Cet exemple de thèse professionnelle de Mastère spécialisé (MS) vise à vous donner un aperçu des attentes académiques relatives à la rédaction de ce type de thèse.
Sommaire
PARTIE I : CONTEXTUALISATION DE L’ETUDE 11
CHAPITRE I : A L’AIDE DES PARTICULIERS : UNE ORGANISATION EN QUESTIONNEMENT ETHIQUE 11
I- HISTORIQUE DE LA STRUCTURE : 12
II- LES QUESTIONNEMENTS ETHIQUES AUTOUR DES MAJEURS PROTEGES : 15
CHAPITRE II : LE MAJEUR PROTEGE ET LE CADRE JURIDIQUE 19
I- QUI SONT LES MAJEURS PROTEGES 19
II- LE CADRE JURIDIQUE DU MAJEUR PROTEGE 21
CHAPITRE III : LA NOTION DE PAROLE 26
I- LA PAROLE AU SENS DE L’AUTODETERMINATION ET DU CONSENTEMENT 26
II- L’EXPRESSION DU MAJEUR PROTEGE 28
UN RETOUR SUR LE CADRE THEORIQUE 29
PARTIE II : LA PRISE DE PAROLE DU MAJEUR PROTEGE 31
CHAPITRE I : METHODOLOGIE DE TRAVAIL 31
CHAPITRE II : LES DERIVES DANS LA PRISE DE PAROLE DU MAJEUR PROTEGE 33
I- LES DERIVES CONSTATEES AUTOUR DES ACTEURS 33
II- LES DERIVES INSTITUTIONNELLES CONSTATEES 38
PARTIE III : RECOMMANDATIONS 42
2- Former les équipes pour un meilleur suivi des majeurs protégés 44
3- Privilégier le recours à un psychologue 47
– Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale 51
– Loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs 51
Liste des Sigles et Abréviations
MJPM : mandataire judiciaire à la protection des majeurs
SAAD : Service d’Aide et d’Accompagnement à Domicile
SSIAD : Service de Soins Infirmiers à Domicile
APA : Aide Personnalisée à l’Autonomie
CLIC : Centre Locaux d’Information et de Coordination
SAMSAH : Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés
SPASAD : Services Polyvalents d’Aide et de Soins à Domicile
INTRODUCTION
Selon l’étude menée par l’ANCREAI (fédération des Centres Régionaux d’Etudes d’Actions et d’Informations, en faveur des personnes en situation de vulnérabilité) en 2017, en France, le nombre de majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection ordonnée par le juge ne cesse de croitre. Ainsi, entre 2010 et 2015 le nombre de majeurs protégés a augmenté de 15,2% en passant de 392 000 en 2010 à 451 000 en 2015.
En 2020, la France compterait entre 730 000 (source du Sénat) et un million de personnes (autres sources) majeures protégées c’est-à-dire bénéficiaires d’une mesure de tutelle, curatelle ou de sauvegarde de justice.
Leurs mesures de protection peuvent être exercées par la famille ou des professionnels, comme c’est le cas pour environ un demi-million d’entre elles.
Avec le vieillissement de la population, le nombre de majeurs protégés pourrait exploser et deux millions de personnes pourraient être concernées à l’horizon 2040.
La forte croissance de cette population constitue un enjeu important dans l’évolution de la prise en charge au sein des structures d’aide à domicile qui vont devoir adapter leur prise en charge aux spécificités des majeurs protégés.
Le présent travail de recherche trouve ses origines dans la mise en place d’une structure de service d’aide et d’accompagnement à domicile que j’ai créée en 2007.
L’aide au maintien à domicile des personnes dépendantes, âgées ou en situation de handicap représente 85% de notre activité globale et notre public est constitué à 77% de majeurs protégés.
Ainsi, l’accent dans le travail de mémoire se placera plus particulièrement sur les majeurs protégés.
Assurer l’autonomie, la liberté individuelle et la protection de tout individu font partie des objectifs principaux de la loi.
Et selon l’article 415 alinéa 2 du Code Civil : « La protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne ».
Effectivement, tout individu est de nature responsable de lui-même mais lorsqu’il se retrouve dans l’incapacité de se prendre en charge lui-même, certaines mesures sont prises à son égard afin de le protéger.
Diverses raisons peuvent amener un individu à avoir besoins d’une protection particulière, il peut s’agir d’une altération de ses facultés personnelles, mentales ou corporelles médicalement constatée. Certes la famille ou certains services d’aide peuvent apporter un appui à ces personnes vulnérables ou en difficulté. Tel que le cas de notre structure par exemple. Cependant, la loi et les règlements sont aussi présents et peuvent peaufiner cette aide.
« Lorsqu’une personne ne peut plus pourvoir seule à ses propres intérêts, ses proches peuvent certes prendre soin d’elle, mais il est parfois nécessaire d’encadrer juridiquement cette assistance, pour éviter les erreurs et les abus.1»
La loi de mars 2007 affirme le principe juridique suivant : « Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles, de nature à empêcher l’expression de sa volonté, peut bénéficier d’une mesure de protection juridique ».
Ainsi, le juge des tutelles peut décider son placement sous un régime de protection légale. Ces dispositions juridiques connaissent trois mesures de protection : la sauvegarde de justice, la curatelle simple ou renforcée et la tutelle.
La protection juridique d’une personne majeure est un dispositif relevant du code civil qui vise à protéger une personne vulnérable sous l’un des régimes visés ci-dessus selon 3 grands principes définis à l’article 428 du code civil : principe de nécessité, de proportionnalité et de subsidiarité.
L’affirmation de ces principes répond à des évolutions sociétales sur la notion du handicap et de la maladie psychique.
La loi consacre aujourd’hui le principe de l’autonomie des majeurs protégés par extension au développement des droits des personnes vulnérables, incarné dans le non-recours obligatoire aux hôpitaux psychiatriques fermés, et la reconnaissance des droits fondamentaux des personnes en situation de handicap dans la loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situations de handicap.
Apporter de l’aide à un majeur protégé ne se limite pas seulement aux lois et à la protection de la personne et de ses biens. Elle ne peut s’entendre sans un accompagnement individualisé et adapté qui vont permettre le maintien et le développement de l’autonomie de la personne.
S’intéresser à l’autonomie ou la liberté individuelle d’une personne demande donc une attention particulière sur les spécificités de l’individu en lui-même.
Il va donc s’agir ici de s’intéresser à la manière, aux moyens, aux pratiques dont l’individu va avoir recours afin de pouvoir s’affirmer. De façon pragmatique, il s’agit donc de s’interroger sur le cadre général de la participation des personnes d’une manière générale afin de pouvoir apporter une aide aux majeurs protégés. Des questionnements se posent autour de cette thématique. D’abord qui sont les personnes à protéger ? Comment manifestent-elles leur participation ? Comment résoudre leur manque d’autonomie ? Quels moyens mettre en place, quels acteurs mobilisés afin de pouvoir les accompagner ?
Le Code Civil à son article 414 stipule que tout majeur «est capable d’exercer les droits dont il a la jouissance ». Cependant dans certaines situations les personnes majeurs peuvent avoir besoin d’une protection judiciaire qui certes peuvent limiter leurs libertés mais aura pour objectif principal de pouvoir les protéger.
Dans le cadre de ma pratique professionnelle, un constat est à mettre en évidence : il existe des dérives dans la prise en charge du majeur protégé notamment avec une prise en compte parfois aléatoire de la parole de celui-ci.
A partir de ce constat, la problématique suivante se pose :
Comment faire émerger et prendre en compte la parole du majeur protégé ?
L’intérêt de ce sujet réside dans le fait de pouvoir ressortir la manière dont la prise de paroles des majeurs protégés est accompagnée et comment l’optimiser.
Effectivement, lors de mes pratiques professionnelles, je constate régulièrement que la prise en compte de la parole du majeur protégé est souvent relative voire aléatoire. En d’autres termes, la prise en considération de la parole du majeur protégé est limitée. Cette variabilité ou limite n’est pourtant pas basée sur des raisons pertinentes le plus souvent. En effet, ce sera surtout en fonction du ressenti de chaque partie prenante que cette parole sera prise en compte ou non. Il s’agit donc de raisons « subjectives » et non « objectives ». Il va s’agir de la notion qu’ils ont de la dignité, de pressions sociales (famille, représentant légal, SSIAD, AS.) Ce manque d’objectivité fini par une non-considération des désirs et voir même contre le consentement du majeur protégé. Par exemple il arrive que les familles demandent a ce qu’on ne considère pas la volonté du majeur sous prétexte que celui-ci « ne sait pas ce qui est bon pour lui », dans d’autres cas ce sont les assistants sociaux qui vont faire pression sur ce qui leur parait être bon, et ce malgré les demandes du majeur protégé.
Il faut souligner que cette prise en compte de la parole du majeur protégé ne se limite pas uniquement a un non-respect de la légitimité du majeur, mais impacte également nos équipes de terrain au sein de la structure : une démotivation peut s’installer par exemple.
L’enjeu est alors de permettre une conciliation entre les besoins et attentes de toutes les parties prenantes.
Le mémoire suivant a pour objectif global :
De trouver des axes d’amélioration de la qualité des services auprès des majeurs protégés et des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM).
Afin d’atteindre cet objectif, une liste d’objectifs spécifiques a été établie dans le but de servir de balise au mémoire :
- Déterminer les réelles attentes des majeurs protégés
- Déterminer les failles dans les services auprès des majeurs protégés
- Trouver les bons leviers pour faire émerger la parole du majeur protégé.
- Déterminer les conditions nécessaires pour une prise en compte effective de la parole du majeur protégé.
- Déterminer les facteurs qui influencent positivement l’autodétermination des majeurs protégés.
- Déterminer les moyens nécessaires pour renforcer la légitimité des aidants, plus particulièrement les équipes de terrain.
Ainsi, les questions de recherche suivantes se posent :
- Quels sont les leviers et les conditions pour faire émerger la parole du MP dans le respect de l’autodétermination
- Comment renforcer la légitimité des aidants ?
Pour pouvoir apporter des réponses et mener dans la bonne direction les recherches, des hypothèses de travail sont posées :
- Renforcer l’autodétermination du majeur protégé renforcerait sa légitimité et peut-etre des aidants ( ?) qui l’accompagnent dans l’autodétermination ?
- Et tout cas ici il me semble important de poser la « dualité » MP – aidants : source de soutien mais aussi de tension, voire de maltraitance ? dès lors entre ces deux légitimités dont vous parle (MP et aidant) : comment les articuler ?
- Le manque d’outils et de formation freineraient les travailleurs dans l’accompagnement des majeurs protégés.
La méthodologie employée afin de diriger cette étude a été une méthodologie qualitative. L’objectif étant une description, l’adoption d’une méthode qualitative apparait judicieuse : Tout d’abord, l’on entamera une partie Documentation ou une revue de littérature sur le sujet de mémoire qui a été choisi. L’on a aussi procédé à une Observation directe au sein de la structure qui nous a permis de faire un constat sur les réalités concernant le sujet de recherche mais également les différents points de vue par lesquels le sujet a pu être traité. Ensuite l’on passera par des Entretiens individuels auprès de personnes ressources afin d’étudier les réels blocages de l’émergence de la parole du majeur protégé ainsi que les dérives qui ont lieu quotidiennement dans leur prise en charge.
Ce travail de recherche recouvre une portée multidimensionnelle.
Effectivement, étudier les failles dans la prise de parole des majeurs ainsi que la recherche de manière adéquate afin de faire émerger cette parole nécessite de s’intéresser et de s’étaler sur plusieurs points.
Ainsi, les enjeux que soulève ce mémoire sont alors de différents ordres :
- Enjeux publics, dans la mesure où il est indispensable de répondre aux lois en vigueur, dans cette émergence de la parole du majeur protégé.
- Enjeux sociaux étant donné l’ampleur sociale que détient cette parole.
- Enjeux d’éthique relative au respect de la volonté du majeur protégé et des directives données par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs
- Enjeux économiques : mise en avant d’une posture managériale à adopter face aux bénéficiaires des interventions et aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs qui sont nos prescripteurs
Comment concilier les bonnes pratiques de notre secteur et la réalité du terrain ? Comment garantir l’effectivité des droits du majeur protégé dans la pratique ?
A travers ces deux questionnements, l’on peut donc en déduire que plusieurs acteurs doivent être pris en compte. Effectivement il s’agit d’un travail de mémoire portant particulièrement sur les majeurs protégés mais surtout des majeurs protégés au sein de notre structure. Par conséquent, ces deux grands points seront étudiés et approfondis dans ce travail.
Il faut savoir que selon la « charte des droits et libertés de la personne majeure protégée2» tels sont les droits du majeur :
- Le respect des libertés individuelles et des droits de la personne (article 1),
- Le droit à l’information (article 6),
- Le droit à l’autonomie (article 7),
- La recherche du consentement (article 9),
- La personnalisation de l’intervention (article 10).
Certaines pratiques relevant de ces droits ne sont pourtant pas, toujours, respectées dans les services de protection et d’assistance aux majeurs.
L’authenticité de ce mémoire réside dans cette étude des problématiques et manquements au sein des services de notre structure pour faire émerger la prise de parole des majeurs protégés afin que ces derniers puissent exprimer leur volonté. Mais aussi par la présentation de solutions ou de recommandations efficaces afin de palier à ces problèmes.
Selon RULLAC S. et OTT L. (2010) :
« Aucune relation ne peut être travaillée en dehors d’un cadre (…) Il appartient donc au professionnel de définir et de réfléchir au cadre qui permet ou induit les relations ; partiellement imposé par sa situation de travail, le cadre reste pour autant de la responsabilité du professionnel, qui peut le modifier, l’aménager, l’adapter en fonction des besoins.3»
Les recommandations qui seront avancées serviront surtout à définir un cadre de rencontre (rencontre ? un peu faible ? un cadre d’action ? et entre qui ?) propice à la prise de parole du majeur protégé. L’objectif étant l’amélioration de la qualité des prestations.
Il est important d’accompagner la prise de parole des majeurs. Ainsi, la première recommandation sera la mise en place d’un groupe d’expression qui aiderait les majeurs protégés à s’exercer dans l’expression de leurs attentes et besoin. En second lieu, il apparait être important de former les équipes pour un meilleur suivi des majeurs protégés : Il s’agira ici d’une incitation aux collaborateurs de collaborer entre eux afin de pourvoir s’entraider dans l’accompagnement des majeurs, de bien définir leur cadre d’intervention, ainsi que les approches à adopter. Et enfin, privilégier le recours à un psychologue clinicien. Cette approche apporterait un réel soutien et une étude approfondie du majeur et de ses habitudes.
Le plan suivant sera alors adopté dans la réalisation de ce mémoire. La première partie de ce mémoire décrit le cadre général décrivant le contexte en se basant sur l’histoire de la structure, de ses activités et autres mais aussi une étude approfondie des mots clés de la recherche : les majeurs protégés, le cadrage juridique qui l’entoure, la parole du majeur protégé. Cette contextualisation sera suivie d’une annonce de la méthodologie de travail adoptée. La deuxième partie, sera constituée d’une partie empirique mettant en évidence une analyse des dérives des pratiques professionnelles, et des conditions nécessaires à la prise en compte de la parole du majeur protégé et enfin en troisième partie, nous mettrons en avant des recommandations stratégiques afin de pouvoir répondre à l’objectif global précédemment fixé.
PARTIE I : CONTEXTUALISATION DE L’ETUDE
Dans cette première partie, l’on va tenter de positionner notre étude en conceptualisant et en approfondissant les mots clés composant notre recherche.
CHAPITRE I : A L’AIDE DES PARTICULIERS : UNE ORGANISATION EN QUESTIONNEMENT ETHIQUE
Les prestations à domicile sont facilement accessibles en France. Ce sont des prestations qui ouvrent droit aux bénéfices d’avantages fiscaux. D’une manière générale, ce type de services est appelé : Service à la personne.
Les services à la personne ou les services d’aide et d’accompagnement à domicile sont proposés à tout type de personne et plus précisément à des personnes vulnérables notamment aux personnes âgées ou en situation de handicap.
Il s’agit généralement des SAAD, des SSIAD, des SPASAD et les SPASAD “intégrés”. Les services fournis par ces entités sont majoritairement des prestations favorisant le maintien à domicile.
Les formes de prestations peuvent varier selon le niveau d’aide nécessaire à l’accompagnement de ces publics. Par exemple, il peut s’agir uniquement d’aide aux personnes âgées dans le maintien de leur domicile ou encore il peut s’agir d’accompagnement personnel. Les prestations peuvent relever de régimes juridiques différents en fonction de l’aide apportée : régime de l’autorisation, de l’agrément ou de la déclaration.
Avant de continuer, il y a lieu de mettre en évidence que « les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) désignent « les organismes privés ou publics qui interviennent en qualité de prestataires, pour des actions liées aux actes essentiels de la vie, au soutien à domicile, à la préservation ou la restauration de l’autonomie dans l’exercice des activités de la vie quotidienne et au maintien et au développement des activités sociales et des liens avec l’entourage.4»
La qualité est devenue un enjeu de santé publique et fait partie intégrante du secteur médico-social, elle occupe une place primordiale dans les SAAD afin de répondre à l’objectif fondamental qui est d’assurer la qualité des prestations délivrées. Pourtant dans la pratique, les recommandations et exigences de la loi de 2002-2 sur « la réelle prise en compte du besoin et des attentes de la personne » et « l’usager acteur de sa prise en charge », sont difficilement mises en œuvre sur le terrain pour le public des majeurs protégés.
Afin de mieux comprendre l’objet de ce travail de recherche, il y a lieu de passer par un bref historique de la structure que j’ai mis en place. La structure A L’Aide des particuliers a été créée en 2007.
La structure initialement « agréée qualité » en mode prestataire sur le département de Paris (75) a étendu ses activités, à la suite de demandes de prescripteurs, au mode mandataire en 2010, et en 2015, aux départements des Hauts-de-Seine (92) et du Val-de-Marne (94) mais nous intervenons peu sur ces deux départements.
Au 1er janvier 2016, suite à la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, A L’Aide Des Particuliers est devenue « réputée autorisée ».
Initialement, la structure portait sur une offre de services multi-activités diversifiée telle que :
- L’entretien du domicile et/ou de repassage pour les familles actives
- L’aide aux personnes âgées, dépendantes et/ou en situation de handicap dans les gestes courants de la vie quotidienne (courses, aide au repas, entretien du logement…)
- L’accompagnement à l’extérieur (sortie, promenade au bras…)
- La garde d’enfants à domicile
- Le petit bricolage
- Le jardinage
Notre structure était initialement dédiée à un public varié constitué de personnes actives, de jeunes enfants, de personnes âgées, dépendantes ou en situation de handicap et de majeurs protégés.
Au fil du temps, nous avons reçus de plus en plus de demandes d’interventions de la part de mandataires judiciaires à la protection des majeurs (tuteurs, curateurs, associations tutélaires) et notre public s’est peu à peu constitué essentiellement de majeurs protégés.
De manière induite, j’ai donc fait le choix stratégique d’arrêter les prestations de garde d’enfant, bricolage et jardinage et de recentrer notre activité en nous spécialisant dans la dépendance et le handicap léger afin de répondre aux demandes.
Nos services sont désormais principalement orientés vers l’aide et l’accompagnement à domicile d’un public fragile. En 2021, A L’Aide Des Particuliers accompagne 175 bénéficiaires au total – 146 en mode prestataire et 29 en mode mandataire.
L’aide au maintien à domicile des personnes dépendantes, âgées ou en situation de handicap représente plus de 85% de notre activité globale et notre public est constitué à 77% de majeurs protégés.
Au-delà de cette notion d’aide qui représente l’essence même des SAAD, les intérêts de ma structure ne se limitent pas uniquement de servir les clients, et cette extension est marquée par notre « spécialisation dans la prise en charge de personnes majeures protégées » donc particulièrement vulnérables du fait de leur statut de protection et leurs facultés mentales altérées. Ainsi, il est de notre devoir de prendre en considération plusieurs acteurs : la famille du majeur ainsi que son environnement social, les mandataires judiciaires, le majeur protégé en lui-même et surtout notre personnel.
Selon l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé « La compréhension et la satisfaction des attentes et besoins des clients représentent aujourd’hui une orientation fondamentale de la démarche qualité. Elles conditionnent le développement et la pérennité des entreprises. L’écoute et l’attention aux clients doivent être présentes à toutes les étapes de la vie des produits et services, de leur conception à leur utilisation par les clients, et à tous les niveaux d’une entreprise.5»
Tel qu’il a été plus haut, la qualité, aujourd’hui, se trouve au centre du secteur médico-sociale et est plus que mise en avant dans les SAAD.
La qualité au sens des organisations et surtout de la démarche qualité elle-même est vue comme suit :
« La qualité, c’est la capacité à satisfaire les besoins des clients (que ces besoins soient exprimés ou implicites) à travers son organisation et ses prestations.
La démarche qualité est une dynamique de progression qui a pour objectif une plus grande satisfaction de la clientèle. Elle porte non seulement sur le cœur de métier, c’est-à-dire l’intervention au domicile, mais aussi sur la culture et les valeurs de l’organisme, son management et son organisation, sa stratégie et son positionnement sur le territoire, ses ressources humaines et financières. C’est un processus qui concerne toutes les activités qui concourent à la prestation proposée au client. Elle s’inscrit dans la durée et permet de suivre en continu les choix opérés, les décisions prises et les activités réalisées. Participative, elle engage le responsable et mobilise l’ensemble de l’équipe. Dynamique, elle crée un état d’esprit collaboratif soucieux de l’amélioration qui s’inscrit progressivement dans les pratiques professionnelles au quotidien : l’investissement consenti au début de la démarche permet par la suite d’être plus efficace chaque jour.6»
L’on peut constater ici les nombreux facteurs qui doivent être pris en compte pour assurer cette notion de qualité au sein des services médico-sociaux et la complexité qu’une relation triangulaire (le bénéficiaire lui-même (le majeur protégé), son représentant légal et notre structure voire la famille lorsqu’elle est présent) peut engendrer, d’autant plus lorsque les parties prenantes n’ont pas les mêmes attentes et/objectifs.
Il y a lieu de souligner que notre structure s’intéresse particulièrement à cette notion de qualité. Ainsi toutes les prestations et les services fournies par notre organisme se veulent de répondre à ce besoin de qualité, tant au niveau du personnel, des clients et tout autre acteur en lien avec la structure. L’accent est alors ici particulièrement placé sur la « personne en elle-même. »
Dans ce travail de recherche, le majeur protégé détient une place particulière. Son bien-être et son épanouissement individuel ou social sontcentraux pour ce mémoire et représentent l’un des objets principaux de notre structure.
Effectivement, il faudrait garder en tête que toute personne détient une autonomie, ses propres besoins, ses propres objectifs, etc.
« Ces attentes correspondent aux souhaits, désirs, envies, éléments de projets que les personnes forment elles-mêmes et proposent aux professionnels. Elles peuvent être latentes, simplement ressenties, explicites ou implicites, mais elles existent toujours. 7»
Il est possible que les personnes accompagnées aient quelques difficultés à s’exprimer et faire valoir leurs attentes et voire, même, leurs droits. L’origine de cette difficulté et le plus souvent d’ordre institutionnelle ; Plus particulièrement, les institutions informelles telle que la famille. Deux points essentiels sont à mettre en évidence concernant cette difficulté de présence des personnes accompagnées :
- Un manque de compréhension ou de considération de son entourage impliquant l’équipe qui le prend en charge, sa famille ou tout autre acteur permanente de son entourage, qui finissent par effacer l’expression de la personne ;
- Un manque d’expression, de conviction provenant de l’attitude même du majeur.
Ces deux points nous permettent de nous rendre compte que la prise en charge, ou la prise de parole des majeurs protégés détient un fond éthique.
La prise en charge des majeurs protégés mobilise plusieurs acteurs : Le SAAD pour un accompagnement dans la vie courant, le CMP pour l’accompagnement psychiatrique et traitement associé, le médecin pour le suivi médical, le SSIAD ou l’infirmier libéral pour le suivi médicamenteux et le cas échéant, l’aide à la toilette.
Comment coordonner les actions de tous les acteurs ? comment harmoniser toutes les interventions ? oui mais en rappelant : replacer au centre des alignements la parole du MP : qu’est ce qui ne peut pas être affaibli ?
Cette problématique d’apprentissage de la coordination « consiste à étudier comment les différents acteurs peuvent passer d’un mode « anarchique » de travail à plusieurs à un nouveau mode qui considère les pratiques et les connaissances comme des « frontières » (star et Griesemer, 1989) qui rendent compte des différences entre acteurs » (Corinne Grenier, Apprentissage de la coordination entre acteurs professionnels – Le cas d’un réseau de santé, Article paru dans la revue Gérer et comprendre, 2006, n°83, mars, P. 25-35).
Cet article fait mention de deux approches, l’une mettant l’accent sur ce que les acteurs partagent et l’autre davantage sur l’articulation entre des savoirs hétérogènes. Nous retiendrons la deuxième approche qui porte l’intérêt sur les objets capables de supporter des interactions et des situations de production collective de connaissance.
En cela est mobilisé le concept d’objet-frontière. Les objets-frontière facilitent la coopération et les interactions entre les acteurs hétérogènes, sans imposer une signification unique de l’objet. Leur souplesse leur permet de prendre des significations différentes pour différents acteurs et d’accommoder des perspectives parfois divergentes (objet-frontière, Guillaume Latzo-Toth et Florence Millerand).
Selon Star et Griesemer, un objet frontière est « suffisamment plastique pour s’adapter aux besoins locaux et aux contraintes des divers groupes qui l’utilisent, tout en étant suffisamment robuste pour maintenir une identité commune d’un site à l’autre » (1989, p. 393).
Ainsi Akkerman et Bakker (2011) suggèrent que le franchissement des frontières peut entraîner un apprentissage par quatre mécanismes : d’identification, de coordination de l’activité, de réflexion sur les pratiques et de transformation.
L’identification permet de définir les pratiques de chaque acteur en mettant en évidence ce qui les différencie et leur importance.
- La coordination sous-entend l’alignement des actions de chaque partie prenante.
- La réflexion correspond à la confrontation des points de vue et à la relativisation de chaque pratique pouvant faire émerger un changement de comportement par exemple.
- La transformation met en avant la rupture entre ce qui était avant et la mise en place de nouvelles procédures d’action pour toutes les parties.
8Ce qui transforme un objet en un objet frontière selon Star & Griesemer (1989) est :
- sa flexibilité interprétative : un objet frontière a des significations différentes dans différents mondes sociaux mais dans le même temps, il a une structure qui est suffisamment commune pour le rendre reconnaissable à travers ces mondes,
- le fait qu’il agit comme moyen de traduction : il permet aux différents groupes de travailler ensemble, sur la base d’un mouvement de va-et-vient avec une utilisation mal structurée pour des travaux multi-site et bien structurée pour le travail local.
Ce concept d’objet-frontière me permet de réfléchir à des pistes qui mèneraient à des solutions permettant de trouver un cadre commun à toutes les parties prenantes afin de se coordonner et de s’articuler ensemble et autour du majeur protégé. Il ne faut pas pour autant négliger que le majeur protégé doit rester la partie prenante principale et qu’il doit faire partie de l’ensemble.
Les objets frontières permettent une communication et une compréhension partagée, une interaction entre les systèmes ou acteurs multiples et externalise les connaissances, les modes de pensée, les convictions et logiques des uns et des autres. Les objets-frontières créent des liens entre plusieurs contextes et suscitent l’émergence de nouvelles compréhensions et offrent de nouvelles perspectives institutionnelles, des changements de pratiques qui soient bénéfique à tous les acteurs.
En prenant en compte les différences de point de vue sur la prise en charge du majeur, les questionnements éthiques apparaissent essentiels afin de permettre une synergie d’action entre tous les acteurs.
Cette notion d’éthique dans le contexte de la prise de parole du majeur protégé relève du contexte de l’action sociale. L’on entend par action sociale l’ensemble des moyens sociaux par lesquelles une société donnée a recours afin de préserver la cohésion sociale. Cette cohésion est assurée par la mise en place de dispositifs législatifs et règlementaires. Seulement, cette notion d’action sociale peut s’avérer être plus ou moins problématique.
Effectivement, selon l’Agence Nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux9 :
« La confrontation des différentes logiques de l’action sociale et médico-sociale (thérapeutique, éducative et sociale, judiciaire, administrative, gestionnaire…) peut se traduire par des tensions qui affectent l’action des professionnels au quotidien :
- Intérêt privé et intérêt collectif ;
- Mission d’aide et normalisation/contrôle ;
- Demande de l’usager et commande institutionnelle ;
- Autonomie et réglementation ;
- Secret et information partagée ;
- Logique de mission et logique de gestion ;
- Protection et autonomie. »
L’on peut alors noter certaines situations qui relèvent des questions d’éthique, telles que les questions autour de la dignité, de l’incertitude, de la culpabilité, etc.
Etant donné que chaque organisation, entreprise ou structure est basée sur un certain nombre de principes et de valeurs, ces valeurs se retrouvent dans les stratégies d’action et de gestion de la structure en question. Le principal questionnement éthique se tourne donc vers les valeurs et principes institutionnels même qui animent notre structure.
Mais qu’entend réellement par questionnement éthique ?
D’une manière générale, une réflexion éthique est faite dans l’objectif de comprendre, d’apprécier, évaluer ou autre les différents questionnements de chaque acteur. Effectivement, chaque acteur inclus dans l’accompagnement du majeur protégé détient une éthique personnelle : il peut s’agir du majeur lui-même, de sa famille, des professionnels qui l’entourent ou tout autre acteur lié à son accompagnement.
L’éthique personnelle oriente et conduit la finalité de l’action d’un individu envers les autres acteurs. Tandis que l’éthique professionnelle est inspirée des valeurs ainsi que les principes qui fondent la structure. Dans cette perspective, une démarche de questionnement éthique est alors nécessaire à partir du moment où l’on entreprend une action collective étant donné les différences de points de vue qui peuvent exister entre les différents acteurs.
Afin de mieux comprendre cette démarche éthique, il est important de définir ce que l’on entend par cette dernière, ainsi l’on va prendre en compte deux définitions de ce qu’on entend par éthique :
« L’éthique est une réflexion qui vise à déterminer le bien agir en tenant compte des contraintes relatives à des situations déterminées.10»
« Loin de représenter un nouveau domaine d’expertise généralisable, l’éthique s’affirme dans l’acte ; elle est un positionnement critique sur les normes de conduite de différentes natures, un questionnement permanent des orientations générales par l’acte singulier.11»
Si l’on projette alors cette notion d’éthique sur notre étude, l’on peut en sortir trois points essentiels :
- Les questions de morale
- La déontologie
- Les bonnes pratiques et les règlements.
- L’éthique au sens de la morale
La morale est considérée comme un ensemble de règles ou d’un guide du bien vivre ensemble. Cependant, la morale peut être faite de contradiction car elle fait appel à la subjectivité et diffère d’un individu à un autre ou d’une société à une autre. La morale questionne donc nos actions et peut s’exprimer par le cautionnement ou la critique des actions d’autrui ; guidant ainsi nos actions et réactions face à une situation donnée.
- L’éthique au sens de la déontologie
La déontologie est l’ensemble des règles d’exercice d’une profession. Il s’agit donc de l’ensemble des pratiques, des normes, des règlements qui sont destinés à organiser une profession. L’on peut compter par exemple les règles formalisées par le droit positif, les règles de comportement, etc.
- L’éthique au sens des bonnes pratiques et les règlements
« La notion de bonnes pratiques désigne des attitudes ou des comportements, voire des procédures, qui dans un contexte professionnel donné, à un moment donné, font consensus et sont considérés comme efficaces et légitimes. » (’Agence Nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, Juin 2010)
Quant à la notion de règlements, il s’agit des lois, des règlements intérieurs, des règles communes acceptées de tous assurant l’harmonie, la justice et la paix au sein d’une société donnée.
En d’autres termes, le questionnement éthique qui est mis en avant est alors le fait que chaque acteur, au sein de la structure se pose les questions suivantes : est-ce que je fais « bien » ? Mon action est-elle bénéfique pour la personne accompagnée ? Telle procédure ou telle action est-elle juste ou appropriée ?
Les questionnements éthiques dynamisent donc le fonctionnement même de la structure. Ils souscrivent toute action ou situation dans une logique de valeurs. Ils aident les professionnels à prendre en considération les systèmes de valeur de tous leurs collaborateurs.
Bien. Rajouter que ce questionnement éthique est ici collectif : ce qui peut être là un problème ; mais aussi la solution : un dialogue éthique comme source d’innovation, quand il est mis en œuvre dans des espaces de dialogue, de discussion… appropriés.
CHAPITRE II : LE MAJEUR PROTEGE ET LE CADRE JURIDIQUE
Avant de commencer, il y a lieu de souligner que le travail de recherche suivant s’articule autour de la parole du majeur protégé dans le secteur médico-social.
Il y lieu également de rappeler que le questionnement général de départ est le suivant : comment faire émerger et prendre en compte la parole du majeur protégé ?
Ainsi, afin de pouvoir répondre à mon questionnement de départ, il est nécessaire de comprendre, dans un premier temps, qui sont les majeurs protégés. Plusieurs questions se posent autour du majeur protégé : Existe-t-il plusieurs profils de majeur protégé ? Comment peut-on les catégoriser ? Quelles sont les différentes notions qui sont à mobiliser concernant le majeur protégé ? Quel parcours, évolution, quel cadre juridique sont relatifs à cette population et au secteur.
Selon l’étude nationale relative à la population des majeurs protégés (profils, parcours et évolutions) menée par l’ANCREAI12publiée en 2017, 450 000 personnes en France bénéficiaient d’une mesure de protection juridique exercée par un professionnel en 2015. 52% des majeurs protégés ont moins de 60 ans et 51% sont des femmes mais la proportion d’hommes est plus élevée en dessous de 75ans.
Les caractéristiques socio-économiques
Toujours selon l’étude menée par l’ANCREAI publiée en 2017, 86% des majeurs protégés de moins de 60 ans ont une reconnaissance de leur handicap par la MDPH. Tout âge confondu, 54% reçoivent une prestation liée au handicap et près de 30% des personnes protégés de 75 ans et plus reçoivent l’APA dont 40% en GIR 1 et 2, c’est-à-dire, la classification des personnes les plus dépendantes.
60% des majeurs protégés par des professionnels MJPM vivent à domicile et parmi eux 54,3% vivent seuls. Selon l’étude ANCEAI réalisée avec des données issues de 2015, les majeurs protégés par des professionnels sont majoritairement pauvres, 50% d’entre eux ont un revenu inférieur au seuil de pauvreté et 81% sont inactifs.
Les deux tiers des personnes protégés vivant à domicile bénéficie d’un accompagnement complémentaire, le plus souvent un suivi psychologique ou psychiatrique (ex : CMP).
Les accompagnements sociaux, médico-sociaux et sanitaires pour les majeurs protégés vivant à domicile
Toujours selon l’étude de l’ANCREAI, les deux tiers des majeurs protégés à domicile bénéficient d’un accompagnement complémentaire à celui assuré par leur MJPM.
« Les suivis assurés par les services de psychiatrie sont les plus fréquents et concernent plus de 40% des majeurs vivant à domicile, une partie de ces suivis prend la forme de visite à domicile de soignants du secteur psychiatrique (11%). La proportion importante de ces suivis psychiatriques révèle la prégnance des troubles du psychisme dans la population des majeurs protégés. Les Services A Domicile sont également des ressources fortement mobilisées pour les situations de majeurs protégés ; ils interviennent dans plus d’un quart des situations (jusqu’à 70% parmi les majeurs protégés de 75 ans et plus). 12% des majeurs protégés vivant à domicile ont recours à un SSIAD (45% des 75 ans et plus), ce qui montre le besoin de soins constants chez une partie de ces majeurs protégés. »
Au moins un tiers des majeurs protégés ont connu une hospitalisation complète en psychiatrie.
Les grands profils types
Au cours de son enquête, l’ANCREAI a identifié 4 principaux facteurs de vulnérabilités :
- La vulnérabilité sociale ;
- La dépendance liée à l’âge ;
- Les troubles psychiques ou psychiatriques ;
- Les situations de handicap.
Et 7 grands profils types de personnes protégées par des professionnels :
- Handicap psychique,
- Personnes connaissant ou ayant connu un suivi psychiatrique,
- Dépendance liée à l’avancée en âge,
- Handicap <60 ans
- Autres situations de handicap
- Autres situations, présence d’aucun facteur de vulnérabilité (tels que définis dans le traitement de l’enquête)
- Vulnérabilité sociale
Le graphique ci-dessous présente la fréquence de chaque grand profil parmi les majeurs protégés de l’échantillon. Ainsi les majeurs protégés en situation de handicap psychique sont les plus fréquents.
Un des premiers résultats de cette enquête est l’intrication des difficultés des majeurs protégés, en particulier la présence de troubles psychiques qui viennent se surajouter la plupart du temps à d’autres facteurs de vulnérabilité.
Chacune des catégories possède des caractéristiques différentes qui vont par là même façonner les actions et les différents modes de mesures de protection mais également d’intervention notamment des structures d’aide à domicile.
Dans le but d’apporter une protection juridique : « le majeur qu’une altération de ses facultés personnelles met dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts […] [ou le majeur] qui, par sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté, s’expose à tomber dans le besoin ou compromet l’exécution de ses obligations familiales13» la loi n° 68-5 portant réforme du droit des incapables majeurs a été promulguée, en France, le 3 janvier 1968. Avec cette loi, la sous-population des « majeurs protégés » a vu le jour.
Les majeurs protégés sont donc une population définie par sa vulnérabilité. Cette vulnérabilité est à voir d’un point de vue multidimensionnel. Effectivement, les majeurs protégés sont donc dans une situation où l’on peut remarquer une altération de leurs facultés mentales et/ou corporelles (dues à une maladie, une infimité ou un affaiblissement lié à l’âge). La protection des majeurs devra également tenir compte de la situation médicale, familiale, patrimoniale des majeurs à protéger et de leurs besoins. Ainsi, les majeurs en question peuvent être placés sous l’un de trois types de régime de protection prévus par la loi : la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle. Ultérieurement, en fonction de l’évolution de la situation et des besoins en protection du majeur, son régime de protection peut être modifié voire supprimé.
L’objectif de cette loi est de pouvoir apporter des régimes de protection plus adaptables au profil de chaque majeur vulnérable. C’est-à-dire que les régimes appliqués seront ajustés en fonction du degré d’altération des facultés du majeur, de son patrimoine et de sa situation familiale :
« Est néanmoins protégé par la loi, soit à l’occasion d’un acte particulier, soit d’une manière continue, le majeur qu’une altération de ses facultés personnelles met dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts. Peut pareillement être protégé le majeur qui, par sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté, s’expose à tomber dans le besoin ou compromet l’exécution de ses obligations familiales.14»
La population visée par cette loi est donc touchée par :
- Une altération de ses facultés mentales
- Une altération de ses facultés corporelles
- Une personne touchée par la prodigalité, intempérance et oisiveté
L’on entend par altération des facultés mentales, une altération des facultés personnelles causées par la maladie, l’infirmité ou l’affaiblissement dû à l’âge.
Quant à l’altération des facultés corporelles, il doit s’agir ici impérativement d’une altération qui «empêche l’expression de la volonté».
Il y a lieu de savoir que l’altération des facultés doit être « médicalement constatée » (art. 1219 du code de procédure civile). Le certificat médical doit constater l’altération, tout problème mentale et/ou physique du majeur et doit mentionner l’état d’évolution de la santé du majeur.
En ce qui concerne la prodigalité, intempérance et oisiveté, il s’agit des individus dont le comportement met en péril leur propre condition de vie ou celle de leur famille : « Il s’agit de personnes qui n’ont pas forcément de véritable pathologie mais qui sont considérées comme prodigues (personnes qui font des dépenses excessives et déraisonnables, qui dilapident leur bien), comme intempérants (personnes qui font des excès de consommation d’alcool ou de stupéfiants, qui ont donc un dérèglement des mœurs) ou encore comme oisifs (personnes qui refusent d’avoir une activité rémunérée sans raison particulière) et s’exposent par ces comportements à tomber dans le besoin ou compromettent l’exécution de leurs obligations familiales.15»
La population des majeurs protégés n’est alors pas une population homogène. Plusieurs facteurs sont à prendre en compte pour décrire un majeur protégé et ces facteurs peuvent varier de l’un à l’autre.
La loi prévoit un régime de protection juridique, qui varie selon le degré d’incapacité du majeur. Ces mesures protègent à la fois la personne ainsi que ses biens.
A travers le tableau ci-dessous, l’on peut noter plusieurs formes de protections judiciaires du majeur protégé.
Tableau 1: Protection judiciaire du majeur protégé
Afin de mieux comprendre le cadre juridique du majeur protégé, il y a lieu de passer par un survol historique du dispositif de protection des majeurs.
Au fil des siècles plusieurs dispositifs de protection des majeurs se sont succédé en France. Nous allons passer par les grandes lignes historiques relatives aux mesures de protection judiciaire.
La protection des majeurs vulnérables et de leurs biens a intéressé la société depuis l’antiquité. « Au Vème siècle avant J.-C., la signification de ces deux mesures de protection est inscrite dans la loi des XII Tables, « chacune étant destinée à une catégorie de personne atteinte d’incapacité, l’une ou l’autre attribuée selon que l’incapacité est naturelle (en raison de son sexe, en raison de son âge) ou anormale (en raison de troubles plus ou moins fréquents dont elle peut se trouver atteinte).16» Auparavant, la tutelle est destinée à protéger les enfants et les femmes, lors que la curatelle protégeait les personnes atteintes d’un trouble mental ainsi que ceux qui dilapidaient leur fortune. La loi des XII Tables avait surtout pour objectif de protéger le patrimoine de l’incapable en le confiant à sa famille.
Ce ne sera qu’au début du XIIème siècle que le principe d’ « interdiction » fait son apparition. Il s’agit d’un principe qui interdit aux prodigues et aux malades mentaux d’user de leurs biens, et encore une fois la protection et la gestion de leur patrimoine revenait encore à leur famille.
Par la suite, le livre Ier du Code civil de 1804 reprend cette notion d’interdiction et y est intitulée « De la Majorité, de l’Interdiction et du Conseil Judiciaire ». Dedans l’interdiction visait le majeur qui est dans un état habituel d’imbécillité, de démence ou de fureur.
Ensuite, La loi n° 64-1230 du 14 décembre 1964, portant modification des articles 389 à 475 du titre X « De la Minorité, de la Tutelle et de l’Emancipation » du Code civil de 1804 a été élaborée et mis en vigueur. Et par la suite la loi du 3 janvier 1968, rédigée par le doyen J. CARBONNIER, est entrée en vigueur. De là, nous avons pouvons parler des trois dispositifs de protection des majeurs protégés actuels, la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle.
- – La sauvegarde de justice :
Cette mesure est une mesure de protection des majeurs immédiate, souvent utilisée comme une protection d’urgence. Il s’agit alors d’une mesure provisoire pour une période maximale d’un an reconductible une fois.
Aussi, il y a lieu de préciser que le majeur sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits et gère lui-même son patrimoine à moins qu’un mandataire ait été désigné. Il a également le droit d’accomplir tous les actes de la vie civile, à l’exception d’un ou plusieurs actes confiés au mandataire spécial qui peut être désigné par le Juge des Tutelles.
Cette mesure d’urgence permet de protéger la personne et de contester a posteriori les actes passés de la personne.
Sont concernées par une mesure de sauvegarde de justice, les personnes majeures en raison d’une :
- Altération de leurs facultés mentales par une maladie
- Infirmité ou un affaiblissement dû à l’âge
- Altération de leurs facultés physiques et/ou psychiques empêchant l’expression de leur volonté.
La sauvegarde de justice peut être demandée par toute personne tenant à la situation de la personne à protéger. Il peut ici s’agir de la personne elle-même, de ses parents, de ses amis, etc.
- – La curatelle
Ce régime s’applique à une personne qui a besoin d’être assistée ou contrôlée de manière continue dans les actes importants de la vie civile. Le curateur apporte assistance dans les actes ayant une incidence sur le patrimoine.
En curatelle renforcée, le curateur gère également les revenus de la personne et règle ses dépenses, l’excédent reste à disposition de la personne protégée.
Sont concernées par une mesure de sauvegarde de justice, les personnes majeures en raison d’une :
- Altération de leurs facultés mentales par une maladie
- Infirmité ou un affaiblissement dû à l’âge
- Altération de leurs facultés physiques et/ou psychiques empêchant l’expression de leur volonté.
- Mise en péril de l’exécution des obligations familiales pour des raisons de santé.
- Altération des facultés mentales et (ou) corporelles due à l’excès de consommation d’alcool ou de stupéfiants.
- – La tutelle
Le régime de la tutelle s’applique aux personnes ayant une altération grave des facultés mentales ou corporelles (altération qui doit être médicalement établie par un médecin spécialiste) et qui par conséquent nécessitent d’être représentés de manière continue dans tous les actes de la vie civile. La tutelle protège le majeur tant au niveau de sa personne qu’au niveau de ses biens.
Le tuteur accomplit donc seul les actes de la gestion courante. Il doit associer le majeur protégé en fonction de ses capacités et en respectant ses volontés.
Sont concernées par une mesure de sauvegarde de justice, les personnes majeures en raison d’une :
- Facultés mentales altérées par une maladie.
- Victimes d’une infirmité ou d’un affaiblissement dû à l’âge.
- Altération des facultés corporelles qui empêchent l’expression de la volonté.
- Etat général dont résulte une mise en péril de l’exécution des obligations familiales.
L’ordonnance n°2015-1288 du 15 août 2015 a ajouté l’habilitation familiale aux différentes mesures que le juge peut prononcer, afin de confier la protection de la personne vulnérable à un membre de sa famille.
- – Habilitation familiale :
L’habilitation familiale est une mesure qui permet à la famille du majeur protégé de le représenter.
Habituellement, l’habilitation familiale n’est pas ordonnée par le juge, excepté en cas de nécessité.
L’habilitation familiale n’entre pas vraiment dans le champ d’une mesure de protection judiciaire et sert uniquement de représentation du majeur protégé par ses proches. Le juge n’intervient donc pas dans le cadre d’une habilitation familiale.
Sont concernés par l’habilitation familiale :
Toute personne ne pouvant pourvoir seule à ses intérêts et dont l’incapacité a été médicalement constatée.
Les grands principes de protection juridique en France
La notion de « personne » est alors définie de deux différentes manières : humaine et juridique.
Auparavant, les majeurs protégés étaient définis comme des personnes incapables comme les prodigues et les malades mentaux. Pendant longtemps, la personnalité juridique n’a pas été reconnue à tous les êtres humains. Les personnes considérées comme incapables n’avaient pas de droit et étaient marginalisées de la société. C’est-à-dire qu’ils n’étaient ni inclus dans la vie humaine ni dans celle de la vie juridique. Il faut savoir que la conception de la personnalité juridique de tout être humain, proclamée dès 1789 à travers l’art. 1er de la Déclaration des droits de l’homme énonce que « les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits »
Avant 1968, le législateur cherchait à protéger la société des personnes dites « marginales ». « La fin du XVIII ème siècle marque le début d’un changement dans la façon dont la société perçoit les personnes vulnérables ce qui aura une influence, à long terme, sur le dispositif de protection des majeurs incapables. En effet, à cette époque se développe un certain intérêt pour les droits de l’homme et pour la psychiatrie ».
Selon la constitution de 1946 « la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Il est mis en avant ici le devoir de la collectivité de protéger des personnes « vulnérables ».
L’élaboration de la loi du 3 janvier 1968 marque un tournant dans la représentation du majeur protégé en mettant en place des régimes de protection adaptables au profil de chaque majeur vulnérable. La loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 insérée dans le code civil vise à protéger les personnes de la société en raison de leur vulnérabilité en protégeant leur patrimoine. Le législateur a voulu mettre l’accent sur le fait que cette loi n’est pas limitée à la protection des malades mentales mais qu’elle recouvre également les situations d’altération (définitive, altération susceptible d’évoluer, accidentels, etc.)
Cette réforme du droit des incapables majeurs repose sur les grands principes définis à l’article 428 du code civil :
- Principe de nécessité : une mesure de protection ne peut être prononcée que pour une personne qui est dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération médicalement constatée, de ses facultés mentales ou de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté (article 425 du code civil). Les notions d’oisiveté, de prodigalité, ou d’intempérance ne sont plus recevables ;
- Principe de proportionnalité : chacune des mesures de protection juridique doit être ajustée aux besoins et à la situation de la personne ;
- Principe de subsidiarité : une mesure de protection n’est prononcée par le juge que dans les cas où une protection autre n’existe pas déjà (par l’application des règles du mariage par exemple).
Il est important de souligner que cette notion de vulnérabilité est une notion juridique récente du droit français qui apparait dans le code pénal en 1994. C’est cette notion qui appelle en contrepartie un devoir d’assistance, de nécessité d’intervenir afin de protéger les personnes dites vulnérables.
L’affirmation de ces principes répond à des évolutions sociétales sur la notion du handicap et de la maladie psychique.
La loi consacre aujourd’hui le principe de l’autonomie des majeurs protégés par extension au développement des droits des personnes vulnérables, incarné dans le non-recours obligatoire aux hôpitaux psychiatriques fermés, et la reconnaissance des droits fondamentaux des personnes en situation de handicap dans la loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situations de handicap.
Plus tard une nouvelle loi d’une grande ampleur prend naissance : la loi 2002-2 qui place le bénéficiaire au cœur du dispositif. Effectivement, il s’agit d’une loi met l’emphase sur la place des usagers, mettant en avant leur autonomie, l’exercice de leur citoyenneté. Les établissements prenant en charge les majeurs protégés font alors face à de nouvelles contraintes :
- l’obligation d’établir livret d’accueil qui décrit l’organisation de la structure, disposition.
- la charte des droits et libertés, porte sur “les principes éthiques et déontologiques”
- le règlement de fonctionnement porte sur “les droits et les obligations de la personne accueillie.
- le contrat de séjour détaillant les obligations réciproques des parties
- le projet d’établissement va définir les objectifs de l’établissement
Il s’agit alors d’une loi novatrice l’action sociale et médico-sociale en rendant l’usager acteur de sa prise en charge.
Ensuite vient la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. Elle oblige toute décision d’ouverture d’une mesure de protection de porter à la fois sur la protection des biens et celle de la personne. « Désormais, le placement sous un régime de protection juridique doit être réservé aux seuls cas où l’altération des facultés personnelles de l’intéressé est médicalement avérée et lorsque qu’aucun autre mécanisme plus léger ne peut être mis en œuvre… Ainsi, la tutelle aux prestations sociales adultes (TPSA) et la curatelle pour prodigalité, oisiveté, intempérance sont supprimées, remplacés par un nouveau dispositif, graduel et progressif. Selon les dispositions du nouvel article 425 du code civil dans la nouvelle loi, seule « la personne qui est dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts par suite soit d’une altération de ses facultés corporelles, de nature à empêcher l’expression de sa volonté, peut bénéficier de la protection juridique ». 17
Selon Thierry Fossier, l’un des instigateurs de la réforme de 2007, la protection juridique des majeurs doit répondre à la logique suivante « protéger sans jamais diminuer ». 18
La loi du 5 mars 2007 met également en avant l’expertise médicale, sans laquelle une décision de mise sous protection juridique ne serait possible. Cette réforme crée des mesures d’accompagnement social pour éviter que des personnes qui relèvent du dispositif, type « accompagnement social », ne se retrouvent en tutelle. Aussi, cette réforme priorise la famille dans la gestion des mesures juridiques du majeur.
En somme la loi 2002-2 du 2 janvier 2002, émane l’individualisation maximale des actions sociales menées auprès des bénéficiaires. Quant à la loi du 5 mars 2007, elle, afferme les droits de la personne protégée. Ces deux lois nous imposent une vraie écoute des majeurs ainsi que le respect des usagers en qualité de citoyens.
La dernière loi du 23 mars 2019 vient renforcer les droits des majeurs protégées dans différents domaines tels que le mariage, PACS, droit de vote ou bien l’assistance lors d’une garde à vue.
Dans la pratique, la loi du 5 mars 2007, n’a pas vraiment limité l’ouverture de mesures juridiques. Effectivement, le manque de sensibilisation des professionnels et la méconnaissance de ce dispositif par le grand public rendent la loi moins respectée. De plus, les médecins experts sont en nombre insuffisant. Aussi, la réforme ne prend pas en compte les états d’urgence, la saisine d’office du juge des tutelles étant supprimée et remplacée par l’intervention du parquet, les réponses prennent plus de temps et laissent des majeurs vulnérables sans assistance. En priorisant la famille dans la gestion des mesures, deux points n’ont pas été vraiment pris en compte : qu’en-est-il des majeurs abandonnés par leur famille d’un côté et qu’en est-il de l’isolement des tuteurs familiaux qui ont le plus souvent besoin d’appui dans la réalisation de leur mandat de l’autre côté.
Certes, les dispositions juridiques ont évolué, mais il y a lieu de prendre en considération des modifications démographiques, les changements des structures familiaux, les difficultés que pourraient rencontrer les majeurs dans l’assurance de leur protection (dispositif juridique ou aide quotidienne dans leurs actes civiles) afin de ne laisser de côté aucune catégorie de majeurs protégés.
Apporter de l’aide à un majeur protégé ne se limité pas seulement à la protection de la personne et de ses biens. Cette aide ne peut s’entendre sans un accompagnement individualisé et adapté qui vont permettre le maintien et le développement de l’autonomie de la personne.
CHAPITRE III : LA NOTION DE PAROLE
Au sens propre, la « parole » fait référence à la faculté de s’exprimer à travers un langage. Mais dans notre étude, l’on définit la « parole » au sens de son contenu, c’est-à-dire, au sens du message que véhicule cette parole. En d’autres termes, à la portée de cette parole. L’accent est ici surtout mis sur l’expression de la volonté (personnelle et individuelle) des majeurs protégés.
Il faut souligner que protection ne veut pas dire contrôle. La vie du majeur n’a pas à être diriger en fonction des avis des tierces personnes.
Ainsi, cette notion de parole du majeur protéger recouvre un concept essentiel qu’il y a lieu de développer : l’autodétermination.
Il est nécessaire de définir, dans un premier temps, cette notion de l’autodétermination.
Wehmeyer définit l’autodétermination comme suit « un ensemble d’habiletés et d’attitudes requises pour agir comme un agent causal de sa propre vie, pour faire des choix et prendre des décisions en regard de sa qualité de vie, libre de toute influence externe excessive ou d’interférence.19»
L’autodétermination permet de décider selon ses choix, ses valeurs et ses standards. Il s’agit donc de la possibilité pour un individu de faire un choix subjectif, un choix personnel, un choix basé sur ses propres objectifs. C’est surtout une affaire d’habilités et d’attitudes ; deux termes importants de cette définition.
Quatre composantes constituent les fondements du mécanisme de l’autodétermination Selon Haelewyck20 :
- L’autonomie dans sa capacité à prendre des décisions et faire des choix.
- L’autorégulation comme porte d’entrée vers l’autodétermination des personnes avec retard mental (apprendre de ses propres expériences pour résoudre des problèmes de vie quotidienne, définir les étapes à réaliser pour parvenir à un objectif) ;
- L’empowerment psychologique ou le pouvoir psychologique : avoir conscience de ses propres capacités et capacité à reconnaitre ses propres responsabilités et celles d’autrui
- L’autoréalisation : capacité à faire se réaliser, à agir soi-même.
Afin d’illustrer cela, l’on va énoncer un exemple concret : le fait de faire un choix clair afin de répondre à ses propres besoins ; comme de choisir de manger un fruit et de se servir par la suite. Le point le plus mis en avant ici est alors la notion d’« autonomie ».
Selon Barbara Fontana-Lana, psychologue au département de pédagogie spécialisée, Université de Fribourg, l’autodétermination est une compétence qui s’apprend et qui s’étend.
Sur le plan professionnel, l’autodétermination constitue un principe directeur pour développer des stratégies afin d’identifier les préférences de personnes présentant une déficience intellectuelle et des difficultés de communication (Agran & Krupp, 2011).
Dans le secteur médico-social par exemple, ce n’est plus la personne qui va devoir s’adapter à l’établissement mais c’est son accompagnement qui va venir s’ajuster aux souhaits de la personne et à ses capacités.
Les études menées autour du développement de l’autodétermination sont intéressantes pour ma problématique et peuvent se regrouper autour de 3 axes qu’il me faudra encore approfondir :
- Les programmes d’intervention visant le développement de l’autodétermination,
- La réalisation d’activités favorisant le développement de l’autodétermination,
- L’utilisation de technologies de soutien à l’autodétermination.
Bien. Peut—etre dire quelques mots ou donner quelques exemples sur ces trois points. Car finalement un concept important mais peu développé.
Ces axes ouvrent des pistes de réponses sur un questionnement tel que : quelles pratiques permettraient de respecter l’autodétermination du majeur protégé sans le réduire à une succession de consentements formels ?
Il y a lieu de souligner que le un majeur protégé peut perdre une partie de son autonomie juridique (en fonction de la mesure de protection) mais il ne perd pas pour autant toutes les autres formes d’autonomies ; en particulier, il conserve son autonomie dans ses actes dans la vie courante.
Ensuite, il faut savoir qu’avant la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, la question du consentement des personnes particulièrement vulnérables du fait d’altérations physiques ou mentales était envisagée sous le prisme de la capacité entendue de manière purement binaire : « on est capable et on peut consentir à tout »; « on est incapable et on ne peut consentir à rien ». Le majeur placé sous curatelle ou tutelle était incapable.
La loi du 5 mars 2007 a nuancé les choses en mettant en avant la protection du majeur et non incapacité. La grande innovation de la loi de 2007 est d’avoir établi un système de consentement.
Selon le dictionnaire juridique, « Le consentement peut se définir comme la volonté d’engager sa personne ou ses biens, ou les deux à la fois.21 »
Le consentement fait alors référence à un choix personnel, non manipulé. C’est alors l’acceptation libre et volontaire et continue de prendre part à une activité ou une action quelconque.
L’expression et la participation des usagers représentent une partie majeure de la loi 2002-2. Selon les bonnes recommandations de l’ANESM (recommandations de bonnes pratiques professionnelles), les termes d’expression et de participation (au sens manifestation de soi) se distinguent en plusieurs niveaux : « l’expression et la communication », la « consultation », la « concertation » et la « codécision » (vise le partage de la décision).
La communication, les échanges et l’expression sont des actes sociaux. Des actions qui relient socialement les individus, les uns des autres. Dans notre étude, il s’agira donc de la communication entre le majeur protégé et les tierces personnes incluses dans sa prise en charge.
Ces objectifs étant différents pour chaque acteur, on comprend ici l’importance d’appréhender le mécanisme et l’objectif propre au majeur protégé pour faire émerger sa parole, bien l’interpréter et ainsi la respecter.
Selon le décret n°2008‐ 1556, relatif aux droits des usagers des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales, l’article D471‐8 stipule que : Le Document Individuel de la Protection du Majeur est établi sur la base connaissance la situation de la personne protégée, d’une évaluation de ses besoins, de l’éthique et des bonnes pratiques professionnelles.
Ainsi, recueillir la parole de l’usager et analyser ses besoins sont alors une obligation légale. Selon le document Ethique de l’UNAF, il faudrait « maintenir et développer les capacités d’expression de la personne : veiller à préserver ou restaurer une « bonne estime de soi », une meilleure « confiance en soi » nécessaires pour prendre des initiatives et des responsabilités, l’aider à exprimer son point de vue, à s’affirmer.22»
La parole est la forme la plus courante de la communication mais la communication ne repose pas bien entendu sur la seule expression orale : elle est un système à canaux multiples comme le souligne Jean Claude Abric dans la « Psychologie de la communication ».
La communication non-verbale est une forme de communication tout aussi forte (attitude, geste, posture, comportement). La non-communication fait partie également de la communication (il s’agit de tout autre signe émis par un comportement tel qu’une absence, un retard).
D’une manière générale, lorsqu’on communique avec d’autres individus, les paroles sont accompagnées par des mouvements corporels et ou des mouvements phonatoires.
« La communication non-verbale comprend un ensemble vaste et hétérogène des processus ayant des propriétés communicatives, en commençant par les comportements plus manifestes et macroscopes comme l’aspect extérieur, les comportements de relation spatiale avec les autres (rapprochements, prises de distance) et les mouvements du corps (du tronc, des membres ou de la tête), jusqu’aux activités moins évidentes ou plus fugaces, comme les expressions faciales, les regards et les contacts visuels, les intonations vocales.23»
Par déduction, cette communication non-verbale peut d’une certaine façon être interpréter comme étant une expression innée. Selon Honorata Korpikiewicz « la communication non verbale est innée et amplement utilisée par tous les animaux »24 (2004, p.14)
Dans la littérature cette communication non verbale a plusieurs classifications. Selon les travaux de Marino Bonaiuto la communication non-verbale peut être vue sur une échelle25 :
- L’aspect extérieur – formation physique, silhouette, vêtement.
- Comportement spatial – distance interpersonnelle, contact corporel, orientation dans l’espace, parfum.
- Comportement cinétique – mouvements du tronc et des jambes, gestes des mains, mouvements de la tête.
- Visage – regard et contact visuel, expression du visage. 5. Signes vocaux – signes vocaux verbaux dotés de signification paraverbale, signes vocaux non-verbaux, silences.
Il est donc important de considérer ces divers points de vue afin de mieux appréhender la parole du majeur protégé.
Bien ; mais aussi la question de « Quoi communiquer ? » : que veut dire, peut dire le MP ? je crois que je vous avais encouragé au démarrage de regarder du coté des travaux sur les projets de vie élaborés par les PH lors de l’étude des dossiers en MDPH. Les agents étaient avec la loi de 2005 très démunis pour savoir ce qu’est un projet de vie d’une PH. Et déploraient qu’ils ne soient d’un récapitulatif des droits auxquels peut accéder une PH.
UN RETOUR SUR LE CADRE THEORIQUE
Étant donné le cadre théorique qui a été élaborée plus tôt, l’on peut donc en déduire que le cas du majeur protégé a toujours intéressé la société et sa représentation a évolué au fil du temps. Effectivement, si auparavant les majeurs protégés constituaient une population marginale, aujourd’hui des mesures et des prises en charge s’instituent pour les inclure et normaliser leur situation.
Ce mémoire illustre bien cette intention d’inclusion et de considération des majeurs protégés de notre structure.
Même si la structure détient une indépendance dans ses activités, elle reste néanmoins sous la loi et doit respecter un certain nombre de conditions afin d’offrir aux majeurs protégés une prise en charge de qualité. Pour assurer cette qualité, la structure doit se poser comme objectif la compréhension des attentes des majeurs protèges d’une part et la satisfaction de leurs besoins d’autre part. Ainsi, il est attendu des aidants professionnels tels que le personnel de la structure, d’accorder une attention particulière au bien-être des majeurs protégés, et ce sur tous les plans : physiques, mentales, individuels, sociaux, explicites ou implicites, etc.
Approfondir cette notion de qualité, a conduit à la prise en compte d’une dimension plus ou moins sociale de la prise en charge des majeurs protégés : celle de l’éthique.
Plusieurs parties sont actives dans cette prise en charge des majeurs protégés, et tous, détiennent un rôle particulier. Cette pluralité d’acteurs conduit à ce que des collaborations et des coopérations se mettent en place entre eux. Cependant, des acteurs différents sous-tendent des priorités différentes et des démarches différentes. Ainsi, il est alors important d’instituer et de réguler les relations entre tous les collaborateurs.
C’est d’ailleurs dans cette optique que le questionnement éthique a été particulièrement présent dans notre étude, dans l’objectif de mettre en avant que différentes valeurs et principes peuvent influencer le comportement, les actions et la façon de faire des aidants professionnels prenant en charge le majeur protégé.
Il est important alors de connaitre la logique et la représentation de chaque acteur ; particulièrement le majeur protégé étant donné que les actions sont effectuées pour lui et sur lui. Ainsi, la notion de majeur protégé a été développée. Et cette relation avec les majeurs protégés nécessite une régulation.
Les dispositifs juridiques autour du majeur protégé ont largement évolué depuis les décennies. La loi 2002-2 du 2 janvier 2002 met en avant le majeur protégé en lui-même et l’importance d’individualiser les mesures prises pour les majeurs protégés. C’est d’ailleurs dans cet esprit d’individualisation des mesures que la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a été établie. Elle permet d’offrir aux majeurs protégés l’accompagnement nécessaire et adéquat à leur situation.
En somme, le cadre juridique des majeurs protégés demande aux aidants professionnels de créer une relation d’écoute et de proximité avec le majeur protégé afin de mieux respecter l’individualité du majeur dans son entièreté.
De par leur altération, les majeurs protégés se retrouvent dans une condition de vulnérabilité. Cette fragilité de la situation du majeur peut conduire à une certaine négligence de sa volonté ou de ses besoins. Malgré les dispositifs juridiques mis en place pour les protéger, les majeurs protégés restent néanmoins des individus non entièrement considérés.
Il apparait donc important d’étudier, les raisons, les causes, les facteurs et tout autre élément constituant et influençant l’expression et la prise de parole du majeur protégé.
Ce cadrage théorique a permis de déterminer que la « parole » est un dispositif d’expression de la volonté des majeurs protégés et met en avant le concept d‘autodétermination.
L’autodétermination est ce qui fait l’authenticité de la parole, c’est ce qui personnalise la parole. Elle affirme l’autonomie, l’autorégulation, le pouvoir psychologique et l’autoréalisation du majeur. Il est donc important de souligner cet aspect personnel de la parole du majeur. Mais cette forme de parole ne se résume pas seulement à énoncer, mais elle peut également recouvrir ce qui est du ressort du consentement. Le consentement, qui est un choix non manipulé.
Ainsi, s’intéresser à l’émergence de la parole du majeur protégé demande à considérer un grand nombre d’éléments, mais surtout d’une capacité de recul et d’adopter le comportement ou d’avoir une réaction qui réponde et respecte la volonté du majeur ainsi que ces intérêts. La parole du majeur mobilise de nombreux enjeux multidimensionnels : publics, sociaux, éthiques et managériale
En transposant ces constats dans les réalités de notre structure, l’on peut alors avoir une représentation de l’approche à adopter envers les majeurs protégés afin de les conduire à mieux s’exprimer :
- S’intéresser à la situation psychologique du majeur et renforcer son autonomie
- Agir de sorte à accorder au majeur protégé une autonomie, une autorégulation et une autoréalisation
- S’appuyer sur les dispositifs juridiques en cas d’impasse
- Accorder une importance particulière à la manière dont le majeur s’exprime : verbalement ou non.
Maintenant que l’on a pu contextualiser notre étude, l’on va maintenant pouvoir passer par une partie plus empirique. Cette seconde partie tient particulièrement à apporter des éléments de réponses aux questionnements suivants : Comment le majeur protégé est-il représenté ? Comment se fait sa prise en charge ? Comment exprime-t-il sa parole ?
Il y a lieu de rappeler que ce travail s’articule autour de la parole du majeur protégé dans notre secteur médico-social.
Ainsi, l’on va maintenant passer à l’analyse des éléments qui s’articulent autour de cette notion de « parole » du majeur protégé.
Faire un saut de page. En police plus grosse ce titre de partie. Cela aidera à se retrouver dans votre plan.
PARTIE II : LA PRISE DE PAROLE DU MAJEUR PROTEGE
La « parole du majeur protégé » est un concept multidimensionnel. Il ne s’arrête pas uniquement sur les échanges du majeur protégé mais recouvre un ensemble de valeur essentielle à l’existence même du majeur. D’une manière générale, cette notion de parole du majeur protégé nous ramène donc à la fois à sa participation, son expression et sa volonté. En d’autres termes, il s’agit d’un moyen pour la personne sous une mesure de protection de « prendre part » et d’« être reconnu » comme un individu à part entière.
Effectivement, les majeurs protégés, considérés comme étant dans « l’impossibilité de pourvoir seuls à leurs intérêts » se trouvent représenter et assister par divers acteurs.
Dans cette perspective, notre étude cherche à trouver un moyen de faire émerger cette parole du majeur protégé tout en tenant compte des mesures sociales ou juridiques qui l’accompagne obligatoirement.
CHAPITRE I : METHODOLOGIE DE TRAVAIL
A partir de la revue de littérature effectuée plus haut, on peut alors faire un rappel des hypothèses de notre étude :
- Renforcer l’autodétermination du majeur protégé renforcerait sa légitimité
- Le manque d’outils et de formation freineraient les travailleurs dans l’accompagnement des majeurs protégés.
Pour recueillir les informations sur le terrain afin de confirmer, d’infirmer ou de nuancer les hypothèses de recherche, nous avons opté pour une méthode qualitative (les entretiens auprès de personnes ressources). Une approche qualitative nous permettra des analyses et des interprétations plus pertinentes étant donne le caractère plus ou moins subjectif autour de cette notion de parole du majeur protégé.
Il s’agit de plusieurs entretiens semi-directifs. Cette caractéristique est justifiée de deux façons, d’un côté, les participants ont été ciblés en raison de leur position et statut professionnel et de l’autre côté, il s’agissait d’entretiens à réponses libres. L’objectif étant de mener une étude approfondie. Effectivement, puisque le nombre de participants reste faible comparé à une étude quantitative, il s’est avéré plus judicieux de faire recours à des entretiens semi-directifs.
Dire ici qui vous avez interrogé : nombre de personne par « catégorie » : MP, aidant, professionnels ‘(lesquels), ars, cd, le monde du travail ( ?) ; association tutélaire, etc….
Justification :
L’étude qualitative regroupe plusieurs avantages. En effet, elle permet tout d’abord d’obtenir des réponses d’une grande qualité en raison de la proximité qui s’installe lors de l’entretien entre l’intervieweur et l’interviewé.
- Chaque interviewé pourra s’exprimer à sa façon, ce qui renforce la pertinence de l’étude.
Ce qui laisse donc une certaine souplesse dans l’analyse des résultats.
L’on va alors procéder à une description diagonale de l’objet ainsi que des questionnements du guide d’entretien utilisé :
- Quelle représentation les interviewés ont-ils des majeurs protégés ?
- Comment sont-ils pris en charge au sein de l’établissement ?
- Y a-t-il des pratiques ou des outils mis en place ? Quels sont-ils ? Et leur adaptabilité relative au majeur protégé
- Comment gèrent-ils la Parole du majeur protégé ?
- Sont-ils confrontés à des difficultés ?
- Quid de la place des aidants ?
- Quid de la coordination entre les parties prenantes ?
Déroulement des entretiens :
En général, les entretiens se sont bien déroulés. Pour commencer, une présentation de ma personne, présentation de mon identité puis une présentation de l’objet de l’entretien. Puis une annonce de l’objectif du travail de mémoire ; et enfin une énumération des conditions de l’entretien :
- La durée approximative de l’entretien,
- Garantie de l’anonymat de l’interviewé, si ce dernier ne souhaitait pas partager son identité
- Distribution à l’avance du guide d’entretien auprès des personnes à interroger afin de les mettre à l’aise d’une part et, d’autre part, afin qu’il puisse réfléchir à leur réponse et mieux appréhender le sujet.
CHAPITRE II : LES DERIVES DANS LA PRISE DE PAROLE DU MAJEUR PROTEGE
Etant donné que ce travail de recherche s’articule autour des expériences de notre SAAD, ainsi les dérives dans la prise de parole du majeur protégé qui seront mises en évidence ici feront donc spécialement référence aux majeurs protégés pris en charge par notre structure.
Il y a lieu de rappeler que ce mémoire a pour objectif d’améliorer notre qualité de service auprès des majeurs protégés et des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) ; de trouver des axes d’amélioration de mise en adéquation des besoins identifiés par les professionnels tout en respectant le choix du majeur protégé. Dans le but d’apporter un service de qualité qui satisfait à la fois les majeurs protégés et le prescripteur (MJPM).
Dans cette optique, les problèmes et constats relevés sont :
- Premièrement, le majeur protégé est représenté de manière différente pour les acteurs concernés par sa prise en charge ;
- Deuxièmement, des difficultés dans la conciliation des contraintes inhérentes à chaque partie (nous, le tuteur, le majeur protégé, le cas échéant, les partenaires sociaux ou la famille) ;
- Troisièmement, la posture managériale n’est pas évidente à poser entre le prescripteur et le bénéficiaire de la prestation qui n’est pas la même personne. Mais également vis-à-vis de la famille ou des partenaires sociaux ;
- Et enfin, une certaine incohérence est présente dans les mesures juridiques relatives au majeur protégé.
Ainsi, les dérives qui seront avancées ici s’articuleront donc autour de deux grands points :
- Au niveau des acteurs
- Au niveau des institutions
Cette étude sur les acteurs sera axée sur trois points :
- Le majeur protégé n’est pas toujours au centre des actions ;
- Un manque de coordination entre les parties prenantes ;
- Un isolement du majeur protégé.
- Le majeur protégé n’est pas toujours au centre des actions
De manière générale, selon les personnes interrogées, la perception du majeur protégé « oscille » entre deux visions : celle ou l’aspect de protection prédomine et celle où c’est l’incapacité de la personne.
Le majeur protégé a été décrit comme une personne vulnérable qui a besoin d’être protégée de par cette vulnérabilité face à des personnes mal intentionnées ou bien comme une personne qui n’est pas capable de se gérer seuls et qui nécessite une aide pour subvenir à ses besoins.
Cette double vision du majeur protégé conduit à une prise en compte parfois aléatoire de la parole de celui-ci.
Par exemple : nous avons des recommandations « bienveillantes » de la part d’un tuteur mais qui ne coïncident pas avec le désir du majeur protégé et l’intervention devient un échec.
L’on va illustrer cet exemple par un cas précis : nous intervenions chez une bénéficiaire protégée tous les soirs pour de l’aide au repas. Nous l’appellerons Mme X. Nos prestations se passaient bien.
Le tuteur nous a demandé d’intervenir plus tôt et de rester les après-midis jusqu’au soir pour exercer une surveillance car il pense qu’une personne malveillante tente d’approcher Mme X. Mais cette dernière refuse catégoriquement que nous intervenions les après-midis car elle souhaite faire sa sieste. Mme X refuse donc nos interventions ou les accepte parfois pendant 1h ou 2h au maximum. Nous n’arrivons donc plus à intervenir correctement et ne l’aidons plus au repas du soir. Mme X est mécontente et ne comprend pas pourquoi nous ne respectons pas son choix. Malgré cela, le tuteur nous demande de continuer à tenter d’y aller tous les jours.
Il y a lieu de rappeler qu’habituellement le majeur protégé garde la liberté de ses choix dans tous les domaines où la loi n’oblige pas que le majeur soit assisté ou représenté. Ce principe est pourtant souvent sacrifié et ignoré dans le but d’assurer plus d’efficacité ou une meilleure gestion et organisation.
Il faut savoir que d’une manière générale, la liberté n’a aucun sens si elle ne peut être exercée. L’exercice de cette liberté affirme d’une certaine façon l’existence du majeur, en dehors de mesures juridiques qui cadrent sa vie. Ainsi, si la liberté du majeur protégé n’est pas respectée, celui-ci ne peut donc exister en dehors des mesures qui l’encadrent.
Effectivement, la mesure de protection a pour objectif la protection du majeur avant tout. Les intervenants doivent toujours agir dans le respect des droits du majeur ainsi que de sa volonté.
Un problème, reste malgré tout présent : Le majeur protégé n’est pas toujours au cœur de sa prise en charge.
Le positionnement du majeur protégé vis-à-vis de sa prise en charge n’est pas toujours très clair :
- Les dirigeants, encadrant et intervenants se sentent démunis face à certaines situations complexes et difficultés rencontrées liée à la pathologie, à l’opposition des volontés du tuteur ou à son manque d’implication et de réponses.
- Les projets de vie sont élaborés pour le majeur protégé avec les équipes et avec le tuteur mais pas nécessairement avec lui et ne demandent que le consentement au majeur protégé.
- Les enquêtes satisfaction ne sont jamais envoyées au majeur protégé, elles sont envoyées au tuteur. Ils expliquent qu’ils ne pensent pas à le faire et que la pathologie serait « certainement » un frein.
- Certains majeurs protégés ont le sentiment d’avoir été privés de leur droit. Ce qui rend l’accompagnement plus compliqué.
- Les pathologies, troubles psy, isolement sont des facteurs qui jouent un rôle déterminant dans la prise en charge.
- La méconnaissance de la spécificité de la protection d’un majeur, le tuteur comme prescripteur et donneur d’ordre, les pathologies, sont autant de freins pour les SAAD à la prise en compte de la parole d’un majeur protégé.
- Dans les SAAD interrogés, tous utilisent les outils règlementaires mais peu le font en adéquation avec les spécificités du majeur protégé. Tous s’accordent à dire que les outils ne sont pas adaptés mais aucun n’a adapté les outils aux majeurs protégés. D’après les témoignages, souvent, seul le consentement est recherché mais souvent dans le but d’une acceptation de la prise en charge afin d’éviter les refus.
Pour toute décision relative au majeur protégé, les parties prenantes devraient automatiquement informer le majeur et garantir le respect de sa volonté.
Certes, une personne est majeure, quels que soient son âge, son état de maladie, son niveau d’altération mentale ou corporelle ou encore ses conditions sociales. Elle a droit à l’expression et à donner son consentement sur les actions qui la concerne.
Pour les cas des majeurs protégés, des difficultés peuvent survenir étant donné que le majeur est considéré comme n’étant pas en pleine possession de ses moyens. Il rencontre ainsi des difficultés dans l’expression de sa volonté.
En réalité, la volonté du majeur peut ne pas être exprimée de manière totalement déterminée. Et ses attentes, besoins ou autres peuvent encore être sujet à des évolutions. Ainsi, il est important de toujours prendre du recul et d’agir dans la prudence lorsqu’il s’agit de la parole du majeur protégé.
Un travail de communication est alors essentiel dans la prise en compte de parole du majeur.
- Un manque de coordination entre les parties prenantes
Grace aux éléments de réponses révélés lors des entretiens, il a pu être analysé qu’un problème de coordination entre les différentes parties prenantes, notamment entre le SAAD, le médecin traitant, le CMP, les SSIAD/Infirmier Libéral, l’assistante sociale et le tuteur existait.
Chaque professionnel est porteur de connaissance et de pratique et chacun a ses missions et objectifs propres vis-à-vis du majeur protégé. Les cadres d’interventions de tous ces acteurs empêcheraient d’une certaine façon la mise en place d’une réelle coordination entre les parties prenantes.
Le SAAD pour un accompagnement dans la vie courante, le CMP pour l’accompagnement psychiatrique et traitement associé, le médecin pour le suivi médical, le SSIAD ou l’infirmier libéral pour le suivi médicamenteux et l’aide à la toilette.
Afin d’illustrer ce manque de coordination, l’on va alors avancer une illustration concrète : les professionnels sont parfois obligés de ralentir des actions initiées pour le majeur protégé car ils doivent attendre l’accord du tuteur. Ce dernier peut mettre du temps à répondre voire finalement ne pas répondre favorablement à la demande. Il n’est pas toujours aisé de bien se coordonner avec le tuteur et il existe souvent un décalage entre les actions que l’on souhaiterait mettre en place et celles effectivement mises en place et ce, au détriment du majeur protégé.
Pour ce qui est des CMP/Psy l’on fait aussi face à un manque de coordination et de partenariats avec d’autres professionnels extérieurs (SAAD, SSIAD, etc.). Ce qui peut conduire à des échecs. Par exemple lorsqu’un majeur protégé doit faire une injection toutes les 3 semaines. Si celui-ci ne se présente pas au rendez-vous au CMP, il n’aura pas son injection et sera en rupture de soin. C’est au patient de se manifester et aucune coordination n’est faite par le CMP pour prévenir le MJPM ou le SAAD du manquement à ce rendez-vous.
Quant aux éducatrices de protection et d’aide sociale à l’enfance par exemple, le manque de coordination va surtout se placer envers la famille. Effectivement, les familles peuvent parfois se montrer opposantes aux préconisations du professionnel.
Les dirigeants, encadrant et intervenants se sentent démunis face à certaines situations complexes et difficultés rencontrées liée à la pathologie, à l’opposition des volontés du tuteur ou à son manque d’implication et de réponses.
Certains expliquent que malgré tous leurs efforts voire signalements pour faire entendre un majeur protégé, ils se heurtent à des non-réponses du juge des tutelles ou du tuteur.
Ces quelques exemples illustrent clairement que les acteurs agissent suivant une logique différente et propre à chacun. Certes, le centre d’intérêt reste commun : le majeur protégé. Mais dans la pratique, le cadre d’intervention de chaque acteur n’est pas réellement défini.
Certaines familles s’opposent aux décisions des infirmiers qui sont des professionnels ou des psychologues dont les décisions sont prises à l’issu d’un diagnostic objectif et scientifique.
La coordination détient une place centrale dans toutes les organisations. Le manque de coordination peut conduire à l’installation de conflits. Le manque de concertation ou encore le manque de consultation entre plusieurs acteurs peut facilement conduire à créer des malentendus, des conflits d’intérêts entre toutes les parties prenantes. Pourtant, il faudrait rappeler que tous ces acteurs devraient agir pour l’unique intérêt du majeur protégé.
Il apparait donc important de rappeler de manière périodique à tous les acteurs que le bien être du majeur ne peut être sacrifié pour des intérêts individuels ou autres des autres acteurs. Ainsi, les acteurs devraient informer de manière explicite tout autre acteur concerné par son action des raisons et de la logique de sa décision afin que toutes les parties puissent comprendre la logique d’action des uns et des autres pour une prise en charge plus efficiente et toujours dans l’intérêt du majeur protégé.
- Un isolement du majeur protégé
La réforme des mesures de protection juridique est fortement liée aux changements démographiques actuels. L’on peut compter les modifications de la structure familiale ou bien le vieillissement de la population.
Cet isolement peut se présenter sous différentes formes tels que l’isolement conjugal traduit par le veuvage ou la séparation ou l’isolement familial traduit par l’absence de famille proche.
L’implication des proches auprès du majeur n’est pas toujours cohérente avec ses besoins : certaines personnes bénéficient de l’aide de leurs proches, d’autres peuvent être socialement isolées ou avoir des proches géographiquement éloignés.
Cette incapacité, de par l’altération de leurs facultés mentales ou de leurs facultés corporelles qui représentent un obstacle à une expression explicite de la volonté des majeurs protégés ou la réalisation par eux-mêmes de leur volonté, constitue un frein majeur à l’insertion sociale des majeurs protégés.
Leur incapacité à adopter une démarche homogène représente un obstacle à leur inclusion. Ce problème d’insertion peut expliquer le fait que les majeurs protégés soient en grande partie dans une situation d’isolement familial ou d’isolement social. L’environnement familial du majeur est de plus en plus caractérisé par des personnes seules, traduit par la solitude des majeurs ou par des liens familiaux rompus ou en conflits. Pourtant la famille lorsqu’elle est présente et aidante joue un rôle déterminant et primordial. Elle aide à l’émergence et à la prise en compte de la parole du majeur protégé. Lorsque les proches des personnes protégées participent à leur accompagnement, que cet accompagnement soit total ou partiel, ils comprennent mieux les besoins du majeur protégé car ils ont une connaissance plus aboutie de ses habitudes et de ses réactions. Ainsi, il est plus facile de leur apporter un réel appui. Certes, cette possibilité de connaissance du majeur ne se limite pas uniquement à sa famille, c’est pourquoi, toute forme d’isolement peut représenter un obstacle majeur à l’émergence de sa prise de parole d’autant plus si le majeur protégé ne se sent pas compris ni considéré.
Toutes les personnes interrogées ont mentionné cet isolement du majeur protégé.
Qu’entend-on par dérives au niveau institutionnel ?
Cette deuxième section sera développée autour de deux points de vue sur les dérives institutionnelles relatifs à la prise en charge des majeurs protégés. La première concerne la structure et la seconde sera en lien avec les dispositions juridiques pour la protection du majeur.
- La structure
Cette partie me semble courte ; votre diagnostic était plus fourni ? en l’état il est assez succinct.
Et on ne voit pas très bien vos concepts sur le terrain : comment se passe / ne se passe pas l’autodétermination ? quid de la légitimité ?
Sur cette « parole » je ne vois pas grand-chose : qui dit quoi sur quoi ? qui ne dit pas sur quoi ? etc….
Et finalement vous faites plus haut un développement intéressant sur l’objet frontière. Mais ici je ne vois rien de cela : quelles sont les frontières à traverser ? qu’est ce qui pourrait faire office de frontière ? quels constats de manque d’espace de dialogue ?
En fait sur la partie diagnostic, le cadre conceptuel doit être utilisé pour analyser plus finement le terrain.
Commençons par le personnel de notre structure. Toutes les personnes interrogées sont unanimes sur un point : les acteurs devraient être formés et mieux préparés au suivi d’un majeur protégé.
Pour la prise en charge d’un majeur protégé, les bénéficiaires et professionnels encadrant accordent plus d’importance à l’expérience et la sensibilité d’un intervenant aux troubles cognitifs qu’à son niveau de qualification lié à une formation plus « générale » d’auxiliaire de vie.
L’infirmière (que vous employez ? ou dans quel cadre travaille-t-elle ?) interrogée regrette son manque d’informations et méconnaissance du public des majeurs protégés dans son parcours de formation à l’école d’infirmière car elle y est pourtant confrontée régulièrement. Elle indique s’être sentie démunie face à ce public vulnérable au début de sa carrière et a dû apprendre sur le « tar ».
Les professionnels en IME interrogés prennent en compte, quant à eux, la dimension de la pathologie plus que le fait que la personne soit sous protection mais ils soulignent que les majeurs protégés dont ils s’occupent restent dans le cadre d’un suivi jeune adulte (jusqu’à 21ans) et présentent des déficiences importantes. Ils appliquent donc les mêmes méthodes et outils liées à leurs pathologies ou handicap.
Concernant les formations dispensées pour les auxiliaires de vie, elles sont axées sur la petite enfance, l’entretien du cadre de vie et la personne âgée (accompagnement des personnes dans les actes essentiels de la vie quotidienne). Les futures auxiliaires de vie ne sont pas préparées ni formées aux troubles cognitifs que peut présenter une personne adulte non âgée par exemple.
L’expression et la prise de parole des majeurs est facilitée lorsque les professionnels qui sont en charge ont la faculté de leur répondre de la bonne manière.
Cette faculté des professionnels peut être conditionnée par quelques facteurs : l’on peut compter les questions d’organisation, la formation des professionnels, les moyens mis à leur disposition pour effectuer leurs tâches.
Les aidants professionnels (à qui pensez-vous ? des associations d’aidants ?) devraient être formés sur les différentes manières d’accompagner le majeur protégé en fonction de sa pathologie, son handicap ou son niveau d’altération. Ils devraient également être familiarisés avec les aides techniques qui peuvent être utiles au majeur et le mettre en confiance : par exemple adaptation de matériel, le maintien à domicile, etc. Aussi, les aidants professionnels devraient être formés et accompagnés tout au long de la prise en charge sur les différents moyens communication avec les majeurs protégés : la gestuelle, les différents modes de communication et d’interactions (valorisation des potentialités des majeurs, éviter de mettre la personne aidée en échec, éviter de considérer le majeur comme un enfant incapable, etc.).
Quid des aidants informels ?
Dans les SAAD interrogés, tous utilisent les outils règlementaires mais peu le font en adéquation avec les spécificités du majeur protégé. Tous s’accordent à dire que les outils ne sont pas adaptés mais aucun n’a adapté les outils aux majeurs protégés. Il est donc important de fournir au SAAD une formation sur une bonne utilisation de ces outils et comment les adapter à différents types de public.
La méconnaissance de la spécificité de la protection d’un majeur, le tuteur comme prescripteur et donneur d’ordre, les pathologies, sont autant de freins pour les SAAD à la prise en compte de la parole d’un majeur protégé. Il est essentiel de familiariser le personnel à ce type d’information.
- Les dispositions juridiques
La reforme juridique met une emphase sur la nécessité d’un avis médical dans la décision de mise sous protection juridique.
Notre SAAD doit répondre aux exigences de la loi 2002-2 du 2 janvier 2002 qui rénove l’action sociale et médico-sociale et pose un cadre aux notions de qualité et d’évaluation à travers de 4 axes : « droits des usagers », « missions et offre », « coordination entre les différents acteurs » et « les évaluations ».
Le premier axe du « droit des usagers » affirme les droits et les libertés des usagers et place l’usager au cœur du dispositif afin que l’usager devienne acteur de sa prise en charge.
Selon les recommandations des bonnes pratiques de l’ANESM aujourd’hui reprises par l’HAS sur « les attentes de la personne et le projet personnalisé », l’usager a le droit :
- A un accompagnement adapté à la personne, en fonction de sa situation, de ses besoins. ;
- D’exercer un choix dans ces prestations adaptées (dans le respect de l’éventuel cadre judiciaire) ;
- De participation directe de l’usager ou de son représentant légal à la conception et à l’élaboration de son projet d’accueil et d’accompagnement.
L’article 7 de cette loi assure les droits généraux à l’usager et prévoit :
- Le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité ;
- Sous réserve des pouvoirs reconnus à l’autorité judiciaire et des nécessités liées à la protection des mineurs en danger, le libre choix entre les prestations adaptées qui lui sont offertes soit dans le cadre d’un service à son domicile, soit dans le cadre d’une admission au sein d’un établissement spécialisé ;
- Une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, respectant son consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. A défaut, le consentement de son représentant légal doit être recherché ;
- La confidentialité des informations la concernant ;
- L’accès à toute information ou document relatif à sa prise en charge, sauf dispositions législatives contraires ;
- Une information sur ses droits fondamentaux et les protections particulières légales et contractuelles dont elle bénéficie, ainsi que sur les voies de recours à sa disposition ;
Puis la loi du 5 mars 2007 est élaborée. Cette loi a été surtout élaborée face à une forte croissance de la population des majeurs protégés. Selon une étude faite par l’Institut national d’études démographiques au début des années 2000, la population protégée comptait 800 000 personnes en 2010. En considérant sous l’évolution démographique et de l’allongement de l’espérance de vie, cette population des majeurs protégées ne cesserait de s’accroitre.
Tableau 2: Les différentes mesures de protection ou d’accompagnement des majeurs
La loi de 5 mars 2007 avait des objectifs ambitieux. Elle prévoyait de réaffirmer des principes qui permettraient d’éviter une certaine dérive de la protection des majeurs telle que la nécessité par exemple. Ainsi l’on a essayé de diminuer le nombre de mesures de protection. Les nouvelles mesures de protection étaient alors moins restrictives. Il a donc été ajouté aux mesures de protection, deux mesures d’accompagnement : la mesure d’accompagnement social personnalisé26 (mis en œuvre par les services sociaux) et la mesure d’accompagnement judiciaire27 (confiée par le juge des tutelles à un mandataire).
La loi de 5 mars 2007 a mis en place des critères plus ou moins limitatifs au recours des protections juridiques. Effectivement, cette réforme exige que premièrement la nécessité d’un avis médical pour constater l’état d’altération et deuxièmement, la situation du majeur doit représenter un risque pour ses propres intérêts, avant l’établissement de toute mesure juridique. Aussi « la loi impose au juge, avant de prononcer une mesure, d’examiner la possibilité de faire jouer les règles du droit commun, tels les régimes matrimoniaux, puis de rechercher un tuteur dans le cercle familial. Et de ne désigner un mandataire qu’en dernier recours.
Cette loi avait permis, premièrement, d’éviter les mesures non nécessaires : par exemple l’article art. 488 du code civil de 1968 avait été abrogé et il a été déclaré que le majeur pouvait être protégé « par sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté, il s’expos [ait] à tomber dans le besoin ou compromettait l’exécution de ses obligations familiales ». Deuxièmement, la loi de 2007 a également permis de donner la priorité à la famille. Effectivement avant cette loi, le juge des tutelles confiait plus de la moitié des mesures à des personnes extérieures à la famille pour diverses raisons telles que l’éloignement géographique par exemple.
Cependant, malgré les reformes des lois ainsi que l’évolution des dispositifs juridiques autour du majeur protégé, ces mesures restent insuffisantes. La protection judiciaire des majeurs ne tient compte que des actes juridiques et négligents certains aspects. Par exemple, les projets de vie de la personne sont mis de côtes, les mesures sont plus centrées sur leur patrimoine. Aussi la protection juridique des majeurs souffre d’une sous-administration manifeste. Effectivement, aucun service ministériel n’est dédié à cette prise en charge.
Par les deux premières parties, l’on a pu dans un premier temps bien contextualiser notre étude en y développant nos mots clés, et dans un second temps, l’on a pu voir que malgré les mesures, les dispositifs et les structures mis en place ; dans la pratique, la prise en charge des majeurs protégés, particulièrement leur prise de parole, n’est pas une chose facile. D’autres facteurs ainsi que d’autres approches sont alors à mettre en avant afin de faire émerger cette parole du majeur protégé.
L’objectif est de pouvoir faire du majeur, un acteur actif et participatif à sa prise en charge. Faire dégager son autonomie, son potentiel et sa détermination.
PARTIE III : RECOMMANDATIONS
La parole, est un moyen, pour une personne d’exprimer ses attentes et besoins, de partager son avis et de marquer sa présence et participation lors d’un échange. Un moyen pour le majeur protégé de marquer sa présence à part entière.
Cependant, le majeur protégé, de par sa situation est considéré comme étant dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts, et dans un cas extrême, incapable de prendre conscience de ses intérêts. Ainsi, une autre personne, est alors mandatée pour l’assister ou le représenter dans certains actes de sa vie courante ou dans ses actes civils.
Certains de ces tuteurs, délégués ou tout autre professionnel autour du majeur protégé, peut porter une certaine négligence à la parole de ce dernier. Cependant, ce manque de considération peut aussi être causé par d’autres facteurs, tel que l’isolement social du majeur par exemple, ou encore un manque d’expertise venant des professionnels le prenant en charge.
Dans cette perspective, comment valoriser la parole du majeur protégé malgré les contraintes qui entrave son émergence ? Afin de pouvoir apporter des éléments de réponses à ce questionnement, trois recommandations pragmatiques au sein de la structure seront développées dans cette troisième partie.
- Exercer l’expression du majeur à travers la mise en place d’un groupe d’expression centré sur le majeur.
Certes, mettre en place un groupe d’expression n’est pas une idée nouvelle. Selon l’article D.471-12 du CASF (Décret n°2008-1556 du 31 décembre 2008 relatif aux droits des usagers des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales) : « la participation prévue au 4° de l’article L.471-8 peut s’exercer selon les modalités suivantes : par l’institution de groupes d’expression au niveau du service ou d’une partie de ce service ».
Le groupe d’expression représente un outil participatif, par le biais duquel, le majeur protégé peut s’exercer à prendre la parole et à s’exprimer. Cependant, dans la réalité, il rarement mis en place pour les majeurs protégés. Il est donc important de bien définir et de s’interroger sur la finalité de ces groupes de paroles. Ainsi, en mettant en évidence l’objectif même de ce groupe d’expression, il sera plus facile de définir les dispositifs et les approches adéquates pour la consultation.
En se basant sur les travaux faits par Haelewyck, 2004, la mise en place de groupe d’expression est un bon moyen pour permettre au majeur de s’auto réguler, de prendre conscience de ce qu’il vit et, grâce aux échanges, des changements de comportements peuvent apparaitre.
Il y a lieu dans un premier temps de bien déterminer que les groupes d’expression sont régis par la loi.
Le Code de l’Action Sociale et des Familles précise les thématiques sur lesquelles les groupes participatifs doivent porter. L’article D311‐15 détaille que :
« Le conseil donne son avis et peut faire des propositions sur toute question intéressant le fonctionnement … du service notamment sur l’organisation intérieure et la vie quotidienne, les activités, l’animation socioculturelle et les services thérapeutiques, les projets de travaux et d’équipements, la nature et le prix des services rendus, l’affectation des locaux collectifs, l’entretien des locaux, les relogements prévus en cas de travaux ou de fermeture, l’animation de la vue institutionnelle et les mesures prises pour favoriser les relations entre ces participants ainsi que les modifications substantielles touchant aux conditions de prise en charge. »
On peut donc en déduire de ces dispositions juridiques que les séances d’expression de groupe serviront surtout à parler des fonctionnements du service, et de l’organisation de la structure. Il ne s’agit ici en aucun cas, pour le majeur protégé de partager sur des thèmes d’ordre individuel ou personnel sans rapport à sa prise en charge comme il pourrait le faire auprès d’un CMP ou via un suivi psychologique externe.
En revanche, ces groupes de paroles permettraient de faire émerger la parole du majeur protégé, d’encourager l’expression ouverte des sentiments, souffrances et émotions liées notamment à des sujets abordés et à des difficultés éprouvées quant à sa prise en charge et améliorer ainsi sa qualité de vie.
La finalité étant de les inciter à partager leurs besoins et attentes mais aussi les difficultés éprouvées notamment envers la structure afin d’améliorer leur prise en charge.
Ces différents groupes d’expression peuvent se faire sous formes d’échanges et de concertation avec les intervenants à domicile, animé par un professionnel psychologue clinicien autour de différents thèmes définis par le psychologue.
Les groupes de paroles s’inscrivent dans le projet individualisé d’accompagnement et repose sur les interactions entre les participants avec un accompagnement professionnel. Ils offrent un mieux-être psychologique et permettent de mettre en place une certaine forme de solidarité et de soutien entre les participants. La mise en place de groupes de paroles entre majeurs protégés permet d’offrir aux majeurs un sentiment d’inclusion et de considération, cette recommandation est d’autant plus effective pour les majeurs protégés isolés ayant connu un abandon social ou familial.
De plus, les groupes de paroles permettent d’exprimer ses frustrations, ses résolutions, les diverses difficultés ou obstacles qu’on a pu rencontrer, et ce, dans un environnement neutre, sans jugements ni critiques mais dans une optique d’écoute et de travail intérieur en considérant les échanges de chaque participant. Il ne s’agit pas d’un groupe de conseil mais d’un groupe qui servirait surtout à libérer la parole des majeurs protégés, afin de mettre en place au quotidien une communication plus fluide et plus impactante entre chaque acteur.
Ces groupes permettront d’échanger sur l’organisation de notre structure, de comprendre quelle modification serait nécessaire à leur bien-être. C’est une occasion pour les majeurs protégés de partager les pratiques professionnelles qui leur conviennent et celles qui ne conviennent pas. Cela permettra également aux professionnels de faire une autoévaluation de leur service.
L’objectif est d’écouter le majeur protégé. Le fait d’accorder du temps, de consacrer un moment aux ressentis du majeur le mettra plus en confiance. Il comprend que son avis compte, que son bien être est mis en avant et qu’il est un acteur important de sa vie même.
Les groupes peuvent également servir pour la concertation. L’objectif dans cette deuxième forme de groupe d’expression est de pouvoir d’un commun accord prendre une décision qui soit avantageuse pour toutes les parties. Par la même occasion, cette approche permet aux majeurs protégés de tisser des liens avec les aidants professionnels qui les prennent en charge.
Afin de valoriser les majeurs protégés, l’on peut leur proposer de jouer un rôle lors de ces échanges, par exemple en leur demandant de jouer le rôle de secrétaire, de médiateur, d’animateur ou autre. Il revient au psychologue clinicien de mettre en place les dispositifs, ou un procédé qui permettra le développement des capacités du majeur, par l’adoption d’une approche empathique et mettant en avant l’écoute.
Aussi, selon les infirmiers interrogés lors des entretiens : « Les passages très réguliers inscrits dans la durée (parfois plusieurs années), accompagnés de soins (liens intimes) permettent d’établir une relation de confiance et faire émerger la parole »
La réussite de ces réunions relèvera surtout de la capacité des professionnels à mettre en place un environnement calme et confiant pour le majeur. Cela peut se voir dans la constitution des participants par exemple : en y mettant les aidants et professionnels qui sont les plus proches des majeurs protégés. Il peut également s’agir de la disposition de la salle, par exemple disposer les chaises en forme de cercle pour assurer plus de proximité entre les participants. Ces modalités de régulation et d’animation seront établis par un psychologue clinicien.
Il y a lieu également de rendre ces réunions régulières et accessibles afin d’en assurer non seulement leur durabilité mais aussi en augmentant l’ampleur de leurs effets. Ainsi, la fréquence des groupes d’expression doit se faire en fonction des différentes situations des personnes qui composent le groupe : en fonction de leur éloignement géographique, en fonction de leur pathologie, en fonction de leur moyen de transport ; de la mise en place d’accompagnement par leur intervenant, ici encore, il reviendra à la structure d’apporter l’organisation et la logistique nécessaire pour assurer la réussite des groupes de paroles (fiches d’actions détaillées en annexes).
La diffusion des conclusions servira de support sur les conclusions ou résolutions qui seront prises lors des groupes de paroles, par exemple, s’il a été constaté que les majeurs sont plus ouverts aux échanges les jours ouvrables ou le weekend, en fonction de ce qui a été échangé.
La diffusion des actions à menées permettra de centrer l’objet et l’objectif même de ces réunions à la fois pour les majeurs protégés et les professionnels : la prise en compte du bien-être social, physique et mental du majeur protégé. Les groupes d’expression obligent d’une certaine manière les aidants à considérer le majeur protégé au-delà de son incapacité ou des mesures juridiques qui l’encadrent.
Il est important de souligner que seules les actions à mettre en place souhaitées par le majeur protégé seront diffusées avec son accord pour l’amélioration de sa prise en charge.
Cette formation vise l’amélioration de la prise en charge et la facilitation des interventions par la montée en compétences des équipes terrain. Elle va s’étendre sur deux points : il s’agira ici d’une part de former les aidants professionnels à collaborer entre eux afin de pourvoir s’entraider dans l’accompagnement des majeurs et de bien définir leur cadre d’intervention. Et d’autre part, il s’agira de former les équipes aux approches et au suivi d’un majeur protégé.
Une formation des équipes à mieux collaborer entre eux est nécessaire afin de privilégier la prise de parole du majeur. Effectivement, tel qu’on la vu, plusieurs acteurs peuvent prendre part à la prise en charge d’un majeur protégé : SAAD, Educatrice spécialisée, gestionnaire de parcours de cas complexe, Infirmier libéral, SSIAD, CMP/Psy, etc. Tous ces acteurs participent à la prise en charge du majeur et tous détiennent un rôle et une place différents pour le majeur.
Ces échanges seront également un bon moyen pour les professionnels de créer une dynamique et de partager entre eux les bonnes pratiques qui fonctionnent et de pouvoir échanger sur ce qui ne fonctionnent pas et quelles pouvant en être les raisons.
Mettre l’accent sur cette collaboration entre les professionnels représente un dispositif indispensable à la mise en place d’unecohésion au sein du service. Il s’agit ici, d’un point essentiel, étant donné que la prise en charge du majeur protégé est faite dans un cadre multidisciplinaire. Les échanges peuvent varier des avis de leurs collègues terrain, du psy, ou des échanges avec le personnel encadrant, etc. L’objectif est de pouvoir démontrer l’importance et la complémentarité de tous les collaborateurs.
Cette approche est principalement basée sur le concept d’objets frontières, cette recommandation devrait permettre la mise en évidence de nouvelles procédures et la traversée des contextes permet de mettre en évidence, à travers d’une part l’identification des perspectives de chaque partie prenante, par la réflexion et la transformation de ce qui était. En d’autres termes dépasser les anciennes pratiques pour une meilleure cohésion et une synergie d’action.
Il est important de pouvoir échanger entre professionnels, afin de pouvoir prendre du recul et de se repositionner auprès des usagers, de voir son travail sur un autre point de vue et d’apporter d’autres éléments de réponses qui peuvent peaufiner ou valoriser son travail.
Des instances spécifiques peuvent également être prévues. Ces instances peuvent varier selon la complexité de la situation dans laquelle ils se trouvent.
Il faut souligner, que l’objectif de ce projet est avant tout de mettre en avant le majeur protégé ; ainsi il est important de former et de sensibiliser le personnel de la structure à avoir des réflexes et un guide technique d’actions, de réactions ou de comportement à avoir dans cette optique. En ce sens, il est important que ces derniers puissent relativiser toute situation (particulièrement en fonction des pathologies, altération ou condition sociale et familiale du majeur).
C’est pourquoi il est important de former et mieux préparer les équipes au suivi du majeur protégé. Effectivement l’on a pu voir à travers les entretiens effectués, que de nombreux interviewés ont rencontré des difficultés dans le suivi des majeurs protégés.
Ces actions de sensibilisation permettront ainsi de mieux comprendre les majeurs protégés, les obstacles psychosociaux qui peuvent mener à un échec de l’accompagnement, connaitre les comportements à adopter afin d’améliorer un accompagnement et plus largement de faire prendre conscience de la problématique et des enjeux de nos interventions auprès des majeurs protégés. Ces actions fourniront des repères, donneront du sens aux interventions et créerons des déclics de compréhension de l’importance de leurs actions auprès des majeurs protégés.
Les actions de formations aideront les intervenants à avoir la capacité d’analyser et d’adapter leur comportement face à différentes situations et plus largement développer des compétences nécessaires à l’accompagnement des majeurs protégés qu’il s’agisse de savoir-faire ou de savoir-etre à mettre en œuvre en situation professionnelle.
Il va s’agir ici de sensibiliser les professionnels à l’écoute des personnes protégées, et être un réel appui du majeur protégé et cela en toutes circonstances et surtout les sensibiliser sur les enjeux de l’importance de la prise de parole du majeur protégé. La prise de parole est une manière pour le majeur de participer à sa vie. Il revient donc aux professionnels d’inciter cette prise de parole du majeur :
- Former les professionnels a toujours informé les majeurs d’une manière ou d’une autre sur toute information le concernant : prévoir des outils de communication adéquats en fonction des capacités d’expression ainsi que des capacités de compréhension des majeurs protégés
Il faut savoir que chaque pathologie requiert une approche différente du professionnel. Le suivi d’un majeur atteint de troubles cognitifs ou de démence ne sera pas le même que le suivi d’un majeur dans une situation de handicap par exemple. Il s’agit donc de mettre en place une stratégie qui s’appuie sur les ressources de la structure ainsi que des contraintes auxquelles elle doit faire face.
- Former les professionnels à aider correctement les majeurs à s’exprimer. Comment apprendre aux personnes à s’exprimer, participer, par le biais de la parole ? Mettre en place un guide pédagogique qui servirait de référence aux professionnels pour conduire les majeurs protégés à s’exprimer en fonction de la complexité de leur situation. (Par exemple, former les professionnels à adopter des démarches différentes entre un majeur qui est victime d’une altération corporelle et un majeur victime d’altération mentale.
En tenant compte de ces variances, il apparait donc important de :
- Former le personnel aux recours à des gestes techniques mais aussi à avoir une très grande capacité d’adaptation aux effets diverses des pathologies.
- Former les professionnels à la gestion du stress
- Former les professionnels à travailler en fonction des projets de vie des majeurs protégés.
- Former les équipes sur les différentes pathologies (Déficience mentale, autisme, vieillissement, etc.)
Les bilans serviront de comparatif pour le personnel, afin que celui-ci puisse évaluer et innover son approche en fonction de ce qui a été fait et constaté.
Des échanges vifs et ponctuels avec le psychologue représentent également un bon moyen pour le personnel de mieux cerner les majeurs protégés, en fonction de leur évaluation psychologique déterminée par le psychologue.
Les évaluations psychologiques seront basées sur des critères psychosociaux : état émotionnel, relation interpersonnelle, comportementale.
Cette approche de formation représente le meilleur moyen de légitimer les interventions des aidants envers les majeurs. Effectivement, ici la notion de légitimité est rattachée à la notion de performance. Plus les interventions des aidants répondent aux attentes et besoins des majeurs, plus les aidants seront vu comme légitimes et leurs démarches respectées.
De manière générale, le rôle du psychologue clinicien est d’aider son patient à se comprendre soi-même, de prendre conscience de ses problèmes et retrouver un bien-être.
Il faut préciser que le recours à un psychologue clinicien ne nécessite pas forcément un problème ou un mal être. Effectivement, pendant longtemps, le métier de psychologue a été mal cerné, considéré comme étant réservé aux patients sujets à la folie. Pourtant, le psychologue est un intermédiaire qui permet aux personnes de prendre conscience de ces réels besoins, ou encore de pouvoir partager ses craintes ou peur, d’avoir une meilleure connaissance de soi-même, etc.
Tel qu’on a pu le voir dans la première partie, plusieurs facteurs forgent cette notion de paroles des majeurs protégés : il y a l’autonomie, ainsi que l’autodétermination. Dans notre seconde partie, l’on a pu mettre en avant certains déterminants qui entravent l’émergence de cette parole, tout particulièrement, l’isolement du majeur protégé et ses facultés mentales ou corporelles.
De par ces constats, l’on peut donc affirmer que le recours à un psychologue est essentiel et voire même nécessaire dans d’autres cas afin de pouvoir mieux assister les majeurs protégés et les permettre de s’exprimer.
Le recours à un psychologue, permet au majeur protégé de travailler sur lui-même, de gagner plus de confiance en lui, d’augmenter son estime et à s’épanouir individuellement et collectivement. Il y a lieu de dire que l’autonomie et l’autodétermination sont plus qu’essentiels à la réalisation et l’épanouissement du majeur protégé :
- de définir son identité
- de s’accomplir individuellement et socialement
- d’acquérir un sentiment de satisfaction personnelle
- d’améliorer sa qualité de vie
- d’agir selon ses envies et ses standards
- Fortifier la confiance en soi
L’idée est donc d’apporter un appui régulier de la part d’un psychologue clinicien dans le suivi des majeurs protégés.
L’accompagnement d’un psychologue clinicien favoriserait, du fait de ses compétences et les méthodes utilisées, la parole et la communication avec le majeur protégé. Il serait un véritable atout notamment dans la construction de son projet de vie. Il serait également un réel soutien pour le personnel.
La communication auprès des partenaires locaux effectuée par un psychologue permettrait de faire connaitre nos services au travers un psychologue qui va pouvoir assoir une légitimité professionnelle et présenter ce nouveau service très peu présent dans les SAAD (légitimité, réputation, etc.).
Fiches d’actions des recommandations : VOIR FICHE 4 OK
CONCLUSION
Pour conclure, ce travail de recherche a été fait dans un contexte bien précis, celui de ma structure d’aide et d’accompagnement à domicile.
Si initialement, la structure portait sur des activités d’entretien du domicile, d’aide aux particuliers dans leur quotidien, pour un public varié. Aujourd’hui, elle est essentiellement centrée sur les majeurs protégés.
Apporter de l’aide aux majeurs protégés ne se limite pas seulement à la loi mais peut se faire de différentes façons.
D’une part lorsqu’un individu se retrouve dans l’incapacité de se prendre en charge lui-même, des mesures sont mises en place pour le protéger. Cette incapacité peut être d’ordre physique ou mental ou autre. Certes la famille peut apporter un appui à ces personnes vulnérables mais des structures telle que la nôtre sont essentiellement dédiées aux aides aux particuliers. La loi prévoit un régime de protection légale pour les majeurs : sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle.
D’autre part, s’intéresser à l’autonomie du majeur protégé demande de s’interroger sur ses spécificités : qui sont les majeurs protégés ? Comment résoudre leur manque d’autonomie ? Quels moyens mobiliser afin de pouvoir les accompagner ?
Dans le cadre de ma pratique professionnelle, une prise en compte aléatoire de la parole de celui-ci est constatée. La prise en considération de la parole du majeur protégé est limitée en fonction du ressenti de chaque partie prenante. En essayant de trouver des axes d’amélioration de la qualité des services auprès des majeurs protégés, ce travail de mémoire a tenté de répondre au questionnement : Comment faire émerger et prendre en compte la parole du majeur protégé ?
Il s’agit ici d’une recherche de portée multidimensionnelle car elle touche à la fois les lois, les règles d’éthique et les relations sociales. Aussi plusieurs acteurs doivent être pris en compte : le MJPM, la famille, les médecins, les aidants professionnels, etc.
Ainsi, dans une première partie l’on a décrit le cadre général de l’étude en se basant sur l’histoire de la structure, de ses activités mais aussi en approfondissant les questionnements éthiques autour des majeurs protégés. Les questionnements éthiques dynamisent donc le fonctionnement même de la structure en instaurant des valeurs aux interventions de chaque acteur. Les majeurs protégés représentent une population vulnérable. Leur prise en charge et leur protection doivent tenir compte de leur situation médicale, familiale, patrimoniale.
Auparavant, les majeurs protégés étaient définis comme des personnes incapables et étaient marginalisées de la société. Avant 1968, le législateur cherchait à mettre en place une société homogènes, et voulait écarter voire marginaliser toute personne « différente ». Grace à la loi du 3 janvier 1968 les majeurs protégés ont enfin été pris en considération et protégés par la loi. Le législateur a voulu mettre l’accent sur le fait que cette loi n’est pas limitée et qu’elle recouvre également les situations d’altération (définitive, altération susceptible d’évoluer, accidentels, etc.)
La loi 2002-2 met l’emphase sur la place des usagers, et met en avant leur autonomie, l’exercice de leur citoyenneté et rend l’usager acteur de sa prise en charge. Ensuite vient la loi du 5 mars 2007 portant réforme sur la protection juridique des majeurs et oblige toute décision d’ouverture d’une mesure de protection de porter à la fois sur la protection des biens et celle de la personne, met également en avant l’expertise médicale, sans laquelle une décision de mise sous protection juridique ne serait possible et priorise la famille dans la gestion des mesures juridiques du majeur. Cependant le manque de sensibilisation des professionnels conjugué avec le fait que le majeur protégé n’est pas toujours au centre des actions et un isolement du majeur protégé causent des dérives dans la prise de parole du majeur protégé. Aussi, les aidants professionnels ne sont pas assez formés au suivi d’un majeur protégé. Plusieurs se retrouvent dans une situation de méconnaissance de la spécificité du cas d’un majeur sous protection, de sa pathologie, du type d’approche et de communication adéquate pour instaurer une relation de confiance avec le majeur et ainsi favoriser son expression. De même, les dispositifs juridiques autour du majeur protégé, malgré leurs reformes restent insuffisants. La protection judiciaire des majeurs ne concerne que leurs actes juridiques. Plusieurs aspects de la gestion des mesures sont négligés. Malgré la forte croissance de la population des personnes protégées, aucun service ministériel n’est pleinement en charge de cette protection.
Ainsi, un certain nombre de recommandations ont été élaborées afin de faire émerger la parole du majeur protégé compte tenu des nombreuses contraintes qui ont été rencontrées au sein du SAAD. La parole, est un moyen, pour une personne d’exprimer ses attentes et nécessités.
Dans cette perspective de valorisation de la parole du majeur protégé, il a été proposé d’exercer l’expression du majeur à travers la mise en place d’un groupe d’expression centré sur le majeur. A travers des réunions de groupes, l’information les conclusions de chaque groupe d’expression à partir de divers dispositifs et outils. Les groupes d’expression obligent d’une certaine manière les aidants à considérer le majeur protégé au-delà de son incapacité ou des mesures juridiques qui l’encadrent. Il est également recommandé de former les équipes pour un meilleur suivi des majeurs protégés. D’une part, former les professionnels à soutenir les échanges professionnels à tous les niveaux, afin de définir leur zone d’intervention, de partager les bonnes pratiques et d’assurer la mise en place d’une cohésion entre tous les acteurs. D’autre part, il parait également important voire essentiel de former les aidants professionnels à l’écoute des personnes protégées. Et enfin, il est préférable privilégier le recours à un psychologue clinicien afin d’aider à faire émerger la parole du majeur protégé. En cela, l’accompagnement des majeurs protégés par un psychologue clinicien permettra d’accentuer leur niveau d’autodétermination et d’autonomie pour qu’ils puissent participer et mettre en avant leur « parole » afin d’exprimer leurs avis et leurs besoins pour leurs bien être.
A travers cette étude, j’ai pu affirmer mes hypothèses et répondre à la problématique principale tout en avançant des solutions pratiques et utiles à la prise de parole du majeur protégé.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages :
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Articles académiques :
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- Chino Hadrien, « Deux perspectives historiques du traitement du patrimoine de l’incapable majeur : du droit romain à la common law ». Communication présentée lors du colloque « Les mesures de protection des majeurs. Entre contrainte et liberté, vers une réforme programmée ». Centre hospitalier Paul Guiraud, Villejuif, France, 27 novembre 2003. http://www.erie.asso.fr/erie%20Mesures%20de%20Protection.htm (consulté le 08-02-2010)
- Nataly Kocijancic Essonnier. Étude de la conception collaborative de ressources numériques mathématiques au sein d’une communauté d’intérêt. Education. Université de Lyon, 2018. Français. ffNNT : 2018LYSE1068ff. fftel-01868226f
- La communication non-verbale et paraverbale -perspective d’un psychologue- Agnieszka Hennel-Brzozowska- Synergies Pologne n°5 – 2008 pp. 21-30
Articles de vulgarisation :
- La réforme des tutelles renforce le droit des personnes vulnérables-Benia Fatah-Dans Journal du droit des jeunes 2007/8 (N° 268), pages 32 à 36
- Haelewyck M. C. & Nader-Grosbois N. (2004), l’autorégulation : porte d’entrée vers l’autodétermination des personnes avec retard mental ? Revue francophone de la déficience intellectuelle. Vol 15, n°2, 173-186
- Fossier (Th.), « L’objectif de la réforme du droit des incapacités : protéger sans diminuer ». Defrénois, 2005, article 38075, p.3
Lois :
- Décret N°2008‐1556 du 31 décembre 2008 relatif aux droits des usagers des mandataires judiciaires a la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales.
- Article 488 du Code civil issu de la loi n° 68-5 du 3 janvier 1968.
- Art. L. 271-1 du code de l’action sociale et des familles.
- Art. 495 du code civil.
- La protection juridique des majeurs est « un devoir des familles » (art. 415 du code civil).
- Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale
- Loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs
Rapports :
- Le Guide de la Protection Juridique des Majeurs- Cap Retraite- Édition 2012-2013
- Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé- PRINCIPES DE MISE EN OEUVRE D’UNE DEMARCHE QUALITE EN ETABLISSEMENT DE SANTE-Avril 2002
- Les attentes de la personne et le projet personnalisé », Anesm, décembre 2008, p. 14.
- Agence Nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux Le questionnement éthique dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux Juin 2010
- Définition de J.-J. NILLÈS, prenant en compte des travaux de A. BADIOU et de P. RICŒUR, cabinet Socrates, Anesm, « Analyse documentaire relative au développement d’une démarche éthique dans les ESSMS
- UNAF, Ethique et déontologie, enjeux, pratiques et perspectives, septembre 2010
WEBOGRAPHIE
- https://solidarites-sante.gouv.fr
- https://nova.servicesalapersonne.gouv.fr/extranet
- www.anesm.sante.gouv.fr
- http://ancreai.org/etudes/etude-relative-a-la-population-des-majeurs-proteges-profils-parcours-et-evolutions/
- www.dictionnaire-juridique.com
1 Le Guide de la Protection Juridique des Majeurs- Cap Retraite- Édition 2012-2013
2 Décret N°2008‐1556 du 31 décembre 2008 relatif aux droits des usagers des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des
délégués aux prestations familiales
3 RULLAC S., OTT L., Dictionnaire pratique du travail social, p.304. Paris : Dunod, 2010, 361p
4 https://solidarites-sante.gouv.fr
5 Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé- PRINCIPES DE MISE EN OEUVRE D’UNE DEMARCHE QUALITE EN ETABLISSEMENT DE SANTE-Avril 2002
6 https://nova.servicesalapersonne.gouv.fr/extranet
7 « Les attentes de la personne et le projet personnalisé », Anesm, décembre 2008, p. 14.
8 Nataly Kocijancic Essonnier. Étude de la conception collaborative de ressources numériques mathématiques au sein d’une communauté d’intérêt. Education. Université de Lyon, 2018. Français. ffNNT : 2018LYSE1068ff. fftel-01868226f
9 ’Agence Nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux- Le questionnement éthique dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux- Juin 2010
10 Définition de J.-J. NILLÈS, prenant en compte des travaux de A. BADIOU et de P. RICŒUR, cabinet Socrates, Anesm, « Analyse documentaire relative au développement d’une démarche éthique dans les ESSMS » www.anesm.sante.gouv.fr
11 B. BOUQUET. Valeur = principe de jugement qui exprime « ce qui importe ». Les valeurs du travail social se partagent entre les valeurs humanistes, les valeurs fondées sur le droit et les valeurs démocratiques. Elles s’étayent les unes aux autres et forment système
12 http://ancreai.org/etudes/etude-relative-a-la-population-des-majeurs-proteges-profils-parcours-et-evolutions/
13 Article 488 du Code civil issu de la loi n° 68-5 du 3 janvier 1968.
14 51 Article 488 du Code civil issu de la loi n° 68-5 du 3 janvier 1968.
15 Massip Jacques, Les majeurs protégés. Tome 1 : Régime juridique, Paris, 1994, p291 à 292.
16 Chino Hadrien, « Deux perspectives historiques du traitement du patrimoine de l’incapable majeur : du droit romain à la common law ». Communication présentée lors du colloque « Les mesures de protection des majeurs. Entre contrainte et liberté, vers une réforme programmée ».Centre hospitalier Paul Guiraud, Villejuif, France, 27 novembre 2003. http://www.erie.asso.fr/erie%20Mesures%20de%20Protection.htm (consulté le 08-02-2010)
17 La réforme des tutelles renforce le droit des personnes vulnérables-Benia Fatah-Dans Journal du droit des jeunes 2007/8 (N° 268), pages 32 à 36.
18 Fossier (Th.), « L’objectif de la réforme du droit des incapacités : protéger sans diminuer ». Defrénois, 2005, article 38075, p.3
19 WEHMEYER ML. Self-determination and the education of students with mental retardation. Educ Train Ment Retard Dev Disabil 1992, 27 : 302-314
20 Haelewyck M. C. & Nader-Grosbois N. (2004), l’autorégulation : porte d’entrée vers l’autodétermination des personnes avec retard mental ? Revue francophone de la déficience intellectuelle. Vol 15, n°2, 173-186
21 www.dictionnaire-juridique.com
22 UNAF, Ethique et déontologie, enjeux, pratiques et perspectives, septembre 2010
23 La communication non-verbale et paraverbale -perspective d’un psychologue- Agnieszka Hennel-Brzozowska- Synergies Pologne n°5 – 2008 pp. 21-30
24 Korpikiewicz, H. (2004). Non verbal communication vs awareness, Lingua ac Commu-nitas, 14(1), 13-19 http://www.lingua.amu.edu.pl/Lingua_14/KORPIK-IEWICZ_14.pdfKwon
25 Bonaiuto, M., Maricchiolo F., 2007. La comunicazione non verbale. Roma : Carocci Editore.
26 Art. L. 271-1 du code de l’action sociale et des familles.
27 Art. 495 du code civil.








