Exemple de mémoire d'éducateur spécialisé

Cet exemple de mémoire vise à vous donner un aperçu des attentes académiques relatives à la rédaction de ce type de mémoire.

Introduction

Dans le cadre de mon projet professionnel, je termine ma troisième année d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’Educateur Spécialisé.

Lors de ma première année de formation et dans ce début de cursus j’ai eu l’opportunité de faire un stage pratique en établissement d’hébergement pour adultes en situation de handicap mental et/ ou psychique ayant la notification de travailleurs d’ESAT (Etablissements et Services d’Aide par le Travail) par la MDPH (Maison Départementale pour personnes Handicapées). Ce choix d’établissement et de public a été aléatoire car j’ai rencontré quelques difficultés de parcours en termes de recherches de stages. Ma priorité était donc de décrocher un stage coute que coute pour être dans les délais tels que c’est imposé par le fonctionnement de la formation.

La durée du stage était de 19 semaines pendant lesquelles j’ai appris certains aspects de la fonction de l’éducateur spécialisé dans ce type de structure.

L’accompagnement est basé sur la vie courante et opéré par des axes de travail ayant des objectifs différenciés et individualisés pour chaque résident.

Avant de commencer mon stage j’ai remis en question mes motivations et le doute subsistait quant au choix de mon projet professionnel. Pourtant cette nouvelle expérience a mis en lumière la mission et le rôle prépondérant de l’éducateur dans le cheminement des projets des usagers, en l’occurrence en foyer d’hébergement pour travailleurs d’ESAT.

Mon implication dans l’équipe s’est faite de manière naturelle et j’ai été référencée comme étant une interlocutrice privilégiée par les usagers. Cela a consolidé mes motivations à continuer et a structuré ce début de parcours professionnel. Mes accompagnements étaient donc opérés au respect du projet institutionnel et des projets personnalisés des usagers accueillis.

Ainsi, j’ai eu l’opportunité d’effectuer lors de ma deuxième année de formation un stage en IME (Institut Médico-éducatif). Celui-ci m’a permis d’élargir mon champ d’intervention auprès d’enfants déficients mentaux (13 à 20 ans).

Compte tenu de la durée limitée de ce stage, je n’ai pas eu l’occasion de faire le tour de toutes les structures et appréhender tous les aspects de l’accompagnement éducatif en IME avec les enfants plus jeunes. Mon champ d’intervention s’est concentré sur l’insertion professionnelle des plus âgés.

Enfin cette année (dernière année de formation) j’ai effectué un stage de 28 semaines (dit à responsabilité) dans l’une des circonscriptions d’Aide Sociale à l’Enfance de Seine Saint Denis. J’ai pu découvrir les activités inhérentes à l’accompagnement des jeunes dans le cadre d’un placement administratif et judiciaire. J’ai pu assister à diverses audiences qui débouchaient soit vers des placements en famille d’accueil, foyers éducatifs ou à des retours au domicile. Dans certains cas, et sous le contrôle de ma référente de stage et la chef de service, j’ai pu établir des rapports éducatifs en direction du juge des enfants dans le cadre de leurs projets. J’ai mené des visites médiatisées et j’ai accompagné des jeunes enfants dans le cadre d’admissions dans divers établissements d’hébergement (MECS) Maisons Educatives à Caractère Social) et foyers éducatifs.

Ce stage semble davantage déterminant dans la suite de mon parcours quant à l’accompagnement des enfants. Cette expérience m’a permis de faire le constat sur le travail mené par les éducateurs dans le cadre des placements divers des enfants et des adolescents.

Ces situations suscitent souvent des souffrances tant chez les enfants que chez les parents. Je ne cesse de m’interroger sur la réponse à apporter aux enfants et à leurs parents dans les situations de placements. Dès lors, j’ai commencé à m’intéresser au regard porté aux parents dont la circonscription de mon stage s’occupait dans un contexte de placement souvent contraint par décision judiciaire dans la grande majorité des cas.

Au travers des diverses situations dans lesquelles je m’étais impliquée depuis le début de mon stage, j’étais sensibilisée par les bouleversements familiaux que les placements d’urgence généraient chez certaines familles. Ces ressentis sont probablement liés aux sentiments de dépossession de leurs enfants et de leur autorité parentale sur eux. Ces premiers éléments m’amènent à poser la question qui sera le fil conducteur de mon écrit : Comment aider les parents et leurs enfants à vivre le plus sereinement possible les situations de placements de leurs enfants ? Que les relations soient des relations de collaboration et non de rivalité dans l’intérêt des enfants.

Mon travail va alors s’articuler autour de deux questionnements : QUEL ACCOMPAGNEMENT EDUCATIF POUR MAINTENIR ET /OU RESTAURER LES LIENS FAMILIAUX DANS LE CADRE D’UN PLACEMENT DE L’ENFANT ?

Afin de répondre à ces questions, mon projet va s’inscrire dans une démarche d’accompagnement des parents à partir du moment où le placement de leurs enfants a été prononcé. Mon écrit consistera dans un premier temps à évoquer le cadre légal du champ de la protection de l’enfance de manière générique ainsi que son organisation. J’évoquerai également le fonctionnement de la circonscription où j’effectue mon stage actuellement à savoir : son fonctionnement, le public accueilli et son organisation interne.

Dans la deuxième partie appuyée par un étayage théorique et en cohérence avec ma question de départ, je ferai état des constats de deux situations qui m’ont particulièrement questionnée et les hypothèses d’actions que je propose de mettre en œuvre à travers de trois axes fondamentaux : Soit, l’évaluation des besoins des enfants et de leurs parents dès que le placement a été prononcé, le rôle de l’éducateur spécialisé de l’ASE dans les différentes étapes du projet et l’adaptation de l’accompagnement en fonction des situations singulières qui m’ont interpellées.

Dans un troisième temps, je proposerai la mise en œuvre des actions menées avec les trois axes développés en dégageant quelques éléments d’évaluation. Enfin, une synthèse de cette réflexion viendra conclure ce travail. J’évoquerai également les éléments qui ont quelque peu contraint le cheminement de ce travail ainsi que les enjeux.

Par ailleurs, afin de préserver l’anonymat des personnes citées, les noms ont été volontairement modifiés.


  1. La protection de l’enfance : histoire et définitions
  1. Les notions clés du cadre légal du champ de la protection de l’enfance :

L’Aide Sociale à L’enfance est un acteur du champ de la protection de l’enfance, et il est important d’en saisir le cadre juridique et réglementaire. Ce dernier ce base sur différents articles et textes de lois. L’ article 375 du code civil définit la notion d’enfance en « danger » en ces termes : « Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par la justice (…) »1.

La protection de l’enfance est aussi relative à l’ordonnance de 1958 qui renforce la protection civile des mineurs en danger, et refonde la législation alors complexe et modernise ses dispositions en les regroupant en un seul texte. La loi dite DORLHAC et datant du 10 juillet 1989 est quant à elle « relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et à la protection de l’enfance ». Elle précise les modalités de signalement en cas de maltraitance. La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a renforcé le rôle du département dans la prévention, la centralisation des informations ainsi que l’évaluation des situations. En effet, cette loi permet d’affiner les deux types de protection, administrative et judiciaire, et les différents types de placement. Par ailleurs, la loi du 14 Mars 2016 constitue une nouvelle étape dans la réforme de la protection de l’enfance. Elle rénove le cadre d’exercice des missions de cette dernière et vient renforcer l’esprit de la loi de 2007. La loi n°2002-2 du 2 janvier 2002, réformant l’action sociale et médico-sociale, vise à développer les droits des usagers. L’usager est alors considéré comme un citoyen a part entière et devient alors l’acteur principal de son projet.

  1. Le conseil de Seine Saint-Denis

Le président du Conseil Départemental, assure la coordination des services du département, notamment la PMI (Protection Maternelle Infantile), le SSD (Service Social Départemental) et l’ASE. Il est donc le représentant direct du département et de tous les services du département devant la justice.

  1. Circonscription aide sociale à l’enfance

L’action de l’Aide Sociale à l’Enfance est dirigée à l’échelon départemental par le président du Conseil Départemental qui assure également la coordination de l’ensemble des services de protection de l’enfance sur son territoire. Le livre II du Code de l’Action Sociale et des Familles, définies les missions et prestations relevant de l’ASE dans le chapitre intitulé « Enfance ». Elle est donc placée sous l’autorité du président du Conseil Départemental dont la mission essentielle est de venir en aide aux enfants et à leurs familles, par des actions de prévention individuelles ou collectives. Le service a une compétence d’action pour les mineurs de 0 à 18 ans et les jeunes majeurs de 18 à 21 ans. Il propose ainsi des interventions adaptées à chaque situation et ce voit financer dans son action par le département. Chaque département comporte un service d’Aide Sociale à l’Enfance et ce voit attribuer la responsabilité de la protection des mineurs en danger ou en risque de l’être.

A l’Aide Sociale à l’Enfance, il existe deux types de protection, l’une administrative et l’autre judiciaire. La protection administrative intervient après l’évaluation de la situation par l’ASE. Celle-ci est mise en place à la demande d’un ou des représentants légaux, et peut prendre différentes formes : l’Aide Educative à Domicile, l’Aide Educative à Domicile Jeune Majeur, l’Accompagnement et Protection Juridique des Majeurs. Ces mesures ne se mettront en place qu’avec l’accord de la famille. La protection judiciaire est régie par les articles 375 et suivants du code civil. Lorsque l’adhésion de la famille n’est pas possible, une mesure d’assistance éducative est demandée aux autorités judiciaires. Dans ce cas, un signalement est adressé au procureur de la République par l’intermédiaire du service de l’ASE. Le Juge des Enfants peut alors prendre la décision d’une mise en application de mesures d’assistance éducative qui sont soit : l’Ordonnance de Placement Provisoire, l’Action Educative en Milieu Ouvert et la Mesure d’Investigation Judiciaire et Educative.

  1. Public accueilli :

Comme précité plus haut, la circonscription ASE accueille des jeunes de 0 à 21 ans suite à une évaluation à l’issue de laquelle une maltraitance a été avérée. En parallèle, les jeunes mineurs non accompagnés font de plus en plus partie des effectifs accueillis dans la circonscription à cause de l’immigration massive de ces dernières années. Les raisons pouvant mener à un placement sont multiples et peuvent être liées : en précarité d’hébergement, à la maltraitance de type inceste, abus sexuels, sévices corporels, difficultés psychologiques ou psychiatriques des parents, maladie des titulaires de l’autorité parentale ou de l’un d’eux. Il peut s’agir également de carences éducatives, de conflits familiaux, d’alcoolisme et/ou de toxicomanie des parents ou de l’enfant, d’absentéisme scolaire ou de difficultés scolaires lourdes et des troubles du comportement.

  1. Organisation interne de la circonscription

La circonscription ASE dans laquelle j’effectue mon stage est composée de huit éducateurs spécialisés, deux psychologues, deux secrétaires et d’un responsable de circonscription.

Chaque travailleur social a en charge environ trente suivis (administratifs et judiciaires) dont il est référent seul ou en binôme. Le fait d’être en doublure sur une référence permet un partage des tâches ainsi qu’un regard croisé sur des situations qui peuvent se révéler compliquées. De plus, chaque éducateur a des évaluations à réaliser (informations préoccupantes, contrat jeune majeur).

Aussi, les psychologues du service interviennent dans le cadre de suivis psychologiques des enfants placés. Leurs démarches peuvent aussi éclairer les éducateurs dans le cadre de la prise en charge éducative.

A cet égard le rôle de l’éducateur est de mobiliser l’accueil des enfants y compris en urgence, de préparer en équipe pluridisciplinaire le projet pour l’enfant et met en œuvre son projet. Il demeure le garant, au nom de l’institution, du vécu de l’enfant malgré ses « déplacements » et ses changements d’orientation.

En outre, il évalue la situation des enfants tout en tenant compte des circonstances de vie des parents. L’éducateur accompagne les parents dans l’exercice de leurs responsabilités parentales, les soutient et les encourage dans la mise en œuvre de réponses adaptées aux besoins de leurs enfants mobilisant toutes les formes d’accueil, de jour, séquentiel ou à temps complet. Il met en œuvre des actions éducatives nécessaires à l’accompagnement au retour de l’enfant dans sa famille quand cela est possible tout en assurant la cohérence et la continuité des prises en charge. Des bilans réguliers concernant l’évolution globale de l’enfant accueilli sont organisés avec l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire et les partenaires concernés par le projet de l’enfant.

Globalement, les missions de l’éducateur ASE s’articulent autour de quatre axes : le lien de prise en charge par le suivi, le soutien et le contrôle de celui-ci dans la prise en charge de l’enfant, le respect des attributs de l’autorité parentale et sa capacité à se mobiliser dans l’intérêt de l’enfant. L’éducateur spécialisé de l’ASE tient compte des besoins fondamentaux de l’enfant et à la mise en œuvre de son projet, il veille également au respect des conditions des mesures judiciaires ou administratives.

  1. Les outils de communication :

Les notes et rapports : sont un outil essentiel dans la traçabilité des suivis éducatifs.

Le cahier de liaison : outils de communication écrite, il permet de transmettre des informations diverses au sein de l’équipe.

  • Les réunions :

Les réunions internes :

Une réunion d’équipe est organisée tous les mardis matins. Ces réunions permettent aux éducateurs d’être nommés sur de nouvelles situations. Elle permet également d’avoir un éclairage sur les situations qui peuvent s’avérer compliquées.

Les RPP (Réunion Pluri-Professionnelles) : il s’agit d’un dispositif local d’évaluation partagée avec la PMI et d’autres professionnels du service hospitalier dans le cadre des missions de prévention de la protection de l’enfance. En effet, lorsque l’enfant présente des risques de danger, cette situation doit être évaluée. Il s’agit d’une réunion mensuelle se déroulant dans les locaux de l’ASE; elle est pilotée par le Service social proposent conjointement des solutions.

  1.  Les acteurs et ressources territoriales.
  • Les partenaires et autorités institutionnels :

Les professionnels présents à la RPP (responsables de circonscription ASE, SS, PMI, Assistants sociaux de secteur, médecin PMI et autres membres ponctuels en fonction de la situation) sont des partenaires institutionnels dans la mesure où cette instance constitue une étape du dispositif de signalement de l’enfance en danger.

Le Juge des enfants et le Procureur de la République: ces deux acteurs confient une mission au service de l’ASE, celle d’être garant de la protection du mineur durant une certaine période.

MECS ou foyers et assistants familiaux : il s’agit de lieux de placement imposés par le législateur ou la commande publique.

Enfin, dans le cadre de ses actions, l’ASE est amenée à solliciter des acteurs de différentes natures et ce, au regard des besoins et objectifs différents de travail autour de l’enfant. Dans ce partenariat d’initiative, non formalisé, on peut penser que cela se rapproche du réseau, implanté sur le territoire de Seine St Denis.

Le rôle de l’éducateur de l’ASE est de coordonner les liens avec les différents partenaires dans le cadre des différents suivis des jeunes qu’il a en charge. Il est son interlocuteur et celui de sa famille.

  • Les ressources territoriales :

Le réseau de l’ASE relève de ressources dont dispose le service tels que les établissements scolaires, les associations socioculturelles et sportives et les établissements médicosociaux CMPP (Centre Médico Psycho Pédagogique), SESSAD (Service d’Education Spécialisée et de Soins A Domicile) et de structures d’hébergements (hôtels, foyers de jeunes travailleurs).

  1. LES FAITS D’OBSERVATION A L’EXPERIMENTATION
  1. Mon sujet de recherche :

En matière d’éducation des enfants, Freud avait coutume de dire aux parents « faites ce que vous voulez, ce sera toujours insuffisant. »2. Pour lui en effet, l’éducation de l’enfant est « une tâche impossible »3 et cela dans la mesure où peu importe ce qu’on fait, on est toujours sûr d’obtenir un résultat insuffisant. Eduquer ses enfants peut donc être une grande source d’insatisfaction, « parce qu’il s’agit d’une action où la question de la relation est centrale, entre parents et enfants par exemple, toute tentative d’application d’un quelconque programme d’éducation est mise en échec »4.

La notion de parentalité est marquée de cette difficulté, impossibilité à modeler l’enfant à son image. Difficulté qui peut se traduire en une frustration qui, une fois dirigée contre l’enfant, peut compromettre son intérêt supérieur. C’est dans ce cadre que le placement de l’enfant intervient.

Pour rappel, le placement est une mesure par laquelle le Juge des Enfants sort l’enfant de son milieu de vie pour le confier à quelqu’un d’autre, que ce soit une personne ou un établissement spécialisé. Ce placement doit rester exceptionnel, car il ne peut se justifier que par l’intérêt supérieur de l’enfant. Le placement est la dernière mesure à la disposition des intervenants sociaux, il est considéré comme un acte posé en « désespoir de cause ».

Cette mesure se caractérise par une aide dans la contrainte, avec tout ce que cela implique comme traumatisme. Il n’est en effet pas vain de rappeler que « en dépit de son objectif de protection et de sécurisation des enfants, le placement peut pourtant se dérouler comme une succession de ruptures entre les modes et les lieux d’accueil, par de nombreux allers et retours déstructurant, qui peuvent créer de véritables traumatismes »5. Les mesures d’assistance éducative, dont le placement, sont donc des réponses à des défaillances des parents. Défaillance qui se matérialise soit par l’absence d’autorité parentale, soit par des violences physiques ou morales et des carences affectives ou éducatives.

La mesure de placement fait également partie d’un travail éducatif qui implique la prise en compte de nombreux concept pour limiter le plus possible les traumatismes, non seulement pour l’enfant mais aussi pour les parents.

Il est vrai que la question du maintien du lien ou non dans la relation parents/enfants reste un sujet de discorde. Les lois tels que : la loi du 5 Mars 2007 réformant la protection de l’enfance et la loi de 2016 concernant le champ de la protection de l’enfance rappellent qu’il faut maintenir ses liens.

Quoi qu’il en soit, il ne faut pas perdre de vue le fait que les parents, même dans une situation de placement, conservent sur l’enfant l’autorité parentale mais qu’il appartient au juge des enfants de décider d’organiser les relations parents/enfants en fonction de l’intérêt de l’enfant. L’article 375-7 du code civil prévoit que le juge peut aller jusqu’à suspendre le droit de visite et de correspondance aux parents et que l’exercice de cette autorité est aménagé en fonction de la mesure d’assistance éducative.

En effet, le maintien ou non du lien parents/enfants est une question centrale dans notre intervention au quotidien. Nous sommes confrontés quotidiennement à des situations de placement où le maintien de la relation est souvent mise en avant dans l’intérêt de l’enfant.

Il est vrai qu’il n’est pas toujours simple d’organiser les visites lorsque les parents n’adhèrent pas au placement ou tout simplement parce qu’ils ne se rendent pas disponible lors des rencontres proposées par le service. Il faut sans cesse relancer les parents ou les représentants légaux.

Je suis partie du postulat que malgré la mission du service est la protection de l’enfance, la mise en œuvre de l’adhésion des parents passe par le constat que nous sommes en présence de parents en difficulté dans l’éducation de leurs enfants. Le rôle de l’éducateur est donc aussi l’accompagnement des parents afin que ces parents participent et intègrent le projet de l’enfant, jusqu’à ce que celui-ci devienne le leur à part entière.

L’adhésion est selon le dictionnaire Larousse, le fait de « partager une idée, une opinion, de les faire siennes, c’est s’inscrire à un mouvement, c’est donc une sorte de consentement ».

Il est difficilement concevable que des parents puissent consentir et partager l’idée que leur enfant leur soit « arracher » pour son bien. Mais, dans le même temps, un réel travail de collaboration est nécessaire entre les professionnels et les parents de l’enfant.

Il faut donc dans un premier temps l’adhésion des parents ou des représentants légaux pour pouvoir mettre en place un accompagnement de qualité dans le but de maintenir les liens familiaux, de restaurer ou même parfois de le créer, ceci afin pour d’envisager sur le long terme un retour des enfants au domicile.

Il me semble important d’accompagner ses jeunes « placés », les rassurer, les soutenir dans leur projet afin qu’ils puissent vivre le plus sereinement possible le placement sans en interrompre les liens avec leurs parents si la situation le permet.

J’ai choisi de mettre en avant deux situations d’enfants présentant des similitudes. Les enfants dont j’expose les situations ont été placés à l’Aide Sociale à l’Enfance où j’effectue mon stage. En effet, il m’a paru pertinent d’exposer ses situations car elles présentent la même problématique de la relation parents/enfants. J’ai été référencé pour accompagner ses enfants et ses familles dans le cadre de mes missions mais en particulier dans le travail du maintien de des liens familiaux.

  1. Présentation de la situation des enfants Lina et Selma :

Selma née le 3 Mars 2010 (7 ans) et Lina née le 6 Juin 2012 (5 ans) ont été confiées à l’aide sociale à l’enfance par le procureur de la république depuis le 29/09/17 pour violence de la part du père. Les informations préoccupantes émanent de l’école primaire des fillettes et de la PMI qui avaient constatés que Selma présentaient des marques de coup maquillées avec du fond de teint.

Au fur et à mesure des rencontres et des échanges (notamment après un entretien avec Mme Khalil), il s’est avéré que le père a toujours été « violent physiquement », mais cette violence a été accentuée par une agression dont le mari a été victime, assez peu de temps avant le placement des enfants. Les deux sœurs font partie d’une fratrie de trois enfants, mais le cadet, Nouh, n’a pas été placé et est resté avec ses parents.

Les droits des parents sont des visites médiatisées à visée d’évaluation qui ont lieu à l’Aide Sociale à l’Enfance au moins une fois par semaine. Les fillettes sont placées chez une assistante familiale. La mère vient d’accoucher un petit garçon et monsieur est en arrêt de travail depuis son agression.

Selma est avenante et va facilement vers l’adulte, cependant elle peut se montrer violente envers sa petite sœur Lina. Elle montre parfois de gros troubles du comportement. Mme MALKI assistante familiale des petites Khalil dira que les fillettes ont besoin d’énormément d’attention et qu’elles paraissent tristes en permanence. Il apparait que Selma semble avoir une certaine influence sur sa petite sœur Lina.

L’assistante familiale dit que Selma s’endort difficilement, elle ne pleure pas mais est très agitée avant d’aller se coucher. Il lui arrive parfois de marcher dans la chambre durant la nuit. Lina quant à elle semble s’endormir facilement. Lina est beaucoup plus dans la réserve néanmoins elle imite et suit sa grande sœur. Lina a un grand retard de langage, elle est suivie depuis peu chez une orthophoniste une fois par semaine.

En ce qui concerne les droits de visites des parents, nous organisons à l’ASE une visite médiatisée par semaine dans le but d’évaluer et de maintenir la relation parents/enfants du fait de leur jeune âge.

Je me suis demandé comment j’allais accompagner les parents et les enfants dans le travail autour du maintien de la relation, comment j’allais aborder cela avec les parents et qu’est-ce que je pouvais proposer aux parents pour mener à bien le projet de leurs filles ?

  1. Présentation de la situation de Warren :

Depuis le 22 janvier 2016, Warren né le 8 Avril 2013 est confié au service de l’Aide Sociale à l’Enfance pour une durée d’un an. L’information préoccupante émane de la PMI concernant Shanone et Warren. Les éléments repérés par le service de PMI font état des difficultés de Mme GUEBRI (mère) à prendre en charge au quotidien ses deux enfants. Cependant et constatant un retard de développement de Warren le Juge des Enfants a décidé de placer Warren et non pas sa sœur. Warren et Shanone sont nés de deux pères différents. D’après les dires de Mme, Monsieur se rend disponible pour Shanone et l’aide parfois financièrement. Mme GUEBRI vit chez sa mère et est sans emploi. Elle bénéficie de droits de visites médiatisées. Etant donné l’absence du père de Warren, le Juge des Enfants ne lui octroyé aucun droit pour le moment.

Au début de son placement, Warren était un enfant qui ne jouait pas du tout, il est aujourd’hui en capacité de jouer calmement, sous le regard de l’adulte. L’échange autour du jeu avec ses pairs n’est pas encore acquis mais il commence à chercher le contact avec les autres enfants. Warren a dû changer à plusieurs reprises de famille d’accueil (trois en six mois) du fait de son comportement. En effet, il mordait et tapait les autres enfants des familles chez qui il était accueilli, cris, refus de se laver…etc. Il est depuis quelques mois chez une assistante familiale.

Warren est un enfant qui rencontre un retard important dans son développement tant psychologique que physiologique, il est également diagnostiqué épileptique. Bien que des progrès soient notables depuis qu’il est installé de manière stable chez son assistante familiale. Un suivi avec un pédopsychiatre a débuté depuis peu.

Nous organisons une visite médiatisée une fois par semaine à l’Aide Sociale à l’Enfance. Pendant les vacances scolaires Mme GUEBRI emmène Shanone aux visites soit une fois toutes les 6 semaines. Nous avions pu remarquer qu’il était très difficile pour Warren de comprendre pourquoi sa sœur rentrait avec sa mère et non pas lui, Warren a pu le dire clairement avec ses mots « pourquoi je vais chez tata (l’assistante familiale) et pas Shanone ? ». En effet, cela se traduisait souvent par des cris, des pleures lorsque la visite était terminée. Cependant lorsque sa sœur n’est pas présente Warren ne semble montrer aucune difficulté à quitter sa mère lors de la fin des visites. Un suivi thérapeutique avec un psychologue hors du service commence afin d’accompagner les parents et l’enfant dans leur relation de façon plus intense et plus poussée.

Constats communs des deux situations :

Ces deux situations sont similaires sur plusieurs points. En effet, les enfants dont j’ai exposé la situation précédemment sont placés à l’Aide Sociale à l’Enfance pour une durée d’un an. Le Juge des Enfants a octroyé des droits de visites médiatisées au moins une fois par semaine pour les deux familles.

Les enfants sont issus de parents sans emploi et ayant des difficultés financières malgré les aides que leur verse l’Etat comme la CAF (Caisse d’Allocation Familiale) par exemple. Ils parviennent difficilement à subvenir aux besoins matériels de leurs enfants à charge.

Mme GUEBRI a été longtemps dans le refus de coopérer avec les professionnels du service ASE. Elle arrive très souvent en retard aux visites médiatisées ; elle a, à plusieurs reprises, décalé des rendez-vous et des visites médiatisées car elle devait se rendre à sa séance de sport hebdomadaire. Mr et Mme KHALIL sont quant à eux ponctuels cependant Monsieur ne se rend pas toujours disponible aux RDV proposés par le service du fait de ses rendez-vous chez le dentiste ou de ses séances de natation.

Nous avons eu beaucoup de mal à prendre à entrer en relation avec les parents au début du placement de leurs enfants. Ils se rendaient peu disponible et étaient en total refus de ce que les professionnels pouvaient leur proposer.

En ce qui concerne les enfants, ils sont actuellement placés en famille d’accueil depuis quelques mois. Selma et Warren présentent des caractéristiques comportementales presque similaires.

Ils peuvent se montrer violents envers d’autres enfants et ayant tous deux des troubles importants du comportement. De manière générale, l’enfant peut se conduire de façon inadaptée et même avoir des problèmes de comportement temporaires dus au stress ; par exemple, dans le cadre du placement, du changement d’environnement et la séparation d’avec ses parents dans le cas de Selma et de Warren, les troubles du comportement sont plus graves dans la mesure où nous avons constaté qu’ils impliquent un schéma de comportements hostiles, agressifs ou perturbateurs pendant plus de 6 mois. Chez Selma, ces troubles se manifestent par des actes de violence envers sa petite sœur. Et bien qu’elle soit avenante, elle présente une humeur omniprésente générale de tristesse. Chez Warren, les troubles semblent plus prononcées : incapacité à établir ou maintenir des relations interpersonnelles satisfaisantes avec les pairs, bien que cela se soit amélioré au fil de la prise en charge, mais qui nécessitent aujourd’hui un suivi chez un pédopsychiatre.

De plus, Lina et Warren ont été diagnostiqués comme ayant un retard de développement psychomoteur dans un premier temps et du langage dans un second temps ils sont donc tout deux suivi chez un/une orthophoniste et en plus un suivi psychologique pour chacun des enfants. Warren a bénéficie d’un traitement afin de diminuer ses crises d’épilepsies. Il a dû faire appel à plusieurs services afin d’accompagner au mieux ses enfants. Une orientation en famille d’accueil nous semble la plus approprié du fait de leurs problématiques.

J’ai pu observer des changements de comportement lorsque l’enfant est avec son assistante familiale et lorsqu’il est en famille.

Dans chacune de ces situations, il me parait indispensable de proposer un accompagnement individualisé et adapté aux besoins et demandes des enfants tout en respectant les préconisations du Juge des Enfants.

Un questionnement nécessaire :

C’est le fait d’être confrontée à ce genre de situation qui m’a interrogé sur : Comment l’éducateur spécialisé à l’ASE peut-il accompagner le maintien des liens au sein d’une famille, par quels outils/moyens ? Comment accompagner les liens familiaux en situation de placement ? Quel est le rôle de l’éducateur dans cet accompagnement ? Et plus simplement, face à la décision du Juge des Enfants du placement de l’enfant, comment l’éducateur spécialisé peut-il accompagner les parents et leurs enfants dans le maintien du lien ?

Le verbe maintenir est défini selon le dictionnaire Larousse : « Tenir quelque chose ferme, fixe, stable. ». Et le lien est défini selon le dictionnaire Larousse comme : « Ficelle, cordon, courroie, etc., qui sert à maintenir ensemble ou à attacher, retenir, ferme ». C’est ce que nous cherchons à faire lorsque les liens parents/enfants ont été interrompus lors du placement de l’enfant que ce soit en famille d’accueil ou en foyer éducatif.

J’ai choisi de traiter le thème du maintien du lien car je me suis aperçue qu’une partie de notre travail est centrée sur l’accompagnement de la relation parents/enfants. Nous sommes souvent amenés à effectuer des visites médiatisées et c’est dans ses instances que nous pouvons évaluer ce lien et le travailler si besoin au travers d’activités ludiques par exemple. Les parents ont parfois besoin d’aide (mais n’en ont pas forcément conscience) dans leur façon d’aborder leurs enfants, c’est pourquoi ces instances, les rencontres, sont importantes et permettent de mettre en place un réel travail éducatif autour de la relation qu’entretiennent les parents avec leurs enfants ou vice et versa.

Il est vrai que les familles d’accueil constituent un environnement structurant et sécurisant pour l’enfant. En effet, c’est un lieu où ils vont pouvoir grandir sereinement et s’épanouir.

Cependant nous ne perdons jamais de vue d’un possible retour de l’enfant au domicile de ses parents en fonction de l’évolution de la situation.

C’est un travail de longue haleine qui ne se concrétise pas, les enfants sont « remis » au domicile et parfois de nouveau confrontés à des violences conjugales, carences éducatives et/ou affectives, violences physiques/psychologiques, incestes…etc qui nécessite de nouveau le placement.

C’est le cas des deux situations exposées plus haut où les enfants ont été confrontés à des violences conjugales, violences physiques de la part d’un des deux parents (le cas de Lina et Selma), carences éducatives et affectives (le cas de Warren).

L’accompagnement des jeunes se fait rarement seul, j’ai dû à de nombreuses reprises solliciter mes collègues éducateurs qui ont pu m’orienter et me conseiller. C’est auprès de mes collègues que je trouve réponses à mes questionnements. En ce qui concerne les deux situations de Warren et de Lina et Selma je suis en coréférence. Le fait de travailler en doublure sur une référence permet un partage des tâches ainsi qu’un regard croisé sur des situations qui peuvent parfois se révéler compliquées. A mon sens, il me semble important de connaitre ses limites d’intervention et être en lien avec les collègues.

Le but de l’éducateur à l’Aide Sociale à l’Enfance est d’accompagner les parents dans leur rôle parental tout en prenant en compte les besoins/attentes de leurs enfants. Ceci afin d’envisager un possible retour de l’enfant à son domicile.

Hypothèse de recherche :

Le placement est pour la plupart de mes suivis à l’ASE dû à des carences éducatives et/ou affectives, des enfants parfois confrontés aux violences conjugales, des violences commises par l’un ou les deux parents. Le travail éducatif en amont du retour des enfants au domicile est donc primordial surtout en ce qui concerne les relations que peuvent entretenir les parents avec leurs enfants. Il me parait pertinent de travailler cet aspect de l’accompagnement grâce aux visites médiatisées mises en place par le service de l’ASE et statuées par le Juge des Enfants.

La difficulté auquel j’ai pu être confronté sont souvent dû aux parents qui se s’investissent pas dans le projet de leurs enfants, qui ne se rendent pas disponible ce qui empêche l’aboutissement du projet. Le travail de collaboration et de mise en confiance des parents est essentiel pour un accompagnement de qualité.

Partie III : L’expérimentation

Je me suis appuyée sur des références théoriques de l’attachement, de l’importance maintien du lien et des concepts plutôt psychologiques et à l’éducatif afin d’étayer et de fonder la mise en place des actions. Suite aux constats que j’ai pu apporter, je remarque et comprends que le maintien du lien parents/enfants lors d’un placement est important et nécessaire au bien-être de l’enfant et dans son futur à venir. Je vais donc m’appuyer sur la théorie dans un premier temps et dans un second temps j’exposerai le recueil de données de terrain qui m’ont aidée dans mon analyse. De ce travail a émergé une hypothèse d’action, que je présenterai ultérieurement.

  1. Le placement, mesure d’assistance éducative

L’article 5 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 19896 dispose : « Les États parties respectent la responsabilité, le droit et le devoir qu’ont les parents ou, le cas échéant, les membres de la famille élargie ou de la communauté […] de donner à celui-ci [l’enfant] , d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités, l’orientation et les conseils appropriés à l’exercice des droits que lui reconnaît la présente convention ». C’est donc aux parents qu’est confiée, en priorité, la charge d’élever et d’éduquer l’enfant. Selon les termes utilisés dans la Convention, les parents sont responsables (au sens psychologique et non juridique du terme) de leurs enfants.

Pourtant, et les chiffres publiés par l’ODAS (Observatoire national de l’action sociale décentralisée) depuis 1994 en sont la preuve, que certains parents ne sont pas en mesure de protéger leur enfant, mais qu’ils peuvent au contraire nuire à son bien-être.

L’assistance éducative a été conçue comme un moyen efficace et utile pour mettre hors de danger des enfants menacés. Mais cette assistance éducative a été aussi remise en question. Au départ, l’assistance éducative a été conçue comme une aide accordée aux parents dans l’exercice de leur fonction parentale.

Mais l’assistance éducative a eu tendance à se transformer en mesure de substitution à l’autorité parentale. Les raisons de cette transformation sont nombreuses : l’insuffisance des moyens éducatifs pour assurer une véritable assistance intrafamiliale aux parents en difficulté avec leur enfant ; l’existence des tuteurs aux prestations sociales (aujourd’hui appelés délégués aux prestations familiales, C. civ., art. 375-9-1) qui jouent souvent le rôle de véritables assistants éducatifs à travers l’utilisation des prestations familiales.

Pourtant, l’assistance éducative est un outil nécessaire et utile qui vient rappeler aux parents que l’autorité parentale est un ensemble de droits mais aussi de devoirs (C. civ., art. 371-1), qu’ils ont une obligation d’éducation et non un pouvoir sans limites sur leur(s) enfant(s). C’est une procédure qui, émanant d’un magistrat de l’ordre judiciaire, présente une garantie pour tous les intéressés7.

Elle est en effet le seul moyen permettant de soustraire rapidement un enfant à la maltraitance dont il est l’objet.

La même cour a cependant rappelé que le droit des parents et des enfants à vivre ensemble est garanti par la Conv. EDH et que le placement de l’enfant hors de sa famille ne peut être justifié que par l’intérêt supérieur de l’enfant8.

Le placement de l’enfant est la mesure qui cristallise le plus cette nécessité d’être motivé par l’intérêt supérieur de l’enfant. Le placement est souvent vécu comme une mesure de retrait à la famille, ce qui est réel lorsque l’enfant est en danger dans ce milieu familial. Le placement interviendra donc lorsque l’enfant sera en danger dans son milieu de vie actuel.

  1. Les mesures d’assistance éducative, l’autorité parentale et la parentalité

L’autorité parentale, est définie par l’article 371-1 du code civil comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. – Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ».

Pendant longtemps, le concept de l’autorité parentale a découlé de la puissance paternelle, qui était considéré comme le « droit de puissance comportant le pouvoir de (…) ; il s’agissait d’un droit essentiellement paternel, le père avait seul l’exercice et la mère une part virtuelle. »9.

Il faudra attendre la loi de 197010 relative à l’autorité parentale pour qu’on parle véritablement d’autorité parentale. Le concept est donc défini comme étant un « ensemble de pouvoirs conditionnés par des devoirs en vue d’une finalité : la protection de l’enfant. L’article 372-2 stipule : « L’autorité appartient aux père et mère pour protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. Ils ont à son égard droit de garde et de surveillance et d’éducation. ». On voit, à l’article 371-2, le parallèle et l’articulation avec l’article 375, fondateur du juge des enfants. Le législateur a construit le rôle du juge des enfants sur un modèle de suppléance lorsque les parents se montrent défaillants dans leur mission de protection. Rappelons également l’article 213 au chapitre VI des devoirs et des droits respectifs des époux : « Les époux assument ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir » »11. Cette autorité sera alors exercée de concert et sur le même pied d’égalité par les deux parents.

Il y a ensuite l’amendement de 2002 qui apporte une précision de définition sur le concept. L’autorité parentale est désormais considérée comme un ensemble de droits et devoirs corrélatifs qui ont pour seule et unique finalité la protection et la préservation de l’intérêt de l’enfant. Cette nouvelle loi dispose également que les parents ont le devoir d’associer l’enfant aux décisions le concernant et cela en fonction de l’âge et du degré de maturité de l’enfant.

On assiste donc ici à la « démocratisation des rapports parents-enfants avec le développement des droits de l’enfant, le recueil de leur avis dans la procédure judiciaire et le rattachement du fondement de l’autorité de l’autorité parentale à l’intérêt de l’enfant »12.

Ainsi, la « famille n’est plus pensée comme une institution parce qu’elle est devenue une institution impensable. Telle est la question occultée dans et par le débat public, qui nous condamne à osciller sans axe entre la tentation du retour aux certitudes, personnifiées par les défenseurs de la famille traditionnelle, et celle de la fuite vers une abolition pure et simple de la différence des sexes et des générations »13.

Ainsi donc, dans la conception moderne de l’autorité parentale, on s’efforce de faire en sorte que les rôles joué par les deux parents au sein de la famille soient perçut de manière neutre, alors que socialement ces rôles ne peuvent pas être neutres.

L’autorité parentale est donc remise en cause par la mutation de l’autorité au sein de la famille. On s’éloigne de plus en plus de la sociologie de la famille élaborée par Parson (1955) : « de la première modernité, où le mariage d’amour et le couple pourvoyeur/ménagère se démocratisent et dont la fonction spécifique n’est plus la survie économique du groupe familial mais la socialisation des enfants. La mère porte la fonction affective et éducative et le père la fonction instrumentale et l’autorité. Chacun y a son domaine et son rôle statutaire, l’autorité du père sur sa famille est reconnue et légitimée par la mère et celle-ci en exerce une, subordonnée mais réelle, soutenue par le père, sur sa maison et ses enfants. La cohérence de ce système permet aux parents de représenter devant leurs enfants un monde ordonné et stable qui leur garantit une autorité, adoucie par l’importance de l’affection, mais réelle. Ce modèle qui correspond à la famille des classes moyennes du milieu du XXe siècle en France semble s’être effacé en quelques décennies. »14. Et avec sa disparition progressive est apparu un nouveau concept, le concept de la parentalité qui devient alors le nouvel axe d’analyse de la structure familiale.

Et cela d’autant plus que les nouvelles techniques de procréation ont officialisé l’existence d’un « père biologique », qui ne sera jamais le père qui exercera la « fonction parentale » auprès de l’enfant. Cas dans l’assistance médicale à la procréation (AMP).

Avec l’évolution du couple également, « la femme comme l’homme peuvent prétendre à « fonder famille » et à (re)construire une « famille recomposée ». Avec l’augmentation des divorces, des unions libres et des séparations, la conjugalité se distingue de plus en plus nettement de la parentalité, cette dernière devant être pérenne quand la première vacille. La parentalité est pensée de plus en plus comme autonome et doit être parfois étayée financièrement, avec l’allocation de parent isolé, ou socialement, avec les dispositifs d’aide et de soutien aux « parents en solo » »15.

Etre parents ne résulte donc plus d’une institutionnalisation de la famille, « ce n’est plus seulement l’addition de la place du père et de celles de la mère et de l’enfant dont il est question, mais la prise en compte des relations entre ces trois partenaires, au sein d’une « triade ». »16. Et enfin la parentalité c’est aussi apprendre à composer avec les insatisfactions de l’éducation,  apprendre à faire avec cet impossible à modeler l’autre à notre image.

Ces transformations intervenues dans l’institution de la famille, ces profondes mutations qui ont modifié la structure de l’autorité parentale ont fait qu’aujourd’hui, de plus en plus de parents se font usagers de l’action sociale17. En effet, toutes les évolutions et mutations que nous venons d’évoquer aboutit « un effacement, de la différence générationnelle au profit d’une forme de relation qui serait purement « horizontale », ou symétrique, et qui ferait de l’enfant, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, notre égal déjà accompli avec lequel nous devrions entretenir un nouveau type de rapport fondé sur la parité. Les conséquences éducatives d’une telle attitude de l’adulte à l’égard de l’enfant sont énormes, à tous les niveaux. Elles mettent au demeurant en question l’éducation elle-même, en tant qu’elle suppose une dissymétrie fondamentale entre les deux positions »18.

Afin de mieux comprendre l’importance du maintien du lien je m’appuierai sur divers travaux de plusieurs auteurs.

  1. Le placement et la séparation

L’attachement est un lien affectif profond et durable qui relie une personne à une autre à travers le temps et l’espace (Ainsworth, 1973, Bowlby, 1969). La théorie de l’attachement part du principe que les êtres humains naissent avec des modèles de comportement intrinsèques qui favorisent et maintiennent la relation, se déroulant selon une séquence ordonnée en interaction avec l’environnement.

L’unité humaine de base est une mère avec ses enfants, avec des hommes qui peuvent inclure le père de la mère, les frères et / ou le partenaire sexuel ou les partenaires faisant partie de cette unité ou restant à sa périphérie. Aucun groupe social humain n’est plus petit que deux familles ou plus grand qu’environ deux cents personnes. Le comportement de l’attachement est conçu pour former et maintenir ce type de communauté stable. Différentes cultures créent leurs propres variations sur ce thème universel.

Le développement humain est vu comme un processus de création et de maintien des attachements envers la figure d’attachement primaire et d’autres personnes significatives. L’enfant grandissant forme des liens au-delà de son cercle immédiat avec les gens de la communauté élargie, et les bouleversements de l’adolescence occidentale sont la conséquence du transfert crucial de l’attachement de la famille à un partenaire sexuel, souvent par le groupe de pairs.

Nos figures d’attachement primaires constituent la «base sûre» à partir de laquelle nous pouvons nous promener dans le monde, sachant que nous avons un refuge vers lequel nous reviendrons. «Nous sommes tous heureux, du berceau à la tombe, lorsque la vie s’organise en une série d’excursions, longues ou courtes, à partir de la base sûre fournie par nos figures d’attachement» (Bowlby 1988: 62).

Sans une base suffisamment sûre, nous nous sentons anxieux; sans la possibilité d’explorer, la vie est ennuyeuse. Nos expériences de relation et d’exploration sont codées dans un «modèle de travail interne», une base interne qui reflète la sécurité ou l’insécurité de nos attachements et incorpore les modes de relation et d’exploration que nous avons appris.

Idéalement, cette représentation interne devrait rester cohérente et ouverte au changement; mais les relations difficiles conduisent à un modèle disjoint ou déformé, avec des zones dissociées qui restent figées et hors de conscience.

  1. La théorie de l’attachement

L’attachement n’a pas besoin d’être réciproque. Une personne peut avoir un attachement à un individu qui n’est pas partagé. L’attachement est caractérisé par des comportements spécifiques chez les enfants, tels que la recherche de la proximité de la figure d’attachement lorsqu’ils sont contrariés ou menacés (Bowlby, 1969).

Le comportement d’attachement chez les adultes envers l’enfant consiste à répondre de façon sensible et appropriée aux besoins de l’enfant. Un tel comportement semble universel à travers les cultures. La théorie de l’attachement explique comment la relation parent-enfant émerge et influence le développement ultérieur.

La théorie de l’attachement en psychologie trouve son origine dans le travail fondateur de John Bowlby (1958). Dans les années 1930, John Bowlby a travaillé comme psychiatre dans une clinique d’orientation pour enfants à Londres, où il a soigné de nombreux enfants perturbés émotionnellement.

Cette expérience a amené Bowlby à considérer l’importance de la relation de l’enfant avec sa mère en termes de développement social, émotionnel et cognitif. Plus précisément, il a façonné sa croyance sur le lien entre les séparations précoces des nourrissons avec la mère et l’inadaptation ultérieure, et a conduit Bowlby à formuler sa théorie de l’attachement.

John Bowlby, travaillant aux côtés de James Robertson (1952) a observé que les enfants éprouvaient une détresse intense lorsqu’ils étaient séparés de leur mère. Même lorsque ces enfants ont été nourris par d’autres soignants, cela n’a pas diminué l’anxiété de l’enfant.

Ces résultats contredisaient la théorie comportementale dominante de l’attachement (Dollard et Miller, 1950), dont on a démontré qu’elle sous-estimait le lien de l’enfant avec sa mère. La théorie comportementale de l’attachement a déclaré que l’enfant s’attache à la mère parce qu’elle l’a nourri.

Bowlby défini l’attachement comme une «connexion psychologique durable entre les êtres humains».

Bowlby (1958) a proposé que l’attachement puisse être compris dans un contexte évolutionniste en ce sens que l’aidant fournit la sécurité et la sûreté pour le nourrisson. L’attachement est adaptatif car il augmente les chances de survie du nourrisson. Ceci est illustré dans les travaux de Lorenz (1935) et de Harlow (1958). Selon Bowlby, les nourrissons ont un besoin universel de rechercher une proximité rapprochée avec leur aidant lorsqu’ils sont stressés ou menacés (Prior et Glaser, 2006).

La collègue de Bowlby à Tavistock, Mary Ainsworth, est considérée comme la cofondatrice de la théorie de l’attachement. Elle a conçu une procédure d’observation qu’elle a réalisée sur les bébés d’un an et leurs mères, connue sous le nom de «The Strange Situation» (voir Holmes 1993: 104-6, Ainsworth et al., 1978). La mère, le bébé et l’expérimentateur s’installent dans une salle de jeux, et la mère quitte alors la pièce pendant quelques minutes.

La réaction du bébé à cette séparation et les réponses de la mère et du bébé lors du retour de la mère sont notées. Après quelques minutes supplémentaires, la mère et l’expérimentateur quittent la pièce pendant trois minutes supplémentaires, et le comportement du bébé est enregistré à la fois quand elle est seule et quand les adultes reviennent. L’ensemble de la procédure enregistrée sur bande vidéo est utilisée pour évaluer et examiner la relation mère-bébé et les manières du bébé de faire face à la séparation. Cela révèle le modèle de relation interne du bébé qui peut alors être relié au comportement et à la réactivité de la mère.

Les relations ainsi révélées ont été classées en trois catégories principales, allant de l’attachement sûr à l’attachement insécurisant. Le groupe d’enfants « en sécurité », tout en étant habituellement bouleversé par la séparation, a demandé et reçu des soins de la part de la mère quand elle est revenue, puis a poursuivi avec bonheur son jeu exploratoire.

Les enfants les moins sécurisés ont montré un évitement ou une ambivalence envers les autres. Le groupe insécurisant-évitant n’était pas ouvertement bouleversé quand la mère est partie et l’a ignorée à son retour, mais l’a regardée intensément et était incapable de jouer librement.

Le groupe insécurisant-ambivalent a été pris de panique par la séparation et s’est en même temps accroché à sa mère et l’a repoussée quand elle est revenue: les enfants étaient également incapables de retourner à leur propre activité. Les plus perturbés de tous étaient les enfants insécures-désorganisés, une quatrième catégorisation qui a été faite plus tard. Ces enfants étaient confus et chaotiques, avec des motifs bizarres de mouvements répétitifs ou de paralysie prolongée exprimant leur stupéfaction (Bowlby 1988: 125).

Fait intéressant, mais sans surprise, Ainsworth et d’autres ont continué à établir que le genre d’attachement montré par les bébés était étroitement lié à la réceptivité de leurs mères à leur première année (Bowlby 1988: 45-50, Holmes 1993: 107). Les mères du groupe sécurisé étaient les plus attentives à leurs bébés, interagissant avec eux librement et avec plaisir, captant leurs signaux avec précision et répondant rapidement à leur détresse.

Les bébés évitants qui avaient peu d’assurance étaient susceptibles d’avoir des mères qui interagissaient moins avec eux et avaient une attitude pratique plutôt que personnelle à leur égard. Les mères du groupe insécurisant-ambivalent ont tendance à réagir de manière imprévisible et sont plutôt insensibles aux signaux de leurs bébés; tandis que les enfants insécures-désorganisés venaient généralement d’horizons profondément perturbés impliquant des abus, de la négligence grave ou de la psychose. L’importance de ces corrélations réside dans la différenciation des influences environnementales et constitutionnelles. Il est clair que l’attitude exprimée par la mère vis-à-vis de son bébé est le facteur décisif dans la sécurité du bébé à un an, un modèle qui est vrai même pour les nourrissons qui sont très facilement contrariés dans leurs premiers mois.

La thèse de Bowlby que l’environnement est une cause puissante de la névrose comme la génétique a été confirmée à plusieurs reprises (Bowlby 1988, Holmes 1993: 109-14). Il existe des études qui montrent que si la mère reçoit de l’aide pour changer ses sentiments et son comportement envers son bébé, le bébé peut développer un attachement sécurisé à partir d’un point de départ insécurisant.

Certains bébés montrent même différents modèles de comportement d’attachement envers la mère et le père, bien que le schéma de la mère ait tendance à devenir le modèle principal au fil du temps. De plus, l’attachement montré par l’enfant d’un an prédit un développement futur. Les enfants en sécurité sont plus susceptibles de mieux se comporter avec les autres, d’avoir plus de capacité de concentration et de coopération et d’être plus confiants et résilients à six ans. Quatre ans plus tard, ils sont également plus à même de donner un sens à leur vie et d’englober des expériences difficiles sans les bloquer ou les rendre confus.

Même le comportement névrotique adulte a été corrélé avec les images montrées par des bébés et des enfants insécurisés. La «strange situation» observe la relation manifestée à la fois dans le comportement de l’enfant et de la mère plutôt que quelque chose qui appartient seulement à la mère ou à l’enfant.

Le modèle de travail interne de l’enfant reflète la nature et la structure de cette relation et le type de soins qu’elle a reçus. L’enfant en sécurité a une représentation intérieure d’un soi aimable et d’un autre sensible, avec des interactions agréables alternant avec des explorations passionnantes dans un monde intéressant.

D’un autre côté, l’enfant insécure-ambivalent a une image de soi qui n’est pas aimable et un autre imprévisible qui doit être manipulé ou contraint à prendre soin d’autrui. L’enfant insécurisant a un modèle interne de soi qui ne mérite pas de soins et un autre qui s’en moque, forçant l’enfant à réprimer sa nostalgie et sa colère pour ne pas éloigner l’autre. Dans ce modèle de détachement, l’enfant renie sa colère, son besoin et son anxiété et la conscience du rejet de son soignant dans ce que Bowlby a appelé «l’exclusion défensive».

Ces systèmes de perception, de ressenti et de comportement qui impliquent une douleur insupportable sont «désactivés» dans des blocs de cognition et d’émotion figées et dissociés. Tant qu’ils restent désactivés, ces systèmes ne peuvent pas être révisés ou intégrés et conduisent ainsi à un modèle de travail interne partiel, déformé ou fragmenté. L’exclusion défensive en gros se produit dans la paralysie émotionnelle qui suit un choc physique ou émotionnel aigu.

Habituellement, l’engourdissement cède graduellement lorsque la personne traumatisée atteint la sécurité et le soutien; mais là où la situation qui a engendré le processus continue, l’exclusion est codée en permanence dans le modèle de travail interne. Là où les choses sont exclues, les lacunes du modèle interne se manifestent par un détachement émotionnel et une difficulté à rendre compte de l’expérience. , révélant un sens de soi fragmenté et incohérent.

Là où il y a peu d’exclusion défensive, l’enfant ou l’adulte en sécurité se rapporte facilement aux autres et peut articuler un récit cohérent et continu de sa vie. Puisque ces capacités sont largement dérivées de la première relation de l’enfant, l’orientation précoce vers la réalité externe doit être supérieure aux théories Kleiniennes ou Freudiennes.

  1. La séparation

« L’émergence de l’angoisse ou de l’anxiété de séparation coïncide avec la construction d’éléments essentiels du développement psychologique: l’établissement d’un lien d’attachement et la construction d’un Soi distinct et séparé de l’autre, l’individuation »19. Jusqu’à ce que le travail de Bowlby soit connu, les enfants étaient considérés comme étant incapables de pleurer une perte émotionnelle de la même manière que les adultes. Les écoles freudiennes et kleiniennes présumaient que si elles pleuraient, c’était pour les services fournis par la personne perdue plutôt que pour la relation.

Le travail de Bowlby sur les réactions des jeunes enfants à la séparation, en particulier la séparation prolongée, des parents, l’a également conduit à se tourner vers le processus de deuil des adultes. Il a été capable de clarifier que la perte d’une figure d’attachement est un véritable désastre émotionnel pour le jeune enfant qui réagit comme un enfant ou un adulte endeuillé.

Allant d’une réaction développementale normale et attendue jusqu’au trouble psychopathologique, les manifestations de l’angoisse de séparation sont assez exemplaires des difficultés d’ordre diagnostique, étiologique et thérapeutique que peuvent poser certaines expressions symptomatiques chez l’enfant et l’adolescent (Bailly et Bailly-Lambin, 1995).

Une séparation longue est particulièrement préjudiciable pour un enfant entre six mois et trois ans, quand il est fort et des attachements spécifiques ont été développés mais avant que l’enfant soit capable de comprendre que l’absence du parent est temporaire. Les réactions typiques à la séparation dans ce groupe d’âge peuvent être divisées en trois phases.

La première phase est la protestation. Lorsque l’enfant aura atteint la fin de sa capacité à tolérer la séparation, elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour ramener sa figure d’attachement. Les jeunes enfants pleurent dans une détresse coléreuse, cherchant les parents là où ils les ont vus pour la dernière fois; les enfants plus âgés réclament le retour des parents, les pleurent et les recherchent. La phase de protestation peut durer jusqu’à une semaine; si la séparation se termine alors, ils sont susceptibles de saluer les parents avec colère, soulagement et attachement anxieux.

Après la protestation vient le désespoir: l’enfant perd graduellement espoir que la personne à qui il est attaché revienne. Elle peut pleurer inconsolable ou se retirer dans l’apathie et le chagrin. Ce retrait peut être considéré à tort comme une manière de «s’installer», alors qu’un enfant en colère et malheureux devient calme et disposable. Chez les enfants de un à trois ans, le stade du désespoir peut durer jusqu’à neuf ou dix jours.

Cette phase est suivie d’une récupération apparente que Bowlby décrit comme un détachement. L’enfant émerge de son retrait et commence à s’intéresser de nouveau à son environnement. Elle réprime ou désinvestit dans sa relation avec la personne perdue et commence à s’attacher à une figure alternative. Cela peut entraîner des difficultés considérables si l’enfant est ensuite réuni avec ses parents.

Les manifestations de l’angoisse de la séparation « consistent principalement en une réaction de détresse et une inhibition des activités lorsque le bébé, l’enfant ou l’adolescent est séparé de sa (ou ses) figure(s) principale(s) d’attachement. Les réactions de l’enfant à la séparation et à la réunion avec le parent sont naturellement illustratives de la qualité du lien d’attachement parent-enfant »20.

Bowlby raconte des histoires déchirantes d’enfants qui, après une séparation prolongée, restaient poliment à l’écart des parents, qui leur avaient tant manqué, ou même qui ne les reconnaissaient pas. Reconstruire la relation est un processus douloureux, car l’enfant retrace ses étapes émotionnelles à travers le chagrin et le désespoir de la colère et de l’indignation, restant souvent collant et précaire pendant une période prolongée et vulnérable à une nouvelle séparation à plus long terme.

Bowlby a constaté qu’un certain degré de détachement se produit lorsqu’un enfant est séparé de sa figure d’attache principale pendant une semaine ou plus en cette période critique, bien que le degré et la réversibilité du détachement varient en fonction de la qualité des soins de substitution et de la situation Si un enfant subit une série de séparations par rapport aux figures d’attachement, en particulier pendant les premières années vulnérables, sa capacité de relation peut être en permanence retardée. L’enfant qui n’a pas de figure maternelle constante, ou qui est déplacé à plusieurs reprises dans différents contextes, se détache de toute relation. Il investit dans les choses plutôt que dans les gens – des bonbons, des jouets et de l’argent – et cesse de faire la différence entre ceux qui prennent soin de lui.

  1. La séparation chez l’enfant

Un élément central de la théorie de l’attachement est la notion selon laquelle les soignants doivent être présents et accessibles pour que leurs enfants s’y attachent. Avant de mettre l’accent sur les différences individuelles dans les attachements tout au long de la vie, Bowlby était préoccupé par le bien-être des enfants qui ont connu des séparations de leurs mères (Kobak et Madsen, 2008). Ses premiers travaux ont montré que des séparations aussi brèves qu’une semaine pouvaient avoir un impact négatif sur la qualité de la relation entre la mère et l’enfant (Bowlby, 1969/1982). Depuis ce temps, cependant, très peu de recherches ont examiné l’impact des séparations comme un marqueur potentiel des perturbations dans les relations d’attachement, et pourtant la séparation précoce des mères et des enfants a des effets sur la parentalité maternelle et le développement ultérieur de l’enfant.

Selon la théorie de l’attachement, un attachement sécurisé est dérivé de l’évaluation par l’enfant de la disponibilité de sa mère (ou de toute autre figure d’attachement). La disponibilité implique que la mère soit physiquement accessible à l’enfant. Bowlby a fait référence au manque d’accessibilité comme séparation ou perte, selon qu’il s’agissait d’une situation temporaire ou permanente (Bowlby, 1973). Alors que Bowlby a souligné l’importance de l’accessibilité physique de la mère, Ainsworth a clarifié deux autres aspects de la disponibilité qui sont importants pour l’attachement du nourrisson.

Premièrement, l’enfant doit développer une croyance que les lignes de communication avec sa mère sont ouvertes, et deuxièmement, l’enfant doit croire que sa mère répondra si elle est appelée à l’aide (Ainsworth, 1990; Kobak&Madsen, 2008). ).

À mesure que les enfants attachés solidement vieillissent, ils sont mieux en mesure de tolérer la distance physique de leur mère parce qu’ils peuvent encore être en mesure de communiquer avec elle et parce qu’ils prévoient d’être réconfortés lors des retrouvailles. Dans la présente étude, nous nous intéressons principalement aux liens entre l’accessibilité physique, la réactivité maternelle et les résultats chez l’enfant. Plus précisément, nous nous demandons si les perturbations précoces de l’accessibilité physique (séparation mère-enfant au cours des deux premières années de la vie) sont associées à la sensibilité maternelle et au développement socio-affectif et langagier de l’enfant.

La disponibilité maternelle est particulièrement importante au cours des deux premières années de la vie en raison de la compréhension limitée du nourrisson des raisons de l’absence maternelle et du moment de son retour. En conséquence, les expériences de séparation peuvent être particulièrement saillantes. Même ceux qui durent aussi peu que quelques heures peuvent causer de la détresse. À la troisième ou quatrième année de la vie, l’enfant comprend de plus en plus que sa mère a des motifs et des projets qui lui sont propres et que leur relation se transforme en un «partenariat corrigé» (Bowlby, 1969/1982). Les lignes ouvertes de communication entre la mère et l’enfant permettent ainsi à l’enfant de percevoir la continuité de sa relation malgré de brèves absences. Par conséquent, l’anxiété de séparation diminue généralement de façon marquée (Kobak, Cassidy, Lyons-Ruth et Ziv, 2006, Kobak et Madsen, 2008).

Nous nous concentrons ici sur le rôle parental sensible et émotionnel des mères, car ces comportements sont systématiquement associés à un attachement sécuritaire entre les parents et les enfants (DeWolff et van IJzendoorn, 1997). La recherche sur les interventions d’attachement a également démontré l’importance des comportements maternels réactifs pour favoriser la sécurité de l’enfant et a montré qu’aider les mères à améliorer leur réceptivité envers leur enfant peut augmenter la sécurité de l’attachement de l’enfant (voir Berlin, Zeanah et Lieberman, 2008).

Des recherches antérieures sur des échantillons cliniques ont indiqué qu’une séparation précoce des soignants peut avoir des effets néfastes sur le bien-être des enfants (Bowlby, 1969/1982, 1973, Rutter, 1987). En particulier, les enfants élevés dans des institutions ayant peu d’opportunités d’interaction avec des adultes chaleureux et réactifs ont montré de graves problèmes de développement socio-émotionnel (Tizard et Hodges, 1978, Zeanah et al., 2005). De même, la recherche sur les effets du placement en famille d’accueil a montré que les enfants maltraités placés en famille d’accueil présentent souvent des comportements problématiques plus élevés que les enfants qui n’ont pas été retirés de leurs parents, en particulier si ces derniers ne sont pas familiers avec l’enfant. L’explication la plus courante de ces résultats est que les perturbations de l’attachement parent-enfant sont si troublantes pour les enfants, même ceux qui ont été maltraités par leurs parents, qu’ils entraînent des résultats socio-émotionnels négatifs allant de légers à graves (Lawrence, Carlson, &Egeland, 2006).

La séparation précoce a également été explicitement liée à un attachement insécurisant / désorganisé et à des problèmes de santé mentale subséquents. Dans une étude portant sur les enfants d’âge préscolaire canadiens-français, ceux qui ont abandonné l’attachement sécuritaire à un attachement insécurisant / désorganisé étaient plus susceptibles d’avoir perdu un parent ou un grand-parent ou subi une hospitalisation parentale entre Moss, Cyr, Bureau, Tarabulsy ,& Dubois-Comtois, 2005).

De plus, des séparations prolongées d’un mois ou plus avant l’âge de cinq ans ont été associées à une augmentation des symptômes du trouble de la personnalité limite à l’adolescence et à l’âge adulte (Crawford, Cohen, Chen, Anglin et Ehrensaft, 2009).

En plus des implications que les séparations ont pour l’attachement enfant-mère, les séparations peuvent également être considérées comme un indicateur de l’instabilité familiale. Un enfant qui vit une séparation avec sa mère tôt dans sa vie peut connaître de l’instabilité et du chaos dans d’autres aspects de son environnement familial. Le désordre, tant en termes de routines familiales que de dimensions physiques d’une maison (comme l’encombrement, le bruit et le surpeuplement), est associé à une détresse émotionnelle et à un fonctionnement cognitif plus faible chez les jeunes enfants (voir Brooks-Gunn, Johnson et Leventhal 2010, Evans, 2006). Il semble que les enfants vivant dans des environnements plus prévisibles (c’est-à-dire réglementés) soient mieux à même de s’autoréguler, ce qui a des répercussions positives sur les compétences socio-affectives et académiques (Evans, 2006). Dans ce contexte, une séparation précoce des mères peut être vécue comme une perturbation imprévue de la routine familiale normale. Il peut également signaler un ménage chroniquement sujet au chaos.

Les changements dans la composition d’un ménage menacent également la prévisibilité des environnements familiaux des enfants, en particulier lorsqu’ils provoquent des séparations entre les enfants et les parents. La littérature actuelle sur la stabilité familiale illustre les associations entre les séparations parent-enfant et les résultats négatifs pour les enfants et les adolescents (Adam, 2004). Par exemple, Adam et Chase-Lansdale (2002) ont examiné l’effet de la perturbation de la famille, matérialisée par une séparation parentale ou un déménagement, sur l’adaptation des adolescents à faible revenu. La séparation parentale a été définie comme une séparation résidentielle d’un parent ou d’un parent, que le parent ou l’adolescent ait quitté la maison ou non. Comme supposé, un plus grand nombre de perturbations était positivement lié aux problèmes d’adaptation des adolescents. En particulier, la séparation des parents était liée à l’initiation précoce de rapports sexuels et à des problèmes d’éducation et d’extériorisation. De plus, bien que la séparation mère-enfant et père-enfant soit liée à des résultats négatifs, les prédictions de la séparation mère-enfant étaient particulièrement solides dans plusieurs domaines (Adam et Chase-Lansdale, 2002).

D’autres recherches ont identifié des liens entre l’instabilité familiale et les problèmes de comportement des enfants. Par exemple, Ackerman et al. (1999) ont trouvé des associations entre l’instabilité familiale et les problèmes de comportement d’extériorisation lors de l’indexation de l’instabilité avec un certain nombre d’indicateurs, y compris les changements dans les relations parentales intimes et les changements de résidence. De plus, d’autres recherches ont révélé que l’instabilité – particulièrement dans la structure familiale – est plus fréquente chez les familles à faible revenu et les familles minoritaires (par rapport aux familles à revenu plus élevé et aux familles blanches, Ellwood et Jencks, 2004). De même, Morrissey (2009) a démontré que l’instabilité en termes de structures de garde multiples a été liée à des problèmes de comportement, en particulier chez les filles.

Des environnements familiaux instables ont également été associés à des pratiques parentales moins sensibles et moins réactives et à des résultats négatifs chez les enfants dans plusieurs domaines (Guanjo et Lee, 2006, Taylor, 2005). Par exemple, Osborne et McLanahan (2007) ont constaté que le maternage de mauvaise qualité influait sur le lien entre l’instabilité (telle que définie par le nombre de transitions amoureuses de la mère) et les problèmes d’intériorisation et d’extériorisation des enfants à l’âge de 3 ans. Comme de nombreux effets négatifs associés au chaos et l’instabilité dans le système familial sont associées à un faible niveau d’éducation, de pauvreté et de statut de race / ethnicité minoritaire, qui prédisent une parentalité sous-optimale et les résultats des enfants, il est crucial que les contrôles des caractéristiques familiales soient inclus dans les analyses de l’instabilité familiale, le rôle parental et les résultats des enfants.

  1. La séparation et l’intérêt supérieur de l’enfant

Il est à rappeler que ce que recouvrent les droits des parents, ce n’est pas un droit de propriété sur leur enfant, mais davantage un droit, assorti de devoirs, lié à la possession de l’autorité parentale.  Il peut arriver que les parents usent de leur autorité d’une manière peu appropriée, soit en manquant à leurs devoirs, en ne prodiguant pas les soins nécessaires à l’enfant. Soit en se rendant coupables de violences envers leurs enfants : violences physiques ou morales.

Ainsi, dans le cas de violences conjugales, la perte grave du respect de l’autre au sein du couple induit inéluctablement une souffrance de l’enfant. Ce dernier est souvent le témoin oculaire et auditif de la violence de l’un de ses parents. Dans le plus grand silence, il voit, entend et observe. Parfois, il subit. Du statut de témoin à celui de victime, l’enfant directement exposé à un conflit parental dangereux doit alors, de manière urgente, bénéficier d’une protection juridique spécifique et durable. Son développement émotionnel et intellectuel ainsi que son évolution sociale en dépendent. Les mesures de placement font partie de cette protection

Dans ce genre de cas, c’est donc l’intérêt supérieur et sa protection qui détermine la mesure de placement. Dans la majorité des cas, ce sont les autorités en la matière qui décident du placement. Mais il arrive également que ce soit l’enfant lui-même qui demande à être placé.

  1. Le lien et la séparation dans le placement familial

La nécessité de maintenir ou d’encourager «l’attachement» entre un enfant et son ou ses parents, généralement la mère, est souvent citée comme une raison pour des contacts plus fréquents. Cependant, à la fois le concept d’attachement et la preuve que le contact face-à-face fréquent favorise l’attachement ne sont pas faciles à établir.

  1. Quel lien ?

L’attachement est défini comme le lien émotionnel qui se développe entre un nourrisson et un soignant primaire (Bowlby, 1982, cité dans NSW Department of Health, 2003) et agit comme un modèle pour le développement de futures relations. Selon la «théorie de l’attachement», le fait d’obliger les enfants à rompre des relations établies pourrait nuire à leur capacité de nouer de nouvelles relations (Fratter, Rowe, Sapsford et Thoburn, 1991, Barth et Berry, 1988, Borland, O’Hara et Triseliotis, 1991). dans Neil & Howe, 2004: 2). Cette hypothèse exige que les enfants placés en famille d’accueil, qui ont une relation établie avec leur (s) parent (s) de naissance, doivent maintenir cette relation

Cependant, le concept d ‘«attachement» est complexe, avec des désaccords persistants dans la littérature sur ses hypothèses et définitions fondamentales (Bakermans-Kranenburg, van IJzendoorn&Juffer, 2003). En conséquence, le concept d ‘«attachement» n’est pas toujours bien compris par ceux qui l’utilisent dans le domaine du bien-être de l’enfance. Harris et Lindsey (2002), dans leur petite étude sur les professionnels impliqués dans la formulation de recommandations sur le contact, ont trouvé que le terme «attachement» créait beaucoup de confusion et «suscitait un sentiment de rigueur scientifique sur cet aspect de l’évaluation». , ce qui peut ne pas être le cas »(Harris et Lindsey, 2002: 156). De même, Lucey, Sturge, Fellow-Smith et Reder (2003: 277) font remarquer que «les lettres d’instructions des avocats demandent souvent aux professionnels de la santé mentale d’évaluer l’attachement d’un enfant à leur parent quand on se réfère à la proximité de la relation entre eux en général et au sentiment de confiance et de sécurité de l’enfant.

L’attachement est un concept important mais devrait être réservé à cet aspect de la parentalité précoce qui fournit à l’enfant une base sûre et une opportunité de proximité lorsqu’il est menacé »(Howe, Brandon, Hinings&Schofield, 1999).

Il existe de nombreuses preuves que les enfants ayant subi des formes de maltraitance sont beaucoup plus susceptibles de présenter des schémas d’attachement insécurisés, en particulier des attachements désorientés ou désorganisés (van IJzendoorn, Schuengel&Bakermans-Kranenburg, 1999).

L’attachement désorganisé est fréquent chez les enfants dont les soignants sont physiquement et / ou sexuellement abusifs, gravement négligents, dépendants à l’alcool et / ou à des drogues, dépressifs, perturbés par des sentiments de perte et / ou de traumatismes non résolus, victimes de violence domestique ou toute combinaison de ceux-ci. Dans les environnements de soins générés par ces parents, les enfants ne peuvent trouver aucune stratégie qui leur permette de se sentir en sécurité ou de réguler leurs états émotionnellement hyper-éveillés. De plus, les enfants dans de telles relations parent-enfant ont du mal à développer un sens intégré de soi (Howe &Fearnley, 2003: 373).

Ces enfants cherchent souvent à contrôler et non à être contrôlés. Souvent, dès leur plus jeune âge, ils deviennent autoritaires, agressifs, violents, auto-agressifs, en danger de mort, craintifs, impuissants, tristes et extrêmement difficiles à soigner, que ce soit par leurs parents ou de nouveaux aidants (Howe &Fearnley, 2003: 374). Nous avons évoqué le cas de Lassana. La relation d’attachement elle-même est souvent la cause directe du comportement des enfants, qui, si elle n’est pas réparée par le soignant, entraîne des conséquences néfastes sur le développement (Howe &Fearnley, 2003: 377).

Les enfants en situation de placement familial courent un risque accru de développer un certain nombre de déficiences développementales (Howe &Fearnley, 2003). Cependant, le risque ne doit pas être assimilé à une prédiction. Pour les enfants placés sous l’autorité de la mère (normalement entre six et six mois), les risques de troubles du développement demeurent faibles et se limitent en grande partie aux problèmes liés aux mauvaises relations avec les pairs plus tard dans l’enfance et l’adolescence (Fergusson Linskey et Horwood, 1995). &Fearnley, 2003).

Cependant, malgré les difficultés, il ne faut pas oublier que la réunification avec les parents est l’objectif de la majorité des enfants en situation de placement familial. Lorsque les enfants sont retirés de leur foyer et placés en centre d’accueil, la visite parentale est considérée comme la principale intervention pour maintenir la relation parent-enfant (Mallon et Leashoer, 2002).

Le but étant toujours de maintenir le lien parent-enfant, car le placement familial est presque toujours un arrachement insupportable, sans doute l’une des décisions judiciaires les plus graves, quels que soient les démérites des titulaires de l’autorité parentale. On croira peut-être que le placement « volontaire » de l’enfant auprès des services de l’ASE, ou encore le placement hospitalier, sont moins blessants pour les père et mère. Ce n’est pas sûr. En assistance éducative, qu’elle soit préventive, médicale ou judiciaire, toute mesure est une menace : l’action éducative est acceptée, même dans ses aspects contractuels, parce que le pire (le placement judiciaire long) est à craindre.

  1. L’implication des parents dans le processus de placement

Les parents doivent être impliqués dans le placement. En effet, l’objectif du placement est le retour en famille, et il est évidement, dans cette optique que le placement n’a pas de sens s’il n’y pas de travail avec les parents. L’intervention sociale, surtout dans le cas d’un placement, est par essence une « ingérence, un accroc au lien institué entre parents et enfant. D’autres adultes sont habilités pour décider à la place et parfois contre l’avis des parents. Cette violence faite à l’autorité parentale et à la façon dont elle s’exerce au quotidien est largement reconnue par les professionnels.

L’effort pour restaurer, maintenir ou susciter le lien parent-enfant ne relève pas seulement d’un déni de la souffrance de l’enfant en leur présence, mais correspond au désir de faire taire la souffrance de ce dernier confrontée à la séparation »21.

Et c’est pour cette raison que les actions des professionnels comme leurs discours  doivent inclure les parents, ne pas les oublier. De servir de passerelle entre l’enfant placé et ses parents, de favoriser le maintien du lien.

Il faut donc aussi, dans une certaine mesure une adhésion des parents. Les professionnels eux-mêmes le reconnaissent :  « On leur demande beaucoup à ces gens : d’être d’accord avec le placement, d’être présents au moment où la séparation se matérialise, d’être polis et d’accord avec ce qui leur est dit. »22.

Il faut donc instaurer une collaboration réelle avec les parents, il faut les impliquer de manière plus poussée dans la mesure afin qu’ils en comprennent le sens et cela dans l’intérêt de leur enfant.

Cette collaboration peut cependant être mise à mal par le comportement de coopération « de façade » de certains parents, qui peut aboutir par la suite à une démission du projet, ce qui rejaillit directement sur le comportement de l’enfant.

Le recueil de donnée sur le terrain : l’enquête exploratoire auprès du public

Pour recueillir les données dans le cadre de ce travail, j’ai choisi d’opter pour la méthode de l’observation. « Observer est un processus incluant l’attention volontaire et l’intelligence, orienté par un objectif terminal ou organisateur et dirigé sur un objet pour en recueillir des informations » (Ketele, 1991).

C’est pour ces raisons que j’ai opté pour cette méthode. Elle présente l’avantage de me permettre de recueillir de manière plus complète toutes les informations, verbales et sur les comportements non verbaux des sujet. La méthode est d’autant plus pertinente que je suis engagée de manière personnelle auprès des acteurs que je veux étudier.

Comme je suis en doublure sur la référence des deux situations présentées plus haut, je suis en contact direct avec les enquêtés (les parents et les enfants), je suis au plus proche et en même temps à l’écart du fait de mon statut de stagiaire auprès des parents et leurs enfants. Ce qui constitue une position privilégiée pour effectuer une observation.

Avant d’organiser les visites médiatisées, le travail de l’éducateur spécialisé consiste tout d’abord en l’organisation de rencontres préalables avec les parents. Il s’agit alors de faire connaissance avec le parent, de comprendre ses motivations, son état psychique ainsi que la place qu’il accorde à son enfant, la compréhension de la visite médiatisée et son ressenti envers elle, ses attentes.

Ces rencontres préalables constituent une étape importante dans l’observation dans la mesure où elle permet, grâce aux questions posées, de recueillir des informations et sa demande. Et également de comprendre ses propres représentations sur les éducateurs. La mesure de placement étant toujours douloureuse, et engendrant toujours des souffrances, il est parfaitement naturel que les parents privés au quotidien de leurs enfants et atteints dans leur parentalité aient des à priori envers les éducateurs. Il n’est pas rare dans les situations qui se sont déjà présenté sur mon lieu de stage de voir des parents réticents à travailler avec nous et nous signifier « vous allez mal me juger », « je n’ai pas besoin de vous ». On peut également constater des attitudes non coopérantes une façon de se protéger ou de se défendre. Dans le cas de Warren par exemple, la maman était toujours en train de téléphoner lors des premières visites, comme une façon de s’absenter de cette visite imposée.

Vient ensuite l’étude des attentes propres des enfants, de leurs désirs, de leurs préoccupations. Dans les deux situations que j’ai présentées, les enfants ont manifesté le désir de réintégrer le foyer familial.

Après analyses de mes données, résultant des observations basées sur des données concrètes et de mes propres enquêtes ou de celle de mes collègues engagés sur les mêmes dossiers, j’ai pu établir que la difficulté principale des parents est de ne plus avoir de l’autorité sur les enfants, de les voir s’éloigner et se réfugier auprès des éducateurs et de ne plus pouvoir les atteindre émotionnellement. C’est le cas notamment de Mr KHALIL qui se préoccupe des voir ses enfants déjouer son autorité notamment en refusant de faire leurs devoirs.

Emergence de l’hypothèse d’action

En mettant en place des rencontres et/ou visites ludiques et ponctuées de jeux et de fêtes, j’espère pouvoir rétablir ou reconstruire un lien entre les parents et leurs enfants.

Des rencontres trop sérieuses et ennuyeuses risquent en effet de pousser les enfants à « rigidifier » leurs attitudes avec les parents ce qui ne permet pas d’avoir un environnement propice pour rétablir les liens.

C’est donc éclairé par toutes ces informations que j’ai commencé à penser au projet.

PARTIE IV : LE PROJET

Introduction :

« Le projet traduit alors la capacité de l’homme à devenir ce qu’il peut être en fonction de sa liberté. Le projet se fera dévoilement de l’homme au mieux de l’être de l’homme. « Comprendre, écrit Heidegger, signifie se projeter en visant une possibilité et, à travers le projet, se tenir à chaque fois dans la possibilité »23. Mais le projet peut aussi être considéré comme « une méthodologie de l’anticipation à savoir une ontologie du non-être encore qui va donner crédit à l’utopie et aux projets de société. »24.

Le projet c’est ce qui permet d’avancer, il est ainsi au centre de la vie d’un individu.

Afin de mener à bien les mesures d’assistances, il est donc important d’établir un projet sérieux dès le début du placement, et cela afin de répondre au mieux aux besoins de l’enfant placé et de mettre en place une collaboration efficace avec les parents, en tenant également compte de leurs attentes concernant leur enfant.

Et pour ce faire il est important de bien cerner les besoins des cibles, des usagers. De connaître les souhaits des enfants et l’attente des parents. Pour les enfants Selma et Lina avaient manifesté l’envie de rentrer à la maison. Elles se sont montrées ravies de retourner dans leur maison dans le cadres de visites organisées dans ce sens, de retrouver leur petit frère, de découvrir des cadeaux. Pour Warren également, même si cela se manifestait surtout quand sa sœur Shannon venait en visite avec leur mère.

Pour les parents, les attentes concernaient de pouvoir construire ou reconstruire un lien avec leurs enfants.

Pour les aider à satisfaire leurs besoins, j’ai donc construit une hypothèse de travail concernant l’organisation de rencontres et/ou visites et ludiques afin de faciliter le dialogue entre les parents et les enfants.

La présentation générale du projet :

Pour lutter contre les effets délétères de la séparation, les auteurs s’accordent alors pour prôner le maintien des liens. Mais quelques voix dissonantes se font également entendre, pour une restriction des contacts. Ces derniers, à partir de résultats d’études, notent que les contacts fréquents avec les parents sont en lien avec le développement d’un attachement évitant chez l’enfant (Egeland et Sroufe, 1981 ; Crittenden 1988 ; Wekerle et Wolfe 1998 ; Mc Wey 2004). Il conviendrait donc de limiter les temps de retrouvailles, mais de la restriction à la rupture des liens, il n’y a qu’un pas. Ce pas est parfois franchi par le pédopsychiatre Maurice Berger dont le livre L’échec de la protection de l’enfance (2003) témoigne. Maurice Berger développe dès 1992, une critique constante de ce qu’il appelle l’idéologie du lien. Sacrifié au profit de l’identification au parent, l’enfant serait le grand oublié de la protection de l’enfance. Selon l’auteur, quatre obstacles empêchent les intervenants de renoncer à l’application du droit de visite : la crainte d’une décompensation psychique des parents ; la crainte d’une nouvelle grossesse compensant la rupture des liens avec l’enfant placé ; la mégalomanie thérapeutique ; le mythe des racines. La dangerosité psychique du parent, les effets traumatiques de la rencontre pour l’enfant, sont largement décrits à partir de situations cliniques, pour appuyer la thèse de l’arrêt des visites. Viennent à l’appui de ces arguments des constats concernant l’immobilisme de certaines situations. Maurice Berger note qu’il convient « d’accepter que certaines incapacités éducatives sont définitives, même si elles ne s’expriment pas de la même manière avec les différents enfants d’une famille » (p 33, 1992). Si choquante qu’elle puisse paraître, Maurice Berger milite pour la reconnaissance de « l’idée d’incompétence éducative définitive, d’incurabilité » (p 36, 1992). En 2003, le livre l’échec de la protection de l’enfance, tout en définissant un protocole d’observation des visites médiatisées, revient sur la « violence de la contamination » présente lors de certaines rencontres et sur les risques psychiques encourus par l’enfant. Faute de supprimer ces visites jugées souvent nocives, Maurice Berger élabore un protocole rigoureux de contrôle de la relation. Notons qu’il s’agit de parents psychotiques et que l’adaptation de ce cadre à d’autres problématiques parentales ne peut se faire sans élaboration. Dans le champ sensible des amours et du désamour, des affects et des affections, la subjectivité et les prises de position idéologiques ont la part belle. Dans une société fragilisée sur le plan de la permanence des ancrages affectifs, la question du maintien des liens devient un enjeu crucial de ce siècle. L’organisation concrète de ce maintien des liens pose tout autant problème.

Mais elle n’est pour autant pas irréalisable. Et la visite médiatisée a justement été créée pour aider et encadrer le maintien de ce lien. «  visite médiatisée est un dispositif autorisant la rencontre entre parent(s) et enfant(s), séparées par décision judiciaire, n’ayant pas le droit donc de se rencontrer en dehors d’un cadre dont les modalités et le fonctionnement sont garantis par des professionnels désignés. Elle procède d’une reconnaissance de l’intérêt d’une mise en contact dans un espace institutionnel en dépit des risques qu’une telle démarche comporte (séduction de l’enfant, exposition à la non-continuité, risque de passage à l’acte…) » (K. Boudarse, 2011).

Mon projet est donc né après la constatation des difficultés et des douleurs que vivent les enfants ainsi que les parents dans le cadre d’un placement. Le choix du projet a été fait de telle sorte qu’il s’inscrive dans les projets de l’institution où je travaille dans la réalisation de ses missions qui sont avant toute chose la protection des mineurs.  L’ASE a pour mission de « mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs [en danger] » (article. l. 221-1 al.1 3° code de l’action sociale et des familles). Et de fournir tous les moyens nécessaire pour permettre de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant ( article L. 221-1 al.1 4° Code de l’Action Sociale et des Familles).

La conception du projet

Le projet a été conçu de telle sorte qu’il puisse favoriser le rétablissement ou la construction d’un lien sain et bénéfique pour l’enfant entre ses parents et lui.

Le but étant de permettre aux usagers de retrouver une autorité parentale qui soit bénéfique aux intérêts supérieurs de l’enfant.

Le principal objectif du projet est le maintien du lien ou le retissage du lien ou renouer les liens. La visite est alors organisée dans un espace rencontre, et on ne peut pas parler de façon stricte de visite médiatisée car c’est une médiation. Cette rencontre avec son enfant est un dispositif pour garder la relation parent enfant, ici le parent est reconnu pour ses compétences parentales. Il s’agit alors de les accompagner dans leurs relations avec les enfants : la visite médiatisée dans une structure de médiation familiale a en effet pour but de re-favoriser un lien mère-enfant et père-enfant plus adapté (cas enfants Khalil) et une ré-implication de la mère (cas Warren). Et le but ultime étant la réunification avec la famille. Lorsque les parents, à raison, mais aussi bien souvent à tort, sont séparés de leurs enfants sans avoir perdu leurs droits parentaux, ils conservent un droit de visite dit « médiatisé », c’est-à-dire qu’ils peuvent rencontrer leurs enfants à l’extérieur de leur domicile et en présence de travailleurs sociaux. C’est donc se que j’ai organisé au sein de l’aide sociale à l’enfance avec les parents et les enfants des deux situations citées plus haut. La mise en œuvre du projet est toujours délicate. En effet, « Partager l’éducation d’un enfant dont le développement s’avère problématique est source de conflictualité. Occasion d’un rapport de coopération, voire d’entraide, c’est en même temps une situation porteuse de rivalité, constitutive d’un rapport inégalitaire. En effet, l’un des acteurs (le parent) est en difficulté, au moins temporaire et/ou partielle, tandis que l’autre (le professionnel) est en position de spécialiste du problème rencontré, […]. La configuration est en soi génératrice de clivage : d’un côté, un parent défaillant, démuni, en souffrance ; de l’autre, un professionnel sollicité pour apporter un mieux. Il faut un effort de raison, une pondération des affects et une capacité d’analyse pour échapper à ces inscriptions respectives. »25.

  1. Dans la reconnaissance des difficultés

Le rôle le plus important de l’éducateur spécialisé est l’accompagnement des parents dans la reconnaissance de la difficulté. En effet, le placement est souvent vécu comme un traumatisme à tel point que le parent se trouve alors dans le déni de de l’inadéquation de son éducation.

Ainsi dans le cas des enfants Khalil, le père s’est montré incapable de comprendre cette inadéquation et les comportements en réaction de ses filles.

Bertrand DUBREUIL explique que : «  Il ne suffit pas en l’occurrence que les parents reconnaissent formellement les événements qui ont motivé le placement. Ces événements sont en général trop identifiés pour pouvoir être niés. Pour autant, les parents peuvent continuer d’en attribuer la responsabilité à leur enfant, au conjoint, à d’autres membres de la famille. En la matière, Françoise Dolto distingue utilement culpabilité et responsabilité : la personne à l’origine d’une carence grave ou d’une maltraitance n’est pas en mesure de se reconnaître responsable de son acte parce qu’elle est prisonnière d’une histoire coupable. »26

  1. Dans le maintien/la reconstruction des liens

Toutes ces démarches ont donc été réalisées dans le but de reconstruire et de maintenir les liens entre les parents et les enfants.

Pour aider à soulager certaines des difficultés associées au contact, nous devons (les travailleurs sociaux) :

  • examiner l’objet des arrangements de contact pour chaque enfant
  • influencer la fréquence, la qualité et la sécurité du contact
  • établir les souhaits et les sentiments de l’enfant, des parents et des autres personnes importantes
  • fournir un soutien approprié à l’enfant, à la famille et aux aidants
  • Discuter régulièrement des effets du contact avec les autres personnes impliquées dans l’accompagnement
  • examiner les arrangements de contact sur une base régulière
  • faciliter les contacts avec d’autres parents, tels que les grands-parents, car ils peuvent être une source de stabilité et de continuité et peuvent aider à contrer les relations difficiles avec les parents. (Moyers et al., 2006, Sen et Broadhurst, 2011).

Dans les deux cas, nous avons eu quelques difficultés à travailler avec les parents au début des visites médicalisées. Dans le cas des enfants Khalil, Monsieur n’ayant pas vraiment compris les motifs du placement puisqu’il les a attribués à l’école, il s’est montré assez réticent à notre projet. Lors des entretiens, il s’est montré ému, sensible et oppressé par les conditions de l’entretien.

Pour la mère de Warren, elle n’était pas vraiment réceptive à notre méthode, elle semblait, elle aussi, oppressée par l’angoisse d’être mal jugé et non reconnu dans sa qualité de bonne mère. Durant les premières visites, Madame restait très souvent au téléphone lors des premières visites, nous laissant alors remplir le vide auprès de son fils. Mais peu à peu, elle s’intéresse enfin à son fils, nous permettant, à mon équipe et moi, de rester à nouveau en retrait quasi détachés des interactions se déroulant en notre présence. En nous détendant, nous nous sommes départis de notre positionnement ordinaire (éducatrice plutôt proche de l’enfant) et nous observons sans intervenir.

Au fur et à mesure des visites donc, nous avons réussi à établir une relation de confiance avec les parents, ce qui les a poussés à être plus actifs, et à ne plus être méfiant envers nous. Et qui leur a au final permis d’avoir un comportement normalisé envers leurs enfants sans que nous ayons plus à les reprendre Ainsi, par exemple, pour le cas des enfants Khalil, au début Monsieur donnait surtout des instructions à ses filles et plus particulièrement à Selma « tu te souviens ce que j’ai dit ? Tu fais ce que j’ai dit ». Mais au fur et à mesure des visites, Monsieur a commencé à échanger avec elles et non plus à donner des instructions.

Pour Warren, Madame s’est montrée distante au début, il ne me semble pas aventureux de penser qu’en étant en état de grande souffrance à cause du placement, et dont elle tentait de se protéger en gardant une distance avec son fils. Mais au fur et à mesure des visites, il a été possible de constater des liens qui se sont peu à peu tissés entre Warren et sa mère.

Nous avons donc pu, grâce à ces progrès, organiser pour les deux situations des temps de gouter, ainsi qu’une fête d’anniversaire. Nous avons également organisé plus de rencontres de fratrie avec les enfants Khalil et leur nouveau petit frère.

Le bilan de ces rencontres a été positif pour Warren et sa maman : Madame prenait de plus en plus facilement son fils dans ses bras, et Warren se montrait de moins en moins agressif lors des séparations même quand sa sœur se joignait à la visite.

Pour les enfants Khalil, le bilan est plus mitigé, en effet, si les relations semblent s’améliorer entre le père et les enfants, elle ne semblait pas avoir évolué et stagnait.

D’après mon observation à l’ASE, développer des stratégies pour conclure des visites peut être très difficile pour les parents pour un certain nombre de raisons. Premièrement, l’expérience de stress et de traumatisme des parents due à leur séparation forcée de leurs enfants peut affecter leur niveau d’énergie, leur disponibilité émotionnelle pour l’enfant et leur capacité à collaborer avec d’autres adultes pendant les visites. Les parents ont fait état de souffrances émotionnelles, de chagrin, de dépression, de traumatisme (Jenkins et Norman, 1975, Haight et al., 2002), de rage, de peur et d’impuissance (Diorio, 1992, Haight et al. participation aux systèmes publics de protection de l’enfance. Ils signalent également que de tels sentiments affectent la qualité des visites (Haight et al., 2002).

C’est dans ces moment très compliqué que le rôle de l’éducateur spécialisé est le plus important.

Evaluation et limites de l’accompagnement des parents et enfants sur le maintien de leur lien :

L’évaluation est une étape finale et obligatoire de tout projet. Joseph ROUZEL cite : « Le mot « évaluation » est de la même famille que « valeur ». C’est le moment où l’on dégage la valeur de ce qui a été réalisé. Bien entendu, cette étape n’est pas à bâcler, puisqu’elle permet à chacun de prendre conscience de son inscription dans le projet. Que ce soit en termes d’échec ou de réussite, ce qui dans les projets éducatifs n’est pas le plus important, puisque ce qui est mesuré par l’évaluation, c’est le mode de participation de chacun, son investissement subjectif et ce qu’il en retire dans sa vie. »27

L’évaluation permet de mesurer l’apport de ce projet dans la vie des différents acteurs qui y ont participé.

Je conçois que l’évaluation est une étape indispensable du projet dans la mesure où elle permet de recueillir les avis, et de permettre un premier bilan de l’action menée. L’évaluation débouche sur une remise en question du projet et de ses conséquences sur les participants au projet. Aussi, il est intéressant, quand cela est possible, de pouvoir faire des évaluations intermédiaires afin d’adapter le projet en cas d’incohérence ou de difficulté rencontrée.

Conclusion

Quand un enfant est retiré à ses parents pour être placé, il subit inévitablement un traumatisme, au même titre que les parents. Quelle que soit la bénignité de l’institution d’accueil, ou de la famille d’accueil, l’enfant et ses parents biologiques réagissent et subissent profondément la rupture de leurs liens familiaux mutuels. Par définition, le placement est destiné à fournir des soins temporaires à l’enfant lorsque sa famille biologique est incapable de prendre soin de lui de manière adéquate.

Il n’est pas du tout rare que les liens de l’enfant avec sa famille biologique soient fragmentés, rompus ou même rompus après qu’il ait été placé en famille d’accueil. Cependant, il faut guérir de telles ruptures dans la continuité familiale par des visites périodiques; réunions familiales ; encourager les discussions et notamment sur les nouvelles de la famille et même les généalogies familiales.

Et pourtant l’un des principaux objectifs du système de placement en famille d’accueil est de réunir les enfants en famille d’accueil avec leurs parents biologiques. Garder les enfants en famille d’accueil en contact avec leurs parents biologiques, par le biais de visites et d’autres formes de contact, est essentiel pour la réunification, car cela aide à rétablir et à maintenir les liens familiaux pendant le placement hors domicile. Le contact parent-enfant peut également améliorer le bien-être de l’enfant pendant son placement.

La visite entre les enfants en placement et leurs parents est considérée comme la principale intervention pour maintenir la relation parent-enfant (Mallon et Leashoer, 2002). Les recherches tendent à montrer que le contact avec les parents reste une très bonne chose pour l’enfant en situation de placement : le maintien des liens familiaux attenue en effet le sentiment de deuil lié à la séparation qui pourrait affecter l’enfant. Il aide également à accroître le sentiment de bien-être.

Durant ces rencontres organisées (toutes les semaines pour les deux situations), les éducateurs spécialisés sont amenés à jouer un rôle leader dans le processus de maintien des liens. C’est pour cela que j’ai été amenée moi-même à établir le projet pour influencer la qualité du contact par le biais d’après-midi gouter, ou de fêtes d’anniversaires.

Bien que les relations avec les parents se soient peu à peu améliorées au cours des différentes visites organisées, je dois cependant me rendre à l’évidence et accepter que le résultat des démarches opérées par l’éducateur spécialisé puisse ne pas être un succès.

Il est prétendu que le contact continu est bénéfique pour les enfants; elle aide à maintenir les liens familiaux, à atténuer les sentiments de deuil et à accroître le sentiment général de bien-être (Sanchirico et Jablonka, 2000). Cependant, il arrive souvent que les visites entraînent un comportement problématique des enfants.

Les problèmes d’internalisation et d’externalisation des enfants en placement sont documentés depuis longtemps, mais on en sait moins sur l’impact du contact continu entre les enfants placés et leurs parents. Comprendre l’impact du contact entre les enfants et leurs parents biologiques sur les problèmes d’internalisation et d’externalisation des enfants en placement est particulièrement important en raison du risque de conséquences graves à long terme de problèmes émotionnels et comportementaux soutenus.

Et c’est là que dans mon rôle d’éducateur spécialisé, je dois faire preuve d’empathie et de prudence pour décider si maintenir le lien est réellement possible et dans ce cas, je dois également veiller à soutenir les parents. A « soigner l’éducation par l’éducation ». Je dois prendre un rôle d’accompagnateur, ne pas montrer au parent que je me substitue à eux, mais plutôt que je travaille avec eux, dans la recherche de la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Bibliographie

Table of Contents

I. LES FAITS D’OBSERVATION A L’EXPERIMENTATION 1

1. La mesure de placement, une mesure dans l’intérêt supérieur de l’enfant 11

a. Le placement, mesure d’assistance éducative 13

b. Les mesures d’assistance éducative, l’autorité parentale et la parentalité 16

c. Le placement et la séparation 19

i. La théorie de l’attachement 20

ii. La séparation 25

iii. La séparation chez l’enfant 27

iv. La séparation et l’intérêt supérieur de l’enfant 31

2. Le lien et la séparation dans le placement familial 32

a. Quel lien ? 33

II. LE PROJET 38

1. Le projet pour l’enfant 39

2. L’accompagnement des parents 39

a. Dans la reconnaissance des difficultés 42

b. Dans la fonction éducative 45

c. Dans le maintien/la reconstruction des liens 45

3. Le lien de fratrie dans le placement familial 47

Bibliographie 53

1 Article 375 du code civil

2 Cité in Rouzel Joseph, « Du bon usage des parents », La lettre de l’enfance et de l’adolescence, 2001/4 (no46), p. 35-42. DOI : 10.3917/lett.046.42. URL : https://www.cairn.info/revue-lettre-de-l-enfance-et-de-l-adolescence-2001-4-page-35.htm

3August Aïchhorn, Jeunes en souffrance, publié en 1973 chez Privat éditions du Champ social en 1999.

4Rouzel Joseph, « Du bon usage des parents », La lettre de l’enfance et de l’adolescence, 2001/4 (no46), p. 35-42. DOI : 10.3917/lett.046.42. URL : https://www.cairn.info/revue-lettre-de-l-enfance-et-de-l-adolescence-2001-4-page-35.htm

5https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/outils/enfants-confies-enfants-places-defendre-et-promouvoir-leurs-droits

6JO 12 oct. 1990 ; V. égal. Rép. Internat

7J. CHAZAL, L’ordonnance du 23 décembre 1958 relative à la protection de l’enfance en danger, texte législatif de défense sociale, RSC 1959. 729 s.

8CEDH 26 févr. 2002, Kutzner c/ Allemagne, req. no 46544/99  , Europe 2002. Comm. 205, obs. N. Deffains

9Davidson, C. & Hamon, H. (2004). Autorité parentale dans la famille et autorité dans le cadre de l’assistance éducative : une histoire de respect. Dialogue, no 165,(3), 23-32. doi:10.3917/dia.165.0023.

10Loi n° 70-459 du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale, Version consolidée au 02 février 2018, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000693433 , consulté le 02/02/18.

11 Ibid.

12 Ibid.

13Hamon, H. (2002). Droit et parentalité. Dans Filiations à l’épreuve (pp. 79-93). Toulouse: ERES. doi:10.3917/eres.robin.2002.01.0079.

14Cadolle Sylvie, « Les mutations de l’autorité familiale », Les Sciences de l’éducation – Pour l’Ère nouvelle, 2009/3 (Vol. 42), p. 55-80. DOI : 10.3917/lsdle.423.0055. URL : https://www.cairn.info/revue-les-sciences-de-l-education-pour-l-ere-nouvelle-2009-3-page-55.htm

15Mellier Denis, Gratton Emmanuel, « Éditorial. La parentalité, un état des lieux », Dialogue, 2015/1 (n° 207), p. 7-18. DOI : 10.3917/dia.207.0007. URL : https://www.cairn.info/revue-dialogue-2015-1-page-7.htm

16 Ibid.

17

18https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01316388/document

19Wendland Jaqueline, Camon-Sénéchal Laurence, Khun-Franck Lyphea et al., « Troubles de l’angoisse de séparation et de l’attachement : un groupe thérapeutique parents-jeunes enfants », Devenir, 2011/1 (Vol. 23), p. 7-32. DOI : 10.3917/dev.111.0007. URL : https://www.cairn.info/revue-devenir-2011-1-page-7.htm

20 Ibid.

21Stéphanoff Marina, « Y a-t-il une place pour les parents en placement familial ? », La lettre de l’enfance et de l’adolescence, 2001/4 (no 46), p. 85-90. DOI : 10.3917/lett.046.0085. URL : https://www.cairn.info/revue-lettre-de-l-enfance-et-de-l-adolescence-2001-4-page-85.htm

22 Ibid.

23Ridel Luc, « Les temps du projet », Topique, 2004/1 (no 86), p. 87-95. DOI : 10.3917/top.086.0087. URL : https://www.cairn.info/revue-topique-2004-1-page-87.htm

24Ridel Luc, « Les temps du projet », Topique, 2004/1 (no 86), p. 87-95. DOI : 10.3917/top.086.0087. URL : https://www.cairn.info/revue-topique-2004-1-page-87.htm

25 Bertrand DUBREUIL, op cité, p.31-32.

26 Bertrand DUBREUIL, op cité, p.138.

27 Joseph ROUZEL, op cité, p.64.

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