Cet exemple de mémoire de droit vise à vous donner un aperçu des attentes académiques relatives à la rédaction de ce type de mémoire.
ACRONYMES
APP | Agence de Protection des Programmes |
CGPME | Confédération générale des petites et moyennes entreprises |
DRSU | Demande de Renseignements Sommaires Urgents |
EDI | Echange des Données Informatisées |
FICOBA | FIchier national des COmptes BAncaires |
FIDJI | Fichier Informatisé des Données Juridiques Immobilières |
GED | Gestion électronique des données |
INCJ | Institut National de formation des Commissaires de Justice |
NTIC | Nouvelles Technologies d’Information et de Communication |
OESC | Ordonnance Européenne de Saisie Conservatoire des Comptes |
PV | Procès-verbal |
PACS | Pacte Civil de Solidarité |
RGPD | Règlement Général sur la Protection des Données |
RPVJ | Réseau Privé Virtuel de la Justice |
RPVA | Réseau Privé Virtuel des Avocats |
SIV | Système d’Immatriculation des Véhicules |
TABLES DES MATIERES
Chapitre I. Métier de l’huissier de justice 8
I. Histoire de la profession 9
II. Cadre juridique du métier en droit français 10
C. Chronologie de l’évolution du métier à partir de 1954 11
Section II. Activités principales d’huissier de justice 12
I. Les activités monopolistiques 12
A. Signification des actes : une procédure de droit commun 12
B. Exécution des décisions de justice 14
II. Activités concurrentielles 15
B. Ventes judiciaires ou volontaires 16
D. rédaction d’actes sous seing privé 16
Chapitre II. Technologie et nouvelles pratiques 18
Section I. Nouveaux outils du métier suite à l’évolution numérique 18
I. Création du portail européen e-justice 18
B. Exemple de registres fonciers en Lettonie sur e-justice 19
II. Dématérialisation : signification et les exemples des enquêtes Béteille, FICOBA et SIV 19
D. Demande de renseignements sommaires urgents ou DRSU 20
Section II. Technologie dans le secteur judiciaire 21
A. Droit à la technologie ou droit technologique 21
B. Lois relatives à la numérisation (informatique et nouvelles technologies) 22
II. LegalTech sur la pratique juridique 22
PARTIE II. Impacts du numérique sur le métier de l’huissier de justice 24
Chapitre I. Conséquences de la numérisation 24
Section I. Modernisation des pratiques juridiques 24
A. La gestion électronique des données 24
B. L’obligation légale du respect du RGPD 24
C. Recherche accrue pour être compétitif 25
A. Conservation de l’acte : une obligation conditionnant sa valeur juridique 25
B. L’archivage électronique pour garantir l’intégrité et la lisibilité de l’acte 26
I. Transparence judiciaire et droit de divulgation 28
A. Secret de justice ou justice secrète 29
C. Fonctionnement de la cyberjustice 30
II. Avantages et inconvénients de la numérisation des documents et des services 30
A. Avantages de la numérisation 30
Chapitre II. Défis rencontrés par les commissaires de justice face aux avancées technologiques 31
Section I. Défi d’adaptation pour une efficacité accrue 31
I. Moyens à la hauteur des missions de justice 32
II. Constats Internet et réseaux sociaux 33
A. Réaliser des constats internet et réseaux sociaux 33
B. Exigence du constat internet 34
C. Normalisation des constats en ligne 34
D. Limites du constat internet 35
Section II. Optimisation du processus judiciaire 36
I. Mise en place de nouvelles méthodes de communication de l’information 36
A. Processus moderne et processus traditionnel 36
B. Communications d’informations pour les huissiers de justice 37
II. Innovation organisationnelle 37
A. Organisation de la profession de commissaire de justice 37
B. Numérisation pour le commissaire de justice 38
LISTES DES FIGURES
Figure 1 : Chronologie de l’évolution du métier d’huissier de justice 10
Figure 2 : Les principaux marchés visés par les acteurs de la LegalTech 22
Figure 3 : Les trois critères dans les modalités de conservation électronique 25
INTRODUCTION
En France, la loi n° 2016-1321 pour une République numérique a été promulguée le 7 octobre 2016. Cette loi a comme perspective « de donner une longueur d’avance à la France dans le domaine du numérique en favorisant une politique d’ouverture des données et des connaissances »1 et « d’adopter une approche progressiste du numérique, qui s’appuie sur les individus, pour renforcer leur pouvoir d’agir et leurs droits dans le monde numérique »2.
Face à la mondialisation favorisée par la révolution numérique soutenue par les nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC), les domaines professionnels changent leur mode de fonctionnement pour mieux s’adapter à ce monde devenu interconnecté dans un environnement en pleine mutation. L’ascension en puissance du numérique et les nouvelles aspirations sociales rendent l’environnement de travail de plus en plus complexe, turbulent et compétitif.
Ce bouleversement ne se limite pas qu’aux aspects techniques et financiers, mais concerne aussi l’ordre humain et son organisation, étant donné que chaque changement voulu ou imposé se confronte à la réaction du capital humain. En matière de justice, la relation humaine reste essentielle afin d’évaluer, contextualiser et individualiser les situations. La réduction de problèmes en objets manipulables par des algorithmes ne laisse pas nécessairement indemne la complexité des situations, la société ne pouvant pas aisément être mise en équation (Jensen, 2018).
Le développement massif de la numérisation se comprend à la fois par la diversité des informations, l’importance de l’étendue de ses fonctions ainsi que l’accessibilité par les utilisateurs à travers les technologies numériques de ces informations. Les technologies numériques se présentent comme des nouveaux moyens au service de divers domaines. L’expression « technologies numériques » doit être entendue comme un ensemble de savoirs et de pratiques fondés sur un système binaire dont l’objectif est de faciliter la qualité de vie humaine3. Le monde numérique a conquis le monde analogique4. Actuellement, nous sommes entrés dans ce que l’on pourrait appeler « l’ère du numérique » dans laquelle le numérique a envahi notre quotidien.
D’après Storhaye (2016), la transformation numérique est « un processus selon lequel une activité ou une entreprise intègre le numérique à son activité, en termes de supports et de solutions, et apprivoise la culture digitale dans ses modes de fonctionnement et ses comportements individuels et collectifs » (Storhaye, 2016). La numérisation a modifié divers secteurs professionnels, y compris le domaine juridique. Elle est aujourd’hui incluse dans le mode de fonctionnement de la justice et se diffuse également dans toutes les strates du monde judiciaire.
L’évolution numérique permet une justice plus accessible par le biais du digital, qui se traduit par l’accès aux services juridiques, mais également leur compréhension, rendant désormais les démarches plus fluides pour les justiciables. L’immixtion du numérique dans le domaine juridique se perçoit à travers la dématérialisation des services et l’automatisation de l’accès aux services.
Notre sujet s’est porté sur l’impact du numérique sur le métier d’huissier de justice. Pour les huissiers de justice, leur métier, à l’instar de nombreuses strates du monde judiciaire, n’échappe pas à la vague numérique. Ce métier, traditionnellement associé à des tâches et des procédures manuelles subit aussi cette transition vers le numérique. La numérisation a modernisé et professionnalisé le métier d’huissier. Afin de pouvoir suivre cette tendance, ce dernier s’est familiarisé à l’évolution numérique et profite des technologies numériques comme moyens de travail pour l’optimisation de temps et la rationalisation de ses missions à l’heure où les moyens d’échange, de stockage, de production sont majoritairement numériques. Ainsi, nous avons formulé notre problématique comme suit : « Comment l’évolution numérique influence-t-elle le métier d’huissier de justice ? ».
Nous consacrons la première partie de l’étude sur la profession d’un huissier de justice et l’évolution de la technologie dans la pratique juridique : l’historique, les cadres législatifs et réglementaires régissant le métier, etc. afin d’appréhender son évolution et de comprendre les activités et missions assignées. La deuxième partie sera dédiée à l’analyse des impacts du numérique sur le métier de l’huissier de justice.
PARTIE I. Evolution des normes technologiques et juridiques relatives au métier d’huissier de justice
L’évolution numérique a également influencé les professions réglementées, notamment la profession des huissiers de justice. Le numérique a bouleversé les schémas traditionnels surtout au niveau des opérations relatives au traitement dématérialisé des décisions de justice qui fait aujourd’hui partie intégrante du métier.
Les processus établis par la numérisation ont des effets sur la profession d’huissier de justice tout en bousculant un certain nombre de repères et de pratiques et en transformant les organisations du travail. La numérisation a permis, d’une part, de supprimer un grand nombre de tâches manuelles et des tâches pour l’essentiel répétitives et fastidieuses, et de répondre aux exigences toujours plus fortes des justiciables. Et d’autre part, elle a facilité l’automatisation d’un certain nombre de procédures simples et répétitives.
La mise en place de chaînages automatiques et d’un agenda automatique, la gestion en temps réel des procédures, la gestion simultanée de plusieurs procédures, sont autant d’innovations technologiques permettant d’augmenter la productivité du travail. Les nouvelles possibilités offertes par l’évolution technologique s’inscrivent donc dans une démarche de rationalisation du travail. Il s’agit d’être plus efficace, plus performant, plus rapide, notamment en ce qui concerne la gestion des tâches.
Dans cette première partie de ce travail, nous présentons successivement les chapitres sur le métier de l’huissier de justice et les technologies et sur les nouvelles pratiques dans le secteur judiciaire.
Chapitre I. Métier de l’huissier de justice
L’huissier de justice est qualifié d’officier ministériel délégataire d’une parcelle de puissance publique5. Il se présente comme un rouage indispensable de l’institution judiciaire, car il est seul la responsabilité de la signification des actes6 et de l’application des décisions de justice en matière civile. Il est reconnu par l’exercice d’une profession libérale tout en étant mandatés comme officiers ministériels. En ce sens, il occupe une fonction de justice instituée, définie et limitée par les pouvoirs législatif et exécutif.
Son métier axe en général sur trois volets7 :
- Informer les justiciables : l’huissier de justice informe les personnes concernées par l’action de justice, en leur remettant une assignation en matière civile ou une citation en matière pénale. Il informe les justiciables sur le jugement rendu (décision de justice).
- Exécuter les jugements : c’est-à-dire que l’application des jugements rendus par la justice fait partie intégrante du métier de l’huissier de justice, sauf les peines d’emprisonnement, il procède au recouvrement des créances (forcé ou amiable) et propose dans la possibilité réglementaire des solutions pour un plan de remboursement.
- Établir des constats : l’huissier de justice dispose de compétence pour établir des constats d’infraction ou de dégâts dans divers domaines. Ces derniers servent de preuve incontestable devant les tribunaux et permettent aux victimes d’obtenir réparation du préjudice.
Section I. Statut adapté
Selon le lexique des termes juridiques, l’huissier de justice est un « homme de loi dont la mission est destinée à faciliter la marche de l’instance et la bonne administration de la justice »8. En ce sens, l’huissier de justice jouit de la qualité d’officier public et ministériel représentant les organes juridiques et judiciaires et d’autorité exécutoire, lui confère un statut spécifique. Il agit en exécution des décisions émanant des autorités de l’État et dispose d’un privilège afin d’exercer une activité. Il est considéré comme un maillon de la chaîne de la justice, qui se charge de la bonne exécution des décisions de justice (Deharo, 2005a). L’huissier joue un grand rôle dans la procédure judiciaire puisqu’il s’agit de l’application de la loi.
On peut parler également d’un double statut de l’huissier de justice, car il est reconnu par l’exercice d’une profession libérale tout en étant mandaté par le pouvoir public comme officier ministériel dépositaire de la puissance publique.
I. Histoire de la profession
A. Origine de la profession
Étymologiquement, le terme « huissier » vient de l’ancien français « huis » qui signifie « porte ». La première signification renvoyait à un officier de la chambre d’un souverain ou d’un prince, qui avait pour fonction d’ouvrir et de fermer la porte du cabinet. Il était ainsi considéré comme étant un responsable de maison royale, un domestique qui se tenait dans l’antichambre pour introduire les personnes, mais également de veiller à ce qu’aucune personne n’y entrait sans autorisation. La deuxième signification considérait un fabricant de portes et de boiseries au XIIIe siècle. De nos jours, le terme est toujours accompagné de justice, c’est-à-dire huissier de justice pour le différencier à des huissiers exerçant d’autres fonctions.
Durant l’Antiquité, dans le cadre imposé par la Pax Romana, les décisions des juges étaient déjà appliquées par des personnes sélectionnées appelées des « officiales ». De par leur fonction, elles se répartissaient sous différents titres et sous différentes fonctions :
- Les « apparitores » qui avertissaient le peuple pour le rassembler lors des jugements, introduisaient les plaideurs et assuraient la police des audiences ;
- Les « executores » qui avaient pour tâche d’appliquer les décisions des juges et de saisir les biens des débiteurs récalcitrants ou de les conduire en prison9.
Au Moyen-âge, à cause de nombreuses juridictions (royale, seigneuriale, ecclésiastique, etc.) et des organisations judiciaires, des agents assermentés étaient mis en place jouissant d’autorité incontestée par le peuple. Les officiales dévirent des bedeaux, des serviens, des semonceurs, des sergents et des huissiers, qui étaient des officiers de juridictions importantes. Ils avaient de bons chevaux, portaient de costumes, de verge et d’anneau d’argent. Ces accoutrements variaient selon les juridictions et représentaient à cette époque l’un des symboles de l’autorité royale. Au XVIe siècle, les sergents et les huissiers disposaient d’attributions et de juridictions respectives comme huissiers de justice audienciers, à cheval, à pied, priseurs, à la douzaine, fieffés.
B. Contexte intermédiaire
En février 1705, un édit a réuni en un seul corps les différents huissiers de justice en leur donnant le seul titre d’huissier de justice. Une ébauche du statut de l’huissier de justice n’est mise en place qu’en 1813, renforcée par un décret impérial de la même date. Cette ébauche s’est référée aux anciens textes entre autres sur le monde de nomination, les compétences, les attributions, etc.
II. Cadre juridique du métier en droit français
A. Statut actuel
Le statut actuel des huissiers de justice est régi par l’ordonnance du 2 novembre 1945 et du décret d’application du 29 février 195610. Ce statut est modifié à plusieurs reprises avec des textes fixant les conditions de leur responsabilité professionnelle, les limites de leur monopole, autorisant leur groupement ou leur association11.
Aujourd’hui, l’huissier de justice se présente comme un officier ministériel titulaire d’une charge publique. Il se charge de la rédaction des actes judiciaires ou extrajudiciaires, de signifier les assignations à comparaître et de signifier les décisions de justice à la suite d’une procédure. La profession d’huissier de justice s’exerce de manière indépendante (statut libéral), mais est soumise à des règles bien précises délimitées par des normes légales (officier ministériel).
Ces huissiers de justice travaillent dans un cadre territorial défini par décret, correspondant au ressort du tribunal de grande instance de leur résidence professionnelle. Cette profession est désormais organisée en chambre de niveau départemental, régional et national. Et cette profession fait partie des professions réglementées, soumis à un contrôle du ministère de tutelle.
B. Profession commune
Le 6 août 2015, la loi « Croissance et Activité » et l’ordonnance 2016-728 du 2 juin 2016 ont créé une nouvelle profession, les commissaires de justice. Cette loi vise le rapprochement des deux professions, c’est-à-dire les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice. Cette loi pour la Croissance et l’Activité soutenue par l’État, précisément par le Président Macron, veut réunir et harmoniser les professions du droit disparates en créant de « grandes professions » et d’élargir les compétences et les attributions des deux métiers.
En 2019, la Chambre nationale des commissaires de justice a vu le jour, avec l’élection des Représentants de la nouvelle profession. La constatation majeure sur le différentiel de nombres entre les deux métiers et la complexité du rapprochement, exige des périodes d’adaptation. En ce sens, les pouvoirs publics ont mis en place pour honorer l’échéance finale de 2026, deux types de formations : la formation « passerelle » pour les professionnels en titre afin d’accéder à la qualification de commissaire de justice et la formation destinée à la génération du métier (INCJ).
La mise en place de cette profession commune s’opère en trois étapes :
- Janvier 2019, création de la Chambre nationale des commissaires de justice en remplaçant les deux anciennes chambres (huissier de justice et commissaires-priseurs judiciaires) ;
- Juillet 2022, naissance des premiers commissaires de justice ;
- Juillet 2026, échéance finale pour l’adaptation des professionnels (officiers ministériels).
C. Chronologie de l’évolution du métier à partir de 1954
Figure 1 : Chronologie de l’évolution du métier d’huissier de justice
Source : composition de l’auteur
Section II. Activités principales d’huissier de justice
La loi Macron n’a pas modifié les fondements des activités monopolistiques et concurrentielles des huissiers de justice, elle apporte une clarification entre les activités monopolistiques et concurrentielles. Les activités monopolistiques sont soumises à un tarif réglementé, régi par le décret et l’arrêté du 26 février 2016. Ces activités s’exercent également dans un cadre territorial limité. Par contre, les activités concurrentielles ne sont pas soumises à la compétence territoriale et les prestations sont négociées librement entre l’huissier de justice et le client.
I. Les activités monopolistiques
La loi Croissance et Activité préserve les activités monopolistiques de l’huissier de justice, et elle renforce ses rôles en matière d’exécution, par la création d’une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances. Les activités monopolistiques de l’huissier de justice sont principalement exercées dans un cadre géographique limité. Elles concernent la signification aux intéressées des actes judiciaires ou extrajudiciaires et l’exécution des décisions de justice et titres exécutoires comme les actes notariés.
A. Signification des actes : une procédure de droit commun
En vertu de l’article 1er de l’ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945, les huissiers de justice bénéficient de monopole de la signification des actes comme la signification des décisions de justice et l’exécution forcée des jugements et titres exécutoires. Ils sont désignés comme des « officiers ministériels qui ont, seuls, qualité pour signifier les actes et les exploits, faire les notifications prescrites par les lois et règlements lorsque le mode de notification n’a pas été précisé et ramener à exécution les décisions de justice, ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire »12.
La signification se désigne comme un cas de la notification faite par un huissier de justice ou par son clerc assermenté. C’est un procédé pour faire connaître légalement à une personne le contenu d’un jugement ou d’un acte. Cette dernière est une formalité par laquelle on porte un acte à la connaissance d’une personne (Chainais, Ferrand, Mayer, & Guinchard, 2019). La formalité est importante sur le plan pratique, car cette notification détermine les délais comme le délai de comparution ou le délai d’appel. Dans de multiples hypothèses, le recours à un huissier de justice est imposé par la loi pour procéder à la notification de l’acte, sauf exception à la notification de l’assignation en justice, des jugements contentieux. La signification est régie par le Code de procédure civile, articles 651 à 710 en définissant les modalités de la signification des actes.
1. Les actes à signifier par les huissiers de justice
En se présentant à domicile ou au siège du destinataire, les huissiers de justice remettent l’acte en main propre au destinataire ou à toute personne présente en cas d’absence. Ces actes à signifier concernent la majorité des actes de procédure doivent être notifiés avant de pouvoir être remis au juge ; les actes introductifs de l’instance, affichant l’invitation du défendeur à se présenter devant un juge ou à se représenter par un avocat et les jugements pour acquérir force de chose jugée par l’écoulement des délais de recours.
2. Modalités de la signification des actes
Les huissiers de justice sont autorisés à accéder aux informations suivantes pour accomplir leurs tâches, comme les nom et prénoms, la date de naissance, le domicile pour les personnes physiques. L’information est la principale motivation de la signification. La signification traduit que l’huissier de justice informe le destinataire du contenu de l’acte et de ses conséquences.
L’accusé de réception signé et du procès-verbal de signification évoque la présomption selon laquelle le destinataire est informé du contenu de la signification. La signification ne requiert pas le consentement du destinataire ; par conséquent, il ne peut pas refuser l’acte.
La loi autorise la remise de l’acte à un tiers présent au domicile désigné sous enveloppe fermée. L’huissier de justice ou son clerc laisse au domicile un avis de passage (article 656 du Code de procédure civile). Dans le cas de l’absence de la personne à son domicile, l’huissier de justice peut conserver l’acte pour une durée de trois mois. Les missions de signification ne résument pas ainsi à une simple remise de l’acte, mais également à la conservation de l’acte (conservation de copie à une durée de trois mois, de l’original plus de quinzaine d’années). Le procès-verbal selon l’article 659 de recherches infructueuses est établi si l’huissier ne parvient pas à trouver l’intéressé, son domicile, ou son lieu de travail.
a. Signification à personne : l’huissier de justice remet physiquement l’acte à la personne concernée selon l’article 654 du Code de procédure civile. Pour le cas d’une personne morale, l’acte peut être remis à son représentant légal ou à toute personne autorisée à cet effet.
b. Signification à domicile ou à résidence selon l’article 655 du Code de procédure civile : si le destinataire n’est pas présent lors de la signification, une copie de l’acte peut être remise à la personne présente à son domicile ou à sa résidence. La signification est considérée comme signification à domicile lorsqu’elle est faite à l’adresse sous laquelle le destinataire est inscrit au registre de la population.
3. Signification par voie électronique
Selon l’article 662-1 du Code de procédure civile, la signification peut se réaliser par voie électronique dans les conditions prévues, dépendant du consentement du destinataire. L’article 664-1 de ce décret précité affirme que la date et l’heure de la signification par voie électronique sont celles de l’envoi de l’acte à son destinataire.
Le décret n°2012-366 du 15 mars 2012 stipule la signification des actes d’huissier de justice par voie électronique et aux notifications internationales. En application de ce décret, le réseau privé virtuel de la justice ou RPVJ et le réseau privé virtuel des avocats ou RPVA ont été créés. Ils facilitent la correspondance par voie électronique, la production, la communication d’actes et de pièces de procédure.
Signifier des actes judiciaires ou extrajudiciaires constitue l’activité monopolistique des huissiers de justice. Il peut également être amené à faire exécuter des décisions de justice.
B. Exécution des décisions de justice
Une décision de justice met généralement une fin définitive à un conflit et elle peut être appliquée par les parties. L’exécution d’une décision de justice se désigne par le suivi par les huissiers de justice de la procédure à la lettre. La démarche est une condition inhérente de la validité des actes produits par l’huissier.
Un jugement est qualifié exécutoire lorsqu’il passe en force de chose jugée. Autrement dit, aucune voie de recours n’a été exercée comme l’appel, ou les délais sont expirés. Les décisions sont mises en application dès qu’elles sont prononcées. Elles sont exécutoires de façon provisoire de droit, sauf dans les cas suivants : la loi prévoit que la décision n’est pas exécutoire de droit ; ou le juge annonce que sa décision ne bénéficiera pas de l’exécution provisoire de droit.
1. Exécution provisoire de droit
Elle concerne l’ensemble des jugements civils du juge aux affaires familiales, du tribunal judiciaire. Un jugement est à exécuter dès qu’il est prononcé et notifié et qu’il porte mention de la formule exécutoire13.
2. Exceptions prévues par la loi
Certaines décisions ne bénéficient pas de l’exécution provisoire. Le jugement ne peut être exécuté que s’il est définitif et les délais de recours expirés. Ces décisions concernent celles statuant sur la nationalité, concernant la rectification ou l’annulation des actes d’état civil, statuant sur le choix du prénom lors de la déclaration de naissance, les décisions concernant les demandes de changement de nom et de prénoms, concernant les demandes en modification de sexe sur les actes d’état civil, la déclaration d’absence d’une personne, relatives à la filiation et aux subsides, concernant l’adoption, les décisions prononçant le divorce ou la séparation de corps.
3. Mode d’exécution d’une décision
L’exécution d’une décision peut être volontaire, et en absence d’exécution volontaire, les huissiers de justice peuvent procéder à l’exécution forcée de la décision.
a. Exécution volontaire
Pour exécuter volontairement le jugement, les deux parties s’accordent à l’amiable. Le débiteur règle spontanément ou à la demande de l’autre partie.
b. Exécution forcée
L’exécution forcée de la décision relève de l’activité monopolistique du commissaire de justice décrite selon l’article 18 de la loi du 19 juillet 1991. Pour l’exécution de la décision, il est nécessaire d’avoir la copie certifiée conforme de la décision. Chaque partie peut disposer une copie exécutoire. Il est également utile d’avoir notifié la décision au débiteur en obtenant une copie exécutoire mentionnant les dates de cette notification.
Les huissiers de justice sont habilités de même que les notaires pour la réalisation des prisées et des ventes judiciaires de meubles, des effets mobiliers corporels. Celles-ci sont réalisées dans la commune, dans le cas où il n’est pas établi de commissaire-priseur judiciaire14. Et l’alinéa 3 de l’ordonnance n° 45-2592, les huissiers de justice peuvent exercer les fonctions d’huissier-audiencier en assistant aux audiences, font l’appel des causes. Selon l’article L. 111-3, 5° du code des procédures civiles d‘exécution, ils peuvent délivrer des titres exécutoires en matière de chèques impayés.
Pour les activités monopolistiques, la compétence des huissiers de justice s’étend au ressort de l’ensemble des tribunaux de grande instance du département de leur résidence, selon les articles 5 et 5-1 du décret n° 56-222 du 29 février 195615.
Outre les activités monopolistiques, les huissiers de justice sont amenés à réaliser des activités concurrentielles inscrites dans le code de commerce.
II. Activités concurrentielles
Les activités concurrentielles ne s’intègrent pas dans le monopole d’un huissier de justice. Ce dernier est confronté à la concurrence des autres professionnels de droit. Les annexes de la partie réglementaire du Code de commerce, dans son article R.444-3, 3° du code de commerce, figure la liste indicative des activités pouvant être réalisées par les huissiers de justice en concurrence avec d’autres professionnels. Suite à la promulgation de la loi Macron du 6 août 2015, les huissiers de justice peuvent exercer le recouvrement des petites créances impayées sans le recours à une action en justice. Selon la loi n° 2015-990, dans son article 208, « les huissiers de justice pourront délivrer eux-mêmes un titre exécutoire dès l’accord du créancier et du débiteur sur le montant et les modalités de paiement de la créance »16. Ainsi, les huissiers de justice peuvent exercer le recouvrement de nature contractuelle.
Les huissiers de justice exercent des prestations dans les activités hors monopoles suivantes :
- les constats ou la constitution de preuves à la demande des magistrats ;
- les ventes publiques volontaires ou judiciaires à défaut de commissaire-priseur dans sa circonscription ;
- les inscriptions d’hypothèques ;
- le recouvrement amiable de toutes les créances pour le compte d’autrui (pensions alimentaires, factures impayées, pensions alimentaires, loyers, etc.) ; l’assistance ou la représentation des parties devant certaines juridictions ; les conseils juridiques aux entreprises pour le recouvrement des créances ; la rédaction d’actes sous seing privé ; les sommations de payer non interpellatives ;
- les sommations interpellatives de payer.
Pour les constats, l’article 1er de l’ordonnance n°45-2592 a mentionné que les huissiers de justice « peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Sauf en matière pénale où ils ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu’à preuve contraire »17.
A. Recouvrement amiable
L’huissier de justice est mandaté par un créancier pour mettre en œuvre des mesures non coercitives auprès du débiteur pour le recouvrement de la créance. Dans ce cas, le créancier n’est pas détenteur d’un titre exécutoire. Au titre de recouvrement amiable, il clarifie la nature et les finalités des messages adressés au débiteur. Un délai doit être fixé pour le recouvrement, ensuite si le débiteur n’a pas honoré sa dette, le créancier pourra entamer une action judiciaire pour obtenir un titre exécutoire.
B. Ventes judiciaires ou volontaires
Les huissiers de justice sont compétents pour procéder aux ventes publiques judiciaires ou volontaires de meubles ou effets mobiliers corporels. Ils peuvent intervenir dans le cas où il n’est pas établi de commissaires-priseurs judiciaires.
C. Constat
Le constat désigne un acte juridique permettant à constituer une preuve, il peut être réalisé au cours d’une instance judiciaire ou en dehors des litiges. A la requête d’un juge ou d’un particulier, un huissier de justice peut réaliser une constatation de faits matériels sans déduire des conséquences de faits ou de droits.
D. rédaction d’actes sous seing privé
Ils sont également compétents pour procéder à la rédaction des actes sous seing privé comme les baux à loyer, baux à ferme, etc. Les contrats signés sous seing privé entraînent des conséquences juridiques : comme les conventions de PACS, les protocoles d’accords, la reconnaissance de dettes, les contrats de prêts, etc.
En plus, certaines activités peuvent être exercées à titre accessoire par les huissiers de justice comme l’administration d’immeubles, l’activité d’agent d’assurances et de médiation conventionnelle ou judiciaire.
La technologie permet aux huissiers de justice de créer une plateforme aux marchés publics, comme la Confédération générale des petites et moyennes entreprises ou CGPME en avançant sur l’utilisation des outils informatiques et la dématérialisation des missions. La modernisation s’implique également dans la mise en place d’un site internet de vente aux enchères, les paiements en ligne, la gestion par voie dématérialisée des requêtes en injonction de payer, etc. En effet, la numérique se présente comme une opportunité de moderniser les activités concurrentielles des huissiers de justice ainsi que de s’adapter à l’innovation pour conquérir de nouveaux marchés.
Chapitre II. Technologie et nouvelles pratiques
L’évolution technologique est ancrée dans le quotidien des professionnels du droit. La technologie les suscite à réinventer les procédures judiciaires et à moderniser les pratiques juridiques. La transition numérique offre de nouveaux outils pour améliorer la qualité du service public. Elle présente également des défis d’adaptation pour les huissiers de justice.
Section I. Nouveaux outils du métier suite à l’évolution numérique
I. Création du portail européen e-justice
Ce portail européen est présenté comme un « guichet unique en ligne permettant l’accès à la justice dans toute l’Union »18. Il fournit des informations en multilangue sur les lois et les pratiques en vigueur des Etats membres. Les huissiers de justice et les autres professionnels de droit peuvent accéder à des bases de données juridiques, et de tisser des relations au moyen des réseaux judiciaires.
La numérisation de la justice dans l’Union européenne implique la disponibilité d’informations en ligne sur le système judiciaire à destination public, les règles de procédure permettant l’utilisation des solutions numériques, le recours aux technologies numériques par les juridictions et les autorités publiques, la disponibilité d’outils de communication électronique sécurisés pour les juridictions, l’accès aux juridictions civiles, commerciales, administratives en ligne, l’accès en ligne aux décisions judiciaires et leur disponibilité en format lisible par les machines.
Le réseau aide les huissiers de justice à résoudre certaines difficultés dans un dossier transfrontière en prenant contact avec l’autorité d’un autre Etat membre.
A. OESC
L’OESC ou l’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires facilite le recouvrement de créances dans l’UE. Elle est régie par le règlement (UE) n° 655/2014, en vertu de l’article 14. Il permet de geler des fonds détenus sur un compte bancaire dans un autre pays européen sauf le Danemark. Un nouveau formulaire sur le portail e-justice a été élaboré par le RJECC ou Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, afin d’obtenir des informations relatives aux comptes bancaires dans un autre État membre.
Le règlement prévoit pour que le débiteur dispose un certain nombre de voies de recours puisque l’OESC est émise sans que le débiteur en soit informé. L’application de cette procédure crée un déséquilibre avec celle de la France. Les créanciers n’ayant pas de titre exécutoire peuvent demander une OESC alors qu’en France, l’accès à ces informations nécessite l’intervention des huissiers de justice avec titre exécutoire.
B. Exemple de registres fonciers en Lettonie sur e-justice
Dans le portail e-justice de l’Union européenne, les registres fonciers permettant à obtenir des informations sur le débiteur sont accessibles sur le site. En prenant l’exemple de Lettonie19, il dispose deux registres :
- le système d’information du cadastre : pour enregistrer et à actualiser les données sur les biens immobiliers, les propriétaires, les occupants, etc. Ce système est administré par le Service national du cadastre ;
- le registre foncier national électronique et unifié est géré par l’Administration des cours et des tribunaux. Ce registre est accessible au public. Les registres fonciers se composent en quatre grandes parties présentant des informations détaillées en portefeuille.
La recherche de biens immobiliers enregistrés dans le registre foncier national et des données textuelles et spatiales sont gratuites, toutefois, la consultation du portefeuille de biens et la consultation de données cadastrales dans la partie publique sont des services payants.
Cette pratique estonienne nous permet de préciser la faculté d’accès aux informations concernant un bien immobilier. Ces informations sont accessibles sans avoir recours à des professionnels de droits. La technologie facilite la communication et le partage des informations, ainsi elle permet la dématérialisation et met à la disposition des huissiers de justice des outils de service.
II. Dématérialisation : signification et les exemples des enquêtes Béteille, FICOBA et SIV
Les huissiers de justice disposent des moyens légaux de recherche d’informations pour bien assurer l’effectivité de l’exécution des décisions de justice. En outre des enquêtes d’usages sur internet, ils utilisent les enquêtes de solvabilité comme enquêtes Béteille, FICOBA et SIV pour localiser le débiteur, ses coordonnées bancaires, son véhicule et ses biens immobiliers. Ces pratiques sont encadrées par les articles L.152-1 et suivants du code de procédures civiles d’exécution. Elles sont principalement dématérialisées et rapides.
Ces enquêtes de solvabilité permettent de vérifier la capacité financière d’une personne ou d’une entreprise à honorer des dettes contractées20. En d’autres termes, elles permettent de vérifier la présence d’actifs dans le patrimoine du débiteur pour solder ses dettes comme les actifs mobiliers (véhicules, actions, parts sociales, comptes en banque, etc.), les actifs immobiliers, les revenus d’activité.
Dans le cadre du recouvrement judiciaire de créances, l’huissier de justice détermine les possibilités de règlement de la dette et la stratégie de recouvrement à mener. Ainsi, il a recours aux enquêtes Béteille, FICOBA, SIV et la DRSU.
A. Enquêtes Béteille
Pour la réalisation de sa mission plus particulièrement le recouvrement judiciaire, les huissiers de justice a besoin de diverses informations sur le débiteur. La loi Béteille dite la loi du 22 décembre 2010 facilite l’accès aux informations de ces professionnels détenant un titre exécutoire à l’encontre de débiteurs. Par cette loi, les administrations étatiques, les collectivités territoriales, les entreprises et organismes contrôlés par l’Etat, les établissements publics sont obligés à fournir des renseignements suivant sur le débiteur : état civil, adresse, identité et adresse de son employeur, composition de son patrimoine immobilier.
A travers ces informations, plus particulièrement le patrimoine immobilier, les huissiers de justice peuvent interroger le fichier informatisé des données juridiques immobilières ou FIDJI et d’obtenir certains détails sur le débiteur.
Pour ces enquêtes, il est nécessaire de connaître le nom, les prénoms, la date et lieu de naissance du débiteur ou le numéro de SIREN pour les sociétés. Cette loi Béteille donne plus d’efficacité, de rapidité des requêtes tout en respectant les règles de confidentialité et de sécurité
B. FICOBA
Le fichier national des comptes bancaires permet d’offrir aux huissiers de justice l’intégralité des coordonnées bancaires d’un débiteur. Le FICOBA est géré par la Direction Générale des Finances Publiques. L’huissier de justice porteur d’un titre exécutoire peut interroger le FICOBA. Il importe sur les informations sur les comptes d’épargnes, comptes joints, comptes titres du débiteur titulaire pour la possibilité de pratiquer une saisie attribution sur les comptes du débiteur.
C. SIV
Le système d’immatriculation des véhicules permet d’indiquer si le débiteur est propriétaire d’un véhicule, et de détailler des informations sur la marque de véhicule, le modèle, l’immatriculation, la date de première immatriculation du véhicule.
L’utilité de ces renseignements est de savoir si le véhicule du débiteur dispose d’une valeur marchande et qu’il est pertinent de le saisir.
D. Demande de renseignements sommaires urgents ou DRSU
Par le formulaire de demande de renseignements sommaires urgents ou DRSU, l’huissier de justice peut obtenir des renseignements sur la nature du bien immobilier, les références cadastrales, les éventuelles hypothèques, etc.
Après l’analyse de ces informations, l’huissier de justice peut entamer une saisie immobilière ou une hypothèque.
La consultation des fichiers sur le compte bancaire, sur le véhicule se fait par voie dématérialisée. Cette dématérialisation se fait par l’échange des données informatisées ou EDI. La réponse est obtenue sous 24 heures ou 48 heures pouvant optimiser le recouvrement par le gain de temps.
L’huissier de justice utilise les renseignements qui lui sont communiqués dans l’exécution seulement du ou des titres pour lesquels ils ont été réclamés. Il ne peut pas en aucun cas les communiquer aux autres personnes, ni les conserver dans un fichier d’informations. Les conditions de mise en œuvre de ces enquêtes sont protégées par l’article 226-21 du code pénal, en encourant une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
Section II. Technologie dans le secteur judiciaire
Comme nous avons évoqué précédemment, le secteur judiciaire n’échappe pas à la numérisation, favorisée par l’utilisation des nouvelles technologies, précisément les NTIC. L’abrogation de la distance constitue l’une des conséquences les plus visibles de l’utilisation des NTIC. Elles procurent un gain de temps considérable surtout en matière procédurale tant pour les justiciables que pour la justice dans le traitement du dossier.
Depuis quelques temps, l’audition à distance ou par vidéoconférence est devenue une pratique courante par la justice afin d’éviter des transfèrements coûteux, la mobilisation du personnel de sécurité publique.
La numérisation favorise également l’entraide internationale et l’accès à des bases de données constituées par d’autres services pour la diffusion d’informations et pour l’organisation du travail dans la justice. La communication électronique entre les parties prenantes et l’instantanéité des informations entre tous les intervenants permettent la modification de la perception envers les officiers de la justice comme les huissiers, les greffiers, et l’évitement de la lenteur du traitement matériel des procédures.
Les huissiers de justice profitent de la numérisation par le biais des nouvelles technologies pour l’optimisation de leur travail et dans l’amélioration de leur efficacité.
I. Technologie et droit
A. Droit à la technologie ou droit technologique
Le recours à des outils connectés a considérablement modifié les façons de travailler dans le secteur de la justice. D’un environnement de travail essentiellement fondé sur la consultation de livres et autres documents imprimés, le milieu juridique est passé, en moins d’une décennie à un environnement caractérisé par l’omniprésence du réseau.
Le droit français encadre le droit des nouvelles technologies en appliquant un ensemble des règles juridiques. Ces règles juridiques avec des normes et des réglementations (codes et directives) sont utilisées pour suivre et contrôler les évolutions des obligations et sanctionner les infractions de tout genre. Le droit concerne plus particulièrement les processus de traitement des dossiers et de l’information. Dans le domaine juridique, les huissiers de justice vivent dans un environnement qui est désormais marqué par les technologies, dont le but de produire et de traiter des informations.
Les enjeux sociaux et politiques attachés à la régulation des technologies numériques d’information et de communication sont à la fois nombreux et complexes, entre autres la protection de la vie privée, la sécurisation des échanges et de la communication électronique, etc. La technologie modifie ainsi les conditions d’application du droit, et l’adaptation des technologies, des outils numériques contraint les principes juridiques à évoluer (Dross, 2004).
B. Lois relatives à la numérisation (informatique et nouvelles technologies)
La numérisation a soulevé d’importantes craintes quant à l’état du droit existant et sa capacité d’adaptation. Elle introduit des changements dans le fonctionnement de la justice, aussi bien dans la recherche et le partage d’information que dans le traitement des dossiers. La numérisation a permis une multiplication des traitements automatisés de données (casier judiciaire) et les technologies informatiques représentent les outils indispensables au profit des professionnels.
L’émergence de créations inédites a été favorisée par l’évolution croissante de la communication numérique par le biais de nouvelles technologies. Cette situation est augmentée par l’apparition du multimédia, soutenue par les utilisateurs. Le développement et l’expansion de la numérisation dans n’importe quel domaine impose un encadrement par le législateur.
Les professionnels travaillant dans le domaine juridique doivent connaître le cadre légal qui accompagne la numérisation et les nouvelles technologies. D’une part, ils doivent se protéger eux-mêmes en respectant le cadre réglementaire et en exerçant une veille sur les usages numériques, et d’autre part, ils doivent assumer leur fonction et leur responsabilité dans les échanges et les diffusions, c’est-à-dire vie la communication numérique (smartphone, ordinateur, tablette, etc.). Pour les huissiers de justice, la dématérialisation par la numérisation soulève plus de difficultés tant à son appréhension qu’à son adaptabilité dans leurs pratiques quotidiennes.
Listes des lois sur la numérisation et les NTIC en vigueur sur le territoire français
- Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;
- La Loi pour une République numérique, promulguée le 7 octobre 2016, relative au monde numérique et à la protection des droits individuels dans l’espace numérique ;
- Le RGPD, un texte réglementaire européen, entré en application le 25 mai 2018.
II. LegalTech sur la pratique juridique
A. Origine de la LegalTech
Dans les années 2000, la LegalTech (pour Legal technology, et parfois aussi appelée “LawTech”) a vu le jour aux Etats-Unis. Dans son simple cadrage, c’est un ensemble de technologies et logiciels permettant d’automatiser et de rationaliser les activités du droit.
Les raisons de la création de la LegalTech sont diverses entre autres :
- Les charges imposées par les organismes de régulation aux industries de droit, la pression pour réduire le coût des procédures juridiques, la contrainte dans le traitement de quantité de données pour les professionnels de droit ;
- Les besoins d’optimisation du travail des fonctions juridiques par les avancées technologiques (gestion des services juridiques, gestion de l’accessibilité aux services).
B. Contexte
En France, l’intégration des LegalTech est plus tardive, des entreprises Legaltech ont commencé à exploiter les technologies numériques afin de fournir des services dans le domaine juridique. Ces entreprises offrent des solutions innovantes pour les professionnels et les justiciables et modifient l’environnement juridique traditionnel en le rendant accessible, efficace. À cet effet, certains services dans le secteur juridique sont démocratisés pour faciliter les échanges et la communication par le biais des solutions numériques.
De nombre de startups Legaltech se sont ensuite développés pour répondre aux besoins changeants du secteur juridique et des professionnels. L’intégration des solutions technologiques dans les opérations est incontournable, car cette démarche vise particulièrement à dématérialiser et à automatiser les processus juridiques répétitifs, tout en créant les documents de manière dynamique et efficace.
C. Apports de Legaltech
Comme évoqué précédemment, la démocratisation de l’accès au droit constitue l’un des apports de l’intégration des Legaltech dans le secteur juridique. L’existence de nombreuses plateformes juridiques d’échanges et de médiation online permet de simplifier la résolution de certains litiges, constituant une alternative pratique et économique pour les professionnels de droit. Ces plateformes juridiques offrent des solutions numériques fiables et des outils informatiques avancés. D’autres apports sont constatés également au niveau des relations justiciables (clients) et professionnels, car les relations via des plateformes LegalTech réduisent les asymétries d’information.
Les utilisateurs des services de LegalTech sont très diversifiés aussi bien des professionnels du droit que des entreprises et des particuliers. Cette figure représente les cibles des services de LegalTech.
Figure 2 : Les principaux marchés visés par les acteurs de la LegalTech
Source : https://www.village-justice.com/articles/guide-observatoire-legaltech
PARTIE II. Impacts du numérique sur le métier de l’huissier de justice
La profession de commissaire de justice a su démontrer sa capacité à innover et à s’adapter aux évolutions technologiques. Il est primordial pour les professionnels actuels de s’adapter aux évolutions numériques et au virage du digital.
Chapitre I. Conséquences de la numérisation
La numérisation entraîne des conséquences sur le métier et sur les pratiques professionnelles tout en respectant les normes et les réglementations en vigueur.
Section I. Modernisation des pratiques juridiques
Les avancées numériques ont facilité le travail des juristes. La gestion électronique des documents devient un enjeu important dans le métier d’huissier de justice. La dématérialisation est au cœur de la numérisation. Elle doit répondre à la disponibilité des données, à leurs protections et à leurs sécurités. Ces deux éléments sont essentiels pour rendre les interventions des huissiers de justice plus pertinentes.
I. Protection des données
A. La gestion électronique des données
La protection des données est une étape de la gestion électronique des données. La gestion électronique des documents ou GED est un enjeu important dans le métier des huissiers de justice. La GED consiste à gérer, à classer, à rechercher et à diffuser de l’information par voie électronique. Les cabinets d’huissier de justice et les professionnels doivent prendre des mesures techniques et organisationnelles pour protéger les données personnelles. La GED facilite l’accès aux documents et la gestion des délais.
B. L’obligation légale du respect du RGPD
Les huissiers de justice ont besoin de plus de données à caractère personnel pour rendre probants les constats par exemple. Chaque étude réalisée doit être conforme au RGPD entré en vigueur le 25 mai 2018. L’utilisation du numérique au lieu du support papier implique l’utilisation des besoins accrus en termes de confiance et de sécurité. La protection des données sensibles est importante. L’article 9 du RGPD a employé le terme « données personnelles à caractère sensible », les professionnels de droit se voient confier des données personnelles comme un dossier de divorce, les créances, les actes notariés, les feuilles de salaires, etc. Des réseaux sécurisés et des cryptages avancés doivent être maîtrisés par les huissiers de justice. L’utilisation du numérique garantit le respect de la vie privée et la confiance des justiciables.
Les huissiers de justice doivent se conformer au RGPD tout en assurant le respect des droits des personnes concernées. Ils gèrent plus particulièrement des informations confidentielles et/ou personnelles, des dossiers juridiques. Ces types de données sont exposés à des risques de cyberattaques et de fuites de données. C’est ainsi que des mesures de protection doivent être mises en place pour protéger l’intégrité et la confidentialité des informations.
Par conséquent, l’adaptation du numérique soulève des questions de réglementation et de conformité. Les huissiers sont confrontés à la sécurisation des données. Des défis sont à surmonter pour moderniser leur profession et de s’engager dans le processus de transformation numérique pour assurer leur efficacité.
C. Recherche accrue pour être compétitif
L’adaptation aux nouvelles technologies permet aux huissiers de justice de rester compétitifs surtout dans la réalisation des activités concurrentielles. Pour cela, des formations continues à l’utilisation des outils numériques, des mises à jour des procédures et des pratiques professionnelles aident les huissiers de justice à s’adapter à l’évolution de l’informatique.
D. Coffre-fort numérique
Les huissiers ont développé des coffres numériques, combinés à des systèmes d’horodatage et de restitution de l’information. Ils doivent assurer l’intégrité, la traçabilité, la restitution des données. Le coffre-fort numérique : les fonctionnalités avancées permettent de partager les fichiers comme les constats pour faciliter la communication entre les équipes de travail. Les clients ont également accès aux pièces les concernant de façon autonome et sécurisée.
II. Conservation des actes
La question se pose sur la sécurité juridique et le respect des obligations légales dans l’archivage et de la conservation. La conservation des actes permet de rendre possible leur délivrance aux intéressés. Les actes d’exploits des huissiers de justice : assignations, actes d’appel, sommations, constats, procès-verbaux sont des documents nécessitant à une conservation plus sécurisée.
A. Conservation de l’acte : une obligation conditionnant sa valeur juridique
Le Code civil a reconnu la valeur juridique des actes sous formes électroniques, suite à la loi n° 200-230 du 13 mars 2000. Pour les actes sous seing privé, l’article 1316-1 C.civ énonce que L’article 1316-1 stipule que « l’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ». (Lamberterie, 2004). Et pour les actes authentiques, l’alinéa 2 de l’article 1317 C.civ affirme qu’« il peut être dressé sur le support électronique s’il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ».
L’article du Code civil renvoie à l’article du décret n° 2005-973 du 10 août 2005 en évoquant que « l’acte établi sur support électronique doit être conservé dans des conditions de nature à en préserver l’intégrité et la lisibilité. L’ensemble des informations concernant l’acte dès son établissement, telles que les données permettant de l’identifier, de déterminer ses propriétés et d’en assurer la traçabilité, doit être également conservé ».
B. L’archivage électronique pour garantir l’intégrité et la lisibilité de l’acte
« Au-delà du stockage, de la sauvegarde et de la gestion électronique de documents, l’archivage électronique peut être défini comme l’ensemble des actions visant à identifier, recueillir, classer et conserver des informations, en vue de consultation ultérieure, sur un support adapté et sécurisé, pour la durée nécessaire à la satisfaction des obligations légales ou des besoins d’informations » (Rietsch, et al., 2006). L’archivage électronique a pour intérêt de conserver à long terme des documents ou des actes écrits afin de conserver leur intégrité dans 10 jusqu’à 100 ans (Sabourin, s.d.). Les documents à archiver ne sont plus modifiables, ils sont à vocation probatoire. Ainsi, les huissiers de justice doivent assurer un certain nombre précautions pour assurer que les actes électroniques soient reconnus comme probants.
L’article 1316-3 mentionne que « l’écrit sur support électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier ». (Lamberterie, 2004). Concernant la conservation des actes électroniques, des conditions s’appliquent aux actes authentiques comme celles sous seing privé. Les modalités de conservation électronique doivent assurer le respect des trois critères illustrés par la figure suivante :
Figure 3 : Les trois critères dans les modalités de conservation électronique
Source : (Sabourin, s.d.)
Pour assurer l’intégrité des actes, les huissiers de justice doivent maintenir la lisibilité du document, la stabilité du contenu et la traçabilité des opérations. La GED offre des avantages tout au long du processus, elle assure la protection des documents en maintenant l’intégrité des documents.
1. Intégrité des supports conservés
L’arrêt du 2 décembre 1997 de la Cour de cassation stipule la garantie d’intégrité des écrits électroniques, « […] l’acte […] peut être établi et conservé sur tout support, y compris par télécopies, dès lors que son intégrité et l’imputabilité de son contenu à l’auteur désigné ont été vérifiées ou ne sont pas contestées ». La notion d’intégrité vise les procédés d’archivage, ce dernier doit respecter le contenu conservé. (Lamberterie, 2004).
2. Fiabilité des contenus
Il s’agit ainsi de vérifier le contenu de l’écrit pour qu’il ne soit pas falsifié et non contesté. La fiabilité des contenus consiste à instaurer la confiance des tiers après la vérification et la non-contestation des actes.
3. Pérennité du format
Les huissiers de justice doivent assurer une lisibilité pérenne à l’acte électronique, la pérennité du dispositif de vérification de signature alors que l’évolution technologique change les instruments informatiques auparavant pour l’établissement et le décodage.
Le passage de l’écrit papier vers la forme électronique nécessite une assurance de la pérennité technico-juridique du format adopté. L’utilisation d’outil logiciel pour assister à l’établissement des actes est faite pour que celles-ci soient conservées pour garantir leurs intégrités. Par conséquent, les huissiers de justice doivent respecter les conditions de validité de l’acte (forme et fond) et se préoccuper également la question de conservation de l’acte pour conserver par la suite la valeur juridique de l’acte.
4. Plateforme pour l’échange et conservation des documents numériques
Les huissiers de justice se trouvent contraints d’utiliser les plateformes pour l’archivage des documents numériques. Des plateformes permettent aux huissiers de justice l’accès à certains services pour archivage des documents numériques :
- Le Minutier Central® : premiers originaux
- InterAct est rattaché au Minutier Central :
- SecurDoc®, service d’archivage sécurisé des documents électroniques (seconds originaux)
- PostAdeco®, service d’expédition de courriers destinés aux études d’huissiers de justice ;
- DepoMail® assure l’envoi des courriers électroniques certifiés
- AuthentiDoc®, coffre-fort électronique permettant l’archivage des documents.
Section II. Cyberjustice
En France, la justice s’est dotée d’applications informatiques pour améliorer l’efficacité et la performance de ses systèmes judiciaires (CEPEJ, 2016). L’intégration de la numérisation et d’outils informatiques a été prise comme un levier de modernisation de la justice. Le déploiement des technologies numériques a répondu d’une part à l’exigence de qualité demandée par le service public de la justice et d’autre part de prendre en compte les besoins et les attentes tant des professionnels de la justice que des justiciables. Ces technologies de l’information et de la communication ont apporté des changements profonds sur la distribution des services publics et sur le développement des connaissances juridiques. Voici quelques définitions du terme :
La cyberjustice peut être définie comme « l’intégration des technologies de l’information et de la communication dans les processus de résolution des conflits judiciaire ou extrajudiciaire » (Benyekhlef & Génilas, 2003). La cyberjustice est constituée d’une nouvelle génération d’outils informatiques, elle se présente comme un système ouvert et interopérable, dans le but de faciliter le traitement et de proposer des solutions judiciaires et extrajudiciaires des différends. Elle prend en compte la complexité des paramètres juridiques et des flux d’informations (système intégré d’informations de justice) (Benyekhlef & Génilas, 2003).
Selon Bouclin et Denis Boileau (2013), la cyberjustice est définie comme « l’intégration des TIC au monde judiciaire.
D’après la CEPEJ (2016), « la Cyberjustice regroupe toutes les situations dans lesquelles une application au moins des technologies de l’information et de la communication, est intégrée à un processus de règlement des litiges, qu’il soit juridictionnel ou extra-juridictionnel » (CEPEJ, 2016). Elle présente ainsi un ensemble des processus déployés par les professionnels du système judiciaire en fournissant aux individus d’outils pour avoir accès aux informations juridiques. Car selon Francesconi et Peruginelli (2007), « l’accès à l’information est un droit démocratique fondamental à garantir aux citoyens » (Francesconi & Peruginelli, 2007).
Dans un système judiciaire, la cyberjustice a deux objectifs
- Améliorer l’accessibilité à la justice pour tous par l’intégration des TIC et la mise à disposition des publics d’outils de simplification et de vulgarisation du droit et des procédures judiciaires.
- Intégrer les NTIC dans les pratiques judiciaires quotidiennes
En ce sens, les acteurs de la chaîne informationnelle et décisionnelle doivent être en réseau. La cyberjustice offre un modèle structurel d’accès à la justice avec cinq formes d’utilisation : administrative, informationnelle, relationnelle, décisionnelle, émergente (Martinez, 2009) (Guével, 2019) (Drouet -Chen, 2019) (Contini, 2020).
I. Transparence judiciaire et droit de divulgation
La transparence de la pratique judiciaire et de l’activité judiciaire constitue un élément essentiel pour l’amélioration de la qualité de services, l’accroissement de la confiance du public et l’efficacité dans le système judiciaire. La cyberjustice soutient la démocratisation du système judiciaire et rend ce système équitable. Les moyens de communication (utilisation informationnelle et utilisation relationnelle) de la cyberjustice participent à l’ouverture de l’activité judiciaire, la publicité et l’accès à la justice.
A. Secret de justice ou justice secrète
Le paradoxe judiciaire repose sur la recherche de la vérité et rien que la vérité, tout en conservant les formes de procédures historiquement marquées par les secrets (Carbasse, 2021). La justice est souvent confrontée au secret qui renvoie à dissimuler certaines informations (spécifiques ou non) pour protéger les relations entre les juges, les huissiers et d’autres professionnels avec les justiciables et pour protéger les justiciables (par exemple le secret médical, le secret des affaires). Nonobstant la démocratisation de l’accès au système judiciaire, les évolutions et les revirements importants qui ont eu lieu depuis, le secret de la justice reste un phénomène permanent, justifié par la moralité publique, le maintien de l’ordre ou de la bonne administration de la justice.
Les huissiers de justice sont tenus à pratiquer leurs activités dans le respect du secret professionnel à l’égard de tiers21, selon l’article 458 bis du Code Pénal22 , l’article L. 152-3 du Code des Procédures Civiles d’Exécution23 et soumis aux obligations émanant du RGPD. L’exécution des décisions judiciaires, l’exécution auprès des justiciables obligent les huissiers à établir des tacts, de la courtoisie et surtout de la discrétion.
Dans leur pratique, les huissiers ne donnent aux justiciables que les informations nécessaires pour que ceux-ci comprennent leur situation. Le secret de justice impose aux huissiers des choses qui peuvent ou ne peuvent pas se permettre au cours de leur représentation (propos, attitude et présentation) dans le sens de la respectabilité et de la réserve (Brenner, 2001) (Mathieu-Fritz, 2003).
B. Divulgation
Le droit de divulgation pour les huissiers de justice est compris dans le devoir d’informations qu’ils dispensent pour éclairer les justiciables de leurs droits et devoirs sans leur instituer en conseil de l’une ou de l’autre partie, mais également sur les conséquences résultant du non-respect. « Ce devoir d’informations doit se limiter aux renseignements techniques nécessaires ou utiles à l’exercice des droits du justiciable à l’exclusion de toute prise en charge des intérêts de ce dernier »24.
C. Fonctionnement de la cyberjustice
La dématérialisation des procédures entraîne du fait du passage physique à la numérisation des actes juridiques, c’est-à-dire la circulation par voie électronique des décisions, des actes et des informations pour réduire la lourdeur des procédures et l’opacité informationnelle. Et selon Benyekhel et al. (2016), la cyberjustice est « d’utiliser des technologies modernes pour faciliter l’administration de la justice, de manière à permettre la conceptualisation d’une méthode plus efficace pour obtenir justice pour les justiciables, réduisant ainsi en fin de compte l’accès abondant aux problèmes de justice dont le système juridique est en proie » (Benyekhlef, Bailey, Burkell, & Gélinas, 2016).
Elle s’applique ainsi à une multitude d’activités du domaine judiciaire allant de l’accueil, la gestion des documents juridiques jusqu’ à la prise de décisions et à la communication de ces décisions. Elle utilise diverses applications classées en différentes catégories. La CEPEJ (2018) a présenté six catégories :
- L’aide à la rédaction des actes ;
- La résolution de litiges en ligne ;
- Les mœurs de recherche de jurisprudence avancée ;
- L’analyse (prédictive, barèmes) ;
- Les catégories des contrats selon les différents critères et détection de clauses contractuelles divergentes et incompatibles ;
- Les chatbots de renseignement du justiciable ou de support dans sa démarche litigieuse.
II. Avantages et inconvénients de la numérisation des documents et des services
A. Avantages de la numérisation
La numérisation contribue à l’amélioration des problèmes du système judiciaire comme les délais, les coûts et la complexité de certaines tâches (Marais & Gras, 2016). L’acte administratif dématérialisé « permet de supprimer des opérations : plus de papier, plus de saisie, plus de manutention, plus de transmission physique d’un service à l’autre, coûteuse en temps et en main d’œuvre » (Algan, Bacache, & Perrot, 2016).
La numérisation permet une meilleure gestion et une meilleure organisation de l’administration du système judiciaire. Elle facilite également les interactions entre les parties prenantes, tout en améliorant l’accès à la justice pour le public (Ferreira, 2015).
La numérisation entraîne de nouveaux changements affectant non seulement les procédures, mais aussi les prises de décisions et le fonctionnement du système en offrant des analyses et des conseils juridiques de façon automatique. Selon Deffains (2019), la cyberjustice offre « un moyen d’améliorer l’efficacité de la justice dans l’intérêt des justiciables en repensant le rôle du juge et en réfléchissant à celui de la technologie et des outils (Deffains, 2019).
B. Inconvénients
L’un des inconvénients de la numérisation, notamment la cyberjustice est le retour de la méfiance de la population face à un système de justice dématérialisé, à travers des écrans interposés. Elle peut soulever des doutes sur l’indépendance du système de justice et la légitimité des décisions. Les personnes qui n’ont pas un accès approprié à la technologie ou ne sont pas à l’aise avec son utilisation dans le cadre des processus judiciaires peuvent faire face à des obstacles supplémentaires.
L’autre repose sur le fait que l’utilisation de la technologie numérique est limitée par les exigences législatives et jurisprudentielles visant à garantir la prévisibilité et la transparence des décisions prises ainsi que le maintien des droits et principes fondamentaux.
La numérisation ne peut pas aussi traiter tous les problèmes des justiciables et ne peut pas compenser les interactions et les interrelations physiques entre les huissiers de justice et les clients avec les risques de déshumanisation, standardisation et inégalités de la justice. Selon Loick Gérard (2017), « la dématérialisation ne peut se produire sans le maintien d’un service public traditionnel » (Loick, 2017). La dématérialisation comporte un risque de déshumanisation de la justice administrative, risque déjà accentué par le caractère écrit de la procédure administrative.
Enfin, la numérisation des documents et des services exige un certain coût (peut être très important), car la mise en place des outils technologiques adaptés est onéreuse en raison des besoins de réalisation correcte et surtout de demande de compétences et de connaissances adaptées (exigences techniques trop élevées). Dans le système de la justice, la perte des documents, la divulgation non autorisée et la sécurité des réseaux restent encore des défis à relever.
Chapitre II. Défis rencontrés par les commissaires de justice face aux avancées technologiques
Les nouvelles technologies font partie intégrante de la vie professionnelle des huissiers de justice. Elles ont des conséquences sur les pratiques et ont incité la création des nouveaux outils. Les professionnels doivent se prémunir face à l’émergence d’une nouvelle masse de contentieux. Par conséquent, des défis d’adaptation sont présents pour faire face à l’évolution rapide des tendances.
Section I. Défi d’adaptation pour une efficacité accrue
La loi croissance du 6 août 2015 fait naître la nouvelle profession et la disparition effective des anciennes appellations en 2026. Les professions d’huissier de justice avec la fusion avec les commissaires-priseurs judiciaires forment les commissaires de justice avec la transformation du 1er juillet 2022 par l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut du commissaire de justice25. Les commissaires de justice doivent s’adapter aux nouvelles organisations et aux innovations technologiques pour assurer leurs missions.
I. Moyens à la hauteur des missions de justice
L’adaptation de la profession ne se limite pas à l’utilisation des nouvelles technologies, mais plus particulièrement pour se prémunir leurs évolutions futures.
Les commissaires de justice exploitent les outils technologiques pour faciliter leurs interventions. Tout cela est utilisé pour réunir des preuves solides, pour faciliter les enquêtes tout en respectant les règles. Certains outils sont nécessaires pour faire ressortir la réalité et pour appuyer les constats. L’hygromètre, le fissuromètre, le sonomètre, la caméra 360 °, le drone permet aux huissiers de justice de réaliser leurs interventions sous des données probantes.
A. Hygromètre
Il se définit comme un instrument de mesure pour évaluer la quantité d’humidité présente dans l’air. Il est essentiel de prendre des mesures pour anticiper les conséquences du taux d’humidité. Cela peut affecter la stabilité de la structure, la santé, l’hygiène et la salubrité, la dégradation des biens et équipements. Le taux d’hygrométrie doit être conforme à la norme de NF EN ISO 7730. Le taux d’hygrométrie doit être compris entre 30 et 70 %.
B. Fissuromètre
Il peut évaluer la sécheresse, les vibrations du chantier, l’infiltration d’eau dans les murs, les lézardes, etc. Cet outil aide les huissiers de justice à identifier les fissures et surveiller leurs évolutions. Les microfissures se désignent comme des trous linéaires avec une largeur de moins de 0,2 mm ; la fissure peut être linéaire ou ondulée avec une largeur de 0,2 à 2 mm et la lézarde ou la crevasse est un trou d’une largeur mesurant plus de 2 mm. Les causes de la fissure peuvent être expliquées par les caractéristiques de ces fissures. Les huissiers de justice établissent un constat des dégâts en relatant la réalité à partir des mesures des fissures, des photographies pour l’illustrer. Les huissiers de justice dressent un procès-verbal de constatation pour certifier les observations recueillies.
C. Drone
Elle est une approche innovante pour la collecte des preuves visuelles. Il est utilisé par les huissiers de justice pour accéder à une zone difficile d’accès, toutefois, elle nécessite un constat visuel comme l’état d’une toiture, une vaste étendue d’une propriété. Le drone enrichit le constat par les images captées. Il est nécessaire de savoir qu’une certification pilote de drone doit être acquise par l’huissier de justice pour que son constat soit valide.
Les huissiers de justice utilisent ces drones pour la collecte de preuves et la documentation visuelle dans différents domaines. Avec la technologie novatrice, les drones sont dotés de logiciels précis comme des modélisations 3D et des équipements comme des caméras ultra-performantes. Les vidéos et photos capturées par les drones sont des arguments solides pour un constat, car il est impossible de modifier les informations visuelles prises à un instant déterminé.
D. Sonomètre
Il évalue précisément le niveau sonore conforme à la réglementation. Il permet de constater les nuisances sonores. Parmi les principales préoccupations des résidents dans les zones urbaines est l’inconfort face au bruit. Ce dernier peut être source de stress en mettant en péril la qualité de vie et la santé des habitants. L’article R.1334-31 du Code de la Santé publique donne une définition de la nuisance sonore26. Elle comprend les bruits de l’homme, les bruits d’animaux, les bruits de choses ou objets, et les bruits d’activités. Pour constater le dépassement du niveau sonore réglementaire, la mesure des décibels ne constitue pas elle-même à une preuve, il faut faire appel à un huissier de justice pour réaliser les constats de nuisances sonores.
E. Caméra 360 °
Elle est utilisée pour couvrir les champs visuels comme les prises de vues panoramiques et exhaustives. Un constat à 360 ° permet d’obtenir une vue complète d’un environnement donné. Il est souvent utilisé par les huissiers de justice pour la constatation d’un état des lieux, d’un constat avant/après des travaux ou des dégâts des eaux. Cette caméra à 360 ° permet aux professionnels d’avoir la sensation d’être sur les lieux pour saisir toutes les caractéristiques d’un lieu. Elle permet de fournir des preuves irréfutables d’une situation donnée par le constat immersif.
Les outils modernes renforcent la fiabilité des constats des commissaires de justice pour une justice équitable et transparente pour tous.
II. Constats Internet et réseaux sociaux
Le développement technologique fait émerger les différents constats suivants que les commissaires de justice peuvent entreprendre :
- Constats internet constituant des emails, plagiat, contrefaçon ;
- Constat ordinateur : virus, dysfonctionnement ;
- Constat SMS : insulte, harcèlement, diffamation, etc. ;
- Constat des messages vocaux ou informatiques.
A. Réaliser des constats internet et réseaux sociaux
L’internet se définit par un espace libre d’échanges. Cette liberté permet à une simple, rapide diffusion des propos et de contenu pouvant nuire les autres utilisateurs. Le constat d’huissier sur internet se présente comme un moyen le plus approprié pour matérialiser et pour conserver une preuve sur internet. La réalisation des constats sur Internet et réseau prend son origine sur la multiplication des diffamations, les fausses informations, les faux avis ; le harcèlement, les insultes, les dénigrements ; le plagiat, la concurrence déloyale, le détournement de marque et la publicité mensongère, la vente de produits contrefaits.
B. Exigence du constat internet
Les huissiers de justice doivent s’assurer les dates et heures précises du constat. Ensuite, ils vérifient que le contenu constaté n’est pas au sein de la mémoire cachée de l’ordinateur ou sur un serveur proxy. Tout cela nécessite une certaine maîtrise avancée des outils numériques et informatiques.
Les constats réalisés par les commissaires de justice sont des formes de procès-verbaux. Ils relatent leurs constatations visuelles sans porter aucun jugement. Ils peuvent être mandatés par un particulier ou commis par décision de justice. À partir de ces constats, ils évoquent les faits juridiques observés. Les photographies et les vidéos peuvent illustrer les constatations des huissiers de justice et elles font foi jusqu’à preuve du contraire.
Les utilisateurs de l’internet sont exposés à de potentiels litiges. L’internet réalise des interactions et des changements rapides. Il paraît nécessaire de sauvegarder des éléments de preuve pouvant disparaître rapidement. La mission des huissiers de justice est d’établir la vérité d’une situation à l’aide d’éléments matériels. En respectant les normes, l’huissier de justice peut accéder au contenu litigieux. Il procède à la collecte des éléments de preuve en respectant le processus imposé par la norme AFNOR pour recevoir une preuve valable.
Pour la réalisation des constats, il faut acquérir une connaissance de la base technique du réseau internet. L’agence de protection des programmes ou APP, les experts informatiques et les huissiers de justice sont des tiers habilités pour apporter des preuves pour assurer le contenu de la réalité.
Sur le plan pratique, le législateur valorise les constats des huissiers de justice, comme mentionnant l’article 246 du code de procédure civile « le juge n’est pas lié par les constations ou les conclusions du technicien ». La loi Béteille (2010-1609) du 22 décembre 2010 vient de renforcer que le constat d’Huissier de Justice est un moyen de preuve le plus sûr en matière civile.
C. Normalisation des constats en ligne
La norme Afnor Z67-147 publiée en septembre 2010 et relative au mode opératoire de procès-verbal de constat sur internet effectué par un huissier de justice (AFNOR, 2010). L’Afnor Z67-147 permet de faciliter les opérations de constat et de servir de document de référence pour le juge. Elle est dédiée pour assurer une protection accrue contre les plagiats et la contrefaçon. Il est important de préciser que la norme AFNOR ne présente aucun caractère obligatoire.
La norme permet de prendre en compte les évolutions jurisprudentielles et d’offrir une sécurité juridique accrue. Ainsi, il faut que l’acte réponde aux normes pour que la jurisprudence ne le remet pas en cause. Des prérequis techniques sont posés concernant le constat sur internet :
- Enonciations préalables au constat : cela comprend des descriptions précises et détaillées de la configuration du poste utilisé, de l’architecture du réseau et absence de proxy, du moyen d’accès au réseau Internet. Ce prérequis nécessite également la détermination de l’adresse IP ;
- Opérations à effectuer avant toute constatation : capture éventuelle du flux réseau, analyse virale, analyse des logiciels espions, suppression des éléments d’historique, vérification/synchronisation de l’heure, paramétrage du navigateur.
D. Limites du constat internet
Le constat d’huissier doit répondre à des contraintes techniques. Toutefois, il existe des limites légales et limites jurisprudentielles de la réalisation de cet acte. Il convient de rester vigilant pour que le constat d’huissier soit valable.
1. Délai de prescription
La date de la réalisation du constat n’est pas reconnue automatiquement comme le départ du délai de prescription.
2. Opérations de constatations
L’huissier de justice use d’une connexion classique pour réaliser son constat et la rédaction de son procès-verbal de constat. Pour ce faire, il peut se contenter des constatations actuelles sur le réseau Internet. Il paraît nécessaire de décrire également l’historique du site et d’indiquer la disparition du fait litigieux. Le constat de l’huissier de justice peut être réalisé sur les pages conservées en mémoire ou en cache par Google. Par ce fait, ce constat apporte la preuve d’un fait qui n’est plus présent sur Internet.
Ainsi, le constat d’intégralité d’un site est plutôt indispensable pour démontrer l’ampleur d’un préjudice. Il paraît nécessaire de prendre en copie l’intégralité d’un site web. Les huissiers de justice procèdent à l’aspiration globale d’un site. Ils déposeraient la copie au magistrat au moment d’un procès. Ces opérations d’aspiration de site et de gravage de la copie sur CDROM sont restrictives si on se réfère à la Cour d’Appel de Paris, 4ème chambre du 25 octobre 200627. Le champ d’action offert à l’huissier doit se borner à des copies des écrans des pages.
3. Identité et qualité professionnelle de l’huissier de justice
Dans certains sites, l’identité doit être saisie pour l’accès à un site ou pour inscription aux réseaux sociaux. L’huissier de justice inventera un autre nom ou une autre qualité que la sienne use de manœuvres déloyales pouvant annuler le constat. Pour réaliser le constat, l’huissier de justice doit afficher sa véritable identité et qualité professionnelle de manière claire et visible pour faire preuve d’honnêteté.
Section II. Optimisation du processus judiciaire
La justice doit être rendue en temps opportun afin de promouvoir l’accès à la justice et l’équité procédurale. La numérisation du système de justice a favorisé ces attentes, tout en réalisant des gains d’efficacité et d’efficience. L’idée serait bien d’utiliser les avantages pratiques et économiques de l’informatisation pour éviter les pertes de temps, surtout au stade de la mise en état, ainsi que les coûts inutiles qu’elles engendrent.
L’optimisation du processus judiciaire via la numérisation par le biais des technologies numériques devrait présenter des atouts comparatifs par rapport au processus traditionnel. Le processus modernisé doit être transparent et clair, grâce à l’accès au dossier dématérialisé, à l’existence de guidance légale automatique online. Cette optimisation est les résultats de la mise en place de nouvelles méthodes de communication de l’information et de l’innovation organisationnelle.
I. Mise en place de nouvelles méthodes de communication de l’information
Nous avons maintes fois évoqué que l’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans les procédures permet une meilleure efficacité (effectivité et célérité) de la réponse judiciaire (proactive) et en ce sens fait apparaître de nouvelles exigences, en particulier quant à la communication des décisions de justice. Les NTIC font apparaître de nouveaux rapports entre les justiciables et les professionnels du droit, et le droit même.
A. Processus moderne et processus traditionnel
Les effets directs de l’accès à des sites juridiques ou judiciaires sont connus, chacun peut obtenir, facilement des informations générales sur ses droits et ses obligations ainsi que de nombreuses indications pratiques sur le fonctionnement de la justice et sur son activité. Les avancées technologiques donnent un sens nouveau au rapport entre les justiciables et les sites fournisseurs d’informations.
Dans un processus traditionnel, le citoyen qui a besoin d’un renseignement ou d’un document émanant d’une administration est tenu de savoir à qui il doit s’adresser. Par le processus moderne, il peut consulter des renseignements utiles directement via internet et peut obtenir du courrier électronique plus facilement en temps court, sans déperdition de documents, des actes, et plus ou moins sans coût.
La place des nouvelles technologies dans cet univers extrêmement diversifié de règles et de pratiques, dans ce milieu dominé par la culture papier, a donné une autre forme d’interactivité entre culture judiciaire et culture technique, jusqu’à l’acculturation des professionnels.
B. Communications d’informations pour les huissiers de justice
Pour les huissiers de justice, les communications doivent être bien analysées en utilisant des stratégies de communication bien établies avant chaque diffusion. Les relations de confiance avec leurs clients doivent être maintenues tout au long de l’exécution des décisions. De par leur profession réglementée, leur communication est également limitée et soumise à des règles et du règlement déontologique.
À l’ère du numérique, un décret paru le 29 mars 2019 et mis en application le 1er avril 2019 lui offre la possibilité de jouir du droit de communiquer en ligne. Ce décret remplace quelques articles du décret 73-1202 qui date du 28 décembre 1973 concernant le statut et les règles qui régissent les officiers publics et ministériels. Les huissiers de justice font usage de l’internet, des outils technologiques, des newletters (courriers électroniques) pour la promotion de leurs prestations et pour communiquer avec leur client. Ils développent leur communication digitale à travers les sites web et les réseaux sociaux. En ce sens, ils évoluent dans des situations d’interactions avec les parties prenantes et jouent un rôle en ligne important, notamment du point de vue de la production et de la circulation du contenu.
L’utilisation des médias sociaux leur donne aussi plusieurs avantages potentiels pour diffuser des informations. Cette stratégie transforme la pratique juridique, permettant de joindre les personnes itinérantes concernées par des décisions de justice. Ces médias sociaux permettent un accès instantané à un vaste réseau de personnes en une seule publication (Bahary-Dionne, 2018).
II. Innovation organisationnelle
La profession d’huissiers de justice, comme la plupart des professions du droit est aujourd’hui dans sa phase de transformation. Cette transformation impacte son fonctionnement, son organisation et sa pratique. Car du fait de la fusion des deux professions en commissaire de justice, les huissiers exerçants peuvent intervenir dans des domaines très variés comme la médiation, le recouvrement, la gestion des biens, la vente judiciaire et tant d’autres.
A. Organisation de la profession de commissaire de justice
Sur le plan organisationnel, le commissaire de justice28 a seule qualité pour :
- Signifier les actes judiciaires, c’est-à-dire générés dans le cadre d’une procédure judiciaire, ou extrajudiciaire, c’est-à-dire en dehors de toute procédure judiciaire ;
- Exécuter les décisions de justice rendues par les juridictions françaises ;
- Procéder à l’expertise et à la prisée de tout objet ou bien meuble ;
- Organiser, diriger et accomplir les ventes judiciaires aux enchères publiques.
Et il peut reprendre l’ensemble des missions des deux professions29:
- Rédaction d’actes sous seing privé et le conseil juridique ;
- Signification des actes judiciaires et extrajudiciaires ;
- Mise en application des décisions de justice ;
- Constats ;
- Recouvrement amiable et judiciaire des créances ;
- Inventaires, prisées (estimation d’objets mobiliers) et ventes judiciaires ;
- Mesures conservatoires ;
- Médiation conventionnelle et judiciaire ;
- Administration d’immeubles ;
- Intermédiation de mandataire d’assurance.
B. Numérisation pour le commissaire de justice
La transformation numérique influence sur la profession du commissaire de justice. La profession reconnaît l’importance de la digitalisation pour améliorer sa pratique et pour suivre le mouvement tendanciel de l’évolution numérique. À cet effet, elle doit s’adapter à la modernisation des procédures afin de les simplifier et de les accélérer. Favorisées par les outils numériques, certaines tâches peuvent se faire online. Ces outils facilitent l’organisation du travail et la présence significative pour la promotion de l’expertise et des services.
Force est d’admettre que la numérisation ne remplace pas l’expertise humaine, toutefois, elle aide les professionnels en facilitant et accélérant la production précise des documents, la diffusion des informations, la communication claire, plus particulièrement en permettant d’automatiser certaines tâches administratives et de gagner du temps.
CONCLUSION
L’objet de notre étude porte sur la profession de l’huissier de justice. Nous posons la problématique suivante : « comment l’évolution numérique influence-t-elle le métier d’huissier de justice ? ».
Le statut des huissiers est inscrit dans l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945, modifiée à plusieurs reprises à travers le temps et donnant naissance le statut de commissaire de justice en combinant la profession d’huissier de justice et le commissaire-priseur. L’huissier de justice exerce à titre monopolistique des activités comma la signification des actes judiciaires et l’exécution des décisions de justice. Les activités concurrentielles peuvent être entreprises en concurrence avec d’autres professionnels.
La profession des huissiers de justice est impactée par l’évolution technologique. Différentes pratiques professionnelles ont développé et de nouveaux outils ont été créés pour moderniser la profession. Les constats peuvent se faire à partir des informations reçues sur l’internet, par mail, de constatations vidéo ou sur les réseaux sociaux. Les huissiers de justice s’efforcent d’instaurer des instruments plus rapides, sécurisés et proactifs. L’ère de dématérialisation permet aux professionnels d’utiliser des outils à la pointe de la technologie. Les plateformes LegalTech constituent également une alternative pratique et économique pour les professionnels de droit.
L’adaptation des technologies nécessite une formation continue. La modernisation des pratiques juridiques implique un engagement et une meilleure qualité du service public. Les huissiers doivent suivre les tendances en matière de cybersécurité pour prévenir les risques induits. Les activités concurrentielles sont des activités des huissiers de justice impactant le plus par la numérisation. Auparavant, les PV de constats s’accompagnaient des photos, les commissaires de justice ont profité des opportunités offertes par les nouvelles technologies. Les constats numériques montrent l’efficacité et la maîtrise des outils numériques par les huissiers.
Le droit français encadre le droit des nouvelles technologies en appliquant un ensemble des règles juridiques. Les défis des huissiers de justice sont nombreux. La numérisation soulève d’importantes craintes quant à l’état du droit et la capacité d’adaptation.
Les avancées technologiques ont remodelé le domaine justice. Le métier d’huissier de justice est influencé par le numérique sur tous les plans. La signification électronique, les constats internet, l’émergence des preuves numériques, l’utilisation des outils comme le fissuromètre, les drones, l’hydromètre, etc. incitent les huissiers de justice à adopter les numériques. La protection et la conservation des actes se présentent comme un défi pour les huissiers de justice pour assurer la disponibilité et l’intégrité des actes durant la période exigée. Toutefois, la présence d’un commissaire de justice demeure incontournable. Il convient de souligner que le numérique a développé de nouvelles pratiques et le rôle du commissaire de justice demeure primordial pour garantir la fiabilité de la justice.
BIBLIOGRAPHIE
AFNOR. (2010). Mode opératoire de procès-verbal de constat sur internet effectué par Huissier de justice. France: AFNOR.
Algan, Y., Bacache, M., & Perrot, A. (2016). Administration numérique. Les notes du conseil d’analyse économique, n°34.
Bahary-Dionne, A. (2018). L’accès à la justice en contexte numérique: l’information juridique par et pour les justiciables sur les médias sociaux. Windsor Yearbook of Access to Justice, 337-362.
Benyekhlef, K., & Génilas, F. (2003). Le Règlement en ligne des conflits: enjeux de la cyberjustice. Paris: Romillat.
Benyekhlef, K., Bailey, J., Burkell, J., & Gélinas, F. (2016). E-access to justice. Ottawa: University of Ottawa Press.
Brenner, C. (2001). Voies d’exécution. Paris : Dalloz.
Carbasse, J.-M. (2021). Manuel d’introduction historique au droit. Paris: Presses Universitaires de France -PUF, 9e éd., p.312.
CEPEJ. (2016). Lignes directrices sur la conduite du changement vers la cyberjustice. Conseil de l’Europe.
Chainais, C., Ferrand, F., Mayer, L., & Guinchard, S. (2019). Procédure civile. Droit interne et européen du procès civil. 34e, Dalloz.
Contini, F. (2020). Artificial intelligence and the transformation of humans, law and technology intercations in judicial proceedings. Law, Tech & Hum, vol.2, 4.
Deffains, B. (2019). Le monde du droit face à la transformation numérique. Pouvoirs, n°3, 43-58.
Deharo, G. (2005a). Ce qu’exécuter veut dire…Une approche théorique de la notion d’exécution. Droit et procédures.
Dross, W. (2004). L’encadrement des technologies par le droit: nécessité et source de changements. Revue du notariat, 106 (3), 341-378.
Drouet -Chen, A. (2019). Utilisation et impact des données ouvertes au niveau municipal. Montréal: HEC Montréal.
Ferreira, K. (2015). Cyberjustice in Brazil The use of technology to enhance access to justice and procedural celerity. Université de Montréal.
Francesconi, E., & Peruginelli, G. (2007). Searching and retrieving legal literature through automated semantic indexing. Proceedings of the 11th intrenational conference on Artificial intelligence and law, (pp. 131-139).
Guével, D. (2019). Intelligence artificielle et décisions juridictionnelles. Quaderni, n°1, 51-59.
Jensen, P. (2018). Pourquoi la société ne se laisse pas mettre en quation. Seuil.
Lamberterie, I. (2004). L’établissement et la conservation des actes authentiques électroniques en droit français. Revue du notariat, 105(3), 379-398.
Loick, G. (2017). Robotisation des services publics : l’intelligence artificielle peut-il s’imiscer sans heurt dans nos administrations? Larcier, Collection du CRIDS, n°41.
Marais, B. d., & Gras, A. (2016). La cyberjustice, enjeu majeur pur la qualité de la justice administrative. Revue française d’administration publique, n°159, 789-806.
Martinez, A.-C. (2009). E-justice in spain; E-justice: Using information communication technologies in the court system. IGI Global, 98-116.
Mathieu-Fritz, A. (2003). La compétence relationnelle dans l’application des décisions judiciaires. Réseaux, n°121, 173-202.
Rietsch, J.-M., Chabin, M.-A., & Caprioli, E. (2006). Dématérialisation et archivage électronique (éd. Dunod). Paris.
Sabourin, J.-L. (s.d.). Archiver l’information (éd. Université Numérique Juridique Francophone.). C2i.
Storhaye, P. (2016). Transformation, RH et Digital. Paris: EMS Management et Société.
Sites Web
- https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000033202746/ ; consulté le 05/06/2024
- https://blog.ipedis.com/ameliorer-accessibilite-numerique-site-web ; consulté le 05/06/2024
- https://vidabytes.com/fr/ejemplos-de-tecnologia-digital/#Definiendo_tecnologia_digital ; consulté le 05/06/2024
- https://www.comprendre-informatique.com/monde-analogique-vs-monde-numerique; consulté le 05/06/2024
- https://www.etude-massillon.be/l-huissier-de-justice-son-role; consulté le 07/06/2024
- https://www.onisep.fr/ressources/univers-metier/metiers/huissier-huissiere-de-justice#metier; consulté le 07/06/2024
- http://huissier-78-fourgnaud.fr/huissier-de-justice-lexique-juridique/; consulté le 05/06/2024
- https://www.huissier-paris-friant.fr/etude-huissier-de-justice-friant-paris/histoire/constat-huissier-france; consulté le 07/06/2024
- https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000686521; consulté le 07/05/2024
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Huissier_de_justice_en_droit_fran%C3%A7ais; consulté le 07/05/2024
- https://aurelienbamde.com/2023/03/11/les-conditions-de-validite-de-lacte-authentique; consulté le 11/06/2024
- https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1780; consulté le 11/06/2024
- https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/commitments/16a25.pdf; consulté le 11/06/2024
- https://bpifrance-creation.fr/encyclopedie/prevenir-traiter-difficultes/traitement-difficultes/recouvrement-creances; consulté le 07/06/2024
- https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000032643843/2011-03-30; consulté le 07/06/2024
- https://www.village-justice.com/articles/guide-observatoire-legaltech; consulté le 08/06/2024
- https://www.intact-association.org/images/outils/MJ-SecretProf_06-2014-FR.pdf, consulté le 11/06/2024
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037825543; consulté le 11/06/2024
- https://www.huissiersdejustice.be/sites/default/files/inline-files/r%C3%A8gles%20d%C3%A9ontologiques.pdf; consulté le 07/06/2024
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006910538; consulté le 11/06/2024
- https://www.huissiers3a.com/huissiers-aube/profession-huissier-justice.php, consulté le 12/06/2024
1 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000033202746/ ; consulté le 05/06/2024
2 https://blog.ipedis.com/ameliorer-accessibilite-numerique-site-web ; consulté le 05/06/2024
3 https://vidabytes.com/fr/ejemplos-de-tecnologia-digital/#Definiendo_tecnologia_digital ; consulté le 05/06/2024
4 https://www.comprendre-informatique.com/monde-analogique-vs-monde-numerique ; consulté le 05/06/2024
5 https://www.etude-massillon.be/l-huissier-de-justice-son-role
6 Les huissiers de justice sont les officiers ministériels qui ont seuls qualité pour signifier les actes et les exploits, faire les notifications prescrites par les lois et règlements lorsque le mode de notification n’a pas été précisé et ramener à exécution les décisions de justice, ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire. Les huissiers de justice peuvent en outre procéder au recouvrement amiable ou judiciaire de toutes créances et, dans les lieux où il n’est pas établi de commissaires-priseurs judiciaires, aux prisées et ventes publiques judiciaires ou volontaires de meubles et effets mobiliers corporels. Ils peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter.
7 https://www.onisep.fr/ressources/univers-metier/metiers/huissier-huissiere-de-justice#metier
8 http://huissier-78-fourgnaud.fr/huissier-de-justice-lexique-juridique/; consulté le 05/06/2024
9 https://www.huissier-paris-friant.fr/etude-huissier-de-justice-friant-paris/histoire/constat-huissier-france
10 https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000686521
11 https://fr.wikipedia.org/wiki/Huissier_de_justice_en_droit_fran%C3%A7ais
12 https://aurelienbamde.com/2023/03/11/les-conditions-de-validite-de-lacte-authentique
13 https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1780
14 Article 1 de l’ordonnance n° 45-2592 du 02 novembre 1945 précitée.
15 https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/commitments/16a25.pdf
16 https://bpifrance-creation.fr/encyclopedie/prevenir-traiter-difficultes/traitement-difficultes/recouvrement-creances
17 https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000032643843/2011-03-30
18 https://e-justice.europa.eu
19 https://e-justice.europa.eu/109/FR/land_registers_in_eu_countries?FRANCE&member=1
20 https://www.via-intelligence.com/fr/enquete-de-solvabilite.htm
21 Le mot « tiers » désigne toute personne qui n’est pas partie à la procédure
22 https://www.intact-association.org/images/outils/MJ-SecretProf_06-2014-FR.pdf, consulté le 11/06/2024
23 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037825543
24 https://www.huissiersdejustice.be/sites/default/files/inline-files/r%C3%A8gles%20d%C3%A9ontologiques.pdf
25 https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000032623732/ ; consulté le 16 juin 2024.
26 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006910538; consulté le 11/06/2024
27 www.legalis.net
28 https://www.huissiers3a.com/huissiers-aube/profession-huissier-justice.php
29 Idem