Comment rédiger un mémoire en Histoire?

SOMMAIRE

INTRODUCTION2
PARTIE I. CONTEXTE ET GENERALITES3
CHAPITRE 1. BREVE HISTOIRE DE L’ESPAGNE MEDIEVALE ET DU ROYAUME DE CASTILLE3
SECTION 1. L’ESPAGNE MEDIEVALE3
SECTION 2. NAISSANCE ET AFFIRMATION DU ROYAUME DE CASTILLE7
CHAPITRE 2. ISABELLE DE CASTILLE13
CHAPITRE 3. DEFINITIONS ET DELIMITATIONS: PROPAGANDE ET MYTHE POLITIQUE16
PARTIE II. LES TRAITS CARACTERISTIQUES DE LA POLITIQUE D’ISABELLE23
CHAPITRE 4. LES RIVALITES DANS LA SUCCESSION DE CASTILLE23
SECTION 1. LA PRISE DE POUVOIR23
SECTEION 2. LA GUERRE DE SUCCESSION CASTILLANE28
CHAPITRE 5. L’UNIFICATION DE L’ESPAGNE31
SECTION 1. UNIFICATION TERRITORIALE ET POLITIQUE31
SECTION 2. UNIFICATION ECONOMIQUE32
SECTION 3. UNIFICATION RELIGIEUSE33
SECTION 4. FORMATION DE L’EMPIRE ESPAGNOL35
SECTION 5. IMPACT DU REGNE DES ROIS CATHOLIQUES36
CHAPITRE 6. L’ESPAGNE CATHOLIQUE – L’INQUISITION37
PARTIE III. LE MYTHE POLITIQUE DE LA PROPAGANDE D’ISABELLE41
CHAPITRE 7. LA PROPAGANDE D’ISABELLE: CARACTERISTIQUES ET TYPOLOGIE41
SECTION 1. HISTOIRE, LE MOYEN ÂGE: PROPAGANDE PAR LA RELIGION41
SECTION 2. LES VALEURS CARACTERISTIQUES DE LA PROPAGANDE D’ISABELLE42
CHAPITRE 8. REFLET DE LA PROPAGANDE DANS LA POLITIQUE DE L’ESPAGNE DES TEMPS MODERNES43
SECTION 1. LES FEMMES S’ACTIVENT DANS LA PROPAGANDE PHALANGISTE43
SECTION 2. L’ESPAGNE FRANQUISTE48
CONCLUSION51

INTRODUCTION

En Espagne, la période médiévale a été fortement dominée par les guerres de conquêtes et de reconquêtes, suite aux importantes invasion et domination musulmanes et juives. Ce qui a conduit aux différentes divisions, voire incisions, des territoires espagnols. La nécessité d’une reconquête des terres espagnoles, de reconnaître la souveraineté de la religion catholique et de réaffirmer la domination espagnole suprême et mondiale, ont principalement marqué les règnes des rois catholiques. Ce qui a abouti à la création de l’empire espagnol.

L’histoire reste d’une grande influence sur le cours de l’évolution d’un pays. Et dans un sens, cette influence se joue et trouve son origine dans la politique. Cette étude fait référence à l’orientation politique de la Reine Isabelle de Castille pendant son règne (1474 – 1504). En effet, elle cherche à montrer comment la propagande d’Isabelle I a-t-elle pu dériver à un mythe politique ?

Quels sont les traits caractéristiques de la politique et du règne d’Isabelle de Castille ? (Partie II) et sur quels critères définit-on la propagande d’Isabelle I de mythe politique ? (Partie III). Ce sont sur ces deux grandes questions que cette étude est dirigée ; et il est avant toute chose nécessaire de définir le contexte de l’étude (Partie I). Il s’agit donc d’une recherche basée sur la civilisation de l’Espagne médiévale et sur le règne d’Isabelle de Castille. Ces deux domaines représentent tout l’intérêt de cette étude.

Les recherche et documentations ont été effectuées dans la majeure partie sur internet avec en appui des rapports sur des comparaisons faites par plusieurs auteurs sur l’histoire, la politique et la culture de l’Espagne pendant différentes générations : de la période médiévale au XXe siècle, période de grandes manifestations politiques et de différentes guerres en Espagne.

Partie I. CONTEXTE ET GENERALITES

L’Espagne renferme derrière elle toute une histoire impressionnante ; cette étude a pour objet de développer le point de vue politique de son histoire, caractéristique du règne d’Isabelle de Castille. Cette première partie sert d’introduction au vif du sujet qui concerne la propagande de la Reine Isabelle. Elle concerne une définition du contexte et des généralités sur l’histoire et la biographie de la Reine Isabelle.

Chapitre 1. BREVE HISTOIRE DE L’ESPAGNE MEDIEVALE ET DU ROYAUME DE CASTILLE

Il s’agit bien d’une étude sur Isabelle la Catholique ; elle est définie dans le temps, de la période du règne d’Isabelle Ire, et dans l’espace, sur le territoire espagnol. Ce chapitre représente le cadre historique de l’étude : l’Espagne médiévale.

Section 1. L’ESPAGNE MEDIEVALE

Avant de devenir l’Espagne d’aujourd’hui, ce pays situé dans le sud de l’Europe recouvre en elle-même une partie de l’histoire du monde marquée par les conquêtes et reconquêtes.

  1. LA ROMANISATION

La péninsule Ibérique, sous le nom d’Hispania, appartient à l’Empire romain pendant presque six siècles (du IIe siècle av. J.-C. au Ve siècle). Le latin s’impose sur l’ensemble du territoire et c’est de cette langue que proviennent presque toutes les langues parlées aujourd’hui en Espagne : le castillan, le catalan et le galicien. Seule la langue basque, issue d’une langue antérieure à la conquête romaine, résiste à la romanisation.

Rome arrive en Espagne au IIIe siècle av. J.-C. L’empereur Auguste achève la conquête de la péninsule au Ie siècle av. J.-C. avec la soumission des populations du nord. La romanisation des Ibères commença vraiment, même si celle-ci fut sans doute moins importante que dans d’autres régions de l’Empire romain. Elle opéra dans les domaines du droit, de la langue, de l’urbanisation et de la construction de routes. La péninsule fut également divisée en deux provinces (Hispanie citérieure et Hispanie ultérieure, IIe siècle av. J.-C.), puis trois (sous Auguste). Au IVe siècle, le diocèse d’Hispanie comprend la Tarraconaise, la Gallécie, la Carthaginoise, la Lusitanie, la Bétique, les Baléares et la Maurétanie Tingitane.

L’histoire événementielle fut d’abord agitée par des révoltes et des guerres : en 77, Pompée fut envoyé en Hispanie pour lutter contre les derniers partisans de Marius et réussit à vaincre Sertorius en assassinant ce dernier. Lors du premier triumvirat avec Jules César et Crassus, il contrôle l’Hispanie. Pendant la guerre civile, Cesar a combattu les partisans de Pompée. Entre 26 et 19 après J.-C., Auguste puis Agrippa soumettent difficilement les montagnards Astures et les Cantabres.

L’aristocratie locale fut intégrée à l’ordre des sénateurs et des chevaliers. Deux “Espagnols” furent même empereurs au IIe siècle (Trajan et Hadrien) et au IVe siècle (Théodose Ier, Maxime). En 74, l’empereur Vespasien octroie le droit latin à toute l’Espagne, donnant ainsi la citoyenneté latine à tous les citadins libres. Les latifundia, c’est-à-dire les grands domaines agraires, se sont surimposés à la petite propriété ibère. Les techniques d’irrigation ont transformé l’agriculture traditionnelle. Les Romains créèrent de nouveaux centres urbains (Saragosse, Mérida, Valence).

Pendant la pax romana, l’économie ibérique se développa, en relation avec les autres régions du bassin méditerranéen : elle profita des exportations d’étain, d’huile d’olive, de vin et d’or. C’est aussi à cette époque que le christianisme progresse dans la population hispano-romaine. Les villes se développent partout, elles conservent encore de nos jours plusieurs bâtiments caractéristiques de la civilisation romaine : aqueduc de Ségovie, pont à Cordoue, remparts de Lugo, vestiges à Tolède, amphithéâtre de Tarragone …

Au IIIe siècle, les incursions germaniques qui ravagent la Gaule épargnent l’Espagne, sauf en 258, quand le raid le plus avancé des Alamans atteint Tarragone. En 408 puis en 409, les deux usurpateurs Constantin III et Maxime étendent leur autorité sur l’Espagne.

Ainsi les Romains ont dominé Hispania pendant sept siècles, qui ont été, majoritairement, rythmés par la paix et la modernisation de la société espagnole.

  1. LA PERIODE DES WISIGOTHS

Pendant le haut Moyen Âge, la péninsule ibérique a vu l’arrivée et l’installation de plusieurs peuples barbares venus d’Europe centrale et d’Asie. Dès 408, les Vandales, les Suèves et une partie des Alains passent en Espagne. En 411, celle-ci est partagée par tirage au sort : la Bétique (actuelle Andalousie) pour les Vandales Silings, la partie nord de la Galice pour les Vandales Hasdings, la partie sud de la Galice pour les Suèves (ils laissèrent des traces du royaume de Braga), la Lusitanie (actuel Portugal) et la Carthaginoise pour les Alains. Seule la Tarraconaise (Catalogne) reste un réduit romain, pour peu de temps. Les Vandales sont chassés par les Wisigoths et poursuivent leur route vers l’Afrique du Nord (429). Ils ne firent que traverser le pays et léguer leur nom à l’Andalousie.

Les Wisigoths sont un peuple germanique, originaire de Scandinavie et qui s’installe dans les Balkans sous la pression des Huns au IVe siècle. Sous la direction d’Alaric Ier, ils saccagent Rome en 410 et conquièrent un vaste royaume. Ils dominent l’Hispanie jusqu’au début du VIIIe siècle et instaurent une civilisation brillante. Le royaume wisigoth à son apogée, vers 500, comprend l’essentiel de la péninsule ibérique, la Septimanie et le sud-ouest de la Gaule. En 507, les Wisigoths perdent l’Aquitaine au profit des Francs.

Lorsque la paix fut conclue par le fœdus de 418, l’empereur romain Honorius accorda aux Wisigoths des terres dans la région de l’actuelle Aquitaine, suivies d’autres en Espagne. Ils éliminèrent les Vandales qui durent se replier de l’autre côté du détroit de Gibraltar. Ils contrôlent alors l’un des plus grands royaumes barbares qui se prolongeait au-delà des Pyrénées, et dont la capitale est Toulouse. Chassés d’Aquitaine par les Francs de Clovis après la bataille de Vouillé en 507, ils se replièrent dans la péninsule avec pour capitale Tolède. Ils conservent la Septimanie jusqu’au début du VIIIe siècle. Ils finirent par absorber le royaume des Suèves à l’ouest (585). Cependant, l’empereur byzantin Justinien Ier met la main sur l’ancienne province de Bétique (l’actuelle Andalousie) en 554 et impose la suzeraineté byzantine au royaume des Wisigoths. L’influence byzantine s’efface avec les victoires du roi Léovigild à Cordoue et Malaga (664).

Trop peu nombreux pour occuper toute la péninsule, le peuple wisigoth est surtout établi au nord de la Meseta, entre le Tage et l’Èbre, s’implantant dans ces régions montagneuses et boisées au rude climat plutôt qu’en Andalousie et sur la côte Méditerranéenne. La domination wisigothe est donc surtout militaire. D’abord ariens, les wisigoths se convertissent ensuite au catholicisme lorsque le roi Récarède Ier l’impose comme religion officielle en 589. Un des plus grands savants de cette époque est saint Isidore de Séville, mais il y a aussi d’autres ecclésiastiques de grande valeur tel son frère Léandre. 

  1. L’INVASION USULMANE

En 711, les musulmans conquièrent presque tout le territoire de la péninsule Ibérique. Cordoue, capitale d’un Émirat (756) et puis, d’un Califat indépendant (929), est la ville la plus peuplée et la plus riche d’Europe à l’époque. Sous la domination islamique, l’importante population juive de la Péninsule (les juifs séfarades) bénéficie d’une longue période de tolérance. En 1031, le Califat est divisé en plusieurs royaumes musulmans (appelés Taifas) jusqu’à la disparition du dernier d’entre eux, celui de Grenade, conquis par les rois espagnols en 1492. Ainsi, pendant huit siècles les chrétiens ont dû cohabiter avec le pouvoir islamique, qui a laissé de nombreux monuments dans des villes comme Tolède ou Saragosse et dans toute l’Andalousie.

  • L’Espagne musulmane (711-1492)

La conquête de l’Hispanie wisigothe par les musulmans s’inscrit dans l’expansion de l’islam aux VIIe et VIIIe siècles. L’Afrique du nord à peine conquise, le gouverneur Mûsâ eut l’idée de détourner vers l’extérieur les guerriers berbères en qui il n’avait pas confiance. En 711, le maure Tariq ibn Ziyad, dirige une expédition de 7 000 Berbères qui doit prendre l’Espagne, alors en proie aux divisions et à une crise économique. La défaite puis l’installation des musulmans fut rapide : la ville de Saragosse tombe (714), Tarragone est détruite et Barcelone occupée (716-719). Des expéditions militaires sont menées au-delà des Pyrénées, vers la Septimanie Wisigothe, puis dans la Gaule franque. La bataille de Poitiers remportée par le Franc Charles Martel, marque un coup d’arrêt à la conquête arabe en Occident (732).

En Espagne, une révolte berbère est matée par le kaisite Baldju. Les gouverneurs, bien que peu puissants et souvent remplacés, sont de plus en plus indépendants du califat. Le renversement des Omeyyades par les Abbassides a pour conséquence l’émancipation de l’Espagne : Abd al-Rahma¯n Ier, petit-fils du dernier calife omeyyade, se réfugie en Afrique du Nord, puis s’empare de Cordoue en 756, où il se proclame émir. Il doit lutter contre les Berbères et divers chefs arabes. Deux d’entre eux, provoquent même l’intervention de Charlemagne (778). Ce dernier crée une Marche d’Espagne qui regroupe la Navarre et la Catalogne.

Au XIe siècle, le califat de Cordoue se morcèle en petits royaumes : l’époque des taïfas (1031-1094) est troublée par des guerres intestines. Cette division facilite la reconquête chrétienne venue du nord. Les rois chrétiens enhardis obtiennent que certaines taïfas leur livrent un tribut après avoir connu la défaite.

L’Espagne est ensuite envahie par les dynasties berbères des Almoravides (1086-1147) et des Almohades (1147-1212), qui supplantent les précédents. Après 1212, seul le sud de la péninsule est toujours sous contrôle musulman. En 1248, les chrétiens reprennent Séville. Seul le royaume de Grenade résiste jusqu’en 1492. À cette date, l’Espagne est redevenue totalement chrétienne.

Les apports des musulmans ont notablement enrichi la culture espagnole. La civilisation hispano-musulmane a participé à l’âge d’or de l’islam. 5000 à 6000 des mots espagnols sont d’origine arabe. De nouvelles cultures et techniques agricoles, venues d’Afrique ou d’Orient, sont introduites. Les grandes villes d’al-Andalus sont des centres d’un artisanat raffiné (travail du cuir à Cordoue). Elles sont également des marchés importants et des foyers d’études. Les califes construisent de nouvelles bibliothèques et favorisent l’épanouissement de la culture : le futur pape Sylvestre II vient étudier la science des intellectuels arabes compulsée à Barcelone.

  • La Reconquista (718-1492)

Un long conflit de près de 800 ans prend place en Espagne entre musulmans et chrétiens, de la conquête musulmane de l’Hispanie en 711 à l’année cruciale de la Reconquista chrétienne en 1492. Après l’arrivée des armées maures, en 711, l’Espagne devient pour de nombreux siècles le théâtre de l’affrontement entre chrétiens et musulmans. Dans un premier temps, ceux-ci parviennent à occuper une majeure partie de la péninsule et lui apportent une civilisation brillante. Mais peu de temps après, dès 718, les souverains chrétiens amorcent lentement la Reconquista à partir du royaume des Asturies, qui finira par l’élimination complète du Royaume de Grenade en 1492 puis de l’islam en terre ibérique, avec l’expulsion finale des Morisques en 1609. Aux cris de guerre de Santiago! et Muhammad!, les deux camps se sont régulièrement affrontés ; ces combattants s’allient parfois dans le cadre de luttes internes à chacun des camps.

La Reconquista (reconquête en castillan) est une période cruciale de l’histoire espagnole, notamment par sa durée (718-1492). Elle commence dans la division : différents États chrétiens se créent dans le nord face à l’Émirat de Cordoue (Asturies, puis León, Castille, Navarre, Aragon, comtés catalans). Au XIe siècle, le royaume de Castille semble prendre une part prépondérante dans la Reconquête : Alphonse VI de Castille prend Tolède en 1085. En 1096, Le Cid s’empare de Valence. En 1212, c’est l’union des chrétiens, soutenus par une nouvelle croisade, qui défait les musulmans à la bataille de Las Navas de Tolosa. En 1492, le royaume musulman de Grenade est vaincu. Peu après sont promulguées les lois sur la pureté du sang. La foi catholique est imposée à l’ensemble du royaume, les rois catholiques prononcent l’expulsion des juifs non convertis d’Espagne vers l’Empire ottoman qui avait accepté de leur donner refuge, provoquant la deuxième diaspora. Les musulmans non convertis seront expulsés dix ans plus tard, en 1502. Ne restent alors en Espagne que de nouveaux convertis appelés les Morisques. Ceux-ci seront définitivement expulsés en 1609.

  1. LE ROYAUME CHRETIEN

On l’a vu, les Arabes n’ont jamais réussi à étendre leur pouvoir sur toute l’Espagne (L’Espagne musulmane). Une partie de la Péninsule ibérique qui, d’abord peu étendue, alla s’agrandissant peu à peu jusqu’à former un État, puis, par les conquêtes, s’étendant et se divisant en plusieurs États. Au fil du temps, ses royaumes chrétiens gagnèrent en puissance et refoulèrent les Arabes vers le Sud, ne laissant au final subsister que le petit royaume de Grenade  , auquel ils mirent un terme en 1492. L’histoire extérieure de cette Espagne restée chrétienne se borne ainsi presque à une lutte de sept siècles contre les Arabes et à une reconquête (Reconquista) progressive et ininterrompue du sol national, histoire enjolivée de mille légendes que nous racontent les vieilles chroniques et les romances populaires de l’Espagne  ( Les royaumes chrétiens de l’Espagne médiévale  ). 

On sait qu’une poignée de Goths  , fuyant devant le flot de l’invasion musulmane qui recouvrit si rapidement toute la péninsule, se réfugia dans les Pyrénées Cantabriques comme dans une forteresse et se choisit pour roi un parent de Roderic, Pélage (718-737), dont l’histoire tient du mythe et qui est regardé comme le premier roi des Asturies  . Ses successeurs, Favila (737-739), Alphonse le Catholique (739-756), Fruela (756-768), Aurelio (768-774), Lilo (774-783), Bermude le Diacre (791-793), Alphonse II (793-842), Ramire (842-850), Ordoño (850-866), Alphonse III (866-910) étendirent le petit royaume sur toutes les Asturies, la Galice, le pays de Léon, et Garcia, fils d’Alphonse III, devint roi des Asturies et de Léon, tige des rois de Castille  , à qui fut soumis tout le Nord-Ouest de la Péninsule.  

En même temps que les compagnons de Pélage de ce côté fondaient un État chrétien, un autre se formait dans les pays basques, plus tard appelé royaume de Navarre, et plus à l’Est encore un comté qui allait devenir le royaume d’Aragon . Ainsi du pied des Pyrénées, leur refuge, les chrétiens commençaient la reconquête; mais ces trois États qu’ils avaient fondés furent pendant des siècles en guerre l’un contre l’autre, désolés de plus par des guerres intestines, et ce n’est qu’au XIIIe siècle qu’ils commencèrent à repousser les Arabes. Le royaume de Navarre, cerné par ses voisins de Castille  et d’Aragon, prit la moindre part à cette lutte et ne put s’étendre vers le Midi, tandis que les princes d’Aragon conquéraient les Baléares  , Valence, Alicante, et que les rois de Castille s’emparaient de la Nouvelle-Castille, de l’Estrémadure et enfin de l’Andalousie  . Il y a donc alors trois royaumes distincts, dont chacun a son histoire, sa civilisation propre et ses coutumes; il n’y a une Espagne chrétienne que du jour où une alliance heureuse réunit sous une même administration les deux puissants États de Castille et d’Aragon et prépara l’unité politique de la Péninsule (moins le Portugal  ). C’est à cet avènement, qui eut lieu en 1474, que commence l’histoire de l’Espagne moderne  .

  1. L’EMPIRE CATHOLIQUE ET UNIVERSEL

En 1479, quatre royaumes chrétiens se partagent encore le sol de la péninsule Ibérique : le Portugal, la Castille (qui comprend aussi la Galice, les régions de la corniche Cantabrique, La Rioja, l’Estrémadure, l’Andalousie, Murcie et les Canaries) et l’Aragon (qui s’étend alors aussi sur la Catalogne et le Roussillon, la Communauté Valencienne, les Baléares, le sud de l’Italie, la Sicile et la Sardaigne). Cette année-là, les Rois Catholiques – Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon – posent les fondements de l’unification de l’Espagne (la Navarre au sud des Pyrénées fut incorporée en 1512). Leur petit-fils, l’empereur Charles Quint, hérite également des Pays-Bas, de l’Empire germanique et de plusieurs parties de l’actuelle Italie. Par ailleurs, le 12 octobre 1492, Christophe Colomb découvre l’Amérique grâce à l’argent qu’il reçoit de la reine Isabelle de Castille ; la couronne d’Espagne ajoute ainsi à ses possessions, grâce aux conquistadores espagnols, une grande partie du nouveau continent. 

Philippe II, le fils de Charles Quint, hérite en 1580 du trône du Portugal, qui reste aux mains des rois d’Espagne jusqu’en 1640, avec ses colonies du Brésil, d’Afrique et d’Asie. Sur l’empire de Philippe II, « le soleil ne se couchait jamais ». Pendant un siècle et demi (jusqu’à la paix des Pyrénées en 1659), l’Espagne est la puissance hégémonique en Europe, la défense et la diffusion de la foi catholique étant le vrai leitmotiv du pouvoir espagnol. À partir de 1483, le tout-puissant tribunal ecclésiastique de la Sainte Inquisition (définitivement supprimé en 1820) tente de barrer la route aux hérésies et au protestantisme. En 1492, les Rois Catholiques bannissent tous les juifs de leur royaume, et en 1609, ce sont les derniers habitants musulmans de l’Espagne, les « morisques », qui sont à leur tour expulsés.

Section 2. NAISSANCE ET AFFIRMATION DU ROYAUME DE CASTILLE

À la fin du Moyen Âge, le royaume de Castille s’étend depuis le golfe de Gascogne au nord jusqu’à l’Andalousie au sud et comprend la majeure partie du centre de la péninsule Ibérique. 

Le comté de Castille fit d’abord partie du royaume de Léon avant de devenir, vers 951, un État pratiquement indépendant que sa chevalerie, immortalisée par la figure du Cid, n’aura de cesse de défendre pendant plus de deux siècles contre les Maures. Annexée au royaume de Dom Sanche III, qui la donna à son fils Ferdinand Ier, la Castille prit alors le nom de royaume de Castille. Le XIIe et le XIIIe siècles voient le pouvoir royal s’opposer à une oligarchie nobiliaire avant qu’Isabelle de Castille, qui épouse Ferdinand d’Aragon en 1479, ne restaure l’autorité de l’État et fasse de la Castille une des premières puissances d’Europe.

  • Une société libre et ouverte

La Reconquête, c’est-à-dire l’effort pour refaire de l’Espagne une terre chrétienne, a été l’œuvre de groupes divisés, retranchés dans les Asturies, dans le Pays basque et dans les Pyrénées. C’est ainsi que se constitue notamment le royaume des Asturies qui bientôt installe sa capitale à Léon. À la même époque débute l’ascension de la région qu’on commence à appeler la Castille, peut-être à cause des nombreuses forteresses, les castillos, qu’on y bâtit. Burgos, fondée en 882, devient le centre de ce territoire au contact contesté entre maures et chrétiens. Pour attirer les colons, on leur offre des avantages, des fueros : ils seront libres et on leur donne la terre à condition qu’ils la mettent en valeur et qu’ils la défendent contre les maures. La Castille est un îlot d’hommes libres dans une Europe féodale soumise au servage. Les villes qu’on y fonde s’administrent elles-mêmes ; les décisions concernant la vie municipale sont prises au cours d’assemblées générales qui réunissent l’ensemble de la population, les concejos abiertos. Cette société libre est aussi une société ouverte ; les hommes n’y sont pas une fois pour toutes enfermés dans des castes ou des classes. Bien entendu, il existe en Castille une hiérarchie sociale : au sommet se trouvent ceux que l’on appelle les ricos hombres, la haute noblesse ; vient ensuite la petite noblesse des infanzones, ceux qu’on appellera plus tard les hidalgos ; et enfin le tiers état, les roturiers.

Mais ici rien n’est figé : il est possible de sortir de sa condition, de devenir un rico hombre quand on est simple hidalgo ou hidalgo si l’on est paysan. C’est ce que montre une institution étonnante, la caballeros villanos ou chevalerie populaire, formée de paysans suffisamment riches pour entretenir un cheval de combat et des armes. Il y a une autre façon de devenir chevalier : c’est de prendre un cheval à l’ennemi au cours d’une bataille. Le cas revient fréquemment dans le Poème du Cid, la première épopée de la littérature espagnole qui raconte comment les vainqueurs se partagent le butin après la victoire ; alors ceux qui combattaient à pied, la piétaille, deviennent chevaliers. L’aventure personnelle du Cid illustre ce qu’est la Castille de la fin du XIe siècle. Au départ, le Cid n’est qu’un gentilhomme situé au dernier degré de l’échelle nobiliaire, un infanzón ; à la fin du poème, il est au faîte des honneurs : « Aujourd’hui les rois d’Espagne sont ses parents ».

  • Une force politique prépondérante face aux invasions almoravides puis almohades

Les seigneurs qui résident en Castille partagent l’existence précaire de leurs subordonnés. Une étroite solidarité unit les uns et les autres. Cette société exposée à la menace permanente de la guerre, qui se sent plus ou moins abandonnée par un pouvoir royal lointain, cette société libre, sans grands seigneurs féodaux et sans serfs attachés à la glèbe, finit par prendre conscience de sa personnalité. Fernán González, comte depuis 932, donne à la Castille une indépendance de fait. Le comté passe ensuite sous l’autorité du roi de Navarre, Sanche, qui le transforme en royaume pour son fils Ferdinand. Celui-ci ajoute à son titre, en 1037, celui de roi de Léon. La Castille est maintenant la force politique prépondérante de l’Espagne chrétienne. En 1085, la prise de Tolède témoigne de cette vitalité. La moitié nord de la péninsule est reconquise, mais de nouvelles invasions venues d’Afrique menacent de tout remettre en cause. Ce sont d’abord les Almoravides qui débarquent en 1086 et qui, en 1108, écrasent les Castillans à Uclés. Les Almohades prennent le relais. L’Espagne chrétienne se ressaisit. En 1212, le roi de Castille Alphonse VIII écrase les Almohades lors de la bataille des Navas de Tolosa qui lui livre la vallée du Guadalquivir ; en moins de trente ans, la basse Andalousie est reconquise.

  • Burgos, Ségovie et Tolède

Les souverains considéraient leurs États comme des biens patrimoniaux dont ils pouvaient disposer librement. C’est pourquoi le royaume de Léon et le royaume de Castille avaient été tantôt séparés, tantôt réunis sous un même sceptre. C’est seulement en 1230 que devient définitive l’union de la Castille et du Léon. Deux grands règnes, ceux d’Alphonse X le Sage (1252-1284) et d’Alphonse XI (1312-1350), achèvent de faire de la Castille une grande puissance. L’économie se développe autour de l’élevage et de l’exportation des matières premières. Les moutons merinos fournissent une laine abondante et de qualité qui constitue le principal article d’exportation. C’est le point de départ de la richesse économique du royaume. Située sur la partie méridionale du chemin de Saint-Jacques, la ville de Burgos affirme sa vocation commerciale ; la région a peu de ressources naturelles ; Burgos se tourne donc vers le négoce pour faire venir de l’extérieur les produits qui manquent et les redistribuer. Sa position géographique s’y prête : Burgos est située à mi-chemin entre le plateau castillan où abondent les troupeaux de la Mesta et les ports du littoral cantabrique et du Pays basque qui commencent à se développer à la même époque. En 1281, Alphonse X octroie sa protection aux marchands de Burgos et leur donne des privilèges. Ceux-ci forment un groupe aristocratique qui prend la direction de la cité et qui envoie des agents dans les principales places d’Europe en France, en Angleterre, dans les Flandres.

La Castille possède, au sud, une seconde façade maritime qui prend son essor au XIIIe siècle. Là, c’est la pêche que l’on pratique avec succès ainsi que le commerce avec l’Afrique, l’Italie et l’Europe du nord. Situés au carrefour des routes de l’Atlantique et de la Méditerranée, les ports de cette région constituent des escales entre l’Italie et l’Europe du nord. Des Italiens s’y installent. Ils apportent un esprit nouveau et des techniques – le crédit, la lettre de change… – qui font de Séville, deux siècles avant la découverte de l’Amérique, une place commerciale et financière de premier ordre. Entre les deux façades maritimes, celle du nord et celle du sud, s’étendent les vastes domaines de la Castille intérieure. De part et d’autre de la sierra de Guadarrama, Ségovie et Tolède font figure de centres de redistribution, l’un en direction de Burgos et des ports du Cantabrique, l’autre vers l’Andalousie. On a ainsi un axe nord-sud qui va de Bilbao à Séville en passant par Burgos, Ségovie et Tolède et qui commande toute l’activité de la couronne de Castille.

  • Union de Castille et de León

Le mouvement de la Reconquista émane, dans l’histoire espagnole, de la résistance du petit royaume des Asturies, qui fonde ensuite la Castille à partir des marches gagnées sur l’adversaire, l’énorme pays d’al-Andalûs huit ans après la conquête arabe en 711.

Des Asturies s’initie le lent processus de la Reconquista, à compter de 718. Encore aujourd’hui, les enfants de la famille royale portent le titre de princes des Asturies (et ce, uniquement depuis l’arrivée sur le trône de Castille de la dynastie Trastamare, en 1369). Sa première étape est la constitution de la Castille, toponyme apparaissant vers 800, de prime abord sous la forme d’un comté inféodé au royaume de León, de 850 à 1037, la Vieille-Castille.

La Castille est placée sous la souveraineté des rois des Asturies et de León entre le VIIIe siècle et 1037, date à laquelle Ferdinand Ier fonde le Royaume uni de Castille et León. En 1058, Ferdinand est à l’origine d’une série de guerres contre les Maures, se lançant à la conquête de ce qui allait devenir la Nouvelle-Castille (bataille d’Alarcos et bataille de la Navas de Tolosa). L’union définitive (1230) des deux royaumes : Castille et León et de leurs parlements, a marqué le début de la couronne de Castille.

La région s’agrandit particulièrement sous le règne d’Alphonse VI (1065-1109) et d’Alphonse VII (1126-1157). Sous Alphonse X, la vie culturelle du royaume se développe, mais une longue période de conflits internes suit. En 1469, le mariage de Ferdinand II d’Aragon (plus tard Ferdinand V de Castille) et d’Isabelle Ire de Castille initie l’union des royaumes d’Aragon et de Castille et, par la suite, de l’ensemble de l’Espagne.

Aujourd’hui, le nom de Castille existe dans deux communautés autonomes d’Espagne : Castille-La Manche et Castille-et-León. La communauté autonome de Castille-La Manche a pour capitale Tolède et comprend les provinces d’Albacete, de Ciudad Real, de Cuenca, de Guadalajara et de Tolède. Sa superficie est de 79 300 km², pour une population de 1 700 000 habitants1.

La communauté autonome Castille-et-León a pour capitale Valladolid et comprend les provinces d’Ávila, de Burgos, de León, de Palencia, de Salamanque, de Ségovie, de Soria, de Valladolid et de Zamora. Sa superficie est de 94 200 km² pour une population de 2 800 000 habitants. La province de Madrid fut constituée seule en communauté autonome (la Comunidad de Madrid), bien qu’elle se situe en plein cœur de la Castille.

La Castille est la région la moins peuplée d’Espagne. Les pueblos, les villages, établis sur les points d’eau, sont très éloignés les uns des autres. La sécheresse – et les moutons – ont transformé en désert de vastes étendues de terrain.

  • Les Cortès

C’est sous le règne d’Alphonse X Le Sage (1252-1284) que prennent forme les institutions politiques. Les Cortès comprennent des représentants du clergé, de la noblesse et des municipalités. Le roi s’efforce d’obtenir leur accord sur les décisions qu’il juge les plus importantes sans qu’il faille en conclure que ces assemblées partageaient avec lui le pouvoir législatif. Sous prétexte de mettre un terme aux conflits auxquels donnaient lieu les assemblées générales d’antan, la réforme municipale d’Alphonse XI (1312-1350) confie le pouvoir à des oligarchies ; les villes seront désormais régies par un corps restreint d’échevins, les regidores, d’abord nommés par le roi, mais qui recevront bientôt le privilège de transmettre leur charge à leurs enfants.

Alphonse XI meurt en 1350. Son fils Pierre 1er le Cruel lui succède, mais son autorité est contestée. Le conflit dégénère en guerre civile en 1366. Les opposants se regroupent autour du comte de Trastamare, Henri, fils bâtard d’Alphonse XI. En 1367, les Cortès de Burgos déclarent que Pierre le Cruel se conduit en tyran et reconnaissent son demi-frère Henri comme souverain légitime. Le sort de la guerre se joue à Montiel, en mars 1369. Pierre le Cruel est poignardé par son demi-frère. Cet assassinat fait d’Henri II le maître de la Castille. La tâche du premier des Trastamares a été de reconstituer la noblesse sur de nouvelles bases, en aliénant une partie du patrimoine royal pour récompenser ses partisans, en déléguant des pouvoirs et en créant des offices qui, à leur tour, procurent des revenus à leurs titulaires. C’est alors qu’apparaissent les familles appelées à remplir les annales de l’Espagne moderne et aussi les grandes maisons nobiliaires : les duchés ou les comtés de l’Infantado, de Nájera, de Frías, d’Arcos, d’Albe, de Fuensalida…

  • Le pouvoir royal face à l’oligarchie nobiliaire

Ces transformations sociales s’accompagnent d’une évolution politique qu’Alphonse X avait amorcée et que les premiers Trastamares – Henri II (1369-1379), Jean 1er (1379-1390) et Henri III (1390-1406) – poursuivent systématiquement. L’objectif est de renforcer le pouvoir royal. La tendance à concentrer les pouvoirs au sommet se fait au détriment des corps intermédiaires, notamment des Cortès qu’on réunit le moins souvent possible et qui sont de moins en moins représentatives ; la noblesse et le clergé ne s’y font plus représenter et préfèrent traiter directement de leurs problèmes avec le souverain, ce qui ne va pas sans risques ; les deux groupes, surtout le premier, guettent le moindre signe de faiblesse chez le souverain pour lui arracher concessions et prérogatives nouvelles.

L’histoire de la Castille sous les règnes de Jean II (1406-1454) et d’Henri IV (1454-1474) est occupée par le conflit entre une oligarchie nobiliaire restreinte et des souverains sans grande personnalité. Les nobles ne remettent pas en cause l’institution monarchique ; ce qu’ils souhaitent, c’est partager le pouvoir avec elle ou la mettre sous tutelle. Les circonstances favorisent ces visées. Henri III meurt en 1406. Son fils et successeur, Jean II, est à peine âgé d’un an. Son oncle Ferdinand exerce la régence. Quand il devient roi d’Aragon, en 1412, il continue à s’intéresser de près aux affaires de Castille et ses fils – les infants d’Aragon – sont les véritables maîtres du royaume, même après que Jean II ait été déclaré majeur, en 1419. Cette mainmise inquiète la noblesse qui trouve en Álvaro de Luna un chef de file intelligent et efficace. En 1420, Álvaro de Luna « libère » le roi, entendons qu’il devient son homme de confiance. Alors commence un jeu à trois partenaires : le favori, les infants d’Aragon et les nobles. La partie se déroule en trois temps :

Tout d’abord, Álvaro de Luna s’allie d’abord aux nobles contre les infants d’Aragon qui doivent quitter le pays (1420-1430). Dans un deuxième temps, Álvaro de Luna entreprend alors de rétablir l’autorité du roi. Les nobles l’accusent de nourrir des ambitions personnelles et se retournent contre lui, en 1437. En mai 1445, Álvaro de Luna écrase ses adversaires. Enfin, Álvaro de Luna, au sommet de sa puissance, croit faire preuve de sens politique en composant avec les nobles et en leur distribuant terres et titres. La manœuvre échoue. Les nobles, bien loin de désarmer, mettent de leur côté l’héritier du trône, le futur Henri IV. Cette conjuration oblige Jean II à se séparer d’Álvaro de Luna. Le favori est arrêté en avril 1453 et décapité à Valladolid, le 3 juin suivant.

  • Henri IV

Jean II meurt en 1454. Le nouveau roi, Henri IV, ne manquait pas d’idées ; il songeait à réorganiser le Conseil royal, à créer une force armée qui aurait assuré l’indépendance du pouvoir royal. Velléitaire, il n’arrive pas à prendre une décision et à s’y tenir, cherche à composer et à négocier avec l’adversaire au lieu de l’écraser. Si les premières années du règne ont été des années de paix, les choses se gâtent à partir de 1460 à cause d’une réforme monétaire mal engagée qui donne à une faction de la noblesse l’occasion de repartir à l’assaut de la monarchie. Cette faction s’offusque de l’ascension d’un homme nouveau, Bertrand de la Cueva, en qui elle croit voir un second Álvaro de Luna et qu’on présente aussi comme l’amant de la reine et le père de l’infante Jeanne, héritière du trône. On ne parle plus de cette dernière qu’en l’appelant la Beltraneja, la fille à Bertrand. L’enjeu de cette querelle n’est autre que le pouvoir ; il s’agit d’empêcher la couronne de prendre trop d’autorité.

En septembre 1464, les nobles accusent Henri IV de donner les offices publics à des individus de basse extraction – c’est Bertrand de la Cueva qui est visé ; ils mettent aussi en doute la légitimité de l’infante Jeanne. Bertrand de la Cueva encourage le roi à tenir bon mais Henri IV hésite devant l’épreuve de force. Cherchant à gagner du temps, le 30 novembre, il écarte Bertrand de la Cueva du Conseil, déshérite sa fille – sans la déclarer illégitime – et reconnaît son frère Alphonse comme héritier. Cette capitulation ne satisfait pas entièrement les factieux. Le 5 juin 1465, au cours d’une cérémonie grotesque, à Avila, Henri IV est détrôné en effigie ; son demi-frère Alphonse est proclamé roi.

Henri IV n’est pourtant pas complètement isolé. Une partie de la noblesse lui reste fidèle ; certaines milices urbaines sont prêtes à l’appuyer. Une occasion d’en finir avec les factieux se présente en juillet 1468 quand son rival Alphonse meurt de la peste. On presse le roi de livrer bataille et d’écraser ses adversaires, mais, une fois de plus, Henri IV préfère négocier.

  • L’infante Isabelle, reine de Castille en 1474

Ses adversaires se tournent maintenant vers la demi-sœur d’Henri IV, l’infante Isabelle ; ils la mettent en avant avec l’intention d’affaiblir encore un peu plus le pouvoir royal et d’introniser une souveraine qui serait à leur dévotion. Isabelle n’est pas dupe. Elle refuse de se laisser proclamer reine du vivant de son frère et se borne à prendre acte d’une situation qui lui est favorable. Le 20 juillet 1468, elle se déclare princesse et légitime héritière des royaumes de Castille et Léon. Toujours soucieux d’arriver à une formule de compromis, Henri IV se prête à une nouvelle humiliation : le 18 septembre 1468, il conclut un accord avec ses adversaires, déshérite une fois de plus sa fille Jeanne et reconnaît Isabelle comme héritière du trône. Henri IV meurt le 11 décembre 1474. Isabelle se proclame aussitôt reine de Castille. Le modeste comté des origines est devenu, au milieu du XVe siècle, un royaume prospère, mais les divisions politiques n’étaient guère favorables à son expansion. En rétablissant d’une main ferme l’autorité de l’État et le prestige de la monarchie, la jeune souveraine et son mari Ferdinand – qui, en janvier 1479, hérite de la couronne d’Aragon – vont faire de la Castille une des premières puissances d’Europe. C’est la Castille qui, dans une large mesure, va faire l’Espagne et sa langue, le castillan, est appelée à devenir l’espagnol, une langue à vocation universelle.

Chapitre 2. ISABELLE Ire DE CASTILLE

La reine Isabelle Ire de Castille fait actuellement partie des figures emblématiques de l’Espagne. Une situation rendue en l’honneur de ses œuvres et actions pour l’Espagne. Qui est donc cette Reine.

  1. HERITIERE DE LA COURONNE

Isabelle est la fille de Jean II, roi de Castille et de León et d’Isabelle de Portugal. Au décès de son père en 1454, elle se retire avec sa mère et son frère Alfonso à Arévalo. Sa mère souffre d’accès de démence et la vie est difficile pour Isabelle, notamment sur le plan économiques. Malgré les dispositions testamentaires favorables laissées par son père, le roi Henri IV les néglige à plusieurs reprises. Isabelle sort fortifiée de cette période trouble grâce à la lecture des Évangiles. Son amitié avec Sainte Béatrice de Siffle l’aide également beaucoup. Isabelle l’aide d’ailleurs en retour plus tard dans la fondation de l’Ordre de l’Immaculée Conception auquel elle fait don du palais de Galiana. À cette époque de sa vie des personnes comme Gutierre de Cárdenas, sa femme Teresa Enríquez et Gonzalo Chacón sont également importantes dans l’entourage d’Isabelle.

En 1461, Isabelle et son frère Alfonso sont transférés à Ségovie, lieu où siégeaient les Cortes. Les nobles, soucieux de ce pouvoir, souhaitaient opposer les rois et son demi-frère et héritier Alfonso. En 1468, Alfonso mourrut, apparemment empoisonné, à Cardeñosa. Au début on a pensé qu’il avait été victime de la peste, mais le médecin qui a examiné le cadavre n’a trouvé aucun indice d’une telle maladie. Isabelle devint alors l’héritière présomptive du royaume, son demi-frère né du premier mariage de son père, Henri IV (1420-1474), roi de Castille et de León (1454-1474) étant sans descendance légitime.

Henri IV était en effet le père de Jeanne (1462-1530), dite Jeanne la Beltraneja, dont la possible illégitimité n’a cessé d’être discutée depuis le XVe siècle, et à laquelle il destinait la succession après la mort de l’infant Alphonse. Jeanne serait la fille de la reine Jeanne de Portugal, et de Beltrán de la Grotte.

Le 19 septembre 1468, elle prit le titre de princesse des Asturies bien que sa nièce Jeanne le porte déjà.

  1. LE MARIAGE

A l’âge de trois ans, Isabelle est déjà fiancée à Ferdinand, fils de Jean II d’Aragon. Cependant, Henri IV décida de rompre l’accord pour la fiancer à Charles, prince de Viane. Le mariage n’aura cependant pas lieu grâce à l’oppositon de Jean II d’Aragon. Henri IV tenta également, sans succès, de marier Isabelle au roi Alphonse V de Portugal.

Jean II d’Aragon continua secrètement de traiter avec Isabelle pour son mariage avec Ferdinand. Isabelle considérait qu’il était pour elle le meilleur candidat, mais un problème légal empêchait le mariage. En effet, leurs grands pères respectifs Ferdinand Ier d’Aragon et Henri III de Castille étaient frères, une dispense papale était donc nécessaire. Le Pape, refusa cependant d’accorder cette dispense pour ne pas se mettre à dos les royaumes de France, de Castille et de Portugal.

La menace d’une invasion musulmane des États pontificaux poussa finalement le pape à envoyer don Rodrigo Borgia en Espagne en tant que légat officiel pour faciliter le mariage. Finalement le mariage avec Ferdinand eut lieu le 19 octobre 1469 à Valladolid.

  1. ISABELLE LA CATHOLIQUE

Isabelle épousa le 14 octobre 1469, malgré l’opposition de son frère, le futur Ferdinand II d’Aragon (1452-1516), dit Fernando le Catholique et, après plusieurs brouilles, finit par se réconcilier avec Henri IV en décembre 1473 et par recueillir sa succession en décembre 1474.

Bien que devenu roi de Castille en titre en même temps que son épouse, Ferdinand II ne disposa jamais, du vivant de celle-ci, d’une quelconque autorité sur son domaine personnel. Il fallut attendre la mort de celle-ci en 1504, suivie en 1506 de celle de son gendre Philippe le Beau et de la maladie de leur fille et héritière Jeanne la Folle, pour que le roi d’Aragon assure la régence au nom de son petit-fils Charles Quint qu’il parvint à faire reconnaître comme roi de Castille en parallèle avec Jeanne Ire qui conserva le titre jusqu’à sa mort en 1555.

Devenu à son tour en 1479 souverain des différents territoires de la couronne d’Aragon, Ferdinand II forma alors avec sa femme un exemple unique de double monarchie, de 1479 à 1504, où chaque souverain gardait la pleine autonomie de ses territoires propres tout en préparant activement l’unification formelle de l’Espagne au siècle suivant.

Les deux souverains achevèrent la Reconquista en 1492 par l’annexion du royaume de Grenade, dernier vestige de huit siècles de présence musulmane en Espagne. Ce succès dans la reconquête de terres autrefois chrétiennes valut à Isabelle et Ferdinand d’être qualifiés de « Rois catholiques » par le pape Alexandre VI en 1494.

Parallèlement, Isabelle et Ferdinand organisèrent l’Inquisition espagnole, en 1492, par le décret de l’Alhambra ils chassèrent les juifs d’Espagne qui ont trouvé refuge dans l’Empire ottoman grâce à l’autorisation du sultan Bayezid II, et réduisirent l’influence des grands féodaux.

  1. DESCENDANCE

De son union avec Ferdinand, Isabelle eut 6 enfants:

  • Isabelle d’Aragon, épouse d’Alphonse, infant du Portugal, puis du roi du Portugal Manuel Ier, son cousin.
  • Jean (1478 – 1497), prince des Asturies, épouse Marguerite d’Autriche mais meurt quelques mois plus tard.
  • Jeanne Ire de Castille, dite Jeanne la Folle, héritière des royaumes de Castille, puis d’Aragon, et mère de Charles Quint
  • Marie d’Aragon, seconde épouse, après sa sœur Isabelle, du roi du Portugal Manuel Ier
  • Catherine d’Aragon, épouse de Arthur Tudor, héritier de la couronne d’Angleterre, puis de son frère, futur Henri VIII et mère de Marie Ire d’Angleterre.
  • Pierre d’Embasaguas (1488 – 1490), l’«Infant», mort peu de temps, après sa naissance.
  1. DECES

Recluse à Medina del Campo et sentant sa fin approcher, elle reçoit les derniers sacrements et meurt le 26 novembre 1504 d’un cancer de l’utérus. Son mari est par la suite proclamé roi de Castille sous le nom de Ferdinand II d’Aragon et V de Castille.

Tout d’abord inhumée dans le couvent Saint François de la Alhambra, le 18 décembre 1504, dans une sépulture très simple selon sa volonté, elle repose actuellement dans la Chapelle Royale de Grenade, dans une fastueuse sépulture construite sur ordre de son petit-fils Charles Quint, avec son mari Ferdinand le Catholique, sa fille Jeanne Ire et le mari de cette dernière Philippe le Beau. Sa tombe est profanée lors de l’invasion française.

  1. TESTAMENT ET SUCCESSION

Le testament original de la reine est conservé au Monastère royal de Santa María de Guadalupe. Une copie a été envoyée au monastère de Sainte-Isabelle de la Alhambra à Grenade. Une autre, à la cathédrale de Tolède, conservée depuis 1575 au Archives générales de Simancas.

Dans son testament, elle préconisait à ses successeurs de conquérir puis de convertir au christianisme le nord de l’Afrique, mais la découverte de l’Amérique éloigna les rois de Castille de cet objectif pour se concentrer sur les richesses offertes par le nouveau monde.

Son engagement pour la défense et l’égalité entre ses sujets américains et européens lui valu le titre de precurseur des Droits de l’Homme pour de nombreux historiens et ce malgré des actions discutables comme la conversion forcée des musulmans et des juifs du royaume sous peine d’expulsion.

À sa mort, sa fille Jeanne lui succéda, mais pour peu de temps. Cette dernière fut declarée incapable de régner à cause de sa « folie » et le pouvoir fut exercé d’abord par son mari Philippe le Beau puis par leur fils Charles Quint.

  1. PROCES EN BEATIFICATION

La vie pieuse de la reine Isabelle fait d’elle une possible candidate à la béatification par l’Église Catholique. Initié en 1958, le procès est soutenu par de nombreux hommes d’église espagnols et latino-américains, et particulièrement par les cardinaux Rouco et Cañizares (qui ont commémoré le 500e anniversaire de sa mort) pour son action en faveur de l’évangélisation de l’Amérique.

Les opposants à cette béatification mettent en avant deux objections majeures. Tout d’abord, Isabelle a été glorifiée par le régime franquiste, dont elle était une des icônes favorites et la canoniser reviendrait à soutenir ce régime trop ouvertement. Ensuite, Isabelle, qualifiée en cette occasion de « reine trop catholique », est responsable de l’expulsion des juifs d’Espagne et la canonisation heurterait la communauté juive de ce pays.

Chapitre 3. DEFINITIONS ET DELIMITATIONS : PROPAGANDE ET MYTHE POLITIQUE

Ce chapitre sert d’introduction aux termes «propagande» et «mythe politique». La propagande est un moyen utilisé pour diffuser une idée. Dans la plupart des cas elle est utilisée dans un contexte politique.

Le mythe est un qualificatif accordé à un événement, un fait ou une personnalité de référence, ayant une influence sur les pratiques présentes. Dans cette étude, il s’agit d’un événement politique, bien qu’à l’époque il était juste considéré comme une simple pratique. En effet, la propagande d’Isabelle Ire s’inscrit dans la période contemporaine telle une référence politique.

  • DEFINITIONS

On peut retracer plusieurs définitions cohérentes du mot propagande. Etant donné que c’est un concept plus ou moins courant des pratiques politiques et même à travers l’histoire, différents auteurs y ont basé leurs œuvres et recherches ; aboutissant à divers constats.

  • Dans Propaganda, Edward Bernays décrit la propagande comme « le mécanisme qui permet la diffusion à grande échelle des idées », ou dans un sens plus large, « tout effort organisé pour propager une croyance ou une doctrine particulière ».
  • La propagande2 désigne l’ensemble des techniques mises au service de la diffusion d’une idéologie vers de larges auditoires. Elle s’inscrit dans la socialisation des doctrines politiques à l’ère des États démocratiques du XIXe siècle. Elle est caractéristique des manières de communiquer de l’autorité vers les sujets. 
  • La propagande désigne la stratégie de communication dont use un pouvoir (ou un parti) politique ou militaire pour changer la perception d’événements, de personnes. Elle est à la puissance civile ou martiale ce que la publicitéest au secteur privé à cette différence qu’elle ne vise pas à produire un seul acte de portée limitée mais qu’elle cherche à convaincre d’un ensemble d’idées et de valeurs, à mobiliser, parfois à convertir.
  • TYPOLOGIE DE LA PROPAGANDE

La propagande désigne, donc, un ensemble d’actions psychologiques effectuées par une institution ou une organisation déterminant la perception publique des événements, des personnes ou des enjeux, de façon à endoctriner ou embrigader une population et la faire agir et penser d’une certaine manière. Entendu en ce sens, ce phénomène, propre en général aux forces politiques ou militaires, est souvent désigné par l’expression de « propagande politique » (« political propaganda » en anglais), et peut se retrouver mis en œuvre par divers moyens.

Mais la propagande ne commence à se penser comme ensemble de pratiques et techniques coordonnées qu’au XXe siècle. L’apparition des médias de masse, les guerres mondiales et la promotion de l’individu dans les systèmes politiques, ont été à ce titre déterminantes. La description et l’étude des différents types de propagandes ont connu un grand développement à la même époque. C’est ainsi qu’en temps de guerre ou de période insurrectionnelle peut être mis en place un système d’embrigadement sous forme de « propagande d’agitation », qui cherche avant tout à provoquer l’action. 

De manière plus diffuse mais non moins impérieuse, la propagande peut aussi chercher à faire adhérer l’individu et les masses à un ensemble d’idées et de valeurs, à les mobiliser, bref à les intégrer dans une société donnée. On parle dans ce cas de « propagande sociologique » (« social propaganda » en anglais) ou encore « d’intégration » par opposition à « d’agitation » selon la typologie proposée par Jacques Ellul. Il s’agit là d’un phénomène nouveau que la psychologie sociale a particulièrement étudié et analysé.

La publicité partage des techniques et moyens mis en œuvre par ce type de propagande diffuse pour produire un acte d’achat et présenter de manière positive des comportements (société de consommation). Elle s’inscrit pleinement dans cet environnement social.

Les techniques de propagande modernes reposent sur les recherches conduites dans le domaine de la psychologie, de la psychologie sociale et dans celui de la communication. De manière schématique, elles se concentrent sur la manipulation des émotions, au détriment des facultés de raisonnement et de jugement. On parle également de désinformation.

  • LES DIFFERENTS TECHNIQUES, MOYENS ET METHODES DE PROPAGANDE

D’une manière plus générale, la propagande est l’art de propager à grande échelle des informations, fausses ou non, mais toujours partiales. Les techniques de propagande moderne exploitent les connaissances accumulées en psychologie et en communication. Elle se concentre sur la manipulation des émotions, au détriment des facultés de raisonnement et de jugement.

  • La peur :

Un public qui a peur est en situation de réceptivité passive, et admet plus facilement l’idée qu’on veut lui propager. Par exemple, Joseph Goebbels a exploité la phrase de Théodore Kaufman, « L’Allemagne doit périr ! », pour affirmer que les Alliés avaient pour but l’extermination du peuple allemand. Les expériences de l’Histoire nous montrent que l’utilisation de la peur est essentielle pour obtenir la réceptivité de la cible et marche à chaque fois.

  • La diabolisation :

La diabolisation d’un groupe ou d’un individu se fait en utilisant la technique de l’association. Il est très important de noter que dans la diabolisation, ceux qui appellent à la peur ont un besoin vital que l’ennemi s’associe lui-même au mal. Par exemple le communisme s’est attribué la couleur rouge de la révolution, transformée par ses adversaires en rouge sanguinaire. 

  • La paranoïa :

Lorsque la peur devient paranoïaque, le groupe visé est prêt à accepter n’importe quoi. Les auteurs de propagandes font donc de gros efforts pour transformer le sentiment de peur (limité dans le temps) en paranoïa, peur illimitée, constante et surtout beaucoup plus élargie. Une autre composante très importante de la paranoïa est la peur de son voisin. Par exemple l’inconnu dans la rue cache peut être un ennemi.

  • Témoignage : 

Les témoignages sont des mentions, dans ou hors du contexte, particulièrement cités pour soutenir ou rejeter une politique, une action, un programme, ou une personnalité donnée. La réputation (ou le rôle : expert, figure publique respectée, etc.) de l’individu est aussi exploitée. Les témoignages marquent du sceau de la respectabilité le message de propagande.

  • Le Communautarisme :

C’est l’idée qu’un groupe social ou une communauté se « serre les coudes » : ils sont solidaires contre nous, nous devons donc être solidaires contre eux. C’est une notion très importante car elle oblige effectivement certaines victimes à répondre au mensonge de la propagande par une vérité réelle ; par exemple l’antisémitisme engendre le sionisme.

  • Appel à l’autorité :

L’appel à l’autorité consiste à citer des personnages importants pour soutenir une idée, un argument, ou une ligne de conduite. Dans les années “60” Stanley Milgram, professeur de l’université de Yale, a effectué une série d’expériences afin d’étudier le concept de soumission à l’autorité (les expériences de Milgram). Ses conclusions révèlent que 65% des gens sont prêts a administrer une dose mortelle d’électrochocs si une autorité (blouse, uniforme etc.) le leur demande. Ces expériences montrent aussi que 20% des sujets obéissent même si les ordres proviennent d’une personne non-autoritaire. 

  • Effet moutonnier :

Cet appel tente de persuader l’auditoire d’adopter une idée en insinuant qu’un mouvement de masse irrésistible est déjà engagé ailleurs pour cette idée. Comme tout le monde préfère être dans le camp des vainqueurs que dans la minorité qui sera vaincue, cette technique permet de préparer l’auditoire à suivre le propagandiste. Lorsque dans un groupe, la majorité des êtres humains adoptent un comportement, les plus sceptiques face au message sont obligés d’adopter le même comportement pour ne pas paraitre différents. Ce comportement est encore accentué si le message a diabolisé l’extérieur, dénoncé une hostilité ou un ennemi ou appelé à la solidarité d’un groupe face à une menace. Ainsi, toute personne n’adoptant pas le comportement de la majorité sera immédiatement suspecte ou soupçonnée. Les réactions du groupe a l’égard de l’individu qui n’adopte pas le même comportement sont un excellent indicateur de la nature du groupe (totalitaire / démocratique) : plus les regards sont hostiles, le comportement individuel est mis en lumière ou dévoilé, plus le groupe est totalitaire.

  • Obtenir la désapprobation : 

Cette technique consiste à suggérer qu’une idée ou une action est adoptée par un groupe adverse, pour que l’auditoire désapprouve cette idée ou cette action sans vraiment l’étudier. Ainsi, si un groupe qui soutient une politique est mené à croire que les personnes indésirables, subversives, ou méprisables la soutiennent également, les membres du groupe sont plus enclins à changer d’avis.

  • Généralités éblouissantes et mots vertueux : 

Les généralités peuvent provoquer une émotion intense dans l’auditoire. Par exemple, faire appel à l’amour de la patrie, au désir de paix, à la liberté, à la gloire, à la justice, à l’honneur, à la pureté, etc., permet de tuer l’esprit critique de l’auditoire. Même si ces mots et ces expressions sont des concepts dont les définitions varient selon les individus, leur connotation est toujours favorable. De sorte que, par association, les concepts et les programmes du propagandiste seront perçus comme tout aussi grandioses, bons, souhaitables et vertueux.

  • Imprécision intentionnelle : 

Il s’agit de rapporter des faits en les déformant ou de citer des statistiques sans en indiquer les sources. L’intention est de donner au discours un contenu d’apparence scientifique, sans permettre d’analyser sa validité ou son applicabilité. Ces imprécisions peuvent se glisser dans le système juridique, sous forme d’un droit mou, poussant à la communication en vue d’obtenir des informations, tout en influençant l’opinion publique.

  • Transfert : 

Cette technique sert à projeter les qualités positives ou négatives d’une personne, d’une entité, d’un objet ou d’une valeur (un individu, un groupe, une organisation, une nation, un patriotisme, etc.) sur un tiers, afin de rendre cette seconde entité plus (ou moins) acceptable. Cette technique est utilisée, par exemple, pour transférer le blâme d’un camp à l’autre, lors d’un conflit. Elle évoque une réponse émotive qui stimule la cible pour qu’elle s’identifie avec l’autorité reconnue.

  • Simplification exagérée : 

Ce sont des généralités employées pour fournir des réponses simples à des problèmes sociaux, politiques, économiques, ou militaires complexes.

  • Quidam : 

Pour gagner la confiance de son auditoire, le propagandiste emploie le niveau de langage et les manières (vêtements, gestes) d’une personne ordinaire. Par projection, l’auditoire est aussitôt plus enclin à accepter les positions du propagandiste, puisque celui-ci lui ressemble.

  • Stéréotyper ou étiqueter :

Cette technique utilise les préjugés et les stéréotypes de l’auditoire pour le pousser à rejeter l’objet de la campagne de propagande.

  • Bouc émissaire : 

En jetant l’anathème sur un individu ou un groupe d’individus, accusés à tort d’être responsables d’un problème réel (ou supposé), le propagandiste peut éviter de parler des vrais responsables, et n’a pas à approfondir le problème lui-même.

  • Slogans : 

Un slogan est une brève expression, facile à mémoriser et donc à reconnaître, qui permet de laisser une trace dans tous les esprits.

  • Glissement sémantique : 

Technique consistant à remplacer une expression par une autre afin de la décharger de tout contenu émotionnel et de la vider de son sens (euphémisme). Le glissement sémantique peut à l’inverse renforcer la force expressive pour mieux émouvoir l’auditoire. Exemples : « frappe aérienne » à la place de « bombardement », « dommages collatéraux » à la place de « victimes civiles », « libéralisme » à la place de « capitalisme », « loi de la jungle » à la place de « libéralisme », « solidarité » à la place d’« impôt », « pédagogie préventive » à la place de « répression policière », « intervention humanitaire préventive » à la place d’« intervention militaire ».

  • EVOLUTION DE LA CONCEPTION DE LA PROPAGANDE

En latin (médiéval), “propaganda” est l’adjectif verbal de “propagere” signifiant littéralement “ce qui doit être propagé”. Cette forme latine se retrouve par exemple dans “agenda” “ce qui doit être fait”.

Ce terme devient totalement péjoratif durant la Seconde Guerre Mondiale et la défaite des Etats totalitaires qui persistaient jusque là à utiliser le terme. Ainsi, le fait que, sous le Troisième Reich, Joseph Goebbels disposait d’une fonction de “ministre de la propagande” n’a pas manqué, au lendemain de la défaite, de contribuer à renforcer l’image négative du terme.

La propagande poursuit généralement des objectifs de nature politique : nationalisme, fascisme, propagande nazie, stalinisme, mais aussi d’autres objectifs (militarisme). Les propagandistes cherchent à aiguiller l’opinion publique pour modifier les actions et les espérances des personnes ciblées. La propagande complète les dispositifs de censure. Celle-ci opère dans le même but mais de façon négative, par la sélection intéressée des informations favorables à l’interprétation voulue. La propagande procède par maîtrise de l’information, alors que la censure la supprime. Ce sont les deux faces d’une même stratégie de domination mentale, surtout utilisée dans les contextes de guerre. Ces deux types de manipulation peuvent être indépendants : la censure crée un besoin que la propagande s’empresse de combler.

Il est vrai que ce vocable “Propagande”, suggère des connotations de manipulation, d’enrégimentement, d’endoctrinement, de fanatisme. Non seulement on lui prête le pouvoir d’expliquer comment des régimes totalitaires du dernier siècle ont dirigé des millions d’hommes, mais on la dénonce, toujours à l’œuvre et toujours chez les autres. La propagande consisterait donc en une manœuvre contre la liberté de jugement. Si, au XX° siècle, tant de pays ou de partis ont ouvertement recouru à la propagande, le mot est devenu tabou depuis quelques décennies.

  • LES CRITIQUES DE LA PROPAGANDE

Les critiques de la propagande se placent souvent dans trois registres :

  • Le caractère mensonger de la propagande

La propagande suppose a contrario un semblant de clôture informationnelle : pour qu’elle soit totalement efficace, il faut que le destinataire ne puisse pas avoir accès à une autre source d’information, ou, à défaut, qu’il se ferme au monde extérieur, et n’absorbe plus que les messages conformes à la vision du propagandiste. De fait, certains régimes ont longtemps été capables de protéger leurs citoyens contre toute nouvelle extérieure. Certains ont même entrepris de réécrire l’histoire. Tel l’exemple de la propagande de la reine Isabelle la Catholique sur sa victoire sur la guerre de succession de Castille en 1479.

Cette équation « propagande égale mensonge » est toutefois simplificatrice. Le plus souvent la propagande a moins besoin de mentir que de présenter la réalité sous un certain angle. La propagande ne consiste pas – ou pas seulement – à diffuser des «nouvelles» qui entraîneraient la conviction de la population. Le processus est beaucoup plus large et joue sur les rapports du propagandé avec son milieu social autant que sur son comportement et ses valeurs. La propagande est plus efficace lorsqu’elle amène ses victimes à interpréter comme elle le suggère une réalité sélectionnée que quand elle affabule franchement. Un mensonge clair et net risque toujours un démenti.

Il existe un lien évident entre la forme de la propagande, celle du régime et celle des dispositifs techniques d’information disponibles. Les systèmes totalitaires du XX° siècle, par exemple, pouvaient se contenter de faire reprendre la version officielle par tout leur appareil de propagande et d’encadrement des citoyens, puisqu’ils contrôlaient tout : la censure, les textes et les ondes provenant de l’étranger, les contacts entre les citoyens et les étrangers.

  • Le caractère endoctrine de la propagande

Elle rend les individus conformes à un modèle, leur impose valeurs, pré-jugements, convictions. La propagande est une machine à conformer : elle propage de l’idéologie gagnant des têtes et débouchant sur l’aliénation. Ce sont des mots, des slogans, des images, parfois des rites qui renforcent le croyant dans sa foi et l’aident à interpréter le monde en accord avec l’idée. Elle vise à faire intérioriser des attitudes, mais aussi à faire intégrer une communauté : celle de tous les bons citoyens qui pensent de la même façon.

Cette critique distingue facilement une propagande dure et une autre plus douce plus insidieuse. La propagande « dure » n’est pas difficile à reconnaître : elle règne là où ne s’élève qu’une seule voix, dans les régimes (ou au sein des groupes) où s’impose un dogme officiel. 

Mais la propagande « douce », voire invisible, celle qui n’a besoin ni de haut-parleurs, ni de discours exaltés, ni d’uniformes, dans la mesure où toute société humaine repose sur des habitudes, des opinions ou des valeurs communes, où passe la frontière entre l’acculturation (tout ce qu’il y a de social en nous) et l’influence des masses

Conséquemment, tout ce qui fait la promotion du mode de vie occidental, dont la publicité, fait en réalité de la propagande pour un modèle global. Cette condamnation de la propagande est énoncée au nom de la liberté violée, celle du propagandé. Cela part d’excellents sentiments, mais une des caractéristiques de la propagande n’est elle pas de contribuer à changer de système ? 

  • L’art d’agir sur l’esprit « psychagogia »,.

Ils soulignent son caractère conscient, stratégique, manipulatoire, et souvent ses prétentions scientifiques. La propagande, ce sont d’abord des méthodes gérées par des professionnels pour influencer une opinion sur les masses ou “manufacturer un consensus”. Des chercheurs s’acharnent depuis l’entre-deux-guerres à mesurer l’efficacité de la propagande et ses variables, dans le cadre plus général du pouvoir des communications de masses.

La propagande est surtout un fait social : les recherches insistent sur le fait qu’elle s’adresse, certes, à des individus qu’elle veut amener à un acte comme un engagement ou un vote, mais que cet individu fait partie de communautés. Celles ci peuvent relayer la puissance du message : elles contribuent a renforcer le poids de la croyance de toute la force de la conformité aux normes du groupe.

Partie II. LES TRAITS CARACTERISTIQUES DE LA POLITIQUE D’ISABELLE

Dans cette partie, il est surtout question de repérer le cadre politique du règne d’Isabelle : les conditions de son accession au trône de Castille, ses œuvres et objectifs de son règne dont principalement l’unification de l’Espagne, la mise en avant de la religion catholique et les conquêtes qui feront de l’Espagne un empire.

Chapitre 4. LES RIVALITES DANS LA SUCCESSION DE CASTILLE

La succession se fait suivant le testament du souverain. Un des caractères dominants du royaume de Castille est la tenue de la lignée goth à la royauté, même à travers plusieurs dynasties. Isabelle la Catholique fait partie de la dynastie des Trastamares. Elle a commencé par le roi Henri II et s’est terminé par elle, qui a été succédée par la dynastie des Habsbourg.

Section 1. LA PRISE DE POUVOIR3

Henri IV, roi de Castille, surnommé à tort l’impuissant, avait passé la majeure partie de son règne à lutter contre les féodaux. L’habitude invétérée des Grands du royaume était de se partager en deux camps, excellent moyen d’affaiblir la monarchie et d’empocher des bénéfices. On les voyait d’ailleurs constamment changer de faction, les rebelles devenant tour à tour les défenseurs du souverain et ses adversaires.

Après de multiples péripéties, Henri, détrôné un jour en effigie, avait dû reconnaître comme héritier sa demi-sœur, l’infante Isabelle, au détriment de sa fille Jeanne, proclamée bâtarde, sans que la chose eût jamais été prouvée. On appelait la petite princesse la Beltraneja, parce qu’on lui attribuait comme père un puissant seigneur, don Beltran de la Cueva. Sous l’impulsion du redoutable archevêque de Tolède Carrillo, chef du parti aragonais, Isabelle épousa, à l’insu du roi, le jeune prince Ferdinand d’Aragon, fait pour l’occasion roi de Sicile.

Henri, furieux, dénonça leur pacte, puis, cédant à son caractère paisible, se réconcilia sans que fût tranchée la question successorale. Une période d’anarchie suivit. Tandis que le roi cherchait en vain à pacifier ses Etats, Isabelle s’était retirée à Ségovie avec un nombre assez faible de partisans. Le 12 décembre 1474, Henri IV mourait, sans doute empoisonné, victime d’un naturel trop doux pour une époque féroce.

Il fallait près de vingt-quatre heures à un bon cavalier pour couvrir la distance qui séparait Madrid de Ségovie. Henri IV était mort à deux heures du matin. Un messager, un certain Enrique de Ulloa, réussit l’exploit d’apporter la grande nouvelle aux environs de midi.

Ferdinand se trouvait à Saragosse, Isabelle était seule. Curieusement, ce fut sa chance car les dissentiments qui devaient se produire entre les deux époux n’auraient pas manqué d’entraver sa marche s’ils avaient éclaté sur-le-champ. Maîtresse de sa décision, la jeune princesse de vingt-trois ans déjà confrontée à tant d’épreuves n’eut pas une hésitation. Devant elle, l’alternative était simple. Elle gravissait le sommet ou roulait au bas de la pente. Avec une promptitude stupéfiante, elle fit pencher la balance.

Rien ne retarda son choix : ni la perte d’un frère qu’elle avait toujours méprisé, ni l’absence d’un mari dont le soutien ne lui était pas nécessaire, ni les lois du royaume qui exigeaient l’assentiment des cortes, des principaux prélats et des Grands, moins encore l’existence d’une héritière légitime. Jamais souverain ne s’empara du pouvoir avec si peu de garanties et dans un si médiocre entourage.

Vêtue de blanc, en signe de deuil, isabelle se rendit immédiatement à l’église et fit célébrer une messe à la mémoire du roi défunt. Puis, tandis que le peuple commençait à 1’acclamer, elle ordonna de dresser une tribune et regagna l’Alcazar. Le lendemain, de bonne heure, la foule s’était massée derrière un petit nombre de soldats qui faisaient retentir trompettes, fifres et tambours. Elle vit s’ouvrir les portes de l’Alcazar et surgir une véritable apparition. Semblable à un personnage de féerie, la reine blonde aux yeux d’azur s’avançait sur un cheval blanc caparaçonné d’or. Vêtue d’étoffes blanches et d’hermine, les joyaux de la couronne lui faisant une cuirasse, ses magnifiques cheveux ruisselant autour de sa tête, elle semblait presque irréelle et sa beauté sa majesté lui prêtaient à elles seules une légitimité.

Sous un dais soutenu Par quatre gentilhomrnes vêtus eux aussi de blanc, précédée d’un héraut, elle alla jusqu’à la tribune, y monta et, de ses propres mains, se coiffa de la couronne. Après quoi, elle jura de maintenir les lois du royaume qu’elle venait de violer. Les trompettes sonnèrent de nouveau. On cria : « Castille ! Castille ! ». Cabrera vint remettre les clefs de Ségovie à la nouvelle reine, qui reprit en cortège le chemin de l’Alcazar.

Contrairement à ce qui fut dit plus tard, aucun des Grands n’assistait à la cérémonie. C’est le chambellan Cardenas qui, selon Palencia, « marchait devant tous, seul à cheval, tenant dans la main droite une épée par la pointe, la poignée en haut, selon l’usage espagnol, afin que, sous les regards de tous, même les plus éloignés se rendissent compte que s’approchait celle qui pourrait châtier les coupables avec son autorité royale ».

Jamais encore une femme n’avait disposé de ce redoutable symbole. Isabelle ne se reposa pas sur ses lauriers à peine cueillis. Elle agit avec une vigueur propre à créer le fait accompli alors que, en réalité, elle ne disposait que d’un parti infime. Elle envoya partout des messagers annonciateurs de son couronnement, destituant d’avance ceux qui ne la reconnaîtraient pas. Bon moyen de jeter le trouble dans les guêpiers de la noblesse et du haut clergé !

  • Les réactions de son époux Ferdinand

C’est seulement ensuite – trois jours plus tard – qu’elle songea à prévenir son mari, et de quelle manière ! L’ayant mis brièvement au courant, elle ajoutait que « sa présence ne serait pas inutile, ce pourquoi il devrait fairece qui lui paraîtrait le mieux selon les circonstances, car elle ne connaissait pas l’état des choses en Aragon ».

Le lendemain, un gentilhomme nommé Gomez Manrique notifiait en quelque sorte officiellement au roi de Sicile la mort de son beau-frère et l’avènement de sa femme. Ferdinand était déjà au courant. Prévenu, à Tolède, par un messager presque aussi rapide qu’Enrique de Ulloa, Carrillo, toujours fidèle à l’Aragon malgré de pénibles démêlés au cours des années précédentes, avait, lui aussi, envoyé un courrier à Saragosse. Il pressait Ferdinand d’accourir à Ségovie et le nommait roi de Castille.

Le chroniqueur Palencia se trouvait auprès du jeune prince. Il témoigne que ce dernier, contrairement à sa femme, éprouva un réel chagrin de la mort du roi dont il avait peut-être su apprécier le caractère. Peut-être était-ce aussi une habileté qui le mettait d’emblée en opposition avec la nouvelle reine. Car il était ulcéré, blessé au plus profond de son orgueil royal et de sa vanité d’homme, heurté certainement dans ses véritables ambitions, dissimulées jusque-là. Le couronnement insolite le scandalisait et, surtout, il ne pouvait admettre cette épée de justice portée devant une femme.

Une fois encore, il montra combien sa mentalité était différente de celle de la reine. Son premier soin fut de demander à Palencia et à un savant jurisconsulte nommé Alfonso de la Caballeria si la procédure employée pouvait se justifier. Le résultat fut qu’il réclama personnellement le trône de Castille puisque, disait-il, une femme ne pouvait y accéder et que, représentant la branche collatérale des Trastamares, il était le plus proche parent mâle du défunt. Au demeurant, il appartenait à l’homme d’être le maître de son ménage.

Comme on le voit, il n’avait jamais eu l’intention de respecter les conventions matrimoniales établies et jurées à deux reprises, selon lesquelles la reine gouvernerait en personne. Il quitta Saragosse sous une pluie torrentielle et prit le titre de roi de Castille en franchissant la frontière. Mais, toujours prudent, il s’arrêta trois jours à Turegano, une petite ville proche de Ségovie, le temps de bien apprécier la situation.

Or Isabelle s’était gardée de l’attendre. Dès le 27 décembre, prodiguant les promesses, elle avait su former autour d’elle une « confédération » à laquelle adhéraient le cardinal de Mendoza, la connétable de Haro, l’amiral Enriquez et le puissant comte de Benavente. De son côté, le marquis de Santillana offrait son loyalisme en échange d’un duché. Le comte d’Albe, également.

Le plus étrange était le comportement de don Beltran de la Cueva. Ce prétendu père de la reine légitime, loin de s’intéresser le moins du monde au sort de son enfant, avait envoyé un mémorandum « sur les choses que le duc d’Albuquerque [il avait obtenu ce titre en échange de la maîtrise de Saint-Jacques] supplie notre dame la Reine de faire dépêcher ». Et ces choses étaient nombreuses ! Don Beltran se rendit seulement quand il eut obtenu un serment sur l’Evangile qu’elles lui seraient accordées.

Devant cette situation, Ferdinand était désarmé. Ses partisans lui conseillaient d’employer la force. Il leur répondit qu’« il espérait vaincre grâce à sa patience et qu’il était sûr de remporter la victoire en satisfaisant assidûment aux exigences de l’amour conjugal ».

Il entra à Ségovie le 2 janvier 1475, trouva sa femme intraitable. Elle était belle et bien proprieta, maîtresse du royaume. Comme Ferdinand menaçait de regagner l’Aragon sur-le-champ, elle accepta pourtant l’arbitrage du cardinal de Mendoza et de l’archevêque de Tolède. Les deux prélats se prononcèrent en faveur d’Isabelle, ce qui étonne de la part de Carrillo et prouve son amertume de n’avoir pas joué le premier rôle en cette affaire.

De nouveau, Ferdinand voulut partir et sa femme eut grand-peine à le retenir. Aussi habile qu’elle pouvait être violente, elle expliqua à son mari que des conventions ne sauraient le priver de ses droits conjugaux. Elle lui démontra en outre qu’en écartant les femmes du trône il en écarterait du coup la petite infante, leur fille unique.

Ferdinand se laissa convaincre. Ces querelles n’étaient d’ailleurs pas – il s’en faut – les principaux soucis de la nouvelle reine. Les problèmes venaient de la princesse Jeanne, que nul ne songeait alors à nommer la Beltraneja, et que le jeune marquis de Villena avait proclamée reine de Castille, bien qu’Isabelle lui eût promis la maitrise de Saint-Jacques.

  • Le différend avec l’archevêque Carrillo

Carrillo donna l’exemple. Isabelle était de ces princes qui ne pardonnent pas à ceux auxquels ils doivent trop, et elle en voulait à l’archevêque d’avoir tenté de la mettre en tutelle. Carrillo comprit bien vite qu’il n’avait aucune chance de gouverner sous le nom de ses protégés. Forçant le cours des choses, il demanda immédiatement sept charges importantes. Isabelle ne le reçut même pas. Il revint à Ferdinand de lui expliquer doucement que la plupart de ses requêtes étaient inacceptables.

Furieux, Carrillo s’écria en parlant de la reine : « Je l’ai trouvée qui filait, mais je la ferai retourner à son rouet ! » Et il partit pour Alcalà. Cette fois, Isabelle eut peur. Elle chargea l’un de ses partisans d’aller apaiser l’irascible archevêque, qui répondit d’une manière inquiétante. Un deuxième envoyé, le comte de Haro, annonçait la visite de la reine elle-même. Carrillo déclara que les ingratitudes d’Isabelle avaient passé la mesure et que, si elle s’avançait jusqu’à Alcalà, il sortirait immédiatement de la ville.

Là-dessus arriva la nouvelle qu’Alphonse V, roi de Portugal, avait décidé d’épouser sa nièce, Jeanne, maintenant âgée de treize ans, et de la reconnaître comme reine de Castille, malgré l’opposition de l’archevêque de Lisbonne et du duc de Bragance, le plus important des féodaux portugais. Carrillo n’hésita plus. A la tête de 500 lances, il alla rejoindre Alphonse et, à son tour, reconnut Jeanne «comme illustre reine de Castille ».

Burgos, Le6n, Madrid, Tolède, Alcalà, Séville se prononcèrent en faveur de la prétendue Beltraneja. Isabelle et Ferdinand auraient à ce moment perdu la partie sans l’énergie de l’une et l’astuce de l’autre. Leur situation était telle que la meilleure amie d’Isabelle, Béatrix de Bobadilla, et son mari exigèrent d’avoir la garde de la petite infante Isabelle en échange des clefs du Trésor. Et l’indomptable reine dut s’incliner !

On a dit d’Alphonse V qu’il fut le dernier roi du Moyen Age à unir le courage et l’esprit de chevalerie, l’honneur et le succès. Fort de la gloire que lui avaient valu ses victoires en Afrique, de ses richesses et, surtout, de sa réputation, « magnanime », il trouva l’occasion de s’ériger en défenseur d’une juste cause et d’annexer du coup le plus important royaume de la péninsule. Les mises en garde ne lui manquèrent pas. Comment se fier à ces nobles Castillans si habitués aux traitrises ? Comment être sûr de ses propres vassaux, dont plusieurs désapprouvaient l’entrevisse ?

  • Régler l’affaire en combat singulier

Alphonse n’écouta rien. Dès le 8 janvier 1475, il écrivit à Isabelle qu’il avait l’intention d’épouser la princesse Jeanne, légitime héritière d’Henri IV, et qu’il prenait dès lors le titre de roi de Castille. Isabelle proposa un second arbitrage, le cardinal de Mendoza s’interposa, de nouvelles démarches furent tentées auprès de l’archevêque de Tolède. Tout cela inutilement. Alphonse V voulait la guerre : il ouvrit la campagne au mois de mai, à la tête de 5 600 cavaliers et de 14 000 hommes de pied.

Le 12, il entrait à Placencia, où Villena lui remit la précieuse infante Jeanne. Là, il perdit un temps fatal à donner des fêtes en l’honneur du grand événement. Car il épousa effectivement sa nièce, sans toutefois consommer le mariage. Plus scrupuleux que ses rivaux, il attendait la dispense demandée au pape, puisque, encore une fois, il s’agissait de l’union de deux proches parents.

Jeanne envoya à ses « sujets » un long manifeste, où elle affirmait ses droits à la couronne et rappelait l’histoire des multiples serments prêtés, puis violés. Or, tandis que ses adversaires s’attardaient, Isabelle courait le pays, appelait le peuple à soutenir sa cause. Les Castillans furent émerveillés par le courage, l’éloquence et la ténacité de cette jeune femme de vingt-quatre ans, de nouveau enceinte.

Ferdinand recrutait de son côté. En un mois, le couple disposa de 40 000 hommes, mal équipés et généralement sans expérience militaire. Pendant que son mari s’efforçait d’en faire de véritables soldats, Isabelle continuait à exhorter les populations et administrait les affaires, soin qu’elle ne voulait laisser à personne. Epuisée, elle accoucha, à Tordesillas, d’un enfant mort.

Pendant ce temps, Hernando del Pulgar s’appliquait à répondre au manifeste de la « reine » Jeanne. Très habilement, ayant rappelé l’arbitrage de Mendoza et de Carrillo, il se plaçait sur un plan moral, sachant que c’était le meilleur moyen de troubler Alphonse V. « La voix du peuple est la voix de Dieu, et repousser Dieu, c’est vouloir vaincre les rayons du soleil avec le faible éclat de nos yeux. »

Il démontrait au roi du Portugal la mauvaise foi des seigneurs castillans. S’il l’emportait, il serait «toujours en train de subir et de demander, ce qui est métier de sujet et non pas de chef qui règne et qui commande ».

Il évoquait les malheurs de la guerre, « qui amène avec elle des incendies, des vols, des adultères, des rapines, des destructions, des sacrilèges ». Pour la soutenir, le roi devrait accabler ses sujets portugais « d’impôts continuels et de servitudes écrasantes… Force est donc que votre conscience si saine se corrompe et que la crainte que vos sujets ont de votre autorité se relâche ». L’habile Pulgar concluait : « Avant que cette guerre commence, vous devez y regarder de près, car entreprendre une guerre, n’importe qui en est capable, mais en sortir, non. »

Cette lettre impressionna vivement le scrupuleux Alphonse et lui inspira une défiance, d’ailleurs justifiée, envers ses alliés de Castille. C’est pourquoi, apparemment, il mena les opérations avec des lenteurs et des indécisions qui devaient, à la longue, lui coûter la victoire. L’alliance que lui promit Louis XI de France lui parut cependant un gage de succès. Il prit Toro et Zamora. Ferdinand, effrayé, lui proposa de régler l’affaire, selon les vieux usages, en un combat singulier.

Alphonse, qui aurait eu le dessous opposé à un si jeune champion, exigea qu’en ce cas Isabelle et Jeanne fussent échangées et gardées en otage. Evidemment, Ferdinand refusa. Vaincu devant Toro, il demanda à traiter. Alphonse, qui se heurtait à mille difficultés, accepta, à condition qu’on lui laissât Toro, Zamora et la province de Galice. Ferdinand était près d’accepter, mais c’était compter sans le caractère de sa femme.

« Pas un créneau ! » déclara énergiquement Isabelle, et cette parole devint en quelque sorte sa devise. Ce fut Mendoza qui sauva les jeunes souverains complètement démunis, en faisant fondre quantité d’objets d’or et d’argent pieusement remis aux églises et aux monastères.

  • Une véritable armée à elle seule

La dévotion d’Isabelle la fit hésiter, mais ce sentiment n’eut pas la force de l’autre. Elle disposa ainsi de 30 millions de maravédis, qui lui permirent de lever une nouvelle armée, alors qu’Alphonse annonçait déjà sa victoire à Louis XI.

Il proclamait sa victoire, sans oser s’enfoncer au cœur de la Castille, voulant toujours se ménager une retraite possible vers le Portugal. Ferdinand, au contraire, allait de l’avant, s’emparait de Burgos. Isabelle, véritable armée à elle seule, courait aussitôt y raffermir le loyalisme de ses partisans, puis se précipitait à Tolède, à León, à Valladolid, avant d’établir son quartier général à Tordesillas.

Le commandant de la place de Zamora livra le fort à Ferdinand, qui marcha sur Toro, où le roi du Portugal venait de recevoir des renforts amenés par son fils, le prince Jean. « Ne refusez pas le combat, dit Mendoza au jeune roi, marchez contre lui [Alphonse], ayez foi en Dieu, qui tient dans ses mains toutes les victoires et qui vous la donnera si vous la méritez. »

La bataille décisive, la seule vraiment importante de cette guerre, eut lieu près de Toro, le ler mars 1476. Elle fut aussi confuse que sanglante, coûta la vie à 10 000 hommes, ce qui, en ce temps-là, était considérable. Chacun dans le camp opposé à celui qui avait d’abord été le sien, le cardinal de Mendoza et l’archevêque de Tolède se battirent furieusement. Qui gagna ? Chacun se déclara vainqueur, mais le roi du Portugal abandonna le champ de bataille et se retira à Castromino, où il s’endormit pesamment, à la grande indignation du gouverneur de la place. En fait, il était moralement défait, ayant compris que ni les trésors portugais ni les machinations de la noblesse de Castille ne pourraient lui donner gain de cause.

  • Un génie de la propagande

Tandis qu’il tergiversait, Ferdinand annonçait sa victoire à sa femme. Isabelle connaissait l’efficacité de la propagande. Elle fit aussitôt chanter le Te Deum en l’église Saint-Paul de Tordesillas, où elle se rendit pieds nus ; elle organisa des fêtes, proclama à travers les Espagnes la nouvelle de son triomphe, en sorte que tout le monde y croyait lorsque fut connue une vérité moins évidente. Le principal allié d’Alphonse, cet étrange archevêque de Tolède, l’abandonna. Exemple qui ne manqua pas d’être suivi.

Le roi du Portugal ne renonça pas, mais forma d’autres plans, qui n’exigeaient pas la fidélité d’hommes « cent fois parjures ». Il quitta la Castille en compagnie de Jeanne, après avoir fortifié la frontière. Cette fausse manœuvre, et non le succès de leurs armes à Toro, donna leur royaume à Isabelle et Ferdinand.

Section 2. LA GUERRE DE SUCCESSION CASTILLANE

La Guerre de Succession de Castille4 (ou Seconde Guerre Civile de Castille) vit s’opposer, entre 1475 et 1479, les deux prétendantes au trône de Castille, Jeanne de Castille, soutenue par son époux, Alphonse V de Portugal et Louis XI de France, et Isabelle la Catholique, soutenue par son époux Ferdinand, héritier du trône d’Aragon et roi de Sicile et les grands du royaume de Castille.

  1. LE CONTEXTE

Henri IV avait épousé en 1455 Jeanne de Portugal, soeur du roi Alphonse V, mais le roi est réputé homosexuel et la reine a un amant, Beltrán de la Cueva. Quand, en 1462, elle met au monde une fille, prénommée Jeanne, la rumeur la dit bâtarde et on la surnomme “La Beltraneja”. En 1464, sous la pression de la noblesse, Henri fait de son demi-frère Alphonse son héritier, mais Alphonse meurt prématurément 4 ans plus tard et les nobles se rallient alors au parti d’Isabelle, la sœur d’Alphonse. Le roi accepte de désigner Isabelle comme héritière en échange de son serment de ne se marier qu’avec son assentiment (Traité de Los Toros de Guisando, 1468). En 1469 pourtant, Isabelle viole ce serment en épousant en secret l’héritier de la couronne d’Aragon, Ferdinand. Considérant le traité de Los Toros caduc, Henri nomme alors sa fille Jeanne héritière du trône, contre l’avis de la noblesse. Tous les éléments sont alors en place pour un conflit de succession entre les deux femmes.

  1. LES PARTIS EN PRESENCE

À la mort d’Henri en 1474, Isabelle se proclame reine et sillonne la Castille pour rallier les nobles à sa cause. Elle est soutenue par son mari, Ferdinand, héritier du trône d’Aragon et roi de Sicile, qui a des vues sur la Castille. Souhaitant garder son indépendance et pour calmer les craintes des castillans, Isabelle passe un accord avec son mari pour régner conjointement, mais de manière autonome sur les deux royaumes (Traité de Ségovie en 1475).

Manquant d’appuis, Jeanne accepte l’offre d’union de son oncle Alphonse V de Portugal, qui convoite également le trône de Castille, espérant conclure le même type d’accord de gouvernance. Alphonse lui apporte le soutien de la France de Louis XI de France, déjà en guerre avec Jean, roi d’Aragon, beau-père et allié d’Isabelle.

Jeanne peut également compter sur l’appui de la plus haute partie de la noblesse qui désire une monarchie faible, plus facilement contrôlable. De leur côté, les nobles de plus basse extraction et les gouvernements municipaux se rallient très vite à la cause d’Isabelle, qui apparaît comme une reine puissante, capable de préserver la Castille de l’appétit des royaumes voisins.

Malheureusement pour Jeanne, le pape annule son mariage avec Alphonse, arguant une trop grande proximité entre les deux époux, et, par le jeu des alliances, les ennemis traditionnels de la France, comme le Duché de Bourgogne et bientôt la Navarre, se rangent aux côtés d’Isabelle. Ainsi, dès le début du conflit, l’avantage semble acquis à Isabelle et ses partisans.

  1. LA GUERRE

Au début du conflit, Isabelle et ses partisans occupent le plateau central, et les villes de Tolède, Ciudad Real, et Badajoz, dont ils renforcent les fortifications, par crainte d’une invasion portugaise. Les troupes de Jeanne, elles, sont basées dans la vallée de la Duero et la ville de Toro et bloquent les voies d’accès à la Castille, mais les troupes Isabellines vont très vite les en déloger.

Isabelle conclut une alliance contre les Français avec Eléonore, reine de Navarre. Le roi de France met le siège devant Fuenterrabía, lieu stratégique pour faire passer ses troupes vers le Guipuscoa, en 1476, mais il est battu. Alphonse de Portugal est le premier à rentrer en Castille, mais la guerre ne lui est pas favorable car les nobles castillans sont majoritairement favorables à Isabelle. Il est battu à la bataille de Toro en 1476.

La même année, aux Cortes de Madrigal, Ferdinand et Isabelle créent une police d’État, la Santa Hermandad sous l’autorité de l’évêque de Carthagène, union sacrée des villes contre le banditisme et les exactions des armées privées. Leur pouvoir en est affermi. À Uclés cette même année, Rodrigo Manrique, le grand-maître de l’Ordre de Santiago, meurt et Isabelle fait reconnaitre son époux Ferdinand II d’Aragon comme grand-maître, ce qui augmente le pouvoir militaire des Rois catholiques en Castille.

En 1478, Isabelle met en place la sainte inquisition en Castille pour assoir son autorité. Elle envoie ses troupes envahir les îles portugaises des Canaries. Bien qu’elle aient eu l’ascendant dès le début de la guerre, la bataille d’Albuera scella la victoire des troupes isabellines. En 1479, Ferdinand succède à son père sur le trône d’Aragon. Les deux royaumes les plus puissants d’Espagne sont alors réunis, bien que gouvernés de manière autonome par les deux souverains jusqu’à la mort d’Isabelle en 1504.

Le traité d’Alcáçovas, le 4 septembre 1479, entre Isabelle et Jeanne met définitivement terme à la guerre de succession de Castille.

  1. LE TRAITE D’ALCAÇOVAS

Le traité d’Alcaçovas est signé le 4 septembre 1479, dans la ville portugaise du même nom, entre des représentants des Rois catholiques et du roi Alphonse V de Portugal et de son fils Jean II. Il est ratifié par le roi de Portugal le 8 septembre 1479 et par les Rois catholiques le 6 mars 1480.

Le traité met fin à la guerre de succession qui oppose, depuis 1475, les deux prétendants au trône de Castille, Isabelle la catholique, appuyée par son mari Ferdinand II d’Aragon, et Jeanne la Beltraneja, soutenue par son époux Alphonse V de Portugal et le roi de France Louis XI. Par ce traité, les monarques portugais renoncent définitivement au trône de Castille tandis que les rois catholiques renoncent à toute prétention sur la couronne du Portugal.

Le traité détermine également le partage des territoires de l’Atlantique entre les deux puissances ibériques: la Castille garde la souveraineté sur les îles Canaries et le Portugal contrôle la région côtière de l’Afrique occidentale (dite Guinée), Madère, les Açores et le Cap-Vert. Le Portugal conserve également l’exclusivité de la conquête du royaume de Fez. Le Traité d’Alcáçovas a établi les sphères castillanes et portugaises de la commande dans l’Océan atlantique et a arrangé, pendant un moment, une période d’hostilité ouverte, mais il a également créé la base pour de futurs réclamations et conflit. Le Traité d’Alcáçovas a établi les sphères de commande castillanes et portugaises sur l’Océan atlantique et a arrangé, pendant un moment, une période d’hostilité ouverte ; mais il a également créé la base pour de futurs réclamations et conflits.

La Castille rivale du Portugal avait été légèrement plus lente que son voisin pour commencer à explorer l’Océan atlantique, et ce n’était que tard au quinzième siècle que les marins castillans ont commencé à le concurrencer. En 1492, les rois catholiques ont décidé d’appuyer le voyage de Christoph Colomb, qui tente de trouver un chemin vers l’Asie par l’Ouest sur l’océan atlantique

Sur le long terme, le Traité d’Alcáçovas a pu être considéré comme borne limite dans l’histoire de colonialisme. Il est l’un des premiers documents internationaux sur lesquels ont été basé les principes de partage du reste du monde en « sphères d’influence » aboutissant à la colonisation. Ceci resterait un principe courant dans l’idéologie et la pratique des puissances européennes jusqu’au XXème siècle à la période de décolonisation. Le Traité d’Alcáçovas a pu être considéré comme l’ancêtre de beaucoup de traités et instruments internationaux.

Chapitre 5. L’UNIFICATION DE L’ESPAGNE

Les Rois Catholiques (Isabelle Ire de Castille reine de Castille et Ferdinand II d’Aragon , roi d’Aragon et de Sicile) sont à l’origine de la fin de l’Espagne musulmane grâce à la prise de Grenade le 2 janvier 1492 après un siège de 6 mois contre les Maures occupant la ville.

Ferdinand D’Aragon (né en 1452 à Saragosse et mort en 1516 à Madrigalejo) et Isabelle de Castille (née le 22 avril 1451 à Madrigal de las Altas Torres et morte le 26 novembre 1504 à Medina del Campo) furent pour les générations qui les ont suivis le symbole du renouveau espagnol (le pays qui était ravagé à cause des guerres multiples est devenu un pays unifié politiquement et religieusement). En quelques années, un seul souverain gouvernait l’ensemble des royaumes espagnols, et dans la péninsule, il n’y avait plus trace de la présence musulmane.

Nous allons montrer comment ce pays divisé est devenu un pays uni. Comment ce pays divisé est devenu un pays uni ? L’unification voulue par les Rois Catholiques est d’abord territoriale et politique : il faut unir les royaumes chrétiens pour pouvoir combattre les Maures. Cette politique d’union permet alors le développement.

Les Rois Catholiques ont rendu un pays divisé et déchiré économiquement en un pays unifié (politiquement). L’Espagne est la première puissance de la Méditerranée occidentale et grâce au Rois Catholiques, cette puissance va pouvoir perdurer. Les Rois Catholiques vont laisser un héritage impressionnant aux futurs rois (comme par exemple Les Indes (l’Amérique) qui s’ajoutent aux territoires conquis en Espagne). La puissance économique perdure et Charles Quint, leur petit-fils, est à la tête d’un véritable empire, héritier légal des royaumes de Castille et d’Aragon, Charles les unit et devient le premier souverain du royaume d’Espagne, de 1516 à 1556. De plus son prestige et sa puissance sont renforcés par la fondation de l’empire d’Amérique.

Section 1. UNE UNIFICATION TERRITORIALE ET POLITIQUE

  1. RAPPEL DE LA SITUATION DE L’ESPAGNE

L’Espagne en tant qu’Etat, au XVème siècle, n’existe pas. Le territoire était divisé en trois royaumes chrétiens, la Navarre, la Castille (qui est un regroupement de la vieille et de la nouvelle Castille) avec Léon, et l’Aragon. Enfin il y avait un dernier état musulman, celui de Grenade. Le mariage de Ferdinand et d’Isabelle inquiète donc les souverains voisins car l’Aragon et la Castille-et-Léon, réunis au sein d’un seul état permet de prévoir l’émergence d’une grande puissance.

Il existe tout d’abord des conflits entre Jeanne la Beltraneja reniée par son père, Henri IV, souverain de la Castille et aussi de Léon, et Isabelle de Castille (ces conflits sont dus au fait que Henri a choisi Isabelle, sa sœur comme héritière du trône au lieu de sa fille, héritière légitime).Cette guerre de succession entraîne aussi des dissensions sur le plan intérieur où la Castille-et-Léon est divisée en deux camps, les partisans de Jeanne et les partisans de Isabelle. Finalement, la question de la succession au trône est résolue par les armes lors de la bataille de Toro en 1476 où les troupes favorables à Jeanne sont défaites.

  1. L’UNIFICATION POLITIQUE PASSE PAR UNE UNIFICATION DES TERRITOIRES CHRETIENS

Isabelle était soutenue dans ses ambitions par l’archevêque de Tolède et d’autres grands. Celui-ci arrangea alors un mariage secret avec le fils de Jean II d’Aragon, Ferdinand, en dépit des ordres du roi de Castille. Étant cousins, les futurs mariés devaient demander l’autorisation du Pape, mais pour gagner du temps, l’archevêque fit rédiger un faux. Le mariage eut lieu à Valladolid en 1469 en toute discrétion, pendant une absence de Henri IV. Pour s’y rendre, Ferdinand dut traverser déguisé son pays en proie aux troubles. Henri, de retour, ne put que reconnaître le mariage et tenter de circonvenir le danger que représentait Isabelle pour la paix en Castille.

Les deux rois furent liés par les liens du mariage, mais aussi par un contrat d’association politique. Toutes les décisions en politique étrangère étaient prises en commun. Ils voyageaient donc ensemble par monts et par vaux, Isabelle partageant la vie de camp de son mari. Jamais, rois ne furent plus près de leur peuple, au dire des témoins de l’époque.

Section 2. UNE UNIFICATION ECONOMIQUE

  1. AGRICULTURE, ARTISANAT ET INDUSTRIE

Les Rois Catholiques et avec eux les Cortès (une assemblée pour chaque royaume dépendant de l’autorité du souverain espagnol) s’attachent aussi au développement économique de leurs pays. Ils favorisent l’élevage des ovins et le travail de la laine au niveau intérieur afin d’encourager le développement d’une véritable industrie castillane, exportatrice.

  1. UN COMMERCE INTERIEUR ET EXTERIEUR FLORISSANT

Ils favorisent aussi le commerce intérieur en optimisant le réseau routier de l’époque. Mais comme dans les autres pays d’Europe, le réseau fluvial et le réseau maritime lui font sérieusement concurrence car il est lent, pas très sûr (les taxes et divers droits de passage y sont innombrables). C’est à cette époque que les grandes villes usurpent aux Rois Catholiques le privilège de tenir une ou deux foires par an, d’une à trois semaines généralement, et si possible exemptées de taxes pour attirer les marchands. Il existe deux types de foires: les foires agraires où se négocient les produits de la terre et de l’élevage ainsi que des produits artisanaux, et les foires consacrées aux denrées de “luxe”, souvent importées. Le commerce maritime est l’apanage de grand ports comme Burgos, Bilbao, Barcelone et surtout Valence qui se livre à d’intenses activités d’import-export. Valence, cité artisanale de la soie, de la laine et de la faïence exporte aussi le bois, du cuir, du poisson et du blé. Valence qui, à la fin du XVe siècle, finira même par se lancer dans la piraterie, alors que les ports castillans la pratiquent depuis quelques temps déjà.

Section 3. UNE UNIFICATION RELIGIEUSE

  1. FERDINAND ET ISABELLE, DES ROIS « CATHOLIQUES »

Les Rois « catholiques » sont un titre que reçurent collectivement Isabelle de Castille et Ferdinand II d’Aragon, du Pape Alexandre VI, comme récompense pour avoir octroyé le titre de roi du christianisme au roi de France.

L’empreinte des Rois Catholiques va aussi s’exercer, comme leur nom l’indique, au niveau religieux. En 1492, le Pape Alexandre VI (1431-1503) est élu, il est espagnol et connu sous le nom de Rodrigo Borgia. Les Rois Catholiques sont des rois bâtisseurs, ils restaurent les cathédrales, construisent des monastères et des couvents urbains.

Grâce à leur puissance, les Rois Catholiques veulent affirmer la puissance de la chrétienté. Les pouvoirs, spirituel et temporel, vont étroitement coopérer et les minorités religieuses (200 000 juifs et 300 000 musulmans en janvier 1492) vont être difficilement admises dans la communauté. Par une pragmatique du 30 mars 1492, Isabelle et Ferdinand obligent les juifs de leurs royaumes à se convertir ou à partir. 50 000 environ choisirent la première solution; 150 000 s’en allèrent. En 1502, les musulmans de Castille, que l’on désignait sous le nom de “mudéjars”, furent obligés de se faire baptiser. Le décret du 25 novembre 1525 étendit la mesure à ceux de la Couronne d’Aragon.

Dès 1478, Ferdinand et Isabelle demandent auprès du Pape la création du Saint Office de l’Inquisition espagnole alors que les souverains des autres États sont plutôt enclins à cette époque à rejeter l’usage de ce tribunal d’Église qui fonctionne en “électron libre” au sein de leur pays et qui donc marche sur leurs plates-bandes. L’Etat espagnol décide donc de prendre sous son contrôle les tribunaux d’Inquisition. Ainsi donc, à partir de 1480, 12 à 13 tribunaux s’implantent dans le pays notamment à Séville, Cordoue, Valladolid, Barcelone, Valence, Murcie ou Tolède…

Les tribunaux d’Inquisition sont les tribunaux chargés par la Papauté de lutter contre l’hérésie (la non croyance en une certaine religion). La prison perpétuelle et le bûcher sont des peines fréquentes. En Espagne et au Portugal, l’Inquisition s’exerça longtemps (jusqu’au début du XVIème siècle).

  1. LES DERNIERES GUERRES CONTRE LES MUSULMANS ET LA FIN DE LA DOMINATION MUSULMANE

Après de longues années de domination sur le territoire espagnol, les musulmans vont se voir prendre leurs territoires conquis difficilement lorsque les armées de Ferdinand et d’Isabelle dévalèrent plaines et vallées pour envahir le Royaume de Grenade. Des batailles féroces eurent lieu pour tenter de sauver ce dernier bastion musulman d’Europe occidentale. En vain. Malaga, la plus fortifiée des cités grenadines, tomba en août 1487 ; fin 1489, c’était au tour de Guadix, Almuñecar, Almeria et Baza. Au début de l’année 1490, il ne restait plus que la ville de Grenade.

Les Rois Catholiques, Ferdinand et Isabelle, envoyèrent alors à l’émir de Grenade, Boabdil, une offre au terme de laquelle il leur livrerait la ville et abdiquerait en leur faveur moyennant protection et avantages matériels. Appuyé par sa cour et par son peuple, le Roi Boabdil refusa l‘offre des Rois Catholiques, prenant l’engagement de défendre sa ville et sa religion autant qu’il lui était possible. La guerre hispano-maure débuta ainsi au cours de l’année 1490. Les Musulmans parvinrent à reprendre un certain nombre de forteresses mais l’arrivée de l’hiver empêcha les deux camps de poursuivre les hostilités.

Ferdinand et Isabelle savaient que la prise de Grenade était la condition pour que le sud de l’Espagne entre définitivement sous leur coupe. Grenade était en effet le foyer de la résistance qui insufflait l’esprit du jihâd au sein des Musulmans andalous. Au printemps 1491, ils levèrent donc une armée de cinquante mille hommes et marchèrent sur la dernière ville arabe d’Europe. Ils détruisirent les champs et les cultures avoisinantes et coupèrent toutes les routes d’approvisionnement maritime ou terrestre que seraient susceptibles d’emprunter des renforts venant du Maghreb ou de l’Empire ottoman. Malgré ce siège implacable, les Grenadins résistèrent courageusement. Malgré le déséquilibre des forces, ils lançaient des attaques récurrentes contre l’envahisseur chrétien. Pendant de longs mois, Grenade soutint le siège avec bravoure. Mais avec l’avancée de l’hiver, le froid, la neige, la faim, le désespoir commença à s’installer chez certains. Le Roi Boabdil fut obligé de capituler, malgré l’opinion populaire qui souhaitait poursuivre la lutte jusqu’au dernier souffle.

Boabdil envoya son général Abû Al-Qâsim au campement des Rois Catholiques pour négocier secrètement la reddition. Les pourparlers durèrent plusieurs semaines, au terme desquelles les protagonistes signèrent la capitulation de Grenade. C’était le 25 novembre 1491. Quelques semaines après la signature du traité, Grenade se rendit. L’armée espagnole envahit la ville et se dirigea directement à l’Alhambra, le palais royal, édifié deux siècles et demi plus tôt par le fondateur du Royaume de Grenade, Ibn Al-Ahmar. On installa au sommet de la plus grande tour de l’Alhambra une imposante croix argentée, celle que portait le Roi Ferdinand lors de ses batailles contre les Maures. On annonça que Grenade appartenait désormais aux Rois Catholiques. C’était le 2 janvier 1492. L’Histoire tournait définitivement la page de l’Espagne musulmane.

  1. UNE UNITE PARACHEVEE. UNE ESPAGNE QUI PEUT DEVENIR PUISSANTE

Les Rois catholiques ont été enterrés à Grenade pour montrer leur détermination pour reconquérir cette ville et leur attachement à leur religion. C’est une sorte de défi pour les musulmans pour leur montrer qu’ils sont plus puissants qu’eux. Le traité pour la conquête de Grenade comportait une soixantaine de clauses se résumant ainsi :

  • Le Roi de Grenade s’engageait à livrer la ville de Grenade aux Rois Catholiques dans un délai ne dépassant pas soixante jours à compter de la date de signature du traité.
  • Tous les prisonniers, des deux camps, seraient libérés sans rançon.
  • Les Musulmans ne seraient pas molestés dans leurs personnes, dans leurs biens ou dans leur honneur. Ils pourraient garder leur juridiction et leurs juges. Ils pourraient pratiquer librement leur culte.
  • Les mosquées resteraient inviolées. Aucun Chrétien ne pourrait investir une mosquée ou la demeure d’un Musulman.
  • Pendant trois ans, les Musulmans qui le souhaitaient pourraient traverser librement vers l’Afrique dans des navires affrétés par le Roi Catholique Ferdinand.

Mais la générosité apparente de ces clauses allait s’avérer n’être que duperie et mensonge. L’Inquisition allait faire son œuvre et les Musulmans n’eurent d’autre choix que la conversion, l’exil ou la mort. Les musulmans furent donc chassés de l’Espagne vers l’Afrique du Nord (3 millions furent tués).

Section 4. FORMATION DE L’EMPIRE ESPAGNOL

La création de l’empire espagnol est le fruit de la volonté d’unification de l’Espagne, initié par celle du royaume de Castille et d’Aragon. Une chose après l’autre, la fin de la reconquista a confirmée l’existence, désormais, d’une Espagne unie sous le règne des rois catholiques. A la conquête de l’Amérique, par Christoph Colomb, s’ajoute les colonies espagnoles. A partir de ces événements, l’Espagne commence son expansion pour devenir au XVe siècle un empire européen et de puissance mondiale.

L’empire espagnol est à son apogée pendant le règne de Charles Quint, le premier empereur espagnol et de Philippe II. Mais c’est sous le règne d’Isabelle et Ferdinand, les rois catholiques, qu’il s’est formé. La première étape de l’expansion espagnole outre-mer a été la conquête des îles Canaries entre 1491 et 1496, suite au traité d’Alcáçovas contre les Portugais en 1479. La deuxième étape est l’occupation et la colonisation de Melilla en territoire marocain en 1497. Le royaume de Castille ne s’investit dans l’expansion dans l’océan Atlantique que lorsque la Reconquista contre les musulmans d’Espagne est achevée, après la chute de l’Émirat de Grenade en janvier 1492.

Après un refus du roi du Portugal, le Génois Christophe Colomb arrive à convaincre les Rois catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, de financer une expédition qui doit permettre d’atteindre les Indes et ses richesses par l’ouest. En octobre 1492, Colomb atteint l’île de San Salvador (Bahamas), puis fonde le premier établissement colonial du Nouveau Monde à Hispaniola. Il est nommé « vice-roi des Indes » (1493-1500) par les rois espagnols avec des privilèges très importants ; son gouvernement se révèle désastreux, pour les colons qui s’affrontent entre eux, mais surtout pour les autochtones d’Hispaniola dont la population s’effondre du fait des exactions des conquérants et des maladies apportées par les européens. Au cours de trois autres voyages jusqu’en 1504, Christophe Colomb explore les Antilles et le littoral de l’Amérique centrale, mais c’est à un autre Génois, Amerigo Vespucci qu’est attribuée, en 1507, la découverte d’un nouveau continent, l’Amérique, après trois voyages entre 1499 et 1504. Au XVIe siècle, les Espagnols découvrent les terres qui s’étendent de la Californie et de la Floride jusqu’à la Terre de Feu, et l’océan Pacifique, jusqu’aux Philippines et aux îles Salomon.

Section 5. IMPACT DU REGNE DES ROIS CATHOLIQUES

Si l’on considère les rapides changements qui se produisirent après l’avènement des Rois Catholiques, il est indéniable que leur règne apparaît comme décisif pour l’histoire de l’Espagne. Néanmoins, tous les spécialistes s’accordent aujourd’hui pour dire qu’il y a eu un excès de louanges et qu’il est nécessaire de nuancer certains récits biographiques concernant ces souverains. En effet, un phénomène d’hagiographie débuta du vivant même d’Isabelle et de Ferdinand, avec la rédaction de la Crónica de los Reyes Católicos don Fernando y doña Isabel par Fernando del Pulgar (1436 – 1493), où l’auteur fait constamment l’apologie des souverains espagnols. D’autres biographes écrivirent à leur tour de véritables panégyriques, favorisant ainsi une propagande intense qui ne manqua pas de glorifier les Rois Catholiques et leurs actions. Pour mieux mettre en relief les mérites d’Isabelle et de Ferdinand, ces chroniqueurs n’hésitèrent pas à assombrir volontairement et de façon très exagérée les règnes précédents. Durant des siècles, les Rois Catholiques furent considérés comme les premiers souverains espagnols ayant été capables d’avoir rétabli l’ordre dans leur royaume. Divers travaux d’érudition permettent aujourd’hui de nuancer cette renommée. Certes, Isabelle et Ferdinand furent de grands monarques qui, par leur union, avaient permis à l’Espagne moderne de voir le jour. Mais il est certain que leur action, si souvent vantée, fut grandement facilitée par des circonstances exceptionnelles dont ils surent tirer parti avec habileté : une population en pleine croissance, une économie stable rendue de plus en plus prospère avec la découverte du Nouveau Monde et l’arrivée de ses richesses, une explosion culturelle et intellectuelle aux conséquences majeures pour le pays.

Si le bilan du règne des Rois Catholiques est aujourd’hui quelque peu nuancé par les spécialistes, il n’en reste pas moins que le mérite de ces deux souverains est grand. À la fin du XVe siècle, grâce à eux, l’Espagne s’était engagée peu à peu dans la voie de son unification. Certes, des différences régionales difficiles à gommer subsistaient encore, mais l’exaltation de ces monarques contribua à faire naître un sentiment « hispanique ». Isabelle et Ferdinand avaient su réorganiser très profondément le royaume que leur union avait créé : ils avaient donné au pays un gouvernement ferme et libéré des influences que la haute noblesse, le clergé et les Cortès exerçaient jusqu’alors sur lui. Ils avaient créé une armée moderne et performante. De plus, un personnel administratif efficace et compétent avait été mis en place. En outre, les Rois Catholiques avaient reconstitué des finances relativement saines et étaient parvenus à rendre leur pays plus sûr, grâce à l’instauration de la Santa Hermandad. Enfin, ils avaient tenté d’unifier religieusement leur royaume et, en même temps, avaient favorisé son ouverture en laissant de nouveaux courants de pensée s’y développer.

Chapitre 6. L’ESPAGNE CATHOLIQUE – L’INQUISITION

En 1479, alors que l’Inquisition médiévale vit ses dernières heures, Isabelle la Catholique fonde avec son époux Ferdinand l’Inquisition espagnole. Cet acte de naissance illustre la particularité de cette institution : elle est sous le contrôle de l’Etat et non du Saint-Siège, même si celui-ci a donné son accord. Le contexte de la Reconquista donne également des objectifs bien précis, orientés contre les minorités religieuses que sont les juifs et les musulmans.

L’Inquisition doit participer à la conversion de force et l’expulsion de ces minorités, puis vérifier la validité de la foi des reconvertis. Cette politique est illustrée par l’expulsion des juifs en 1492. L’Inquisition est l’arme de l’épuration religieuse, qui se traduit par la « Limpieza de sangre » (pureté du sang), ensemble de mesures qui vise à écarter les non chrétiens des postes stratégiques.

Le premier inquisiteur, Thomas de Torquemada, agit avec violence et brûle deux milles personnes en l’espace de quinze ans, provoquant la réprobation du Saint-Siège. Mais son pouvoir s’étend rapidement à la condamnation des sorcières, de la magie…

À partir de 1529, l’Inquisition a une autre mission : la lutte contre les protestants. Grâce à cette institution, l’Espagne résistera à la Réforme et restera fermement catholique. Usant de la torture, faisant peser une véritable chape religieuse et culturelle sur le pays, hanté par la figure cruelle de Torquemada, l’Inquisition espagnole perdure pendant plusieurs siècles. En effet, si l’Inquisition médiévale a été repoussée pour laisser la place aux instruments de contrôle et de justice d’État, l’Inquisition espagnole, en tant que bras de l’État, n’a pas ce problème. Moyen de préserver les traditions, elle reste ainsi en place jusqu’à la conquête napoléonienne.

  1. HISTOIRE DE L’INQUISITION

L’inquisition fut créée vers 1199 par le pape Innocent III. Elle visait à contrer le valdisme, le catharisme, le protestantisme, le judaïsme, toute forme de religion qui n’était pas catholique. L’ordre des dominicains fut principalement à charge de son développement. Vers 1478 sous le règne Isabelle de Castille et de Fernand d’Aragon avec l’aval du Pape Sixte le quatrième, fut créé le Conseil Suprême de l’ inquisition espagnole et de ses colonies. 

Sa fonction visait à détecter les crimes contre la foi, la religion, la couronne d’Espagne et le Saint Office (incluant l’entrave à la justice inquisitrice), la morale et les bonnes mœurs (dont la bigamie ou les propositions sexuelles à/de religieux à ou/de religieuses) ou l’ordre public, les pratiques de sorcellerie (ou le recours à elles), la possession, le trafic vente et lecture d’œuvres hérétiques, sataniques, immorales, impudiques, subversives… 

Lorsque quelqu’un était soupçonné (ou dénoncé, ce qui était le plus fréquent) d’un crime repris dans la liste ci-dessus, les éléments étayant ces soupçons étaient rassemblés et présentés à un premier conseil qui décidait de la gravité du cas et de la nécessité de procéder à l’arrestation du suspect, la mise sous séquestre de ses biens et à son interrogatoire.

Même sur les religieux sont susceptibles d’être arrêtés, incarcérés, soumis à la question, voire promis au bucher. C’est surtout le cas des “allumbrados” ou “illuminés”, ceux qui affirment avoir des “visions” de la Vierge, de saint(e)s, entendent des voix (…) qui d’emblée génèrent la suspicion des inquisiteurs. Là aussi on les suivra, rassemblera des témoignages sur leurs affirmations et la teneur de celles-ci. Si elles sont en accords avec les préceptes de l’église, pas de problème, les voies vers la béatification pourraient même être ouvertes. A cet égard, il est intéressant de savoir que même les deux premiers saints du Pérou avant d’accéder à cette dignité, furent l’objet d’enquête des inquisiteurs. Toute fois ceux-ci estimèrent qu’il n’y avait pas lieu de les arrêter, ni de mettre leurs affirmation en jugement. 

Ceci dit, ce sont souvent des dénonciations qui sont à la base des enquêtes, voire de l’arrestation immédiate des incriminés. Ensuite on interrogera la personne soupçonnée. Interrogatoire qui visait à établir la culpabilité de l’inculpé et la reconnaissance de la ou des fautes par celui ou celle-ci, et son amende volontaire avec son retour aux normes catholiques après la dénonciation de ses “errements” et de ceux qui l’ont entrainé sur cette voie contraire aux préceptes catholiques. 

Au cas où l’accusé ne reconnaissait pas ses fautes, on le passait à “la question”, autrement dit interrogatoire sous la torture pour lui faire avouer ses crimes, voire identifier l’action du “malin” (le diable ou ses démons). Pour ce faire, les méthode étaient multiples. Mais celles-ci voulaient éviter que lors de ces séances de douleurs poussées à leur paroxysme, le sang ne coule pas et le “questionné” ne trépasse pas d’avantage. Il fallait lui donner l’impression qu’il allait mourir, noyé, étouffé, garrotté ou de douleur, mais éviter que cela n’arrive. Ce ne fut pas toujours possible, plusieurs suspects rendirent l’âme en plein interrogatoire. 

Ceci dit, lorsque l’accusé était considéré coupable avec la circonstance aggravante, qu’il ne faisait point amende et ne marquait aucun repentir des fautes qui lui étaient imputée, la charge de faire couler le sang ou de lui ôter la vie était transférée (sans possibilité de révision) à une exécution par des instances gouvernementales. 

  1. L’INQUISITION EN EUROPE

Aux 14e et 15e siècles, l’Inquisition s’est répandue à d’autres coins de l’Europe. En Italie, l’Inquisition s’en est prise aux mouvements nationalistes dans des régions telles la Lombardie au nord, à Venise ou en Sicile. On l’utilisait dans le but de réprimer ces mouvements politiques. Dans le nord de la France et les territoires germaniques, l’Inquisition est intervenue politiquement et militairement en prétextant s’en prendre à de petites sectes mystiques. Les pouvoirs régionaux, y compris les principautés locales, ont refusé de coopérer à cette inquisition. Dans le monde d’aujourd’hui, cette forme d’interventionnisme s’effectue en envoyant des forces spéciales américaines pour « aider les gouvernements » à combattre le terrorisme.

Conquise par les musulmans, et reconquise en partie par les chrétiens au XXIIIe siècle, l’Espagne était hétérogène sur le plan religieux, et une certaine tolérance s’était établie afin que les musulmans, les chrétiens et les juifs puissent vivre en paix. Vers la fin du 15e siècle, alors qu’avait lieu une consolidation politique et territoriale, « la tolérance espagnole s’est brusquement transformée. L’Espagne a vu naître une forme d’inquisition encore plus impitoyable et dérangeante que n’importe où ailleurs en Europe ». (Bill of Rights in Action)

L’Inquisition espagnole se distinguait, elle aussi, par un procédé consistant à fabriquer un consensus et à pourchasser les hérétiques et les non-croyants. Or, on s’en servait pour appuyer un processus de consolidation territoriale dans la péninsule ibérique, dont le but était de renforcer la monarchie absolue, ainsi que les pouvoirs de l’aristocratie foncière contre les classes marchandes juive et musulmane.

C’est sous les ordres de la reine Isabelle, la Reine Catholique, que l’Inquisition espagnole a été instituée. En 1483, les Rois Catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, ont établi un Conseil pour diriger l’Inquisition. Tomas de Torquemada, un conseiller d’Isabelle, est devenu le premier Grand Inquisiteur, lui qui avait autrefois prêché contre les juifs et les musulmans convertis (conversos). Cette inquisition visait la répression des imminentes classes marchandes. « Un pays, un dirigeant, une foi », tel était désormais le mandat du Grand Inquisiteur.

Le pape a maintenu l’Inquisition et son agenda caché : l’ordre féodal et les guerres coloniales menées par l’Espagne. L’Inquisition espagnole a duré 300 ans.

  1. L’INQUISITION ESPAGNOLE EN DATE
1478 Sixte IV autorise la désignation d’inquisiteurs espagnols Le pape Sixte IV autorise le roi d’Espagne Ferdinand V et la reine Isabelle le Catholique à instituer dans leur pays une Inquisition dépendant de la Monarchie. Après la Reconquista, le but est de débusquer et de condamner les marranes (juifs convertis) qui continuent à pratiquer leurs rituels juifs en cachette. En 1492, débutera la répression contre les juifs espagnols. 
1480 Premiers inquisiteurs espagnolsLe roi Ferdinand V choisit les premiers inquisiteurs espagnols et les envoie en mission à Séville. Ceux-ci doivent alors chercher et condamner les hérétiques marranes qui ont fomenté une insurrection. Les premiers bûchers et actes de torture se mettent en place. 
1482 Torquemada inquisiteurLe roi Ferdinand V nomme de nouveaux inquisiteurs chargés d’éradiquer l’hérésie dans le territoire espagnol. Parmi eux, figure le futur inquisiteur général, Tomas de Torquemada. Symbole du fanatisme religieux et de la violence de l’Inquisition espagnole, il a une grande responsabilité dans la généralisation de la torture et des bûchers. Les jugements de l’Inquisition prennent alors le nom d’Autos da fe (acte de foi). Soucieuse de se débarrasser des minorités religieuses, l’Espagne s’engage avec l’Inquisition dans la “Limpieza de sangre”, la pureté du sang. Celle-ci consiste à écarter du pouvoir des personnes qui se sont récemment converties au christianisme. 
1492Expulsion des juifs d’EspagneGalvanisés par leur succès sur les Maures qu’ils ont réussi à bouter hors d’Espagne, les rois catholiques espagnols, Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, décident de faire expulser tous les juifs du royaume au nom de l’unité religieuse. L’Inquisition espagnole, mise en place quelques années plus tôt, permet de pourchasser les juifs qui refusent l’exil ou la conversion au catholicisme. L’exode de milliers de juifs espagnols dans le bassin méditerranéen crée une diaspora séfarade qui parlera pendant plusieurs siècles la langue espagnole du XVème. 
1501 Les Maures expulsés de GrenadeAprès s’être attaqué aux juifs, le royaume d’Espagne décide d’appliquer la même politique aux musulmans, à savoir la conversion ou l’expulsion. Là encore, l’Inquisition joue un rôle primordial dans ce processus de purification religieuse. 
1535 L’Inquisition met en place les certificats de “propreté du sang”Dans la continuité de la politique “Limpieza de sangre”, l’Espagne met en place les certificats de propreté du sang, politique que Charles Quint parvient à faire admettre au pape Paul III. Ces certificats ont pour fonction de démontrer que la personne est bien de sang chrétien, c’est-à-dire que lui ou sa famille ne se sont pas convertis récemment. Cette mesure participe à la lutte contre les hérétiques dirigée par l’Espagne et son Inquisition depuis la Reconquista. 
1808 Joseph Bonaparte abolit l’InquisitionLorsque Joseph Bonaparte monte sur le trône d’Espagne, il décide d’abolir l’Inquisition espagnole. Celle-ci sera rétablie en 1813. 
1834 Abolition définitive de l’Inquisition espagnoleAprès avoir maintenu pendant trois siècles et demi la société espagnole dans une véritable chape culturelle, l’Inquisition est supprimée par le gouvernement de la régente Marie-Christine. L’arrivée au pouvoir de Joseph Bonaparte, sous le nom de Bonaparte Ier, avait déjà permis une pause entre 1808 et 1813. 

Partie III. LE MYTHE POLITIQUE DE LA PROPAGANDE D’ISABELLE

Cette troisième et dernière partie tend à répondre à la problématique. Il s’agit de définir les caractéristiques de la propagande dans son objectif, sa typologie, son fondement et ses valeurs politiques. Ce qui amène à une redéfinition de cette propagande à travers les mouvements et actions politiques des temps modernes, qui basent leurs aspirations politiques sur le règne d’Isabelle Ire.

Chapitre 7. LA PROPAGANDE D’ISABELLE : CARACTERISTIQUES ET TYPOLOGIE

Il s’agit de la propagande de la reine Isabelle la Catholique pendant la guerre civile de Castille. La reine Isabelle avec son époux le roi Ferdinand représente deux emblèmes de l’histoire de l’Espagne. Leur règne est considéré comme une période glorieuse du fait de l’unification de l’Espagne, unification territoriale et religieuse, et de leur volonté de faire de l’Espagne un état/ empire puissant.

Section 1. HISTOIRE, LE MOYEN-AGE : PROPAGANDE PAR LA RELIGION

En termes de définition, la propagande de la reine Isabelle revêt d’une idée de faire croire. Elle fit aussitôt chanter le Te Deum en l’église Saint-Paul de Tordesillas, où elle se rendit pieds nus ; elle organisa des fêtes, proclama à travers les Espagnes la nouvelle de son triomphe, en sorte que tout le monde y croyait lorsque fut connue une vérité moins évidente.

Suite à la chute de l’Empire romain, la propagande par l’État, sans totalement disparaître, cède sa place à l’influence grandissante de l’Église catholique. La propagande chrétienne est fortement basée sur les vestiges de l’ancien empire romain, en utilisant notamment son formidable réseau de communication et son système légal. À la base de cette puissante œuvre de propagande, il y a un livre, le plus grand best-seller de tous les temps, la Bible. L’historien Maurice Mégret écrit même que: «Les grands livres de la guerre psychologique sont, […], la Bible et Homère». D’ailleurs, il faut reconnaître la force de la propagande des papes en Europe, qui se fait sans armée, mais qui réussit tout de même à relativement imposer son pouvoir face aux différents souverains. 

L’Église développera fortement la propagande idéologique, notamment par son processus de conversion en Europe et au-delà, mais aussi par des moyens plus agressifs, passant de l’usage du faux aux Croisades, jusqu’à l’effroyable Inquisition. À cet effet, l’Église, à travers le moine dominicain Humbert de Romans, développe un Manuel de propagande des croisades, ce qui fera dire aux historiens Garth S. Jowett et Victoria O’Donnell que «The success of Christianity is a testament to the creative use of propaganda techniques». La chrétienté, mais aussi les autres grandes religions monothéistes, par la diffusion de leurs écrits, demeurent parmi les plus puissantes campagnes de propagande orchestrées par l’homme. Dieu est un argument très convainquant pour diffuser une vision du monde.

Toutefois, pendant le Moyen Âge, les rois d’Europe vont également utiliser la propagande pour obtenir plus de pouvoir, notamment grâce aux légistes, véritables propagandistes au service des rois. Le plus célèbre de ces propagandistes-légistes sera Machiavel, qui définira même une théorie de la propagande. Basée sur les techniques et les traditions romaines, la propagande médiévale fera notamment usage des débats publics et de l’écriture de lourds documents, s’apparentant aux livres blancs produits par les États de nos jours, pour justifier sa politique. Toutefois, la principale contribution des légistes sera de développer la technique du slogan, de la formule choc. Machiavel dira même: «gouverner, c’est faire croire.» La propagande compte désormais ses premiers «fonctionnaires», diffusant le message de l’État par des moyens légaux qui restent axés sur la nécessité de convaincre alliés et ennemis de la force de ses propres convictions.

Section 2. LES VALEURS CARACTERISTIQUES DE LA PROPAGANDE D’ISABELLE

Si la propagande d’Isabelle Ire est devenue une référence dans la politique, c’est avant tout grâce à l’idéologie véhiculée par elle. Ce qui nous amène à en déduire deux idées majeures de la propagande d’Isabelle : son fervent nationalisme et sa grande passion pour l’affirmation de la religion.

La principale ambition de la reine d’Isabelle a été de voire une Espagne unie et puissante. Cette idée a été, pendant son règne, maîtresse de ses actions. D’abord par son mariage avec le prince de l’Aragon, ensuite la reconquête de Grenade et enfin par ses actions aux vues d’une unité religieuse.

Chapitre 8. REFLET DE LA PROPAGANDE DANS LA TRAVERSEE POLITIUQE DE L’ESPAGNE DES TEMPS MODERNES

Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon sont deux personnages centraux de l’imaginaire nationaliste. Le régime franquiste en gomme progressivement la dimension historique pour ne retenir des deux personnages qu’un aspect plus mythique et symbolique. Les deux souverains sont perçus comme les artisans de l’unité politique et religieuse de la péninsule. Unité politique d’abord puisque le mariage de 1469 associe l’Aragon et la Castille pour un destin commun. En 1492, la disparition du dernier royaume musulman de Grenade vient compléter et achever le projet. Unité religieuse ensuite lorsque le pouvoir monarchique organise en 1492 l’expulsion massive des Juifs hors du territoire et impose avec l’inquisition le christianisme comme seule religion autorisée. 

Les dernières années du XV° siècle sont aussi vues comme un temps de conquêtes : Christophe Colomb aborde les rivages américains et indique les routes que les Conquistadores de la génération suivante emprunteront. Des explorations accomplies sous l’œil bienveillant d’Isabelle devaient naître un immense empire dont l’Espagne tirerait pour trois siècles sa gloire et sa puissance. Cet épisode historique fournit au camp nationaliste les éléments essentiels de son idéologie: la restauration d’une Eglise puissante capable de cimenter la société espagnole sur ses valeurs (Phalangistes et carlistes se retrouvent d’ailleurs, au-delà de leurs divergences, autour du vieil idéal médiéval de croisade que Franco instrumentalise. Une croisade menée contre les «Rouges»); l’exaltation d’une Espagne Une (Le franquisme combat aussi les aspirations basques et catalanes à conserver leur autonomie traditionnelle), d’une Espagne Grande (La perte des colonies américaines au XIX° siècle humilie profondément le pays.

Les principales matérialisations de l’idéologie politique d’Isabelle se sont surtout manifestées pendant la guerre civile d’Espagne de 1936, pendant laquelle femmes et hommes se sont inspirés de son fervent nationalisme.

Section 1. LES FEMMES S’ACTIVENT DANS LA PROPAGANDE PHALANGISTE5

Dès le début de la Guerre civile, les insurgés ont besoin du concours des femmes de la Zone nationale. La Section féminine de la Phalange apparaît bientôt comme l’organisation la plus adéquate pour susciter la mobilisation féminine et pour la contrôler. La propagande diffusée auprès des militantes tend à fomenter un conditionnement idéologique susceptible à la fois : 

  • de justifier l’utilisation des compétences des femmes en temps de guerre sans entrer en contradiction avec l’idéal traditionnel de la femme au foyer,
  • de garantir un retour volontaire — et militant — des femmes au foyer après la guerre.

Quand éclate la Guerre civile espagnole, le 18 juillet 1936, les insurgés ne sont pas plus préparés que les républicains à une guerre longue dans laquelle les civils – et parmi eux, les femmes – devront s’organiser durablement. Le souvenir prégnant, dans la mémoire collective, des guerres civiles du XIXe siècle, ne suffit pas à compenser l’absence d’expérience directe de la mobilisation en temps de guerre. Contrairement aux femmes des autres pays d’Europe qui ont vécu le conflit de 1914-1918, les Espagnoles de 1936 n’ont pas encore été massivement confrontées aux nécessités de l’économie de guerre.

Par ailleurs, lors de la Première Guerre mondiale, les femmes européennes mobilisées allaient à la conquête de leurs droits civiques. En revanche, pour les Espagnoles qui se mobilisent en 1936 dans un camp comme dans l’autre, il ne s’agit pas de donner la mesure de leur capacité à participer à la vie sociale et politique. Cette capacité leur est reconnue depuis près de cinq ans par la Constitution républicaine. C’est pourquoi, si dans les deux camps les droits des femmes sont soumis à débat, c’est en termes de réévaluation plutôt qu’en termes de reconnaissance. Dans le camp républicain, le débat sur l’ordre des priorités de la République en guerre (victoire militaire/révolution sociale) a pour corollaire la question de l’opportunité d’un élargissement des droits acquis, ou au contraire de la nécessité d’une restriction. Dans le camp national, il ne s’agit pas de trouver la juste mesure entre la lutte pour la victoire et la lutte pour les droits des femmes, mais de mobiliser les femmes pour la victoire et contre les droits acquis.

Enfin, pour les hommes comme pour les femmes, il s’agit dans l’un et l’autre camp d’obtenir la victoire non pas sur un autre, un étranger, mais sur un semblable, un voisin, un compatriote. Par conséquent, il est difficile dans ces circonstances d’écarter la question du rôle politique des femmes en la diluant dans la question réputée plus ou moins apolitique du patriotisme. Certes, avec sa théorie de la « guerre totale », la propagande des insurgés fait de la Guerre civile une guerre d’indépendance, une guerre nationale, ce qui lui permet de nier le politique au nom du patriotique. Il n’en reste pas moins que, pour justifier la mobilisation féminine qu’exige cette même « guerre totale », il faut produire un discours qui, transformant un droit civique en devoir national, valorise la participation des femmes à l’effort de guerre.

Cette triple spécificité au moment où éclate le conflit de 1936 : absence d’expérience directe et récente de la mobilisation en temps de guerre, reconnaissance préalablement acquise de la capacité civique des femmes, enjeu explicitement politique non oblitéré par des motivations supra-politiques (patriotiques), conduit les nationaux autant que les républicains à créer -à adapter- de nouvelles normes de conduite féminine, une nouvelle propagande sur les femmes et en direction des femmes.

  1. « POUR LA VICTOIRE, CONTRE LES DROITS ACQUIS »

Pour le gouvernement de Burgos, il est urgent de mobiliser efficacement les énergies féminines afin de répondre aux besoins immédiats et concrets de la guerre en cours, ainsi qu’aux besoins -à terme- d’une « paix nationale-syndicaliste » fondée sur un ordre hiérarchique patriarcal rigide. Il lui faut donc construire un idéal féminin susceptible de rendre compatibles l’image traditionnelle de la femme et les nécessités de la guerre, « l’éternel féminin » et la participation active des femmes au projet de « l’État Nouveau ».

C’est ainsi que s’explique, sans doute, le rapide succès de la Section féminine de la Phalange dans la Zone nationale. Cette organisation, embryonnaire au début de la Guerre civile, propose en effet un idéal de la femme qui, présentant certains éléments de modernité, répond à ces exigences. Depuis sa création au sein de la Phalange de José Antonio Primo de Rivera au printemps 1934, la Section féminine propose une image plus active, plus juvénile, plus efficace que celle offerte par les autres organisations féminines -confessionnelles pour la plupart- qui adhérèrent au soulèvement militaire. En assumant dans une certaine mesure et à sa façon la reconnaissance des droits acquis pendant la République, la Section féminine de la Phalange satisfait la soif féminine d’activités extra-domestiques et de reconnaissance politique, en même temps qu’elle la canalise. La méthode est simple : elle consiste à soustraire provisoirement les jeunes filles à la hiérarchie familiale pour les soumettre à la hiérarchie d’une organisation au sein de laquelle elles se livrent à des activités concrètes qui les convainquent de leur utilité pendant la guerre, et qui leur font croire à une réelle émancipation. En contrepartie, ces jeunes filles apprennent à renoncer à leurs prérogatives au nom de l’intérêt supérieur de la cause, et ceci en principe sur un plan de stricte égalité avec leurs homologues masculins. Dès lors, la Section féminine devient pour le gouvernement de Burgos, qui rend obligatoire par le décret du 7 octobre 1937 le service social présenté comme le strict équivalent féminin du service militaire, l’un des instruments les plus efficaces du nouveau régime pour atteindre un triple objectif :

  • organiser et contrôler la mobilisation des femmes, afin que puissent être utilisées leurs compétences dans les tâches subalternes qui leur sont attribuées ;
  • préparer leur retour au foyer après la guerre, ainsi que leur renoncement aux droits acquis pendant la deuxième République ;
  • faire des femmes les plus sûres ordonnatrices de la hiérarchie patriarcale au foyer comme dans la société.

Les Conseils nationaux de la Section féminine, qui se réunissent en assemblée plénière chaque année à partir de janvier 1937, ont précisément pour fonction de dicter des consignes en ce sens aux déléguées provinciales de l’Organisation féminine. Ces dernières devaient à leur tour les transmettre aux déléguées locales chargées d’inculquer aux masses féminines les principes qui devaient faire d’elles de « bonnes Espagnoles ». 

  1. « A VOUS AUSSI, L’ESPAGNE VOUS A CONFIE DES ARMES »

Dans les premiers mois de la Guerre civile, à l’instar des miliciennes de la Zone républicaine bien que dans une moindre mesure, des jeunes femmes nationalistes avaient rêvé de voir leur nom « inscrit en lettres d’or sur le drap noir qui se trouve dans tous les centres phalangistes », comme le dit en janvier 1938 Pilar Primo de Rivera, Déléguée nationale de la Section féminine. Autrement dit, pour nombre de ces jeunes nationalistes, l’idéal antirépublicain qu’elles défendent n’est pas incompatible avec une certaine forme, élitiste, de revendication égalitaire. C’est en tant qu’individus appartenant à une élite et non en tant que représentantes de la collectivité féminine dans son entier que ces jeunes femmes souhaitent jouer un rôle actif. Or, si la hiérarchie de l’organisation peut condamner ouvertement la « tentation milicienne », elle ne peut condamner avec la même désinvolture des droits civiques dont avaient aussi bénéficié celles qui adhéraient à l’insurrection. 

Tout en canalisant la soif d’héroïsme actif des jeunes phalangistes, il faut éviter de leur donner, ainsi qu’à bien d’autres, le sentiment qu’on leur a confisqué le droit d’intervenir dans le destin national. Ne leur avait-on pas demandé, dans les derniers mois qui avaient précédé la guerre, d’aller dans les rues vendre des timbres de soutien à la Phalange, d’aller dans les prisons, rendre visite aux militants en détention ? Ne leur demande-t-on pas maintenant de confectionner et d’entretenir le linge des soldats ? Ne leur demande-t-on pas depuis le début de la Guerre civile, de plus en plus massivement, de quitter le foyer pour se rendre à temps plein dans les cantines, dans les orphelinats, dans les hôpitaux, dans les hôpitaux militaires ou dans certaines administrations gouvernementales ? C’est peu demander pour les jeunes phalangistes les plus enthousiastes, c’est beaucoup demander, en revanche, pour la majorité de la population qui soutient l’insurrection. 

Dans un environnement idéologique hostile aux activités féminines extra-domestiques, il faut justifier la mobilisation des femmes et susciter leur engagement dans une organisation hiérarchique dont les manifestations externes sont typiquement paramilitaires. La Section féminine se trouve ainsi confrontée à une contradiction qu’elle s’emploie à résoudre en exploitant à l’envi le thème de l’égalité dans la différence, qui lui permet de rassurer les uns en limitant les activités de ses militantes à des activités traditionnellement féminines et de flatter les plus avides d’héroïsme en entourant ces activités de prestige militaire. 

Pour montrer à une opinion réticente que la participation des femmes dans la vie publique, loin d’être en contradiction avec la tradition historique, a au contraire de glorieux antécédents peu suspects de sympathies libérales, la propagande phalangiste a recours à des modèles puisés dans le passé. Ces mêmes modèles vont permettre en même temps de rappeler à l’ordre les plus rebelles en leur montrant que l’héroïsme au féminin, même dans ses exemples les plus illustres, s’en est toujours tenu à des limites précises. 

  • Première limite : une mobilisation provisoire dans une situation exceptionnelle ; 

Selon Eugenio Montes, l’un des plus fidèles collaborateurs de la propagande nationale-syndicaliste, la mobilisation massive et anonyme se serait toujours imposée aux femmes comme une nécessité vitale dans des situations-limite de « guerre totale ». C’est d’après lui le cas pendant cette Guerre civile de 1936 comme ce fut le cas à l’époque lointaine des sièges soutenus par des villes comme Sagonte, Numance, et plus tard Zamora. De même, la plupart des théoriciens de propagande adressée aux femmes mettent l’accent sur le fait que les grandes figures féminines du passé, telles que Chimène, ou la reine Urraca, ne sont intervenues dans l’histoire qu’en dernier recours, pour remplacer qui un époux, qui un fils, et toujours dans des situations-limite et exceptionnelles. 

La figure privilégiée de cette propagande est sans aucun doute celle de la reine Isabelle de Castille : de même qu’Isabelle a entrepris de réformer la Castille en son temps, la femme phalangiste doit voler au secours de l’Espagne et la sauver de la décadence. Cependant, il doit être bien clair que comme Isabelle, la phalangiste qui se mobilise le fait aux dépens de ses aspirations féminines auxquelles elle renonce héroïquement. Aussi doit-elle considérer ses activités militantes en temps de guerre comme des activités temporaires et n’avoir pas d’autre souhait que de s’en voir libérée au plus vite, afin de retourner aux activités du foyer propres à son sexe.

  • Deuxième limite : une forme spécifique de participation ;

Selon l’idéal phalangiste explicité par la Déléguée nationale et par ses collaborateurs, la participation de la phalangiste dans la vie civique ne doit jamais dépasser les strictes limites de la féminité. Une telle exigence suppose une définition de la nature féminine que presque tous les théoriciens de la propagande phalangiste tentent de formuler, chacun à leur manière. Tous, en tout cas, tombent d’accord pour affirmer que la fonction biologique de la femme détermine son destin et sa fonction sociale. 

L’exemple d’Isabelle de Castille, utilisé pour glorifier l’intervention féminine sur la scène politique dans des situations exceptionnelles, est aussi utilisé pour montrer que cette intervention étant par nécessité d’une nature différente, elle rend vaine toute tentative de comparaison avec les hommes, et encore plus vaine la moindre velléité de compétition. C’est dans cette logique que Jésus Suevos affirme au sujet d’Isabelle la Catholique, que ses capacités politiques ne furent que des manifestations pures et simples de sa féminité : « elle n’a pas agi directement sur les choses, elle a su s’entourer d’hommes capables de s’y employer ». 

N’étant pas faites, au contraire alors des hommes, pour agir sur les choses, les femmes auraient une mission civique spécifique que le chef de la propagande phalangiste Dionisio Ridruejo qualifie de mission pédagogique. Cette mission pédagogique consiste, en temps de guerre, par delà leurs activités matérielles concrètes énumérées plus haut, à inculquer aux masses des femmes espagnoles les principes et le style de la Phalange, pour qu’à leur tour, ces dernières soient capables d’inculquer à leurs fiancés, à leurs maris, à leurs frères, à leurs enfants, ces mêmes principes. Dès son deuxième Conseil national, en janvier 1938, et en dépit des grands discours sur la mobilisation féminine en temps de guerre, la Section féminine donne la priorité à cette mission.

  1. ET AINSI, DE GENERATION EN GENERATION …

C’est ainsi que la phalangiste infirmière, lavandière ou cantinière sur le front, éducatrice ou puéricultrice dans les orphelinats, agent de liaison ou secrétaire dans les bureaux, divulgatrice rurale dans les campagnes, doit apprendre à considérer ces activités hors du foyer comme un pis-aller provisoire nécessité par la guerre. Elle doit voir dans le caractère traditionnellement féminin des activités qui sont réservées aux femmes une marque du respect de leur mission naturelle dans lequel les tient le gouvernement de la zone nationale. Elle doit apprendre enfin à renoncer à agir directement sur les choses, afin de mieux se consacrer à la charge d’agir sur les êtres. Car la Phalange affirme résolument vouloir s’appuyer sur les femmes pour préparer l’adhésion des générations futures à ses valeurs et à l’État Nouveau auquel elle aspire.

Pilar Primo de Rivera, l’une des rares femmes à qui soit accordé le droit à la parole dans l’appareil de propagande du nouveau régime, énonce inlassablement dans ses discours et dans ses écrits la liste des qualités de la « femme nouvelle » dont la phalangiste est le prototype : disciplinée, pleine d’abnégation, la « femme nouvelle » doit en outre se caractériser par une joyeuse austérité. Respectueuse des prérogatives masculines, elle doit considérer toutes ses activités, même ses activités militantes, comme le prolongement de sa vocation naturelle de mère et d’éducatrice, quelle que soit sa condition, quelles que soient les circonstances. Chargée de la mission de transmettre des valeurs, la phalangiste, « dépouillée de tout défaut et de tout vice », doit cultiver et perfectionner sa vocation naturelle de mère, en ayant toujours à l’esprit cette mission. C’est ainsi que les indéniables éléments de modernité introduits dans la vie des femmes espagnoles au cours de la Guerre civile sont entièrement finalisés en ce sens. La pratique de la culture physique s’impose comme un devoir pour le bon accomplissement de la fonction procréatrice. 

La connaissance par les femmes des doctrines phalangiste et catholique n’a de justification que pédagogique : la future éducatrice doit pouvoir inculquer ces doctrines à ses enfants et en entretenir la vivacité dans l’esprit de son époux. Il en est de même de la culture, que la Section féminine tient à promouvoir parmi les Espagnoles, toujours avec ce même objectif : entretenir et transmettre les valeurs nationales de génération en génération. Quant aux activités hors du foyer, à ces professions exercées comme des actes de service en temps de guerre, elles doivent rester dans l’ordre de l’exceptionnel, être perçues comme des compensations réservés aux célibataires qui n’ont pas encore reçu en privilège le sacrement du mariage, ou qui ne le recevront jamais. 

Telle est l’ambivalence de la propagande phalangiste. Pour rendre compatibles le retour au foyer avec le souvenir de l’expérience acquise en temps de guerre, pour contrecarrer le risque évoqué par Dionisio Ridruejo d’une résurgence du féminisme parmi les militantes de la Section féminine, l’organisation joue la carte d’une apparente et très partielle modernité. Pour domestiquer la réalité de la participation féminine et conjurer le danger indiqué par Ridruejo, la Phalange promeut une image de la femme comme pierre angulaire de la société nationale-syndicaliste afin de mieux assurer la réalisation d’un idéal ancré dans la tradition la plus antiféministe.

Section 2. L’ESPAGNE FRANQUISTE

L’idéologie franquiste exaltait une Espagne traditionaliste et antimoderniste, fondée notamment sur la religion catholique et le corporatisme. Elle doit beaucoup au départ à la Phalange fondée en 1933 par José Antonio Primo de Rivera dans la mouvance du fascisme italien. Elle se présentait comme une relecture de la pensée traditionaliste qui avait séduit la classe dirigeante après la Restauration bourbonienne de la fin du XIXe siècle. D’autres apports complèteront cette « idéologie franquiste » tels l’évocation mythique d’un passé glorieux (l’esprit de croisade reconquérant des rois catholiques), le réflexe anti-libéral hérité de l’absolutisme de Ferdinand VII ou encore l’hostilité viscérale qu’inspirent au caudillo le marxisme, la libre pensée et la franc-maçonnerie.

  • CARACTERISTIQUES DE LA PROPAGANDE FRANQUISTE

La propagande franquiste met l’accent sur les valeurs traditionnelles nationalistes et religieuses, dont le sommet est le terme de « croisade » qui en est le leitmotiv. Le slogan franquiste España una, grande y libre insiste sur l’unité, la grandeur et l’indépendance de l’Espagne.

Les traits caractéristiques du régime se définissent en :

  • Régime de parti unique selon les modèles dictatoriaux et réactionnaire : le seul parti autorisé est le Movimiento Nacional.
  • Substitution de la démocratie parlementaire par le système dit de la démocratie organique.
  • Concentration de pouvoirs dans la seule personne du Caudillo. Développement du culte de la personnalité.
  • Retour au centralisme bourbonien, refus de tout droit politique, linguistique ou culturel aux régions (Catalogne, Galice et Pays basque en particulier).
  • Restriction de la liberté d’opinion, d’association et de réunion.
  • le catholicisme est fait religion d’état. Mise en place d’un régime proche du National-catholicisme.
  • LE NATIONAL-CATHOLICISME

Le national-catholicisme est une critique du régime franquiste instauré en Espagne pendant la majeure partie du XXe siècle, en réponse à la définition officielle du parti qui se qualifiait lui-même de « démocratie organique » (democracia orgánica). L’expression vient d’Amérique du Sud, et est reprise par Michel Del Castillo.

  • Définition

L’association volontairement polémique du nationalisme et du catholicisme dans le terme national-catholicisme, renvoie à une perception d’un rôle de la religion du catholicisme, qui sortirait en quelque sorte du rôle qu’on lui reconnait couramment, lié à l’organisation spirituelle de la communauté de ses fidèles, pour se mêler de politique. Le national-catholicisme serait une sorte de théologie religieuse qui voudrait s’incarner dans le temporel, en se présentant comme une idéologie politique comparable à la théologie de la libération, à l’autre extrême de l’échiquier politique. Il pourrait s’agir aussi d’une implication, affirmée ou laissée dans l’ombre sur le destin des États-nations, d’un lobby secret ou discret, relayant ces différentes thèses.

Après la Seconde Guerre mondiale — la guerre d’Espagne étant perçue par certains historiens comme « la dernière fois où l’Homme s’est battu au nom de la défense des idées » et la répétition générale d’un conflit mondial occasionnant plus de quarante millions de pertes humaines — le terme de « national-catholicisme », par association d’idées avec le « national-socialisme », permet de mettre en relief ce qui serait une anomalie espagnole : le franquisme, pourtant associé au camp des vaincus, reste au pouvoir, ce qui représente un scandale aux yeux de beaucoup d’opposants politiques espagnols.

  • Un épouvantail

Les phalangistes espagnols n’étaient pas à la base reliés à cette confession, plus proche en cela d’une version ibérique des chemises noires ou brunes qui parvinrent du parti à l’État avec la Grande dépression, les unes le renforçant, les autres y accédant. La France était agitée également par les Croix de Feu, l’ensemble se radicalisant contre le communisme comme contre le pouvoir en place des démocraties installées sur la bourgeoisie pratiquante qualifiée de « judéo-chrétienne ».

Bartolomé Bennassar se sert de l’existence de ce concept, d’abord employé dans le camp nationaliste (c’est-à-dire franquiste, dénomination précédant la transformation de l’État espagnol en junte avec culte de la personnalité au sortir de la guerre), pour distinguer les luttes d’influence qui le traversèrent – côté gauche, ces luttes furent pires encore puisqu’elles résultèrent sur un paroxysme de coups de feu fratricides.

  • Cet historien évoque notamment :
    • le rôle joué par les miliciens navarrans ralliés au camp nationaliste, nommées requetés: des catholiques pratiquants et autonomistes de culture proche de celle du pays basque, dont la Navarre est le creuset culturel, d’une part.
    • de l’autre, les diverses mouvances de la Phalange, dont une hiérarchie aux sympathies fascisantes sur le modèle des partis allemands et italiens, qu’il fallut décapiter au sortir de la guerre pour imposer l’unique tête du Caudillo sur l’État et un nouveau parti issu de la fusion de ces deux branches si différentes (des autonomistes pratiquants d’une part, des nationalistes castillans de l’autre).

Franco s’éloigna alors des États fascistes en déclarant neutre l’Espagne, et en refusant le passage aux divisions allemandes pour le projet de prise du rocher de Gibraltar (sur les conseils de Pétain) ; la transition franquiste tomba sur le pays et ses habitants, le droit de réunion fut strictement encadré ; jusqu’aux obsèques de la tête de l’État, le régime continua avec la bénédiction de représentants de la hiérarchie cardinale espagnole et des grandes industries du pays.

C’est là que le régime se servit de la référence à la religion et au passé identitaire du pays pour se légitimer.

Le Vatican n’y eut aucun rôle direct ; employant le terme, la propagande franquiste développa également une association avec le terme de cruzada, qui renvoyait au processus de Reconquista et aux figures fortes en couleur des Rois catholiques et de l’apôtre saint Jacques le Matamore, permettant aux individus ayant des scrupules face à ce passé quelque peu mouvementé d’obtenir une amnésie rédemptrice et salutaire : c’était une croisade, il fallait la faire, asphyxier le camp adverse était le seul moyen d’en finir avec les troubles de la seconde république espagnole précédant le coup d’État militaire à compter du 12 juillet 1936.

Cette association peut paraître plutôt osée pour un camp qui avait largement fait appel aux armées coloniales du Maroc composées de Berbères de confession musulmane pour s’engager dans le conflit.

L’édification par étapes de la structure démocratique européenne mit un terme à ces accusations de national-catholicisme, d’autant que l’épiscopat espagnol avait pris, dès la fin de la guerre, ses distances avec le pouvoir franquiste

CONCLUSION

Le règne d’Isabelle de Castille représente le début d’une ère glorieuse et de puissance pour l’Espagne. C’est sur cette idéologie que les mouvements politiques des temps modernes ont orienté leurs actions, faisant ainsi de la reine Catholique l’une des modèles politiques espagnols. Son principal dévouement pour une nation unie et puissante, son fervent penchant pour la religion catholique sont les grandes caractéristiques de son règne, d’autant plus que même dans ses actions, ces aspirations patriotiques et à tendance nationaliste sont toujours maîtresses de ses actions.

De ce fait, pendant la guerre d’Espagne, les défenseurs des valeurs traditionnelles impériales, et des principes d’unité de l’Espagne que sont les phalangistes ont orienté leur idéologie politique en accord avec les œuvres de la reine Catholique. Au temps d’Isabelle de Castille, les techniques de propagande tenaient la force de son pouvoir qu’elle a su mettre en œuvre pour ce qu’il en est de sa victoire contre le roi du Portugal, à la fin de la guerre de succession de Castille. C’est ce qui définit le modèle de propagande utilisé actuellement pour la défense d’idéologie dans l’Espagne moderne.

BIBLIOGRAPHIE

David El Kenz, La propagande et le problème de sa réception, d’après les mémoires-journaux de Pierre de L’Estoile, Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 90-91, 2003.
Philippe Erlanger, Isabelle viole la Castille.
Justin Wintle, The Rough Guide History of Spain, Penguin Group, 2003.
Marie-Aline BARRACHINA, Les femmes nouvelles dans la propagande phalangiste, CLIO – Histoire, femme et sociétés, 1997
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Jean-Pierre JARDIN, le rôle politique des femmes dans la dynastie Trastamere, e-spania, 2006
Guillaume Marceau, La propagande dans l’histoire du monde: chronique d’une influence totale, 2009.
Ellen Rice, Le mythe de l’inquisition espagnole, Dossier Catholique, 1996.
Les chants nationalistes dans la guerre d’Espagne, Labo son n°13, janv 2010, www.clionautes.org
Southammavong Nicolas, De Moura Valentin, les Rois Catholiques.
La naissance d’un Etat moderne : Le cas de l’Espagne (milieu Xve siècle – début XVIe siècle)
Michel Yaèche, Y-a-t-il une Isabelle La Catholique?
  • 1 Naissance et affirmation de la Castille (882-1474) par Joseph Pérez.

2 David El Kenz, La propagande et le problème de sa réception, d’après les mémoires-journaux de Pierre de L’Estoile, Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 90-91, 2003.

3 Philippe Erlanger, Isabelle viole la Castille.

4 Justin Wintle, The Rough Guide History of Spain, Penguin Group, 2003.

5 Marie-Aline BARRACHINA, Les femmes nouvelles dans la propagande phalangiste

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