 2013 : 2117).

Bien que des limites sur l’outil d’évaluation de la pertinence des passages des patients âgés de 75 ans et plus aux urgences aient été discutés, il s’avère intéressant de caractériser le profil des patients dont le passage aux urgences n’est pas pertinent, afin de fournir quelques indices à l’équipe de l’urgence tout au moins, d’avoir quelques indices ou informations qui pourraient les aider à reconnaître plus rapidement, les patients gériatriques urgents et ceux qui ne le sont pas. Dans cette étude, nous avons mis en évidence que les patients âgés de 75 ans et plus dont le passage aux urgences n’est pas justifié :

  • Viennent aux urgences par leurs propres moyens
  • Viennent aux urgences pour des motifs qui sont différents de ceux usuellement évoqués par les AEPf+ comme la dyspnée
  • Prennent moins de médicaments

Bien que les patients AEPf- puissent ne pas recevoir de soins ni de services, ils sont susceptibles d’être admis aux urgences parce qu’ils attendent des procédures, des résultats, des décisions ou refusent carrément de sortir, ou encore parce qu’ils n’ont pas d’autres endroits où ils peuvent aller d’où la recherche d’une structure adapté à leur situation.

  1. Pistes d’amélioration de l’admission des patients âgés aux urgences

Notre étude a caractérisé les patients AEPf+ et AEPf-, sans pour autant parvenir à jauger la qualité des soins et des services qui leur sont prodigués par l’équipe des urgences. L’adéquation entre les soins et les besoins des patients dépend de l’habileté de toute l’équipe des urgences dans la prise en charge de ces patients âgés de 75 ans et plus. Cependant, nous ne sommes pas en mesure d’apprécier les connaissances de ces personnels en matière de gériatrie. Ainsi, il nous semble pertinent d’améliorer la formation de ces équipes en gériatrie, et plus particulièrement, dans la prise en charge aux urgences des patients âgés de 75 ans et plus dans la mesure où cette classe de patients est particulièrement vulnérable et qu’il soit difficile pour les urgentistes d’établir leur diagnostic. Par la même occasion, cette démarche pourrait aussi amener les urgentistes à mieux connaître les patients dont les visites et l’admission aux urgences ne sont pas pertinentes. Nous supposons que de plus amples connaissances sur cette population réduiraient le temps alloué par les urgentistes aux patients non pertinents, car, ils pourraient reconnaître plus facilement et plus rapidement ces patients AEPf-.

Nous avons également observé que certains cas pouvaient être directement orientés vers d’autres structures et pourtant, ils ont été retenus au niveau des urgences. C’est le cas par exemple des personnes ayant des problèmes ophtalmologiques et odontologiques. Cela laisse supposer la nécessité d’améliorer l’organisation de l’équipe des urgences. S’il n’est pas toujours évident de créer un service des urgences entièrement dédié à la prise en charge de patients gériatriques, il pourrait être faisable d’améliorer la prise en charge de cette catégorie de patient en introduisant quelques caractéristiques d’un modèle d’urgences gériatriques. Cela implique la coopération avec les spécialistes de la gériatrie et les urgentistes afin d’assurer une meilleure coordination des actions, et une bonne transmission des connaissances et des savoirs en matière de gériatrie. Le but est d’aider les urgentistes à ne pas passer à côté des caractéristiques de ce groupe de patients spécifiques et de leur donner les soins appropriés, tout en limitant le temps d’attente, d’évaluation, de triage et de prise en charge (Hwang et al. ; 2013 : 2118).

Conclusion

Dans un contexte de vieillissement de la population, le risque est élevé d’accueillir de plus en plus de personnes âgées aux urgences, dans les années à venir. La présence de pathologie chronique, la polymédication et la vulnérabilité de la catégorie des patients gériatrique font en sorte qu’ils pourraient être amenés aux urgences pour différentes raisons ayant été relatées dans cette étude. Les patients âgés de 75 ans et plus sont particulièrement vulnérables tant du point de vue social, que physique et financier, par rapport aux patients jeunes seniors. Par conséquent, ils pourraient constituer la grande proportion de patients gériatriques qui utilisent le service des urgences.

Dans cette étude, nous avons pu commencer à déterminer les critères permettant d’évaluer la pertinence du passage de patients âgés de 75 ans et plus aux urgences. Les critères que nous avons fixés semblent toutefois montrer des limites, ce qui nous conduit à de nouvelles pistes d’améliorer l’admission des patients urgents dans le service et l’orientation des patients âgés non urgents pour éviter l’engorgement dans les urgences. Notre étude a permis d’établir le profil des patients dont le passage est non pertinent. Du point de vue académique, la présente étude a mis en relief les enjeux de l’admission et la prise en charge des patients âgés de 75 ans et plus aux urgences. Du point de vue technique et pratique, elle donne des pistes d’amélioration de cette prise en charge des patients gériatriques.

Quelques limites ont été observées dans le cadre de notre étude. Les observations ont été faites pendant une courte durée, ce qui ne permet pas de faire des projections sur l’arrivée et l’admission des patients âgés de 75 ans et plus aux urgences sur une plus longue période (des mois). D’autre part, si nous avons pu donner des indications concernant les moments d’admission des patients aux urgences, nous ne sommes pas en mesure de déterminer les horaires exactes de leur arrivée, ce qui ne nous permet pas non plus, de connaître la fluctuation de ce groupe de patients pendant la journée et de déterminer par la suite à quel moment, les patients AEPf- arrivent en plus grand nombre.

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