Méthodologie de Rédaction du mémoire en marketing

TABLES DES MATIERES

TABLES DES MATIERES

LISTE DES FIGURES

LISTE DES TABLEAUX

INTRODUCTION

Chapitre I. L’Aide Internationale en Afrique : histoire et contextualisation

1. Les antécédents et liens historiques des donateurs et des bénéficiaires

1.1. Périodes marquantes de l’histoire

1.2. Enjeux de l’aide internationale

2. Les grands acteurs de l’Aide Publique au Développement (APD)

2.1. Aide Publique au Développement ou APD

2.2. Conception géostratégique de l’APD

2.3. Nouveaux pistes et nouveaux moyens

2.4. Stratégie nationale « l’appropriation »

3. Financements en Afrique : les raisons d’un besoin endémique

3.1. Problèmes de l’Afrique

3.2. Appréciation sur l’efficacité ou non de l’aide publique au développement

Chapitre II. Ancrage socio-économique : La place de la femme dans la société africaine

1. L’émancipation de la femme, un vecteur de la croissance économique

1.1.    Rôles des femmes africaines

1.2. Les contraintes entravant l’émancipation de la femme

1.3. Les facteurs permettant l’émancipation de la femme

1.4. Initiatives des organisations locales et internationales pour l’émancipation économique des femmes

2. L’enjeu de l’égalité homme-femme en Afrique

2.1. Les causes de l’inégalité entre les hommes et les femmes

2.2. Enjeux

Chapitre III. Antagonisme entre traditions et besoin d’indépendance

1. Le poids des injonctions culturelles

1.1. Culture et développement

1.2. Dimension culturelle du développement.

1.3.  Culture dominante pour les pays colonisés

2. Un schéma familial bouleversé

2.1. Organisation sociale des sociétés africaines

2.2. Viol culturel

Chapitre IV. Les conséquences de l’aide occidentale

1. Les effets bénéfiques pour les femmes africaines

1.1. Perturbation ou bénédiction

1.2. Autonomisation

1.3. Emancipation des femmes africaines

2. Les limites d’action de l’aide face aux obstacles locaux et internationaux

2.1. Rationalisation

2.2. Aide et dépendance

2.3. Détournement des fonds d’aide

2.4. Absence de volonté des bénéficiaires

2.5. Obstacles à l’inclusion financière des femmes

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

LISTE DES FIGURES

Figure 1 : APD nette, total en % des RNB 2017

Figure 2 : Répartition de l’APD au niveau mondial

Figure 3 : inégalités de sexe dans le marché de travail

Figure 4 : Date clés de l’agenda 2063

Figure 5 : Les causes des inégalités dans les milieux ruraux d’Afrique

Figure 6 : Vision sur l’égalité totale homme-femme dans tous les domaines de la vie

Figure 7 : Idéologie sociale de la femme africaine

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : répartition des hommes/femmes dans le marché du travail en Afrique subsaharienne en 2019

Tableau 2 : Différents obstacles à l’inclusion financière des femmes africaines

ACRONYMES

 

AECID                  Agence Espagnole de Coopération  Internationale pour le Développement

AFD                      Agence Française de Développement

AID                       Aide Internationale pour le Développement

APD                      Aide Publique au Développement

BAD                     Banque Africaine pour le Développement

BM                       Banque Mondiale

BIRD                    Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement

CAD                     Comité d’Aide au Développement

CE                        Commission Européenne

CNUCED             Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement

EPT                      Education Pour Tous

FAO                     Fond and Agriculture Organization

FMI                       Fonds Monétaire International

ILO                       International Labour Organization

OCDE                  Organisation de Coopération et de Développement Economique

ODD                     Objectifs de Développement Durable

OIT                       Organisation Internationale du Travail

ONG                     Organisation Non Gouvernementale

ONU                     Organisations des Nations Unies

PAS                       Programmes d’Ajustements Structurels

PIB                        Produit Intérieur Brut

PME                      Petites et Moyennes Entreprises

PMI                       Petites et Moyennes Industries

PNUD                   Programmes des Nations Unies pour le Développement

RNB                      Revenu National Brut

SCEA                   Stratégie Continentale de l’Education pour l’Afrique

SIGI                     Social Institutions and Gender Index

UA                        Union Africaine

UNESCO              Organisation des Nations Unies pour L’Education, la Science et la Culture

VBG                      Violences Baseés sur le Genre

INTRODUCTION

« If you educate a man you educate an individual, but if you educate a woman you educate a whole nation » Dr. James Emman Kwegyir Aggrey.

Au sein de nos sociétés passées et actuelles, les schémas sociaux, économiques et culturels aussi bien dans leur conception que leur application, participent à la marginalisation voire l’invisibilisation de la femme en tant que membre à part entière de la société. Dans les débats qui animent l’actualité de la sphère internationale, le sentiment anti-occidental, découlant des séquelles de la colonisation en partie motivée par une volonté de négation des sociétés africaines dans leurs structures et leur existence par les occidentaux, mêlé à l’ambition des pays africains de s’émanciper de ce que certains qualifient de la « perfusion occidentale », alimente la remise en cause de l’efficacité et de la légitimité de l’aide internationale en Afrique. En effet, les pays donateurs font face à de nombreuses contestations liées à leurs politiques de développement. L’allocation de fonds publics et privés pour améliorer le quotidien des populations les plus démunies, en particulier les femmes, les plus vulnérables dans les situations de crises, apparaît comme essentiel. Dans leur ambition pour réduire le taux de pauvreté en permettant l’accès des femmes au secteur financier et en réduisant l’écart entre les hommes et les femmes, les pays subsahariens affichent une certaine ouverture aux programmes de développement des organisations et institutions internationales. 

Paradoxalement, en Afrique subsaharienne, la prédominance des pratiques et normes patriarcales, ne facilite pas à l’accès des femmes aux facteurs de développement tels que la santé, la propriété terrestre, l’entrepreneuriat. Dans un environnement où la lutte contre les violences, les inégalités de genre et la paupérisation des femmes doivent rester une priorité.

Annuellement, des financements ont été bloqués pour améliorer et réduire les inégalités homme et femme par les organismes internationaux. Des politiques et des stratégies ont été élaborées par les gouvernements pour éradiquer la pauvreté en misant sur l’implication et la participation des populations vulnérables au développement local. Malgré ces interventions des aides extérieures, le fossé entre les hommes et les femmes s’élargit et la pauvreté gagne le terrain africain surtout après l’évolution de la pandémie Covid-19. Les pays africains font face à un risque de profonde récession, la population est devenue de plus en plus vulnérable. Les femmes africaines sont parmi de ces vulnérables, toutefois les plus résistantes. Les organismes internationaux exigent la pleine participation des femmes aux projets de développement local visant leur autonomisation économique en passant par leur émancipation. Cette autonomisation n’est pas réduite seulement aux questions de droits fondamentaux humains, mais aussi au développement durable en réalisant l’Agenda 2063. 

Les femmes subsahariennes sont de plus en plus qualifiées et motivées pour participer à la vie économique et sociale. Toutefois, de nombreux obstacles subsistent entravant leur émancipation effective. C’est ainsi que le travail s’intéresse sur le rôle de l’aide internationale dans l’autonomisation des femmes en Afrique subsaharienne. Ce sujet m’a amené à poser la problématique suivante : « dans quelle mesure l’Aide Internationale contribue-t-elle au renforcement des capacités des femmes africaines ? ».

Son objectif est d’offrir de souligner les retombées des aides occidentales envers des groupes vulnérables dans les pays africains, plus particulièrement les femmes et les jeunes filles, et d’en déduire les revers de ses aides.

La question de recherche : « en quoi les politiques/programmes/instruments financiers occidentaux pilotés par les ONG permettent aux femmes d’Afrique subsaharienne de s’émanciper, en accentuant leur sensibilité au genre ? ». 

Ce travail est axé autour de quatre chapitres : le premier chapitre passera en revue les histoires et le contexte des aides internationales en Afrique. S’agissant du deuxième chapitre, le travail se consacrera à l’étude de l’ancrage socio-économique en étudiant la place de la femme dans la société africaine. Ce chapitre traitera l’émancipation de la femme et l’enjeu de l’égalité homme-femme en Afrique. Le troisième chapitre portera sur l’antagonisme entre traditions et besoin d’indépendance, dans ce chapitre, j’examinerai le poids des injonctions culturelles, et le bouleversement du schéma familial. Le quatrième chapitre analysera les conséquences de l’aide occidentale, en indiquant les effets bénéfiques des aides pour les femmes africaines et les limites d’action de l’aide.

Chapitre I. L’Aide Internationale en Afrique : histoire et contextualisation

Dans son simple sens, l’aide internationale vise à promouvoir la croissance économique dans les pays en développement pour soutenir leurs efforts afin d’éradiquer la pauvreté. Lorsque nous évoquons le terme « internationale », nous mettons dans un même lot tous les pays développés extérieurs à l’Afrique, qui font de l’assistance à son développement. Cette situation apparait sans complication aucune, et même aujourd’hui, l’aide est vue comme un instrument de politique étrangère. 

On est en face d’une évidence, les pays riches devaient fournir de l’aide aux pays en voie de développement ou moins avancés ou pauvres. La justification ne se résume pas seulement sur ce soi-disant impératif moral de la fourniture de l’aide, de solidarité internationale, mais se décline sur les dimensions rhétoriques, pratiques, stratégiques et politiques. Ainsi, des différences substantielles existent entre les donateurs ou bailleurs de fonds. Toutefois, tous ces donateurs adoptent la même approche, un modèle basé sur leur expérience, érigé en solution universelle, traduite par le transfert d’un pays donateur au pays récipiendaire (Darbon, 1993). 

1. Les antécédents et liens historiques des donateurs et des bénéficiaires

Historiquement, les pays récipiendaires aux aides sont pour la plupart des pays anciennement colonisés par les pays donateurs, surtout pour le cas de l’Afrique. Pour l’Europe, l’Afrique constituait à la fois les sources de matières premières et également les débouchés commerciaux. La plus grande partie de l’Afrique subsaharienne a été colonisée durant la forte période de l’industrialisation de l’Europe, créant ou élargissant les marchés de diverses marchandises (Robin, 1995). Sous système colonial, les pays colonisateurs comme la France parlait de fonds de développement des colonies et les justifications morales de cette « aide » contrastaient avec les intérêts économiques, politiques et stratégiques. Le développement rimait avec la mise en valeur des colonies et la mission civilisatrice (Marseille, 1984) (Péan, 1983).

1.1. Périodes marquantes de l’histoire

1.1.1. Aide imbriquée à la mission civilisatrice pendant la colonisation

Le concept de mission civilisatrice s’appliquait aux grandes puissances coloniales occidentales de l’époque comme la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Belgique et tant d’autres. C’est en quelque sorte une idéologie européenne. Ces pays ont beaucoup d’influences vis-à-vis des autres pays dans leurs politiques coloniales mais également dans leur conception de la notion d’aide au développement. 

Selon Olivier de Sardan (1995), le développement se définit ici comme « l’ensemble des processus sociaux induits par des opérations volontaristes de transformation d’un milieu social, entreprises par le biais d’institutions ou d’acteurs extérieurs à ce milieu, mais cherchant à mobiliser ce milieu, et reposant sur une tentative de greffe de ressources et/ou techniques et/ou savoirs » (Olivier de Sardan, 1995). Ce cadrage de développement imbriqué dans la notion d’aide s’apparentait à un processus de changement global touchant l’économie, le social et la politique. Ce changement a constitué un certain mode de gouverne dit occidental, riche, développé, civilisé qu’ils voudraient transférer et appliquer aux pays à « développer » ou à « civiliser ». 

Selon Gilbert Rist (2001), le développement prend un autre sens beaucoup profond,  

« dun ensemble de pratiques parfois contradictoires en apparence qui pour assurer la reproduction sociale oblige à transformer et à détruire, de façon généralisée, le milieu naturel et les rapports sociaux en vue dune production croissante de marchandises (biens et services) » (Rist, 2001).

D’après cet auteur, le développement à travers cette aide implique quasi systématiquement un changement (parfois une destruction) d’anciennes pratiques sociales, culturelles ou économiques, de rapports sociaux ayant pour justification les transformations économique et sociale (Rist G. , 2003). 

1.1.2. Situation après-guerre

La fin de la Seconde Guerre Mondiale a bouleversé la situation politico-économique mondiale. Les conséquences de la guerre ont provoqué de profondes mutations. On assistait ainsi en même temps à un déclin brusque des empires coloniaux et à la bipolarisation de l’atmosphère politique mondiale, marquée par la montée en puissance hégémonique des Etats-Unis et de l’URSS, qui sont deux pays anticolonialistes. 

Les pays européens, colons, industrialisés, donateurs entrèrent dans leur phase de reconstruction d’après-guerre. Parallèlement à cette situation, les pays colonisés ont demandé leur indépendance et les pays nouvellement indépendants ont du mal à s’insérer dans l’économie mondiale. Cette économie mondiale était en totale régression avec des taux de croissance négatifs. La place et la nature de l’aide sont destinées à préserver l’influence des anciennes métropoles (Brunel, 2004)

D’après l’analyse d’Evsey Domar (1946), ces pays nouvellement indépendants n’ont pas la capacité de production d’une économie parce qu’ils sont pauvres et qu’ils ont un stock de capital faible. A cet effet, ils ne peuvent pas croître économiquement au même rythme que les autres. Ils ne peuvent pas faire d’investissement (Domar, 1946).

Le discours-programme du président Harry S. Truman, en date du 20 janvier 1949, fût le premier appel à l’assistance internationale en temps de paix dans l’histoire de l’humanité. C’est cet appel qui a donné naissance à une politique d’aide internationale au développement. Les Etats-Unis ont occupé le devant de cette politique d’aide aux pays en difficulté. Ils ont octroyé environ 2 milliards de dollars US aux pays pauvres sous la forme d’aide internationale au développement. 

L’objectif de cette aide fût clair, lutter contre la pauvreté dans le monde et cela doit passer par la croissance économique de régions sous-développées selon cette déclaration du président Truman. Dans cette logique d’intervention, si l’aide finance l’investissement dans les pays pauvres, ils accroissent leur stock de capital et capacité de production, promeut leur croissance économique (Domar, 1946).

« Nous devons embarquer dans un ardent nouveau programme pour rendre les avantages de nos avancées scientifiques et progrès industriels disponibles pour l’amélioration et la croissance des régions sous-développées. Plus de la moitié de la population du monde vit dans des conditions proches de la misère. Leur alimentation n’est pas bonne. Ils sont victimes de maladies. Leur vie économique est primitive et stagnante. Leur pauvreté est un handicap et une menace à la fois pour eux-mêmes et pour les régions prospères. Pour la première fois dans l’histoire, l’humanité possède le savoir et l’habileté de soulager la souffrance de ce peuple »[1].

L’aide internationale reconnue dans l’ordre économique des accords de Bretton Woods répondait à des multiples considérations géostratégiques  dictées par l’atmosphère politico-socio-économique[2]. Même les institutions de Bretton Woods après la reconstruction du monde après-guerre se sont penchées vers la promotion du développement économique et de la lutte contre la pauvreté dans les pays du Tiers-monde (Gabas, 1988). 

1.1.3. Nouvelles formes d’aide

Les rattrapages de l’après-guerre pour le « big push » au travers de l’aide accordée aux pays du Sud n’ont pas de résultats tellement positifs pour faciliter des pays récipiendaires. Pour e pas évoquer que les pays africains, le décollage économique tant espéré par le biais du financement extérieur ne s’est pas réalisé (Giri, 1986). A cet effet, l’aide internationale a de son côté engagé des dettes colossales pour les pays receveurs (Beah, 2015). Ces résultats n’ont pas provoqué pour autant le désengagement des bailleurs de fonds institutionnels qui finançaient l’aide internationale, mais ont modifié la forme classique de l’aide. 

A noter que les enjeux politiques de l’aide internationale de l’époque (années 1980), n’ont privilégié que les forces du marché et l’investissement économique au détriment de la coopération gouvernementale ou multilatérale. Tous les pays bénéficiaires d’aide surtout en Afrique ont été secoués par une crise d’endettement sans précédent de l’aide au développement, entrainant les interventions financières sous l’égide du FMI et la BM à travers les programmes d’ajustements structurels (PAS) (Cleary Mac, 1989). 

A partir des années 1990, l’aide internationale a pris diverses facettes comme les projets de développement, les opérations d’urgence, les aides humanitaires, l’annulation des dettes. Elle s’est déployé et continue d’être un levier d’influence, un outil diplomatique et un enjeu financier. Elle a pris diverses formes :

  • L’aide multilatérale qui est gérée par les organisations internationales spécialisées (FMI, CE, AID, ONU, BIRD, PNUD…) ;
  • L’aide bilatérale qui se présente en :
  • Aide bilatérale liée avec des conditions imposées par les pays donateurs en retour. Cette aide revêt deux intérêts économique et politique. Sur le plan économique, les donateurs imposent aux receveurs l’utilisation de toute ou une partie de l’aide à l’achat des biens et services de ces pays donateurs dont le but est de promouvoir leurs exportations. De point de vue politique, les intérêts sont à caractère géopolitique, stratégique, historique ou culturel (Catrinus, 1991) (OCDE, 2006b) ;
  • Aide bilatérale non liée, lorsque les pays donateurs n’imposent aucune condition en retour aux pays receveurs. 

1.2. Enjeux de l’aide internationale

A partir des années 1990, l’Afrique est devenu le terrain de convoitise tant des grandes puissances que les puissances moyennes. L’aide octroyée par les donateurs, requiert de manière indirecte ou directe des contre-dons avec sa version à la fois matérialiste et symbolique comme la présence physique de l’armée, la démonstration de puissance, l’intérêt économique, l’acte médiatique, etc.

 L’aide internationale constitue des enjeux pour les pays donateurs : politiques, symboliques, économiques. Selon le discours de Mallence Bart-Williams lors du TedxBerlin en 2015[3], « Il est assez évident que ce n’est pas l’Occident qui aide l’Afrique, mais l’Afrique qui aide le monde occidental. Le monde occidental dépend de l’Afrique, par tous les aspects possibles, étant donné qu’ici, les ressources alternatives sont rares ». Les pays du Sud ne sont pas pauvres, car ils disposent de ressources considérables suffisantes pour leur développement, même les pays du Nord sont bénéficiaires de ces ressources (Gurtner, 2007).

1.2.1. Enjeux politiques

Au-delà de ses utilités primordiales dans la lutte contre la pauvreté, la promotion du développement des pays du Tiers-monde, l’aide internationale est considérée comme un instrument de politique extérieure (Marc-Antoine, 2005). Chaque pays donateur implante sa stratégie géopolitique ou géostratégique au niveau des pays récipiendaires. Les déterminants tournent autour du maintien de la paix et de la sécurité, d’écoulement de leurs excédents agricoles et d’étendre leurs débouchés commerciaux. 

L’aide est utilisée également à titre de sanction positive ou négative des pays receveurs (Moyo, 2009). Les nations donatrices imposent leur critère d’évaluation et les sanctions y afférentes. A plusieurs reprises, les pays du Tiers monde parlent du « néocolonialisme » (Ardant, 1965), car les pratiques de l’aide décrient la politique impérialiste spécifique aux anciennes puissances coloniales vis-à-vis de leurs anciennes colonies. Les pays donneurs maintiennent leur rôle de dominant vis-à-vis des pays du Sud. Par succession de l’histoire, les enjeux politiques abordent infiniment les théories de la dépendance[4] et de l’échange inégal[5].

1.2.2. Enjeux symboliques

L’aide internationale ou l’assistance internationale est devenue non seulement politique, mais également vertueuse et moralisante. A travers la diplomatie, les donateurs dictent la diminution, l’augmentation, la cessation, voire la reprise de l’aide. Dans cette logique, il apparaît évident que l’allocation et le volume de l’aide ne dépend pas uniquement de l’intensité des besoins des pays receveurs. Les enjeux symboliques cadrent à la fois les considérations politiques et médiatiques (Marc-Antoine, 2005). Il est question d’une part de visibilité et de surenchère médiatique, et d’autre part, la valorisation d’actions de développement mettant en avant sa dimension humaine et d’élargir les zones d’influences respectives. 

1.2.3. Enjeux économiques

Force est d’admettre que l’aide internationale revêt une forte composante économique. Selon l’OCDE, l’aide a « pour but principal de favoriser le développement économique et l’amélioration des conditions de vie dans les pays en développement »[6]. De deux côtés, c’est-à-dire que ce soit du côté des donneurs ou du côté des receveurs, l’aide ou l’assistance internationale constitue un levier économique. Elle permet un investissement à rentabiliser à travers les programmes de coopération. L’utilité économique ou le (s) retour (s) sur investissement de l’aide est souvent masquée par son caractère humanitaire et justifié. 

A titre d’exemple des pays donateurs, l’aide par le bais de la coopération américaine (USAID)[7] s’est justifiée en 1971 par ce retour sur investissement en termes d’achats, d’emplois, de contrats, d’exportations, etc. (Weissman, 1974). Ainsi, au-delà de sa vocation primaire de « booster » le développement des pays receveurs à travers tous les qualificatifs : pauvres, Tiers-monde, Sud, en développement, moins avancés, très endettés, l’aide présente également une industrie lucrative, une affaire rentable (Moyo, 2009).

2. Les grands acteurs de l’Aide Publique au Développement (APD)

D’après le Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’OCDE, les cinq plus gros donateurs de l’APD sont :

  • Les Etats –Unis ;
    • L’Allemagne ;
    • Le Royaume-Uni ;
    • Le Japon ;
    • La France.

Toutefois, plus de la moitié de l’APD est apportée par l’Union européenne par le biais des apports de ses Etats membres. Selon l’estimation du CAD en 2018, l’APD a été estimée à 153 milliards de dollars, représentant 0,31 % du Revenu National Brut des pays donateurs. La figure suivante montre l’APD nette en fonction du pourcentage du Revenu nationale Brut des pays membres du CAD en 2017.

 Figure 1 : APD nette, total en % des RNB 2017

Source : OCDE (2017)

2.1. Aide Publique au Développement ou APD

2.1.1. Brève description du concept d’APD

La fin des années 1950 a marqué la naissance de l’aide publique au développement. Le concept s’est imposé en parallèle à l’accession à l’indépendance des pays colonisés par les occidentaux. Les puissances occidentales ont voulu à conserver des liens avec les nouveaux pays émancipés, l’APD est vu comme un moyen de maintenir ces liens et présentant une certaine influence sur les anciennes colonies (Brunel, 2004). 

Selon les analystes, ce concept d’aide est calqué du plan Marshall en Europe, avec comme objectif d’accélérer les investissements pour soutenir la croissance des pays en développement. D’après cette logique d’intervention, il est nécessaire de leur octroyer des aides financières, car ces pays n’ont pas de stock de capital (épargne) suffisant pour financer leurs investissements. 

De point de vue économique et politique, les pays donneurs d’aide considèrent qu’ils ont tout intérêt à ce que les pays bénéficiaires d’aide s’accroissent et deviennent ainsi leurs partenaires économiques plus intéressants. A travers le temps, les objectifs fixés à l’APD sont plus ou moins ajustés selon les conjonctures mondiales. Le dernier ajustement date de 2015 avec les 17 ODD approuvés par les Nations Unies. 

2.1.2.  Fonctionnement de l’APD

Tous les pays sont libres d’adhérer et d’apporter leur contribution aux atteintes des ODD. L’APD dépend en grande partie de la politique étrangère de chaque pays, car a priori, elle est constituée par l’argent des contribuables. A cet effet, avec les dimensions élargies des objectifs communs des pays donateurs, chaque nation donneuse détermine ses interventions et engagements en fonction de ses priorités et intérêts (Sogge, 2003).

Pour le fonctionnement de l’APD, tous les pays donateurs disposent chacun de structures spécialisées éparpillées à tous les niveaux pour gérer l’APD. En général, ces structures se déploient au travers des ONG, des réseaux de bureaux d’études et d’experts d’assistance (technique et financière). Même avec des objectifs communs, chaque acteur cherche à accroître et à protéger sa position politico-socio-économique. Dans cette démarche, les stratégies peuvent conduire sur une logique d’alliance entre les bailleurs (Latouche, 2004). 

2.2. Conception géostratégique de l’APD

Comme nous avons évoqué ci – haut, l’APD est considérée comme un instrument politique pour réimposer l’hégémonie des pays économiquement puissants, les nouveaux comme les anciens. Selon Millet et Toussaint (2005), « Le principal objectif des donateurs est bel et bien le renforcement de leur zone d’influence à travers le soutien politique aux dirigeants alliés du Sud, afin d’être en mesure de leur imposer des décisions économiques et de contrôler les positions qu’ils adoptent lors des sommets internationaux » (Millet & Toussaint, 2005).

Sur le plan géostratégique, jumelée à son caractère de développement socio-économique, elle est une arme politique et un discours qui désarme l’initiative du développement des pays récipiendaires (Thérien, 2001). Actuellement, de par sa conception géostratégique, elle engendre une certaine concurrence entre donateurs. Certains auteurs avancent même d’une part, l’existence de « cartel de bonnes intentions » qui forme un bloc hégémonique (membres du CAD) pour perpétuer l’APD, et d’autre part, une fragmentation non contrôlée de l’aide au développement résultante d’une pullulation des intervenants financiers au développement (Easterly, 2002) (Jacquet, 2006). 

Or, selon Duchatel (2009), même départagés par des priorités respectives, les bailleurs doivent privilégiés l’harmonisation et la coordination de l’APD, « l’harmonisation de l’aide […] aura pour effet de renforcer la coordination des bailleurs et donc leurs poids et exigences, face à des pays souvent isolés et qui ne sont pas maîtres de leur destin national, renforçant le déséquilibre séculaire des rapports Nord/Sud » (Duchatel, 2009)

2.3. Nouveaux pistes et nouveaux moyens

Les pays donneurs insistent sur l’utilité, la pertinence et l’utilisation des APD dans les pays récipiendaires. Dans ce cadre, des transformations ont été opérées dans les structures d’aide sur l’importance de déployer et d’explorer de nouveaux moyens d’octroi et de gestion des aides. Il est question notamment de faire l’investissement des aides d’une manière accrue en sélectionnant des secteurs plus productifs comme les PME et les PMI. Le principe d’aide se concentre principalement dans les secteurs sociaux et dans l’amélioration des conditions de vie et de gouvernance. La concentration disproportionnée des aides dans seulement les secteurs sociaux risquent de gonfler les dettes des pays emprunteurs d’aides.

Beaucoup d’acteurs reconnaissent que les PME et PMI présentent l’un des secteurs les plus dynamiques pour développer les économies des pays en développement. L’aide investit dans le secteur privé, sans sortir du cadre de la définition d’aide au développement permet de faire participer et de responsabiliser les différents intervenants dans le circuit d’attribution de l’aide et d’établir un pont entre aide publique et aide privé, secteur public et secteur privé.[8]

2.4. Stratégie nationale « l’appropriation »

Le principe d’appropriation impose aux pays receveurs d’être les premiers responsables dans les politiques, stratégies et actions pour mettre en œuvre leur programme de développement, mais également oblige les pays donateurs de l’aide à respecter les choix des pays receveurs. Sans ce principe, les récipiendaires se retrouvent amputés de leur pouvoir d’agir, de leur souveraineté (Rist G. , 2003) (Moyo, 2009).  Dans ce sens, le « top down » qui favorise le sélectif que ce soit sur le montant de l’aide, les pays bénéficiaires, les formes d’octroi, les structures de gestion, etc., se change en « buttom up » qui privilégie la dynamique d’autonomisation des receveurs à être des acteurs responsables de la conception et de la mise en place du programme de développement.

La limite de l’appropriation repose sur le fait que les responsables africains ont voulu s’approprier immédiatement le développement et l’accélérer avec les techniques de pointe les plus utilisées et sophistiquées, imitées des occidentaux, au lieu de prendre et de passer les étapes successives qui avaient marqué ces derniers dans leur processus de progrès (ONU, 1990).

3. Financements en Afrique : les raisons d’un besoin endémique

Comme nous avons évoqué précédemment, les financements en Afrique ne datent pas d’hier, mais se sont imposés au fil du temps surtout pendant la colonisation. Les pays européens ont vu l’Afrique comme d’un côté leurs sources de matières premières qui sont difficiles à produire en Europe et leurs richesses souterraines inexploitables, de l’autre côté, un territoire pour fructifier leur commerce. Et puisque l’Afrique ne dispose pas d’infrastructures, de matériels, de compétences, de capital à investir, d’armée, il est obligé d’accepter toutes propositions d’aide venues de l’extérieur, surtout si ces propositions sont introduites par force (colonisation).

3.1. Problèmes de l’Afrique

Selon les experts en développement, les problèmes de l’Afrique qui l’obligent à recourir au financement extérieur tournent autour de trois points :

  • Problèmes économiques couvrant les secteurs agricoles, industriels et surtout l’endettement chronique et les infrastructures déficientes ;
    • Problèmes politiques et socio-démographiques ;
    • Insuffisance d’efforts et manque de perspectives de développement. 

La figure suivante montre la répartition des APD au niveau mondial montrant sa concentration sur le territoire africain 

Figure 2 : Répartition de l’APD au niveau mondial

3.2. Appréciation sur l’efficacité ou non de l’aide publique au développement

.

La déclaration de Paris de 2005 a marqué une seconde constatation de la part des acteurs sur la volonté d’accroître l’efficacité de l’APD. A travers cette déclaration suite à des multiples évaluations, des nouveaux enjeux sont mis en œuvre, rassemblant pays donateurs et pays récipiendaires, dont le but est « d’accroitre la performance de l’aide grâce à l’atteinte d’objectifs fixés par des stratégies nationales des pays bénéficiaires »[9].

Les logiques d’octroi de l’aide internationale reposent sur les critères du besoin du bénéficiaire et de celui de l’intérêt ou de la proximité avec le donateur. C’est ainsi que la politique d’aide au développement fait l’objet de critiques de la part des récipiendaires et des donneurs même. La faiblesse de l’importance conférée à « l’efficacité de l’aide » a souvent entraîné une déresponsabilisation des gouvernements aidés et une mauvaise gestion de l’aide reçue. Afin de pallier à cette défaillance de la politique d’aide au développement, la pratique de la conditionnalité ou encore la sélectivité dans l’octroi de l’aide internationale a maintes fois été proposée. 

L’APD reste encore une source importante de financement pour de nombreux pays africains pour soutenir leur croissance, compte tenu de la faiblesse de l’épargne intérieure et de leur accès restreint aux capitaux privés.

Chapitre II. Ancrage socio-économique : La place de la femme dans la société africaine

Ce chapitre mettra en lumière le statut d’actrice essentielle de la femme africaine dans la société, en démontrant entre autres, son rôle de force motrice dans des domaines tels que la sécurité alimentaire, la préservation des ressources naturelles, la gestion de l’épargne familiale, etc. Je traiterai des atouts de la contribution des femmes pour le développement durable de l’Afrique, l’amélioration de leurs conditions de vie et de celles de leur famille, au sein des communautés africaines. J’aborderai aussi la question des politiques publiques et la nécessité ou non de les reformer, l’accès au financement autre que la microfinance, l’accès au marché, la mise en place et la jouissance d’infrastructures de base (électricité, eau, transports). J’aborderai aussi les défis qu’il reste à relever en termes de rapports sociaux de genre.

1. L’émancipation de la femme, un vecteur de la croissance économique

La notion d’émancipation renvoie généralement aux termes de libération, de l’autonomie, de l’indépendance de l’individu. Abdoul Alpha Dia (2021) avance une définition du terme comme une sortie ou l’affranchissement d’une tutelle, d’un pouvoir et/ou la libération d’une domination (Abdoul, 2021). Elle peut être vue sur différents angles pour se dégager d’une autorité. L’émancipation de la femme africaine est connue comme une accélération de la croissance économique, du développement et de la réduction de la pauvreté ; car elle représente la majorité des pauvres en Afrique subsaharienne ainsi que le plus grand nombre au sein de la population totale. 

1.1.  Rôles des femmes africaines

1.1.1. Femme africaine : actrice essentielle dans la société

Les femmes africaines jouent un rôle prépondérant dans la société, elles assument des fonctions intégrées surtout dans les domaines de la sécurité alimentaire et de production agricole. Elles disposent d’une qualité innée d’organisation et d’intermédiation. L’importance de ce rôle est inhérente aux structures sociétales matrilinéaires ou patrilinéaires. Le rôle socio-affectif est attribué aux femmes africaines tandis que les fonctions instrumentales sont assignées aux hommes africains. Le modèle domestique traditionnel des régions africaines est particulièrement matrilinéaire (Bugain, 1988).

Les femmes sont également responsables de la transmission des valeurs culturelles à leurs enfants. Ces valeurs sont inculquées dès le jeune âge au moyen des chants, des danses, des contes, etc., le rapport du FNUAP en 1992 annonce que « les femmes jouent un rôle tout à fait déterminant quant à la qualité des enfants, des garçons comme des filles […] l’éducation et la sensibilisation des femmes ainsi que leur gestion des ressources familiales déterminent le développement des enfants sur le plan nutritionnel, intellectuel et physique. C’est par elles qu’il pèse sur leur réussite, […] et leur future productive. ». L’avenir (échec et réussite) des enfants pose sous la responsabilité des femmes, la femme africaine a pour responsabilité première d’assurer la continuité de la lignée humaine.

C’est ainsi, que dans beaucoup pays, les femmes africaines assurent la subsistance de leur famille nucléaire, des tâches précises sont dédiées principalement pour les femmes et jeunes filles comme la recherche de l’eau, de l’énergie, de l’alimentation, etc. En effet, elles jouent des rôles cruciaux dans le système de production pour subvenir aux besoins alimentaires de la famille, et pour aider son époux dans la culture. Malgré tout cela, le statut foncier joue clairement en défaveur des femmes africaines.

Si l’on se réfère aux statistiques du rapport 2021 sur le développement économique en Afrique, en 2019, les femmes africaines représentent un taux d’activité de 54 % contre la moyenne mondiale de 47 % et elles étaient à l’origine d’un PIB de 33 % du PIB total du continent en 2018 (CNUCED, 2021). Ces activités exercées par les femmes sont des activités formelles et rémunérées. Il y a lieu de souligner que beaucoup de femmes africaines sont marginalisées sur le marché de travail, toutefois des activités non rémunérées sont réalisées. Cependant, elles exercent des emplois vulnérables, faiblement rémunérés généralement dans le domaine informel. Les responsabilités des femmes sont multiples et diversifiées, sa participation est cruciale pour la société. 52,7 % les femmes subsahariennes sont présentes dans l’agriculture (BAD & ONU, 2021).

C’est ainsi, depuis les années 80, en tant qu’actrices, les femmes deviennent le concept des approches du développement, leurs implications et participations sont devenues une exigence des aides au développement et le concept genre est traité comme un aspect transversal au développement.

1.1.2. Femme au foyer : un travail accompli non reconnu

Généralement, les femmes et les jeunes filles en Afrique s’occupent des soins familiaux et tâches domestiques non rémunérés, elles sont au centre de la continuité sociale. Ces activités représentent des millions d’heures insuffisamment reconnues et valorisées. Toutefois, elles se définissent comme des charges de travail occupant la majorité du temps des femmes en limitant leurs accès aux éventuelles opportunités économiques et sociales. Le travail des femmes africaines est sollicité pour assurer leurs engagements sur tous les fronts pour assurer leurs survies et celle de leurs progénitures.

La prise de responsabilité des femmes est confrontée aux normes sociales et culturelles défavorables imposant un statut inégal par rapport à celui des hommes. Ces normes définissent préalablement leurs rôles dans la société ainsi, elles limitent leurs propres contrôles sur leurs identités et même sur leurs corps. A ceci s’ajoute, les contraintes familiales qui ralentissent les femmes dans l’évolution de leur carrière.

Le droit au statut foncier des femmes africaines est toujours à contester de nos jours dans différentes régions de l’Afrique subsaharienne. Toutefois, la famille constitue une des failles pour l’édifice patriarcal. Le statut de la femme au sein de la famille est fortement marqué, elle est la première responsable pour la survie de la famille nucléaire. Ce rôle les valorise beaucoup.

La reconnaissance des rôles de la femme permet leur émancipation et entraînant la motivation des femmes à s’engager plus dans leurs responsabilités et incitant les responsables étatiques à prendre des mesures pour les améliorer. Les déclarations adoptées reconnaissent le rôle crucial que jouent les femmes dans le développement surtout dans la production agricole, mais sur le plan pratique, les mesures concrètes pâtissent par différents contextes. Malgré ces difficultés et violences endurées par les femmes, elles continuent à travailler disposant d’une estimable résilience pour la famille et la société africaine.

La figure ci-après résume le travail des femmes subsahariennes.

Figure 3 : inégalités de sexe dans le marché de travail

Source : (BAD & ONU, 2021)

En résumé, le travail salarié des femmes est faible, les tâches ménagères des femmes occupent en moyenne trois fois plus de temps que le temps non rémunéré des hommes. 

Le tableau suivant montre la répartition par sexe des parts du marché dans tous les secteurs en Afrique subsaharienne.

Tableau 1 : répartition des hommes/femmes dans le marché du travail en Afrique subsaharienne en 2019

Source : (OIT, 2020a).[10]

D’après le tableau, la représentation des femmes dans les emplois vulnérables est de 80,1 % et leurs contributions au travail de soins non rémunéré sonrt de 75,1 %, ce qui montre qu’elles sont engagées dans les actions humanitaires et non rémunérées.

1.2. Les contraintes entravant l’émancipation de la femme

Rappelons que la Convention du 18 décembre 1979, sur l’élimination des formes de discrimination à l’égard des femmes ou Cedef est adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies et entrant en vigueur le 30 septembre 1981. Celle-ci devient un socle juridique du droit des femmes pour participer pleinement dans la croissance économique. Le droit à la terre et aux ressources naturelles (eau, pâturages, etc.) correspond à une condition importante pour répondre aux besoins de base de l’émancipation des femmes africaines dans le système productif, domestique, socioculturel.

Par la suite, de nombreux Etats membres ont élaboré des politiques pour l’émancipation de la femme en permettant l’accès des femmes aux instances décisionnelles et aux hautes fonctions et responsabilités en se souciant l’équilibre genre dans les différentes institutions. En citant par exemple, les principes d’autonomisation des femmes de l’ONU proposent des principes sur l’instauration de politiques de tolérance zéro face à la violence basée sur le genre, au harcèlement sexuel et à l’inclusion de mesures assurant la sécurité et la santé des femmes par les entreprises et le secteur privé.

Les objectifs de développement au niveau continental et mondial ont intégré prioritairement l’égalité des sexes et les sujets favorisant l’autonomie des femmes. Ces sujets concernent principalement sur les opportunités économiques dédiées à stimuler la participation des femmes à la vie économique, à savoir l’accroissement de l’employabilité des femmes, l’accroissement de l’entreprenariat et du leadership des femmes, et surtout l’accès des femmes aux produits financiers et du crédit.

1.2.1. L’accès aux ressources de production

En Afrique, l’accès des femmes aux ressources pose encore des contraintes pour son émancipation en particulier en matière d’accès à la propriété, à la succession, voire même à l’héritage.  Le pourcentage des femmes œuvrant dans le milieu agricole possède le 15 % des terres[11]. Cette proportion est encore faible empêchant les femmes africaines à diversifier les alimentations familiales et à assurer la sécurité alimentaire.

Les femmes subsahariennes ont accès aux ressources et aux facilités de crédit auprès des institutions de microfinances et banques. Les femmes africaines sont limitées ou ne disposent pas de sécurité relative à l’accès, au contrôle et à la propriété de biens essentiels : la terre, les comptes bancaires, le capital, le logement, etc. L’absence de garantie par un titre foncier ne permet pas l’accès des femmes au système de crédit agricole ou d’investir dans une entreprise ou dans des propriétés foncières. 

Le financement des femmes aux activités constitue un levier de création de richesse, entraînant cette autonomie économique. Les femmes apportent leurs contributions à assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle, à générer des revenus et à améliorer le bien-être en général. Toutefois, les femmes africaines surtout dans les zones rurales n’ont pas suffisamment accès aux moyens de production comme les ressources financières, le crédit, les services de vulgarisation agricole et les formations. La pandémie de Covid-19 a également ralenti les efforts pour l’inclusion financière des femmes, elle cause la fermeture de plusieurs entreprises gérées par les femmes.

Le principe de séparation des budgets au niveau du ménage, largement répandue en Afrique subsaharienne autorise les hommes à disposer seuls des revenus des cultures commercialisées, pourtant les épouses et enfants sont réquisitionnées pour les mains d’œuvre. C’est ainsi que la santé et la nutrition des femmes et enfants sont affectées (Bissiliat & Fiéloux, 1983).

En 2018, une étude menée dans plus de 90 % des pays d’Afrique subsahariens, 89 % des pays d’Asie du Sud et de 75 % des pays d’Amérique latine montre que les femmes participent à l’emploi informel plus que les hommes. Ces activités sont généralement dans de mauvaises conditions et peu qualifiées[12]. Cette représentation féminine dans le secteur informel freine en partie leurs capacités à occuper des emplois nécessitant des compétences plus élevées et surement mieux rémunérés. Ensuite, en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, 60 % des femmes travaillent dans le secteur agricole, où les activités sont principalement chronophages et épuisantes en faveur d’une maigre rétribution[13].

1.2.2. La migration des femmes africaines 

A cause des caractéristiques climatiques du continent (sec et aride), les femmes sont obligées à se déplacer pour subvenir à leurs besoins fondamentaux. Le réchauffement climatique dispose des conséquences pour la population toute entière, 80 % des personnes déplacées en raison climatique sont des filles et des femmes[14].

Il est à noter aussi qu’une certaine cause de cette migration est la violence envers les femmes.  Il a été souligné que 45,6 % des femmes ont subi une violence physique ou sexuelle en Afrique[15]. Cette situation est aggravée par les conflits, les guerres, les épidémies, les catastrophes naturelles entraînant des déplacements.

Les femmes africaines se déplacent en interne et elles se réfugient dans le monde. Elles sont contraintes de quitter leurs foyers à cause des conflits, les menaces pour la paix et la sécurité, ou de leurs situations économiques. Le fait d’être femme migrante est dans le but qu’elle joue un rôle important dans le bien-être de leurs familles à partir de la recherche des emplois à l’étranger. La migration et la mobilité régulières doivent être bien gérées pour que les femmes et les enfants aient de la chance à réintégrer dans leur territoire d’origine et la légalisation du statut foncier facilite le retour des migrantes.

1.2.3. Le faible taux de participation au processus décisionnel entravant le manque de plaidoyer à leur cause.

La démocratisation dans différents pays d’Afrique subsaharienne dans les années 90 a marqué la forte détermination des femmes à s’impliquer dans le développement. Egalement, la participation et l’inclusion des femmes dans les processus décisionnels économiques favorisée par l’implantation des mécanismes encouragent l’implication des femmes dans différentes instances décisionnelles.

La proportion de femmes occupant un siège dans les chambres basse et haute en Afrique subsaharienne était historiquement faible ; toutefois, en 2020, elle atteint plus de 30 % de représentation des femmes[16] au sein des parlements notamment le Burundi, le Cameroun, et la Tanzanie.

1.2.4. L’accès au numérique et à la technologie

L’accès à la technologie présente des opportunités aux femmes pour les libérer un peu de temps afin de participer à la vie sociale et à la communauté. La notion de gestion de temps est primordiale pour les femmes, les programmes de diversification ou d’accroissement de la production tendent à accroître le temps de travail des femmes. La mécanisation, l’automatisation et les nouvelles techniques associées permettent de réduire les opérations manuelles et à mobiliser des intrants.

Dans un tout autre domaine, la révolution numérique permet de tracer les formes de violence sexiste envers les femmes et de plaider en faveur du changement. Toutefois, l’accès des femmes africaines à ces technologies est difficile à cause du prix élevé de l’Internet ou inaccessibilité des zones reculées, à tout cela se conjugue au manque de connaissance et de compétences informatiques, la difficulté de disposition des appareils numériques, etc. L’allègement des tâches ménagères et agricoles par la technologie dispose également des limites, il se traduit par la monétarisation de l’activité dont les femmes africaines sont privées.

En matière de transformation numérique, le continent africain dispose généralement un retard sur le reste du monde en raison de l’inadéquation des infrastructures. Le fait le plus marquant est la révolution de l’argent mobile surtout en Afrique de l’Est, dont 185 000 femmes[17] ont pratiqué une reconversion et ont abandonné l’agriculture de subsistance. L’initiative « les jeunes Africaines savent coder » de la Commission de l’Union africaine et l’Union internationale des télécommunications et l’ONU-femmes[18] est entreprise pour que les femmes et jeunes filles africaines mettent en œuvre le programme de 2030 et l’Agenda 2063.

 

1.2.5. Santé maternelle et infantile

Certains programmes d’aide à la reproduction concernent généralement la réduction de la fécondité et se penchent principalement aux activités de contrôle démographique et de planification familiale (Locoh & Wolfson, 1989). C’est dans cette entremise de l’argument de santé que sont introduits des programmes visant à réduire la natalité en combinant santé maternelle et infantile. La santé de la femme permet son autonomie de décision en matière de reproduction : choix de nombre d’enfants, la planification de l’accouchement.

Dans la plupart des régions de l’Afrique subsaharienne, les femmes comblent les lacunes de manque dans le système sanitaire en s’occupant des soins de santé des membres de leurs familles.  Elles utilisent la pharmacopée locale pour soigner les maux en dépit des infrastructures sanitaires et à l’inaccessibilité des soins en général. Pendant la pandémie de Covid-19, les femmes jouent un rôle important dans la lutte contre la propagation, la prévention, etc. au sein des organisations nationales et internationales.

1.3. Les facteurs permettant l’émancipation de la femme

Le  rapport de l’UNESCO indique que 52 à  95 %[19] des enfants non scolarisés sont des filles. En Afrique subsaharienne, près de 75 millions d’enfants sont encore non scolarisés dont la qualité des apprentissages est faible (Abdoul, 2021). L’éducation des filles comporte un défi majeur pour qu’elles puissent accéder aux hautes fonctions et aux instances décisionnelles et pour améliorer leur rémunération future. Le droit à l’éducation se présente comme un droit principal permettant aux femmes de se hisser au plan intellectuel et de concurrencer aux hommes pour des postes à responsabilités.

Dans le système éducatif, les Etats membres de l’Union africaine ont adopté la stratégie continentale de l’éducation pour l’Afrique ou SCEA 2016-2025 constituant une étape clé éradiquant l’inégalité à l’accès à l’éducation et d’offrir des chances égales pour les filles et les garçons. Les contraintes amplifiant cette inégalité d’accès à l’éducation des filles sont généralement l’accessibilité des infrastructures scolaires et leur disponibilité, la qualité de l’éducation pour tous, la culture, la pauvreté, etc. Les foyers africains ont toujours fait le choix de scolarisation des garçons par rapport à celle des filles. Ceci étant à cause du frais de scolarité, le port des uniformes scolaires, l’éloignement de l’établissement scolaire, l’inadaptation des infrastructures sanitaires scolaires.

Les projets d’alphabétisation en langue locale attirent principalement une forte adhésion des femmes. L’importance s’appuie souvent sur la maîtrise du calcul et de l’écriture pour ne pas dépendre de l’aide d’une personne extérieure. Toutefois, le faible taux d’alphabétisation des femmes africaines les exclut également du marché du travail, de la vie politique et de financement auprès des institutions financières. Il s’avère important de noter que plus de 160 politiques et réglementation sur l’inclusion financière ont été mises en œuvre en Afrique entre les années 2016 et 2018 (Gates & G7, 2019).

Le continent africain est marqué par la prédominance du secteur primaire, les femmes occupant un emploi agricole augmentent, surtout en Afrique subsaharienne. Cela étant, les femmes sont moins payées que les hommes en occupant le même métier. 

1.4. Initiatives des organisations locales et internationales pour l’émancipation économique des femmes

Malgré les interventions des différentes organisations nationales, régionales et voire même internationales sur les questions d’égalité des sexes, il est troublant de constater que cette situation africaine persiste encore devenant de plus en plus complexe et en défaveur des femmes et jeunes filles. L’Union européenne avec son soutien financier a promu en Afrique la microfinance en tant qu’outil contre le chômage et de l’exclusion sociale.

La capacité d’une femme à s’autonomiser économiquement dispose des conséquences positives sur tous les aspects de la vie familiale et communautaire : santé et bien-être, éducation, nutrition, etc. 

 Avec l’Agenda 2063, « l’Afrique que nous voulons » de son aspiration 6 reconnaît que les femmes sont au cœur du développement de l’Afrique. Egalement, la Stratégie de l’UA pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (2018-2028) renforce l’engagement pris par l’organisation de concrétiser l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Toutefois, la pandémie de Covid-19 a remis en cause certains progrès accomplis en matière d’égalité et de droits des femmes[20]

Sur le plan international, l’atteinte ODD 5 : parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles est consacrée à favoriser l’émancipation des femmes en vue d’un développement durable. Des engagements ont trait à l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes, principalement la déclaration de Beijing, le programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement, la Convention relative aux droits de l’enfant.

2. L’enjeu de l’égalité homme-femme en Afrique

Les périodes de colonisation occidentale dans les pays africains ont favorisé des changements et des mutations surtout sur le plan culturel et économique. Les hommes constituent « une main-d’œuvre économiquement active » et les femmes sont appelées comme « les femmes au foyer » (Rebafka, 2016). La division sexuelle du travail tend ainsi à valoriser les activités des hommes par rapport à celles des femmes.

Selon McKinsey Global Institute en 2019, l’indice de parité entre les sexes en Afrique est de 0,58. Rappelons que l’indice de parité parfaite est de 1 ; ainsi, selon le CNUCED (2021), l’Afrique mettrait 140 ans à atteindre cette plénitude de parité (CNUCED, 2021). L’Afrique affiche un taux d’entreprenariat le plus élevé dans le monde, à savoir 22 % (CNUCED, 2021) et que ce sont les femmes africaines qui créent davantage des entreprises. Toutefois, les facteurs contextuels liés au sexe tels que les normes, l’inégalité entre hommes et femmes en matière de ressources prouvent que les entreprises dirigées par des femmes africaines disposent moins de bénéfices et moins compétitives que celles dirigées par des hommes.

Les inégalités en matière de genre persistent encore malgré les stratégies et les chartes élaborées au niveau du continent. L’adoption de l’Agenda 2063 priorise les efforts pour combler l’écart en la matière. L’UA fixe des dates clés et jalons pour s’engager en faveur de l’égalité des sexes représentés dans la figure suivante :

Figure 4 : Date clés de l’agenda 2063

Source : (UA, 2018-2028)

A partir des dates pour atteindre l’égalité des femmes- hommes, beaucoup de défis sont à relever. C’est ainsi que différentes politiques et mesures seront adoptées pour atteindre des faits concluants en anticipant des crises pouvant intercepter au cours de la mise en œuvre.

2.1. Les causes de l’inégalité entre les hommes et les femmes

Les causes de l’inégalité entre homme et femme sont multiples dans le continent africain. La Banque Mondiale (2001) annonce que les sources majeures d’inégalités entre les sexes au niveau mondial sont les droits, les ressources et la participation (BM, 2001). Ces sources d’inégalités sont toujours d’actualité si on se réfère à la situation africaine.

Quant à l’Union Africaine (2017), les causes des inégalités et des disparités entre les hommes et les femmes, sont les normes patriarcales, la pauvreté, la  discrimination à l’égard des femmes et des filles, la faible volonté et responsabilisation politique (UA, 2017). 

L’Union européenne, l’AFD, l’AECID et Oxfam ont mené des recherches sur la persistance des inégalités hommes et femmes en Afrique. Ils ont établi le schéma suivant pour illustrer les causes des inégalités et les propositions de solutions pour y remédier.

Figure 5 : Les causes des inégalités dans les milieux ruraux d’Afrique

Source : (Cavero, 2020).

Les causes des inégalités sont définies par trois moteurs structurels :

  • le contexte historique, les privilèges et les relations sociales ;
  • les normes sociales, culturelles et religieuses ;
  • le pouvoir politique, le manque de participation à la prise de décision publique.

A ceci s’ajoutent quatre moteurs politiques élargissant les inégalités comme :

  •  l’investissement insuffisant dans les services de base : éducation, santé, protection sociale pour les groupes vulnérables et marginalisés surtout les femmes ;
  • l’investissement insuffisant dans les exploitations de petite envergure : agriculture vivrière, etc. ;
  • l’emploi formel limité et monopolisé par une élite professionnelle au sein du gouvernement et prévalence d’un vaste secteur informel ;
  • l’impact des politiques fiscales : la régressivité fiscale des impôts.

Cette situation d’inégalité a pour conséquences majeures l’accès inégal à l’éducation, l’accès inégal aux ressources pour la production, l’accès inégal aux technologies, le faible niveau de rémunération du travail accompli par les femmes, l’accroissement de la violence à l’égard des femmes et des filles, la faible participation des femmes dans la croissance économique et dans le développement durable. Ces causes ont favorisé un fossé marquant entre la population et ne profite qu’une minorité, différentes causes ont sombré les pays d’Afrique dans l’extrême et perpétuelle pauvreté parmi le reste du monde.

2.2. Enjeux

La réduction des inégalités homme-femme profite à toute la société africaine, mais pas uniquement aux femmes et aux jeunes filles. L’égalité entre les femmes et hommes renvoie l’égalité de droits, de responsabilités et de chances (UNESCO, 2014). Les femmes et hommes pourront jouir du même statut d’exploiter leurs potentiels afin de contribuer le développement politique, économique, social et culturel. En fait, les disparités hommes-femmes pénalisent dans une manière le potentiel de croissance du continent africain. L’émancipation des femmes africaines parvient à une croissance économique et dans tous les domaines de développement. C’est ainsi qu’il faut s’intéresser plus profondément sur les causes latentes du ralentissement de développement au sein de l’Afrique.

2.2.1. Lutte de pouvoir, hiérarchie

Il est affirmé par les différentes études réalisées des organismes internationaux (OCDE, UNESCO) que l’accès des femmes à l’éducation favorise une meilleure parité homme-femme et accélère le développement économique. L’éducation et la liberté de pensée pour les femmes africaines permettent d’exprimer leur potentialité en leur aidant à trouver la juste place dans la société.

L’éducation des femmes africaines permet leur participation à la sphère politique, l’accès à l’école est un des instruments pour réduire l’inégalité homme-femme. Cette participation donne lieu à la considération des idées de tous et à la renégociation des détenteurs de pouvoir et des moyens. Cela constitue une lutte de pouvoir entre homme et femme pour la croissance économique et voire même à remodeler le système socio-culturel dans une région africaine. L’accès à l’éducation oblige les jeunes filles à se déplacer dans les villes et les grandes villes. « il faut aussi parler de la ville « lieu d’émancipation », où de nombreuses femmes développent leur autonomie et leurs talents […] » (Hesseling & Locoh, 1997).

Les déplacements en ville et les instructions reçues par les femmes entraînent des transformations : les jeunes se marient plus tard par conséquent, elles accèdent plus tard à la maternité. Cela étant, elles disposent plus d’autonomie pour aborder leurs responsabilités d’adultes. Ce fait entraîne un changement radical sur la domination masculine sur les femmes, les femmes peuvent s’échapper à la polygamie, elles peuvent avoir le choix de leur futur (choix du mari, choix de la maternité, etc.). 

Par l’éducation, la liberté de penser et d’exprimer est facilitée. Les femmes ont acquis de nouvelles capacités de négociation, de leadership, d’intervention, etc. afin de disposer une certaine crédibilité auprès du gouvernement et auprès de la communauté. 

Dans le domaine politique, une réflexion a été menée sur l’adoption des lois et stratégies permettant de réduire les inégalités. Il convient d’interroger si les lois ne sont pas nécessairement appliquées à cause de la résistance des communautés conservatrices pour ne pas amener à l’acculturation; aussi des moyens financiers ont été investis pour cette quête d’égalité, il s’agit d’étudier quelles sont les retombées de ces actions pour les générations futures, autrement dit la pérennisation des résultats des actions engagées.

2.2.2. Rehaussement de l’image et du statut de la femme

La nécessité de l’implication de la femme dans le processus de développement social et économique est promue par tous les intervenants extérieurs. Ces projets la confèrent le rôle en tant qu’actrice de développement. C’est ainsi que pour disposer des retombées de ces aides et projets, il faut prendre en compte de la situation des femmes africaines plus particulièrement leurs émancipations.

L’égalité des sexes consiste à valoriser les images en les alignant à ceux des hommes. Elle bouleverse ainsi les situations établies au sein de la communauté et redéfinit une répartition des rôles entre les sexes. Cette situation pourrait émerger d’autres situations de crise déstabilisante pour l’homme en amenant leur statut plus fragile comme les pertes de travail, la crainte de perte de pouvoir familial, la perte d’identité, aboutissant à un désintérêt pour leur rôle familial et communautaire.

La scolarisation des femmes ou la recherche d’emploi par les femmes dans d’autres communautés impliquent le déplacement de la femme, même à l’extérieur du pays. Ceci peut entraîner de l’abandon de leurs enfants en même temps que l’abandon de la culture locale (style vestimentaire, dialecte, etc.). Il est naturel de mentionner que les femmes cherchent aux besoins de sa famille en faisant des sacrifices et en s’éloignant toutes formes de domination. Il est intéressant d’étudier si cette forme d’émancipation économique entraîne un bien-être social. Dans certaines sociétés, la femme est la personne la plus puissante à cause des rôles et des tâches qu’elle accomplit, et leur situation s’est nettement améliorée, mais généralement, les hommes dominent encore.

La quête de l’égalité entre femmes et hommes remet en cause les rapports de pouvoir valorisés sur le plan social et historique. Cette recherche d’égalité entre homme et femme envisage à considérer les besoins de tous et que le développement satisfait de manière équitable. Il permet aussi de cerner et de définir les tendances et les évolutions des rôles des femmes dans la société africaine, et d’en évaluer les avantages et les inconvénients inhérents à leur action et à leur situation.

2.2.3. Sur le plan économique 

Comme le FAO souligne en 2011, si les femmes ont accès légal aux moyens de production, la production agricole en Afrique augmente considérablement de 2,5 % à 4 % (FAO, 2011). Les femmes ont tendance à s’associer et à élargir leur coopération pour bénéficier des crédits auprès des banques et des institutions de microfinance permettant d’améliorer la production agricole, ou pour concevoir des politiques de développement en rapport de leurs besoins.

Toutefois, l’amélioration de la mixité (homme-femme) contribue à une valeur ajoutée en différenciant les équipes non seulement en termes de genre, mais également d’âge, de compétence, de culture. Les cultures et valeurs ancestrales posent une objection en séparant les patrimoines familiaux, en limitant celui de la femme.

En fait, la quête de l’égalité homme et femme entraîne la recrudescence des pratiques coutumières. Les sociétés africaines ont cependant mené à une résistance identitaire face aux changements apportés par différents intervenants. Cette résistance risque de reproduire les conditions structurelles de pauvreté et d’accroître les violences basées sur le genre. C’est ainsi que les besoins fondamentaux des femmes doivent être pris en compte pour que leurs émancipations soient effectives et désirées par les principales concernées et actrices de développement.

En se référant aux rôles des femmes, il s’avère que ceux-ci sont nombreux et d’autres sont pénibles comme la corvée de l’eau et la recherche de l’énergie, les soins des membres de la famille. L’émancipation des femmes découle des charges de travail supplémentaires. Tout cela peut amener à analyser les contraintes entravant les inégalités entre les hommes et les femmes. L’égalité entre femme et homme ne se traduit pas l’établissement de rapport de force entre homme et femme, mais de trouver un terrain d’entente pour que tout le monde se trouve en même piédestal d’une manière permanente et qu’il existe un équilibre dans toutes les dimensions de la vie : culturelle, économique, sociale par la redistribution des rôles et des bénéfices générés.

La réduction des inégalités au sein des ménages est une affaire de tous en impliquant toutes les parties prenantes, en agissant sur plusieurs fronts. L’influence des croyances, les normes sociales, les débouchés économiques, le cadre juridique, l’éducation, les crises sanitaires, etc. constituent des angles de réflexion sur installer cette égalité homme-femme, dans le cas contraire, elle peut engendrer des conséquences néfastes pour la communauté en stimulant des conflits internes. 

Pour reprendre le message de la Conférence de Beijing dont l’objectif est l’égalité hommes-femmes, Valetine M.Moghadam et Lucie Senftova ont parlé de l’autonomisation des femmes dans tous les domaines pour disposer de choix (Moghadam & Senftova, 2005) et pour éloigner de l’instrumentalisation de la femme par l’homme.

 Il s’avère nécessaire de s’intéresser conjointement une démarche collective pour un changement discutable et négociable pour toutes les parties prenantes (homme et femme) pour acquérir des propositions de réformes collectives et pour que tout le monde en tire profit.  

Chapitre III. Antagonisme entre traditions et besoin d’indépendance

Ce chapitre abordera l’angle culturel, en identifiant les carrefours d’oppressions auxquels elles se trouvent dans les communautés africaines sur le plan de l’éducation, de natalité et autres, notamment au travers de pratiques traditionnelles persistantes limitant leurs droits, l’expression et la prise en compte de leur opinion. Nous évoquons également le poids de la culture, de la tradition sur le développement, les organisations sociales et familiales qui démontrent la domination des aînés et des hommes dans les communautés africaines. Ces communautés qui sont enclin à la dualité entre les valeurs et normes traditionnelles et la modernité occidentale. 

1. Le poids des injonctions culturelles

1.1. Culture et développement

1.1.1 L’Afrique entre développement et tradition

La tradition est toujours présente dans la société africaine. Cette société évolue dans un univers mental, qui est statique, entouré de normes, rites, valeurs, tabous. Ce monde valorise le passé avec une vision rétrospective et n’accorde qu’une place secondaire aux choses matérielles. Le colonialisme a provoqué des bouleversements dès fois irréversibles, car il a entrainé une acculturation tout en modifiant la vision du monde, la croyance, le comportement et les structures de la société. L’Afrique vit dans une survivance traditionnelle entre deux mondes. Il ne peut communier avec ses valeurs traditionnelles dont il essaie de préserver et également, il ne peut davantage communier avec les valeurs du monde moderne dont il essaie et veut d’imiter même s’il ne comprend pas le sens (Hugon, 1967).

D’après les analyses sociologiques sur le sujet, le sous-développement de pays africains ne peut se limiter sur l’aspect économique, mais s’étale sur leurs structures mentales, leur système relationnel et organisationnel, leur croyance. Trois facteurs ont joué un rôle déterminant dans la désagrégation des valeurs traditionnelles en Afrique : le système administratif hérité du colonialisme, le développement de l’éducation (scolarisation) et les méthodes psychotechniques (média, presse…). 

La conception du développement économique basé sur les biens matériels et les richesses n’a pas la même signification pour les occidentaux et les Africains. Pour ces derniers, le développement symbolise les richesses qui ne sont que des moyens de participer à des relations entre individus, ainsi pour les maintenir. L’accroissement de ces richesses et ses utilisations ne constituent pas le même sens comme pour les pays développés. Selon Balandier, « La logique sociale traditionnelle continue à prévaloir sur le seul calcul économique » (Balandier, 1957). 

1.1.2. Influence des structures familiales sur la fécondité

Pour l’Afrique notamment dans la région Subsaharienne, la fécondité des femmes et des hommes a longtemps été soutenue et valorisée par les normes et valeurs sociales s’exprimant par des arrangements familiaux spécifiques. Ces normes et valeurs privilégient les familles élargies, l’honneur de nombreux descendants, l’honneur du lignage (confiage des enfants), le mariage précoce des filles et surtout la polygamie (Lesthaeghe, 1989). 

L’emprise des structures familiales africaines sur la fécondité est multiforme et elle se présente différemment dans chaque société, tribu et clan. La fécondité dépend en grande partie des combinaisons des différents facteurs en s’imposant sur le mariage, l’espacement entre naissances, voire sur le vécu familial. 

Selon Locoh et Yara (1995), la synergie de la fécondité et des structures familiales peut être identifiée sur cinq domaines apparents : (i) sur le mariage et les contrôles des unions (âge, partenaire, compensation matrimoniale, rupture, remariage, etc.) ; (ii) sur les règles de résidence conditionnées par les contrôles des anciens ; (iii) sur les responsabilités dans la gestion de reproduction, les solidarités intra-lignagères et intergénérationnelles ; (iv) sur l’autonomie de chaque individu dépendant des formes de sociétés, conditionnant par les droits et devoirs de chacun vis-à-vis de sa famille d’origine et de sa famille d’alliance ; (v) sur l’obligation dans la transmission des normes et valeurs (éducation, opinion, attitude et comportements) (Locoh & Yara, 1996). 

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1.2. Dimension culturelle du développement.

Pour l’Afrique, les valeurs culturelles doivent être prises en compte dans le développement. La notion du développement qui privilégie ces valeurs culturelles procède de la prise de conscience des limites des démarches purement économiques (UNESCO, 1983). 

L’Afrique est en contradiction avec son choix de processus de développement. Comment allier développement endogène basé sur les valeurs culturelles prenant racine dans l’affirmation de l’identité culturelle, et développement exogène focalisant sur la modernité véhiculée par les aides financières ?

Selon Manuel Castells, l’identité est :

« […] un processus de construction de sens à partir d’un attribut culturel ou d’un ensemble cohérent d’attributs culturels, qui reçoit priorité sur toutes les autres sources. Un même individu, ou un même acteur collectif, peut en avoir plusieurs. Mais cette pluralité d’identités engendre des tensions et des contradictions tant dans l’image qu’il se fait de lui-même que dans son action au sein de la société » (Castells, 1999).

« La modernisation n’est autre qu’une voie menant à un type particulier de développement industriel-capitaliste lié à une forme de régime politique basé sur la conception occidentale de « démocratie libérale » »[21] . La modernisation ne doit pas devenir une répétition historique du modèle occidental « conduisant à la reproduction dans les pays en développement, d’un même système technique, d’une forme endogène d’organisation de l’espace et d’une forme identique d’organisation de la production du travail ».[22]

Le système de développement se trouve actuellement confronté à des obstacles à la fois d’ordre intérieur, technique et financier. L’imitation de l’occident en est l’une des raisons. Le calquage des modes de vie des pays industrialisés n’a pas pu créer le bien-être de la population africaine. Au contraire, l’expérience est même mal vécue, car la croissance en production n’a pas été suivie par le pouvoir d’achats de la population, entrainant une régression et une détérioration des termes de l’échange. Les dimensions socio-culturelles dans les systèmes traditionnels doivent être prises en considération dans tous programmes de développement. Fort longtemps, l’effort de développement a exclusivement porté sur le concept matériel plutôt que sur la dimension culturo-communautaire. 

Ainsi, le développement promu pour et par les Africains continue d’obéir aux exigences, aux normes et aux objectifs exogènes, qui donnent la primauté aux solutions économiques et politiques au détriment des connaissances, cultures et réalités locales. L’impact des techniques étrangères, la colonisation, la pénétration religieuse ont partiellement détruit les valeurs traditionnelles sans pour autant remplacer ces valeurs ni faire en sorte que les nouvelles techniques soient assimilées. La dimension culturelle constitue souvent le frein au développement. De nombreuses erreurs de politique de développement et d’analyse de croissance économique tiennent à l’ignorance des déterminants culturels de l’Afrique.

1.3.  Culture dominante pour les pays colonisés

Il n’est pas rare de voir que la culture du groupe humain conquis disparaît d’ordinaire et celle de l’envahisseur devenait la culture dominante de l’entité sociale conquise. On parle souvent de cette situation de « violence symbolique » par le fait que le groupe dominant (les colons) s’impose sur l’autre tout en transmettant leur mode d’existence. Le groupe conquis ou subordonné n’a qu’à accepter ces nouvelles valeurs comme étant sa culture et à les légitimer. Cependant, cette légitimité est toujours à négocier, car elle rivalise avec la tradition, notamment les communautés traditionnelles.  Il n’est pas évident que les communautés adoptent en fin de compte l’idéologie du groupe dominant, de la conserver et de la reproduire.

Les sociétés traditionnelles africaines avaient développé leur propre organisation que ce soit politique ou religieuse, leur système organisationnel précis fait de règles sociales, de récompenses et aussi de châtiments, et leur propre connaissance ainsi que leur savoir-faire technique. Ce système avait assuré leur continuité. 

2. Un schéma familial bouleversé

La colonisation est le phénomène qui a provoqué le plus de bouleversements dans les structures familiales traditionnelles africaines. La colonisation ne s’est pas limitée sur la conquête économique, mais s’est intervenue dans toutes les dimensions de la société : famille, éducation, religion, travail, culturelle, valeur, technique, matérielle, individuelle. La société a été en scission avec ses propres valeurs culturelles et a été obligée « d’assimiler les valeurs culturelles de la société de consommation occidentale, mais en profondeur, la réalité africaine demeure » (Hoogvelt, 1978).

2.1. Organisation sociale des sociétés africaines

L’Afrique ne constitue pas un ensemble homogène du point de vue société. Les sociétés africaines présentent une forte diversité des systèmes matrimoniaux et de parenté, des modes de filiation, d’organisation familiale et de résidence. Toutefois, des traits communs peuvent être identifiés même dans leur diversité. 

2.1.1. Pouvoir des aînés et domination masculine

Les sociétés africaines traditionnelles sont des sociétés à chefferie, lignagères, organisées. Elles se sont basées sur les classes d’âge, la prééminence de la communauté, du groupe. La structure autoritaire est hiérarchique. Dans cette organisation, le statut individuel se fait marqué à travers l’âge, le sexe et la position au sein de la parenté (Oppong, 1992).

Presque, dans toutes les sociétés traditionnelles africaines, le pouvoir est aux mains des aînés, que ce soit au niveau de la famille élargie, du lignage, du clan, etc. Quels que soit les niveaux, les fonctions de responsabilité reconnues reviennent légitimement aux hommes. Cette emprise masculine s’étale sur l’organisation de la production, l’accès à la terre, la gestion de toutes les ressources, et également les femmes. Par cette modalité socialement instaurée, une certaine division sexuelle de travail a été pratiquée dans les contextes économiques et productifs. A travers ces inégalités, entre aînés et cadets et entre hommes et femmes, le maintien de l’ordre social est assuré et la transgression est punie. Mais ces inégalités sont également génératrices de tensions, de conflits potentiels, dont la résolution dépend du degré de cohésion sociale (Dozon, 1986). 

2.1.2. Evolution contemporaine des familles africaines

Le colonialisme européen a apporté des changements d’ordre social, économique, structurel et a eu des résultats paradoxaux. D’une part, il a provoqué la rupture et la crise dans les organisations anciennes et d’autre part, il a créé des formes de reproduction sociale (Dozon, 1986). La notion de famille s’est restreinte à la famille réduite. A cet effet, les structures lignagères se sont dépassées par la modernité, en donnant plus d’indépendances aux familles restreintes (zones d’économie de plantation, l’autosubsistance familiale, autonomie de décision, etc.). Ces situations ont amené les sociétés africaines à s’imbriquer avec modernité imposée et à transformer les structures traditionnelles, tantôt en les contournant pour mieux les récupérer, tantôt en acceptant de les adapter ou de les changer réellement. 

Les structures de la parenté ont été soumises à des multiples tensions par la déstructuration des familles étendues et par le processus d’indépendance et d’autonomisation des groupes domestiques. A cet effet, les dynamiques familiales reposent de plus en plus sur les principes de cohérence comme la nucléarisation et la solidarité entre l’ensemble des apparentés. 

La modernité a remis en question les idéaux familiaux dans les sociétés africaines, héritières des logiques familiales et des sociétés traditionnelles concernant les normes et les pratiques.

2.2. Viol culturel

Le viol culturel de l’Afrique a commencé avec l’établissement systématique du commerce d’outre-mer des esclaves. Une brutalité inhumaine a caractérisé le commerce des esclaves en Afrique et des guerres intertribales ont exterminé des communautés villageoises, dépeuplé de vastes zones, détruisant ainsi les racines des valeurs culturelles africaines. La seconde période de ce viol culturel s’est produite durant la période coloniale. La vie économique traditionnelle, basée sur l’économie familiale, fut convertie au type de production capitaliste qui introduisit des techniques et pratiques plus avancée, instaura une organisation sociale, un mode de vie occidentale.

L’impact du mode de production capitaliste a transformé les structures sociales et économiques africaines dans les zones urbaines et industrielles. Aussi, le secteur rural a connu des transformations sociales et été également marqué par la discontinuité sur le plan culturel. La signification traditionnelle donnée au clan, au lignage, à la parenté comme étant sources d’unité et conditions de maintien de la cohésion, ainsi que l’importance particulière accordée aux ainés détenteurs de connaissances n’ont plus leur raison d’être maintenue. La pratique et le mécanisme de socialisation, correspondant à ces changements radicaux, étaient mal conçues et mal mises en œuvre. Les valeurs du nouvel ordre social étaient contraires à la culture traditionnelle qui prônait la solidarité et l’égalité entre ses membres.  

Chapitre IV. Les conséquences de l’aide occidentale

Selon le Professeur Wangari Maathai[23]« Le continent africain est bien pourvu en termes d’abondance de ressources entre ses ressources naturelles et sa richesse culturelle en passant par ses ressources humaines. Néanmoins, les peuples africains restent pauvres ».

Aujourd’hui, la pauvreté, la crise économique qui tardent à être résolues dans l’ensemble des pays en voie de développement, des pays récipiendaires, s’accompagnent d’effets néfastes et désastreux sur la famille et les foyers. Or, la gestion du foyer et de la famille fait partie intégrante du rôle de la femme en Afrique. Cependant, personne n’a jamais reconnu et admiré ce rôle majeur des femmes et de leur autonomie par rapport aux hommes, ni la souveraineté de leurs initiatives, ni la maturité de leurs actes. Les femmes africaines sont doublement affectées par les incidences économiques et socio-politiques qui leur confèrent des rôles subalternes et par les conséquences néfastes des changements climatiques. Selon les statistiques mondiales, 80 % des personnes déplacées pour cause climatique sont des femmes et des filles[24].

L’aide occidentale a vu juste en misant sur la position centrale des femmes africaines dans le développement. En considérant la place de cet « être mineur et asservi » qu’est la femme africaine, l’assistance internationale a émergé à la fois une nouvelle rationalité économique au sein du foyer, de la famille, de la communauté, voire de la nation, mais aussi, une nouvelle dynamique sociale qui met en avant le rôle croissant des femmes dans la prise en main de leur propre destin. La contribution économique des femmes à tous les niveaux est devenue une exigence primordiale en tant que stratégie pertinente d’apporter des solutions viables à la conjoncture économique touchant presque les pays africains surtout les pays d’Afrique Subsaharienne.  

Ce chapitre essaie d’apporter des réponses à notre question de recherche : En quoi les politiques/programmes/instruments financiers occidentaux pilotés par les ONG permettent-ils aux femmes d’Afrique subsaharienne de s’émanciper, en accentuant leur sensibilité au genre ?

1. Les effets bénéfiques pour les femmes africaines

1.1. Perturbation ou bénédiction

La première question que l’on pose est de savoir « assiste-t-on vraiment à une perturbation de la structure et de la logique sociale traditionnelle ? ». Par rapport à cette question, nous pouvons répondre par « oui », car l’aide internationale en faveur des femmes, s’est traduite par l’accroissement de leurs rôles sociaux corrélatifs à l’émergence des nouvelles responsabilités dans la gestion de leur quotidien. Cette situation engendre l’appropriation des nouveaux rôles en mélangent à la fois traditionnelle et modernité. 

Au-delà de cette émergence de multiplicité des rôles, l’assistance occidentale en faveur des femmes produit de nouvelles capacités financières de la femme et impose une modification des rapports économiques au sein du ménage. A cet effet, elle participe à l’apport financier et à la gestion financière de la famille. D’une part, par l’augmentation du revenu familial, elle conforte leur position au sein du couple, mais également, améliore leur quotidien. Et d’autre part, cette accession empiète le domaine des hommes dans cette société conservatrice, privilégiant « la masculinité socio-économique ».  

1.2. Autonomisation

1.2.1. Référence du terme à l’échelle mondiale et à l’échelle Africaine

Dans le contexte actuel, l’autonomisation des femmes est décrite comme l’épanouissement économique de ces dernières. Elle reflète la participation pleine et entière des femmes dans l’organisation et la décision au devenir de leur société. Selon les Nations Unies[25], l’autonomie des femmes suit cinq principaux critères à savoir : le sens de la dignité ; le droit d’avoir accès aux ressources et aux opportunités ; le droit d’avoir le contrôle sur sa propre vie tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du foyer ; le droit de faire et de déterminer ses choix ; et la capacité à influencer pour un changement social et économique. 

L’aide internationale à travers l’engagement des ONG surtout pour l’atteinte des ODD, a favorisé trois dimensions :

  • Opportunités économiques des femmes (employabilité, entrepreneurship, inclusion financière et accès au crédit adapté à leurs besoins…) ;
    • Amélioration de leurs statuts légaux et leurs droits ;
    • Inclusion des femmes dans tous les processus décisionnels (socio-économique)

Cette référence met en vigueur l’égalité homme-femme dans tous les domaines de la vie. Cette figure montre cette référence en relation avec les cinq principaux critères des Nations Unies et les trois dimensions de l’aide internationale. 

Figure 6 : Vision sur l’égalité totale homme-femme dans tous les domaines de la vie

Source : Agenda 2063, aspiration 6 de la Stratégie de l’UA pour légalité des hommes et des femmes et l’autonomisation des femmes, conforme à l’ODD 5.

1.2.2. ONG

A travers cette dénomination, on peut regrouper plusieurs associations des différents pays dont le point commun est d’être indépendants des gouvernements de manière légale et officielle. La plupart du temps, les ONG travaillent sous forme de partenariat (coopération) avec les pays récipiendaires. Dans ce sens, elles disposent des ressources techniques et financières, obtenues auprès des bailleurs de fonds à titre de financement ou de cofinancement. Même, si les ONG ne représentent qu’une part minime de l’APD, leurs actions sont honorées par les pays receveurs.

Au niveau international, les ONG font partie des institutions d’aide internationale, car elles sont issues des pays donateurs, qui interviennent à différents niveaux, de différentes manières et dans différents domaines (éducatif, médical, social, économique, infrastructures, équipements, et même culturel). Selon la Fédération des ONG de coopération au développement, les objectifs des ONG sont : 

  • « La lutte contre la pauvreté et contre les inégalités dans les pays du Sud 
  •  La protection de l’environnement au Nord comme au Sud 
  • La sensibilisation et éducation des populations du Nord 
  • Les actions humanitaires dans des situations d’urgence 
  • La défense des Droits de l’Homme ».[26]

1.3. Emancipation des femmes africaines

1.3.1. Emancipation en éducation

Stipulé dans l’ODD4, « Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur n pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie », est l’un des leitmotivs de la communauté internationale. Contextuellement, d’après les chiffres émanant des Nations Unies, en Afrique, 75 millions d’enfants ne sont pas encore scolarisés et que plusieurs pays d’Afrique subsaharienne sont loin d’avoir généralisé l’accès à l’éducation primaire. Les filles sont particulièrement touchées par l’exclusion, moins de 40 % achèvent leur scolarité secondaire (Abdoul A. D., 2021).

a) Bienfaits de l’éducation

L’éducation est considérée comme l’un des facteurs de réduction de la pauvreté et de la croissance économique. Même si les résultats concernant la scolarisation des enfants et des jeunes filles ne sont pas satisfaisants, l’aide internationale à travers des programmes déployés par les institutions internationales et les ONG a permis de réduire la parité entre les sexes en éducation et l’alphabétisation des filles et des femmes. 

Dans ces programmes, il est question à la fois de former les femmes pour pouvoir développées leurs initiatives personnelles et pérennes, mais surtout de prolonger le maintien des filles à l’école[27]. L’aide internationale en faveur de l’éducation des filles et la formation des femmes, a favorisé l’autonomisation de ces dernières en tant qu’agents de changement social et culturel et de développement économique (familial et national). 

b) Normes et pratiques culturelles

L’éducation a également réduit les normes et pratiques culturelles provoquant les violences basées sur le genre (VGB). En Afrique, surtout Afrique, Subsaharienne, les violences et les discriminations sexuelles sont justifiées par les droits culturels, la religion et les traditions. Comme nous avons évoqué précédemment, les valeurs, les attitudes et les comportements des communautés influent sur la considération et la position des femmes (Adjamagbo & Calvès, 2012). L’éducation en tant que maintien des filles à l’école, favorise la diminution des mariages précoces ou forcés et les avortements clandestins. Ainsi, la diminution de l’emprise des normes et pratiques culturelles promeut l’inclusion des filles et des femmes dans le développement de leur être et le développement des communautés où elles épanouissent. 

1.3.2. Emancipation socio-économique

a) Amélioration de l’agriculture paysanne

La politique de développement engagée dans l’agriculture paysanne a produit des effets bénéfiques les femmes africaines. A travers les efforts déployés par les ONG internationales et locales, l’autonomie des femmes africaines est dans la bonne voie. Ces dernières ont pu disposer des moyens de production suffisants, mais également tiennent un rôle décisif dans les politiques agricoles, commerciales, environnementale et coopératives. Selon l’OIT, les femmes dans les pays pauvres représentent près des 50 % de la main d’œuvre agricole, mais seulement 13 % de ces paysannes possèdent des terres[28].

Les renforcements des capacités des femmes et des organisations qu’elles composent, participent directement à l’amélioration de leur condition de vie, leur représentativité au sein de leur communauté. D’un autre regard, la participation des femmes au développement économique entraine la recrudescence de pratiques coutumières et religieuses traditionnelles entravant leur autonomie. Pour les femmes paysannes, les droits à la terre, aux ressources naturelles qui y sont directement attachées comme l’eau, les pâturages, les arbres, etc., constituent leur exigence cruciale et l’enjeu fondamental d’un développement durable. A noter que l’agriculture représente l’activité principale exercée par les femmes africaines. Dans la plupart des cas, l’accès à la terre pour ces femmes reste l’allocation de parcelles. Les femmes représentent 19 % seulement des propriétaires de terres agricoles[29]. Les projets développés ensemble en faveur des femmes avec les organisations non gouvernementales, permettent d’améliorer les statuts fonciers des Africaines pour bannir les pratiques locales (exclusion, subordination, tabous…) et promouvoir, ainsi que clarifier les lois nationales (législation). 

Histographiquement, l’économie de l’Afrique est ancrée sur la production et la vente des matières premières. C’est cette situation qui a constitué la dépendance de l’Afrique vis-à-vis de l’extérieur notamment les pays occidentaux. Le secteur industriel est géré et réservé aux Occidentaux. Ainsi, la grande partie des matières premières est toujours exportée vers les grands pays occidentaux (Ndongo-Bidyogo, 2007).

b) Inclusion financière

Augmenter les investissements en faveur des femmes est devenu un choix économique fiable et rentable. La contribution des femmes à la croissance et au développement économique doit être reconnue et récompensée en termes économiques. L’acquisition des revenus favorise un changement de rôle au niveau de la société et peut modifier les rapports conjugaux au sein du ménage (Meillassoux, 1992). Face à la crise socio-économique qui sévit dans presque tous les pays africains, la contribution financière des femmes au sein du ménage est devenue une exigence courante. L’inclusion financière permet de mieux asseoir la promotion sociale et économique des femmes et augmente leur responsabilité familiale et leurs nouveaux rôles.

c) Mouvements associatifs

L’aide internationale par le biais des ONG a pu manœuvrer pour appuyer les structures pour la promotion des femmes africaines. Les mouvements associatifs ainsi créés, particulièrement féminins participent à l’amélioration des conditions matérielles, sociales et culturelles des femmes, d’une part, par le renforcement des capacités des membres et d’autre part, ils interviennent dans les actions d’alphabétisation d’autres femmes. Des projets de développement (projets générateurs de revenus) sont réalisés respectivement par ces associations féminines et/ou coopératives avec les appuis techniques et financiers des ONG, et des rencontres entre les associations ont été également organisées pour échanger les expériences. Par les différentes formes d’interventions des ONG, plusieurs approches ont été évaluées positives pour l’autonomisation des associations et des groupes de femmes comme l’approche des caisses de résilience qui comporte trois piliers : technique, financier et social[30].

d) Entrepreneurship féminin

Depuis quelque temps, les interventions sur la promotion de l’entreprenariat féminin ont été favorisées par l’aide internationale. Les femmes sont formées pour créer des PME, sur le plan technique et également sur les demandes de financement auprès des institutions financières et des donateurs. Des initiatives sur l’inclusion financière numérique avec des technologies numériques ont été aussi déployées pour permettre aux femmes d’accès aux services d’épargne, de crédit et de paiement numérique[31]. Ces initiatives favorisent la lutte contre les inégalités et constituent un système financier plus inclusif, durable et responsable.  

e) Apports des aides sur le changement de rôles des femmes africaines

Les aides internationales ont permis de faire évoluer les rôles et statuts des femmes en se référant au modèle traditionnel vers un modèle moderne. Ces deux présentations mettent en comparaison les rôles, les conduites, les attitudes et comportements valorisés des deux modèles. A travers les deux figures, nous montrons, d’une part, l’explication de la société traditionnelle sur les rôles de la mère et de l’épouse, l’image de la femme idéale qui incarne les valeurs, l’idéologie sociale de la communauté africaine avant l’intervention extérieure. D’autre part, la seconde figure rend compte des conséquences de l’intervention extérieure pour donner aux femmes africaines des nouveaux rôles en se greffant à leur statut traditionnel.

Ces nouveaux rôles exposent leurs motivations et leurs différentes stratégies développées pour faire face à la crise économique et à la chaîne des traditions socio-culturelles. 

Figure 7 : Idéologie sociale de la femme africaine

Source : composition de l’auteure

Source : composition de l’auteure

2. Les limites d’action de l’aide face aux obstacles locaux et internationaux

Pour les pays donateurs comme les récipiendaires, l’aide au développement devrait entrainer des progrès socio-économiques dont le but de soulager la souffrance des populations pauvres et de soutenir le développement de façon durable et de rendre dynamique l’activité économique dans les pays récipiendaires. Certains pays ont pu se décoller économiquement grâce à cette aide, tant par leur industrialisation que par l’amélioration des conditions de vie de leur citoyen à l’exemple des pays de l’Asie et des pays de l’Amérique latine. 

De façon paradoxe, d’autres pays comme les pays d’Afrique subsaharienne tout en bénéficiant la même aide internationale, se trouvent encore en difficulté, voire en régression depuis. Malgré les nombreux efforts engagés, la situation de l’Afrique subsaharienne ne s’est guère améliorée sur le plan socio-économique.  

2.1. Rationalisation

2.1.1. Limite des quatre dimensions

L’aide internationale tourne autour de quatre dimensions, qui peuvent limiter l’action des intervenants que ce soit du côté des donateurs à travers les aides bilatérales ou multinationales que ce soit au niveau des récipiendaires. Du côté des pays donateurs, il est question d’octroi sous conditions et ces conditions sont liées à la gestion et à la prévention des conflits, à la lutte contre la pauvreté, à la protection de l’environnement, aux politiques et modes de gouvernance et tant d’autres. Du côté des récipiendaires, ces modalités d’octroi peuvent ne pas correspondre aux réalités locales. Ces quatre dimensions sont : 

  • la solidarité internationale qui impose à l’aide l’outil d’accompagnement des marchés dans les pays du Sud et dicte les mécanismes de redistribution ;
    • le concept géostratégique qui met en priorité l’aide internationale dans la préservation de l’ancrage des pouvoirs des pays donateurs en matière économique, mais surtout militaire (Millet & Toussaint, 2005)
    • le concept du développement durable, tous projets ou programmes accordés doivent travailler dans ce sens économiquement respectueux de la nature et du social
    • la régulation de la mondialisation, c’est une sorte d’ingérence politique à travers toutes formes de coopération internationale. 

Par cette analyse critique, on peut admettre que ce sont vraiment les bailleurs qui définissent les conditions d’octroi et de partenariat entre les pays donateurs et les pays receveurs. La rationalisation de l’aide se limite sur le phénomène global qu’est la pauvreté du Sud au détriment des approches incluant les cibles quantifiées et qualifiées. 

2.1.2 Modalités et coordination de l’aide 

Les problèmes de modalités et de coordination de l’aide internationale ne sont pas récents. Selon l’OCDE[32], l’aide est « composée d’éléments très hétéroclites et disparates », sans une coordination efficace et une meilleure synergie dans les actions, les efforts sont dispersés en augmentant les divergences de points de vue. La limite imposée par la coordination concerne les défis qu’elle relève sur l’affirmation de l’appropriation nationale de la conduite des actions d’aide. On est en face d’un enjeu de leadership, car selon le principe de souveraineté, c’est au gouvernement du pays receveur que revient le leadership de coordination, cependant dans la pratique, ce principe rencontre les réticences tant au plan national qu’au niveau de la communauté des bailleurs de fonds. A cet effet, l’aide doit s’inscrire effectivement dans les priorités politiques et stratégiques des pays bénéficiaires et que les bailleurs de fonds mobilisent leur appui (technique et financier) dans ce sens.

2.2. Aide et dépendance

Selon la dimension relevée dans la littérature en économie et en relations internationales, la direction et les montants de l’aide internationale correspondent aux considérations géopolitiques et stratégiques (Alesina & Dollar, 1998). De la part des bénéficiaires, les conditionnalités de l’aide ne sont pas parfois mises en œuvre ou reportées par les gouvernements alors que ces financements reposent sur les conditions de performance et de récompense-sanction. Les receveurs acceptent les conditionnalités, mais leur priorité réside sur la réception de l’aide financière. C’est dans ce cadre que l’aide crée ainsi de la dépendance pour les pays receveurs. L’aide est considérée comme une source de financement sans fin. Elle ne peut pas produire un changement positif pour les pays receveurs. Ces derniers montrent de l’accoutumance à l’aide internationale, traduisant par les mauvaises politiques et découlant de multiples contraintes marquantes les Etats africains (Robinson, 1998). 

Selon Carrino Luciano (2006), « ils deviennent dépendants à l’aide seulement après une longue, longue histoire de frustrations, de violences et de manipulations qui déstructure leur organisation, les oblige à renoncer à leurs moyens autonomes et les réduit à un état de détresse profonde », tout en ajoutant que cette aide devient une aide paternaliste qui maintient les bénéficiaires dans un état de dépendance et de passivité (Carrino, 2006).

En effet, la politique économique de beaucoup de pays africains présente des caractéristiques qui précisent les mécanismes et les relations vis-à-vis de la dépendance aux aides. Au niveau de la société également, les normes et les perceptions locales peuvent raffermir les effets de dépendance. Ces effets de dépendance entrainent des contraintes et des transformations locales mal conçues, incitées souvent par les montants, par la présence et la visibilité élevée de l’aide. Sur ce point, l’aide ne constitue pas en elle-même ces effets, mais de ses éléments composés avec les contextes locaux engendrant une relation durablement déséquilibrée. 

2.3. Détournement des fonds d’aide

C’est une question cruciale de la part des pays receveurs, car le détournement des fonds d’aide est une pratique courante surtout en Afrique. La mauvaise gestion de l’aide par les pays receveurs entraine la réticence des donateurs, la diminution de l’enveloppe financière et l’annulation ou la coupure de la coopération. 

Ce détournement est masqué par la corruption en haut lieu, par les abus de pouvoir et/ou le jeu de pouvoir, par les spécificités administratives (lourdeur administrative), qui influencent négativement la volonté des donateurs. Ainsi, cette situation se présente comme des obstacles contextuels et institutionnels. 

2.4. Absence de volonté des bénéficiaires

Le rôle des bénéficiaires d’aide est souvent classé en second plan, alors que ces derniers peuvent constituer des obstacles. Ces obstacles se présentent en trois formes : 

  • La non-volonté des pays receveurs d’être aidé voire d’être responsable de l’aide. C’est une situation paradoxale du fait que l’aide extérieur représente une des solutions au développement économique de ces pays, alors que ces pays récipiendaires n’arrivent pas à mobiliser ou n’ont même pas des ressources internes.
  • La non-appropriation de l’aide va également dans ce sens d’absence de volonté des bénéficiaires. D’une part, les pays receveurs n’arrivent pas techniquement à gérer l’aide ou bien d’autre part, les donateurs n’ont pas conscience du contexte local, de la réalité du terrain.
  • La tension entre les locaux et les étrangers (cas des aides gérées par les ONG internationales). C’est une limite très remarquée qui nuit la relation d’aide. Elle résulte d’une composante économique, d’une composante culturelle et d’une composante éducationnelle. 

2.5. Obstacles à l’inclusion financière des femmes

On peut les résumer dans ce tableau suivant :

Tableau 2 : Différents obstacles à l’inclusion financière des femmes africaines

Source : tiré de L’inclusion financière numérique des femmes en Afrique (Gates & G7, 2019)

CONCLUSION

En se référant à l’analyse de la Banque Mondiale, le continent africain était qualifié de continent le plus pauvre du monde dans les années 1980. Mais au cours des dernières années, l’écart de développement avec les régions du reste du monde s’y est accentué, notamment sur la région de l’Afrique subsaharienne. Et quand l’OCDE[33]annonce également que, c’est cette même région qui est le principal bénéficiaire de l’aide internationale, on se pose la question sur les différentes raisons qui font obstacle au développement. L’Afrique subsaharienne est bloquée dans ce que les analystes appellent la « poverty trap » ou « le piège de la pauvreté », ceux qui l’entraine dans un cercle vicieux de la pauvreté. Le paradoxe africain 

Dans l’attribution de l’aide internationale comme l’APD aux pays d’Afrique subsaharienne, le niveau des besoins et des intérêts des pays donateurs sont les principaux critères déterminants. L’aide internationale traduit à la fois l’engagement des pays riches à lutter contre la pauvreté qui sévit dans les pays du sud, mais aussi l’outil politique pour ancrer leur position dominante géopolitiquement. Elle sert dans la plupart du temps d’élément de compétition entre les différents pays donateurs. D’un côté, les donateurs admettent qu’il ne faut pas que l’Afrique soit un fardeau pour le développement économique mondial, mais un partenaire, et de l’autre côté, certains pensent que le réveil de l’Afrique va bouleverser l’ordre économique mondial, car l’Afrique dispose des ressources mal exploitées (naturelles et économiques) et des capitaux humains mal gérés, surtout les femmes.

A travers les approches adoptées par l’aide internationale, la place des femmes africaines dans le cercle du développement est devenue incontournable et souhaitable. Le rehaussement de ce principe d’émancipation des femmes africaines fait obstacle aux valeurs et normes traditionnelles, mais la participation des femmes au développement économique, social, culturel présente tous les avantages sur l’efficacité de l’aide au développement. Dorénavant, les temps ont changé, tous les bailleurs sont convaincus que les femmes représentent le pilier de développement dans le monde, non seulement en Afrique. 

L’aide internationale par le biais des ONG a appuyé les initiatives féminines, les associations créées par les femmes, sur le plan technique et sur le plan financier pour les mettre en œuvre. Ainsi, elles disposent des économies et prennent le contrôle de leur vie financière et leur épanouissement social. L’inclusion financière et l’inclusion financière numérique offrent pour les femmes africaines une opportunité à saisir. Les avantages sont considérables, car par l’appui des organisations internationales et nationales, elles pourront planifier leur avenir en générant une croissance économique fondée sur une prospérité partagée par tous et pour tous, en parlant de développement durable. Cette opportunité permet également de valoriser leurs droits en matière de santé, d’éducation ou de formation, de propriété. Elles apparaissent comme un moteur de changement à travers leurs initiatives. 

Au travers de nos réponses à notre question « En quoi les politiques/programmes/instruments financiers occidentaux pilotés par les ONG permettent-ils aux femmes d’Afrique subsaharienne de s’émanciper, en accentuant leur sensibilité au genre ? », nous avons pu admettre que les organisations non gouvernementales apportent leur contribution dans l’émancipation et l’autonomisation des femmes africaines. Leur appui favorise la réduction des inégalités des hommes et des femmes au niveau de la société et voire améliore le statut des femmes africaines face à l’idéologie sociale traditionnelle à l’égard des femmes. Bref, d’une part, même si les analyses critiques portées sur l’aide internationale évoquent l’enjeu politique qu’elle couvre, l’Afrique doit être appuyée de façon efficace pour améliorer son appropriation et diminuer sa dépendance face à l’aide extérieure. D’autre part, tous obstacles, à la pleine participation des femmes au développement, devront être soulevés pour qu’elles contribuent largement à la croissance et  à la réduction de pauvreté.

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[1] Discours du président des Etats-Unis, Harry S. Truman en 1949, traduction de l’auteur. 

[2] La conférence de Bretton Woods s’est tenue du 1er au 22 juillet 1944 dans le New Hampshire (Etats-Unis), dans le cadre de la résolution des différends de la deuxième guerre mondiale. Ses accords ont jeté les bases de la coopération pour le développement international.

[3]Mallence Bart Williams est une allemande originaire du Sierra Leone, auteure, productrice cinématographique et designer. 

[4]Beaudet Pierre, « Les théories de la dépendance », consultable sur l’adresse http://www.defisdvm.com/uploads/3/0/7/7/30773905/les_thories_de_la_dpendance.pdf

[5]Emmanuel Fournier, « Comment nommer les pays pauvres ? », consultable sur l’adresse https://www.scienceshumaines.com/tiers-monde_fr_12749.html

[6] OCDE 2016.

[7] Selon le mémorandum de l’USAID présenté devant le Congrès pour justifier l’utilité économique de son existence, les versements effectués au titre de l’aide au cours de l’année fiscale 1971 avaient rapporté 971 800 000 000 dollars.

[8] Rapport de l’OCDE, 2019, Perspectives mondiales du financement du développement durable. Faire face au défi.

[9] Artouche Lydia, 2012, « L’efficacité dans l’aide publique au développement: la déclaration de paris: une aide « efficace » pour un état « efficace »; Mémoire de Maitrise en sciences politique, Université du Québec à Montréal.

[10] Base de données d’ILOSTAT. https://ilostat.ilo.org.

[11] Groupe de la banque africaine de développement. 2015. Autonomiser les femmes africaines : Plan d’action.

[12] International Labour Organization. 2018. A quantum leap for gender equality : for a better future of work for all. Geneva. ILO.

[13] International Labour Organization. 2016. Women at work. Geneva. ILO.

[14] https://focus2030.org/Recensement-des-bases-de-donnees-sur-les-inegalites-de-genre-dans-le-monde consulté le 22 août 2022.

[15] Conseil économique et social.2021. Egalités entre les sexes et autonomisation des femmes et des filles en Afrique. Progrès, difficultés, opportunités et principales actions prioritaires visant à accélérer la mise en œuvre de l’objectif de développement durable 5. Nations Unies.

[16] Idem

[17] https://www.centralbank.go.ke/national-payments-system/mobile-payments/.

[18] Entités des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes.

[19] UNESCO.2013. L’éducation des filles-les faits. Rapport mondial de suivi sur l’EPT. Fiche d’information.

[20] Conseil économique et social.2021. Egalités entre les sexes et autonomisation des femmes et des filles en Afrique. Progrès, difficultés, opportunités et principales actions prioritaires visant à accélérer la mise en œuvre de l’objectif de développement durable 5. Nations Unies.

[21] Mohammed Beshir Hamid, « Traditionnalisme et modernisation : une perspective politique », Égypte/

Monde arabe. Consultable sur l’adresse http://journals.openedition.org/ema/1099

.[22] Idem

[23] Professeur Wangari Maathai, lauréat du Prix Nobel de la paix en 2004, selon sa déclaration « L’Afrique est riche, ce sont les africains qui sont pauvres ».

[24] https://www.carefrance.org/ressources/documents/3/9d0a9f6-8866-CARE_GenreDeplacementClimat.pdf

[25] Programme des Nations Unies pour le développement, Innovative approaches to promoting women’s economic empowerment, 2008, p.9. Consultable sur l’adresse http://www.undp.org/women/publications.html

[26] Fédération des ONG de coopération au développement, « Qu’est-ce qu’une ONG ? », consultable sur l’adresse http://www.acodev.be/les-ong-de-developpement/quest-ce-quune-ong

[27] Partenariat mondial de l’UNESCO en faveur de l’éducation des filles et des femmes, UNESCO, 2015.

[28] Statistiques OIT

[29] Rapport régional de l’indicateur « Institutions sociales et égalité femme-homme » ou « Social Institutions and Gender Index » (SIGI), Afrique Subsaharienne. OCDE. 

[30] ONU, FAO, Genre, femmes rurales et développement, octobre 2016, bulletin Dimitra n°29

[31] Rapport sur « L’inclusion financière numérique des femmes en Afrique », à la demande de la présidence française du G7, juillet 2019.

[32] Rapport OCDE 2001

[33] OCDE, 2006 et 2014

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