Cet exemple de revue de littérature de mémoire vise à vous donner un aperçu des attentes académique pour cette partie de votre mémoire. Cet exemple correspond aux normes attendus pour une revue de littérature d’un mémoire d’école de commerce.

Le rapport à l’argent est assez spécifique en France par rapport au reste du monde, sachant son système social qui permet une gestion des retraites par redistribution (et non par capitalisation) et une couverture santé généralisée. La gestion des risques de la vie peut donc potentiellement être différente du reste du monde, mais également différent en fonction du milieu professionnel, culturel et des connaissances financières.

2.1.1L’épargne des Français

Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’État-providence a joué un rôle central dans le système de retraite en France. Mais le vieillissement structurel de la population combiné à une croissance économique atone ont mis à rude épreuve le système de retraite français par répartition. D’ici 2050, le nombre de ménages de retraités devrait augmenter de 60 % alors que la population active ne devrait pas augmenter de plus de 10 %. De plus, en 2011, le déficit des retraites a atteint 14 milliards d’euros alors que des réformes majeures ont été menées au cours de la dernière décennie. Les ménages français ont des taux d’épargne généralement élevés malgré l’importance des retraites publiques, le choix de portefeuille et l’accumulation de richesse plutôt que leur capacité à épargner.

En France, le plan retraite peut se faire à travers différents types de financement dont les plus utilisés sont les suivants  (Goulet, Frédéric & al. (2022) :

  • « les cotisations sociales ;
  • des impôts et taxes affectées ;
  • la compensation démographique ;
  • des transferts entre caisses ;
  • des transferts depuis des organismes extérieurs (par exemple l’assurance-chômage ou la branche famille de la Sécurité Sociale) ;
  • la subvention d’équilibre ;
  • les prises en charge du Fonds de Solidarité Vieillesse ;
  • les produits de gestion financiers ».

Dans le cadre de ce travail, nous nous intéressons particulièrement aux investissements personnels des salariés français. Il s’agit donc de s’intéresser au comportement d’épargne financière des Français en termes d’anticipation de pension dans le futur. Les investissements personnels se font généralement soit à travers des obligations soit à travers des achats d’actifs immobiliers locatifs comme les : SCPI, OPCI Grand Public, SCI ACAVI.

Le taux d’épargne des Français était de 15,5 % en 1966. Il a augmenté à 18,5 % en 1985 avant de diminuer à 12,3 % en 1985 (Sterdyniak, 1987), niveau autour duquel il est resté pendant des années (INSEE, 2021).

Le taux d’épargne correspond à la part du revenu disponible qui n’a pas été dépensé.

Ce taux d’épargne est sensible aux crises systémiques : il a augmenté de 1,4 point de pourcentages entre 2008 et 2009, suite à la crise financière des subprimes, et malgré les potentielles difficultés financières auxquelles ont dû faire face certains ménages français. Or, il est bien entendu plus difficile d’épargner avec des revenus réduits.

En 2020, le taux d’épargne a augmenté de plus de 5 points de pourcentages pour atteindre 21,4 % suite aux multiples confinements et restrictions qui ont empêché les individus de dépenser leurs revenus (INSEE, 2021).

La consommation est par la suite immédiatement repartie à la hausse, avec une augmentation mensuelle de 26 % de la consommation en mai 2021, à la suite de la fin du confinement d’avril 2021. Cette augmentation atteint 149,2 % pour l’habillement. Nous pouvons en conclure que les Français placent en priorité la consommation avant l’épargne. Artus (1991) confirme cette hypothèse en affirmant que les Français placent leur choix de consommation avant l’épargne.

Cependant, le taux d’épargne est très peu influencé par les incitations fiscales et règlementaire (Artus, 1991). Ce qui pourrait laisser penser que l’entreprise dans laquelle travail l’individu (qui est par définition moins puissante qu’un État) n’aura elle aussi que très peu d’influence sur son épargne, et donc sur ses choix d’investissements.

La France se situe dans la moyenne haute des pays en termes d’effort d’épargne. Cependant, elle est loin derrière la Chine, premier de la classe dans sa catégorie. En part relative de son PIB, la Chine épargnait 54,3 % de sa richesse nationale annuelle en 2010. La France épargnait quant à elle 18,9 % de son PIB, et les Etats-Unis d’Amériques 12,1 %, avec un des taux d’épargne parmi les plus faibles (Guonan & Wang, 2010).

2.1.2Le patrimoine des Français

Étant donné que l’épargne est alimentée par l’effort d’épargne, le second facteur du patrimoine est évidemment le temps. Plus l’individu est âgé, plus son patrimoine est élevé (cf. Appendix 6.b) : alors que le patrimoine médian des moins de 30 ans est de 17 300 €, celui des soixantenaires est de 200 300 €, soit plus de vingt fois plus (patrimoine par foyer et par individu). L’évolution est particulièrement importante entre la catégorie des moins de 30 ans et la catégorie des trentenaires avec une évolution de 17 300 à 132 900 €. Elle est ensuite plus faible, avec une augmentation de plus en plus réservée.

Cette évolution est probablement due à la naissance des enfants (à 28,5 ans pour le premier et 31 ans pour le second) qui nécessite parfois que l’un des parents travaillent moins, voir plus du tout, pour s’occuper de l’éducation de leurs progénitures (INSEE, 2017).

Par ailleurs, l’épargne étant dépendante du niveau de revenu, le patrimoine dépend fortement de la catégorie socio-professionnelle. Les patrimoines les plus importants sont liés à la nécessité d’avoir un patrimoine professionnel pour exercer son activité : le patrimoine médian des agriculteurs est de 613 700 €, celui des artisans et chefs d’entreprises de 1 212 000 € et celui des professions libérales de 1 626 000 €. Par ailleurs, ces fonctions sont historiquement moins bien couvertes par le système de retraite par répartition (statut d’indépendant) et nécessite probablement la constitution d’un patrimoine plus important en vue d’un départ en retraite (INSEE, 2021).

L’un des avantages de s’intéresser à la France est que les sources de données françaises permettent une analyse détaillée des tendances des inégalités. En France, et peut-être aussi dans un certain nombre d’autres pays, les inégalités salariales sont en fait extrêmement stables sur le long terme, et la baisse séculaire des inégalités de revenus est pour l’essentiel un phénomène de revenus du capital (Thibault Le Hégarat. U (2015).

Appendix 6.a : répartition du patrimoine des Français en fonction de la catégorie socio-professionnelle, INSEE, 2021

En reprenant l’Appendix 6.d, on remarque que la répartition du patrimoine chez les moins de 30 ans est très inégalitaire : le premier décile possède moins de 1 300 € quand le dernier en possède 269 100 €, soit 207 fois plus.

On peut donc supposer qu’une part du patrimoine privé des Français est non seulement issu de l’épargne, mais également de l’héritage.

Le prix Nobel d’économie Franco Modigliani a tenté d’évaluer la part du patrimoine privé provenant de l’héritage. Aux USA, il a estimé que cette part était de l’ordre de 20 à 30 % du patrimoine brut total (Modigliani, 1986).

Ohlsson en Suède et Kotlikoff aux États-Unis ont eux aussi essayé d’estimer cette proportion. Kotlikoff obtenait pour résultat que 80 % du patrimoine privé provenaient de l’héritage (Kotlikoff & Burns, 2012). Mais leurs hypothèses ne sont pas très solides, sachant qu’ils ne distinguent pas le patrimoine consumé de celui investi (ou tout simplement épargné en liquidité).

Piketty, prix Nobel d’économie en 2014, apporte une définition plus claire et précise, puisqu’il exclut le patrimoine consumé, mais inclus les donations du vivant (et pas seulement l’héritage lors du décès). Il obtient une part du patrimoine privé hérité de l’ordre de 55 %. Ce niveau a largement évolué, puisqu’il est négativement corrélé à la croissance économique : la part de patrimoine provenant de l’épargne était beaucoup plus important lors des Trentes Glorieuses (Piketty, 2017). Nous pouvons donc en conclure que les 45 % restants proviennent de l’effort d’épargne.

Appendix 6.b : répartition du patrimoine des Français en fonction de la catégorie socio-professionnelle, INSEE, 2021

2.1.3Le niveau de connaissances financières des Français

L’identification des déterminants clés de la planification financière est cruciale pour concevoir des politiques efficaces qui encouragent les finances des ménages à être orientées sur le long terme. En effet, Lusardiet Mitchelli, 2007) montrent que la propension à planifier joue un rôle important dans l’explication des différences d’accumulation de patrimoine. En particulier, Shapiro et Wu, (2011) montrent que les adultes qui peuvent répondre correctement aux questions de connaissance financière sont beaucoup plus susceptibles de planifier leur retraite. Cependant, comme les environnements culturels et institutionnels sont évidemment différents selon les pays développés (et en particulier entre les États-Unis et la France, par exemple en ce qui concerne les systèmes de retraite), évaluer le niveau de connaissance financière ainsi que son impact sur les finances des ménages, les choix de portefeuille, ou la planification de la retraite demeure une question de recherche ouverte.

Toutefois, seuls 20 % des Français affirment avoir un niveau suffisant en finance (Banque de France & AUDIREP, 2020). Pourtant, 52 % affirment s’intéresser aux sujets financiers. Ce qui signifie que soit le public sous-estime son niveau de connaissance financière, soit qu’il n’a pas les compétences pour interpréter les informations qu’il obtient.

Les hommes s’intéressent un peu plus aux sujets financiers (57 contre 47 % chez les femmes). Il est intéressant de noter que les jeunes de 18 à 34 ans sont entre 59 et 63 % à s’intéresser au sujet de la finance.

Pourtant selon de nombreux auteurs (Reed et Zinn, 1995 ; Furnham, 1999 ; Lusardi et Mitchelli, 2007 ; Lusardi et al., 2010 ; Shapiro et Wu, 2011 ; Kaiser et Menkhoff, 2017 ; Lusardi, 2019 ), l’éducation financière est un élément essentiel pour assurer une bonne santé financière tout au long de sa vie.

Selon Lusardi et Mitchelli, (2007), ce manque de connaissance financière est présent dans plusieurs pays et non seulement en France. Pair ailleurs, ces deux auteurs estiment également que la connaissance financière, ne concerne pas uniquement les connaissances de termes de finance, mais aussi et surtout les comportements se rapportant aux activités de finance.

Le premier critère d’intéressement à ses sujets est le niveau de diplôme : 65 % chez les diplômés supérieurs au bac contre 28 % pour ceux qui n’ont pas de diplômes.

Appendix 6.c : Pour gérer votre argent personnel, diriez-vous que vous vous intéressez à l’actualité ou aux sujets financiers : comme l’utilisation des moyens de paiement, les comptes et frais bancaires, l’épargne et les placements, les crédits et l’assurance ? Banque de France & AUDIREP, 2020

Cette répartition en fonction de l’âge et du niveau de diplôme est sur cette même tendance quand il s’agit du niveau de connaissance : les diplômés, les plus jeunes (sauf les moins de 24 ans) et les hommes affirment avoir de meilleures connaissances financières.

Appendix 6.d : – Comment évalueriez-vous votre connaissance globale sur les questions financières par rapport à la moyenne des Français ?, Banque de France & AUDIREP, 2020

Parmi les 30 % de Français qui ont eu des interrogations bancaires durant l’année 2019, il est intéressant de noter que seul 4 % de ces questions concernaient des sujets d’épargne (Banque de France & AUDIREP, 2020) : malgré un faible niveau de connaissances, les Français ne demandent que très peu de conseils en investissement à leur banque.

En termes de connaissances, nous pouvons relever les points suivants dans l’étude de la Banque de France de 2020 :

  • 20 % des répondants ne savent pas faire une division (1 000 divisé par 5), et cette part s’élève toutefois à 13 % chez les diplômés du supérieur.
  • 45 % des répondants ne maitrisent pas la notion d’inflation.
  • 38 % ne maitrisent pas la notion d’intérêt, et 54 % ne maitrisent pas les intérêts composés (sur plusieurs années).
  • 33 % ne maitrisent pas la notion de diversification d’un portefeuille.

Il est également intéressant de relever que 84 % des sondés pensent que l’éducation financière devrait être enseignée à l’école. Pour Lusardi (2019), l’éducation financière permet de façonner les plus jeunes sur les investissements financiers futurs.

Selon cet auteur, il y a trois points essentiels qui doivent servir de base aux épargnants en termes financier :

  • « La numératie soit la capacité à calculer les taux d’intérêt et à comprendre leur composition.
  • La compréhension de l’inflation.
  • La connaissance du risque de diversification » Lusardi (2019).

Lusardi (2019) démontre également l’existence d’un lien entre la connaissance financière et la planification de la retraite. En effet selon cet auteur, une plus grande connaissance financière augmenterait la performance des plans de retraite.

2.1.4Les habitudes d’investissements

Le choix des classes d’actifs du portefeuille des épargnants français est faiblement influencé par les mesures incitatives des pouvoirs publics. Ces choix sont majoritairement dépendants du taux de rendement de l’actif choisi (Artus, 1991).

Mais le facteur qui semble avoir le plus d’influence sur les choix d’investissements est le patrimoine détenu par l’individu. C’est en tout cas le premier facteur dans la détention d’actions côtés (Szpiro, 1992). Suivent ensuite la catégorie professionnelle (qui est indirectement liée à la taille de l’entreprise dans laquelle l’individu travaille), puis l’âge.

Ce n’est pas surprenant, en cela que le patrimoine, la catégorie professionnelle et l’âge sont tous les trois corrélés : l’âge et la catégorie professionnelle sont de potentiels variables explicatives du niveau de patrimoine comme pourrait le montrer le tableau ci-dessous :

Appendix 6.d : répartition du patrimoine des Français en fonction de l’âge, INSEE, 2021

L’aversion au risque (la facilité à prendre des risques financiers) ne semble pas être un facteur important dans l’investissement en action, dans la mesure où l’investissement dans les obligations est corrélé à l’investissement dans les actions. Or les obligations sont des actifs jugés peu risqués (Szpiro, 1992).

En France, le patrimoine financier (actions, comptes courants et d’épargne, obligations, produits dérivés…) moyen est de 56 200 € (INSEE, 2021). Ce décompte exclu certains actifs non financiers tels que l’immobilier. De ce portefeuille financier, seul 40 % concerne des actifs risqués (actions ou équivalents), soit 22 480 € par foyer.

Sachant que le patrimoine total moyen est de 276 000 € (INSEE, 2021), cela représente 8,15 % du patrimoine des Français. Selon la Banque de France (2021), les actions cotées représentent 5,5 % du patrimoine des Français. Quelle que soit la source, il s’avère que les Français investissent peu sur les marchés financiers.

62 % du patrimoine des Français est constitué de valeurs immobilières (INSEE, 2021). Mais seuls 17,8 % de la population française possède du patrimoine immobilier autre que sa résidence principale : seule une partie concerne le parc en location puisque cette statistique inclus également les résidences secondaires et les logements vacants. Finalement, la résidence principale de chaque foyer représente 70 % de la valeur de leur patrimoine brut, alors que l’immobilier locatif n’en représente que 9 % (parmi les propriétaires immobiliers) (INSEE, 2021).

En fait, 57,8 % des Français sont propriétaires de leur résidence principale (INSEE, 2021). C’est 4,5 points de pourcentages de plus que trente ans plus tôt. En résumé, l’épargne des Français se concentre principalement dans leur résidence principale : un investissement de cœur et rassurant (pas de gestion locative et un risque très faible).

Par ailleurs, l’une des principales potentielles raisons de l’attrait pour l’immobilier et la facilité d’accès à l’effet levier pour financer un achat immobilier. Jusqu’ici, nous n’avons parlé que de patrimoine brut. En effet, pour calculer le patrimoine net d’un ménage, il faut déduire ses dettes. Or la part d’endettement est potentiellement différente selon le patrimoine.

Appendix 6.e : patrimoine net et brut des Français par décile, INSEE, 2018, publié dans le dossier 2021

Nous pourrions penser que le levier bancaire est une source d’enrichissement et que l’accès à la dette est facilité pour les profils les plus solides, et que par conséquent les plus grands patrimoines sont les plus endettés. Il n’en est rien, puisque le dernier décile a un taux d’endettement de 9,56 % de son patrimoine brut total, alors que le dernier centile un taux d’endettement de 10,08 %.

Par rapport à la médiane française (le 5e décile), avec un taux d’endettement de 28,26 %, le premier décile le moins fortuné a quant à lui un taux d’endettement de 31,58 % (INSEE, 2021). L’endettement est donc décroissant en fonction du patrimoine.

La dette privée française est de 39,5 % du patrimoine privé brut (en excluant les ménages sans aucune dette), soit un niveau proche de la moyenne européenne à 40,5 %. Certains pays comme l’Espagne ont un taux plus élevé, avec 53,2 % de dettes en Espagne (INSEE, 2021).

Ce taux est bien entendu très variable en fonction du profil, puisque par exemple un jeune couple qui vient d’acheter sa résidence principale aura un taux proche de 100 % de son patrimoine net, quand un retraité âgé aura un taux proche de 0 %.

2.1.5L’aversion au risque par rapport au reste du monde

Selon Lusardi et Mitchell (2014), les individus sont hétérogènes quant il s’agit d’aversion aux risques dans le cadre de leur investissement personnel. Arrondel et Masson (2014) affirment que cette aversion dépend de plusieurs facteurs, dont les préférences, l’éducation financière, les contraintes en termes de liquidité, etc.

Dans ce contexte, il est tout de même important den noter que pour prévoir sa pension future, l’individu est souvent amené à anticiper les évolutions du marché du travail ainsi que l’évolution de sa carrière.

La part de l’épargne dédiée à l’épargne de précaution (l’épargne pour anticiper des accidents de la vie) fluctue entre 1 et 50 % selon les études économétriques et théoriques (Arrondel, 2008).

Un meilleur indicateur de l’aversion au risque (la capacité et la volonté à prendre des risques) serait donc plus fiable avec une mise en situation.

Lorsque des individus se voient proposer d’abandonner leur revenu actuel, puis se voient proposer deux contrats avec une forte probabilité de perte totale de leurs revenus (respectivement 33 % et 50 % de probabilité), ils sont seulement 26,5 % à accepter le contrat C, qui permet d’avoir une chance sur deux (50 %) de doubler son revenu et une chance sur cinq (20 %) de le voir réduit à 0 (Arrondel, 2008).

En demandant aux Français leur prudence sur une échelle de 0 à 10 (0 pour le plus prudent), ils sont 41,5 % à se juger extrêmement prudents (réponse de 0 ou 1) au sujet de la gestion de leur patrimoine. En comparaison, ils sont 29,5 % à fournir la même réponse concernant leur carrière professionnelle, soit 12 points de pourcentages de moins (Arrondel, 2008).

2.2Quels sont le tissu économique français et les profils qui travaillent dans ces entreprises ?

Nous nous intéressons à l’impact de la taille de la structure dans laquelle travaille l’individu. Il est donc intéressant de connaître l’environnement qui compose ce potentiel facteur de décisions d’investissement.

2.2.1Les entreprises en France

L’INSEE catégorise les tailles d’entreprises en quatre grandes classes. En compilant ses informations, nous obtenons le tissu économique suivant (INSEE, 2018) :


Nombre d’entreprisesNombre de salariés en France
Grandes entreprises (GE)2870,01 %4 235 00029,05 %
Entreprises de taille intermédiaire (ETI)
5 753

0,15 %

3 337 000

22,89 %
Petites et moyennes entreprises (PME) hors microentreprises

139 941


3,66 %


4 259 000


29,22 %
Microentreprises (MIC)3 674 14196,18 %2 745 00018,83 %

Les définitions de ses tailles d’entreprises sont les suivantes :

  • Grande entreprise : plus de 5 000 salariés, un minimum de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires et plus de 2 milliards d’euros de total de bilan.
  • ETI : entre 250 et 4 999 salariés et un chiffre d’affaires de maximum 1,5 milliard d’euros, ou bien un total de bilan n’excédant pas 2 milliards d’euros.
  • PME : moins de 250 salariés et un chiffre d’affaires de maximum 50 millions d’euros ou un total de bilan de moins de 43 millions d’euros.
  • MIC : moins de 10 actifs et un chiffre d’affaires ou un total de bilan de moins de 2 millions d’euros.

2.2.2Les profils de salariés et d’indépendants

En analysant l’activité professionnelle des actifs français à partir des catégories socioprofessionnelles définies par l’INSEE (2020), on obtient les résultats suivants :

  • 8,2 % de la population active est artisans, commerçants, chefs d’entreprises ou agriculteurs exploitants.
  • 91,8 % du reste de la population active est salarié sous différents statuts.

Avec une définition différente, mais plus précise de l’INSEE de l’emploi non salarié, c’est 11,7 % de la population active qui est indépendante en 2019, soit 2 881 000 indépendants. À noter toutefois que certains professionnels cumulent les statuts de salariés et d’indépendants (INSEE, 2020).

2.2.3Les programmes d’investissements et d’épargne dans les entreprises françaises

Seul 13,6 % de la population français détient de l’épargne salariale (INSEE, 2021, chiffre 2018). Cette part est beaucoup plus importante dans le secteur marchand non agricole, avec 49,9 % des salariés. Au total, ce sont 8,8 millions de salariés qui en bénéficient (INSEE, 2021, chiffre 2018). Selon une autre source, ce sont 9,3 millions de salariés qui ont accès à au moins un dispositif (DARES, 2021).

Le produit le plus populaire est le plan d’épargne entreprise (PEE) avec 42,8 % des salariés ayant une forme d’épargne salariale. Il sert le plus souvent de support de versement des primes de participations et d’intéressements.

D’après le ministère français du Travail, lorsqu’un plan d’épargne est mis en place, le montant annuel moyen versé est de l’ordre d’un mois de salaire et est réparti entre 40 % de participations et 60 % d’intéressements (Aubert, 2021).

L’intéressement est une démarche volontaire de l’entreprise. Son montant est fixé librement, le plus souvent en fonction des résultats ou performances de l’entreprise. La participation aux bénéfices est une démarche obligatoire pour toute société de plus de 50 salariés, même si elle reste disponible pour les autres entreprises avec un effectif inférieur. Elle est calculée en fonction du résultat financier de l’année et de la charge salariale (Ministère de l’économie des finances et de la relance, 2020).

Le montant moyen versé par salarié est de 2 660 € par an, soit un peu plus que le salaire moyen en France (DARES, 2021). Au total, ce sont 21 milliards d’euros qui sont versés avec les différents dispositifs d’épargne salariale. Avec un revenu disponible brut de 1 429,7 milliards d’euros (INSEE, 2018) et un taux d’épargne moyen de 13,9 % (INSEE, 2018), le flux d’épargne annuel des Français en 2018 s’élève à 198,73 milliards d’euros. Par conséquent, le flux d’épargne salariale (avec le postulat qu’elle est épargné à 100 % et qu’elle n’est pas consommée) ne représente que 10,57 % du flux d’épargne annuel total des Français en 2018.

S’agissant du support d’épargne salariale, seul deux dispositifs existent à la suite de la loi PACTE de 2019 :

  • Le plan d’épargne entreprise (PEE)

Comme pour le PER, le salarié comme l’entreprise peut exercer des versements. Les montants versés sont bloqués durant 5 ans, sauf exceptions. Certains cas permettent de bénéficier d’une fiscalité avantageuse.

  • Le plan d’épargne retraite (PER)

Le déblocage des montants se réalise seulement lors du départ en retraite. La fiscalité appliquée est la flat taxe à 30 %.

2.3Quelle est l’approche classique de la finance de marché ?

Le fonctionnement des marchés, financiers ou non, a largement été théorisé. Le principe macroéconomique le plus commun est celui des courbes de demande et d’offre : elles se rejoignent en un point qui définit le prix du marché.

2.3.1Un marché financier pur et parfait

Selon Fama (2010), lorsqu’un marché est développé et que les informations le concernant sont publiques, ses acteurs rationnels réagissent de la manière la plus efficiente, correcte et instantanée.

En d’autres termes, le prix des actifs d’un marché reflète toujours la valeur intrinsèque effective des actifs en question.

Jansen, complète cette définition en 1978 en expliquant que le marché peut être efficient si la valorisation des titres financiers prend en compte la totalité de l’information disponible sur le marché, de manière exhaustive.


Selon sa théorie, prendre en compte la totalité de ces informations implique un coût pour les acteurs du marché (collecte des données, création de modèles de valorisation …). Dans ce cas, le profit pour un investisseur devient nul lorsqu’il prend en compte tous ces coûts.

Artus (1991) propose une définition plus simple de l’efficience des marchés : la valeur d’un actif doit représenter « les revenus futurs que sa détention procure ».

Ainsi, la théorie des marchés financiers efficients fait l’hypothèse qu’un acteur du marché ne peut obtenir des niveaux de profits anormaux, d’un point de vue statistique, selon un niveau de risque donné.

Il existe trois niveaux théoriques d’efficience d’un marché financier :

  • Faible

Les prix des marchés financiers reflètent toutes les informations passées disponibles dans l’historique des prix.

  • Semi-forte

Les valeurs des actifs reflètent toute l’information publique.

  • Forte

La valorisation des actifs reflète les informations publiques et privées. Aucun délit d’initié n’est possible (Fama, 2010).

Le théorème Modigliani-Millier démontre qu’un marché sans taxe, sans coût de faillite, sans asymétrie d’informations et avec des marchés financiers fonctionnant parfaitement, la structure du capital n’a pas d’incidence sur sa valeur (Modigliani & Miller, 1958). Cette théorie lui vaudra le prix Nobel d’économie en 1958.

Tous ces théorèmes ont un point commun : de nombreuses hypothèses. C’est notamment ce qui amènera de nombreuses critiques et permettra à des économistes tels que le prix Nobel Robert Schiller de présenter leurs théories de finance comportementale à contrecourant de ces visions.

2.3.2L’approche technique et fondamentale

L’approche technique consiste à valoriser un titre financier sur un marché à partir du court passé de cette action. Cette technique est plus commune sur les marchés de change tels que le FOREX. Sachant que l’épargne des Français n’y est presque pas investie, nous ne nous intéressons pas à cette approche.

L’approche fondamentale consiste à valoriser un titre financier en fonction de facteurs quantitatifs et qualitatifs de l’entreprise.

L’approche fondamentale consiste à valoriser la société avec des calculs et à prendre une décision en conséquence : acheter le titre si la valeur du marché est inférieure à ce calcul, et le vendre si la valeur sur le marché est supérieure à ce calcul.

Il existe trois principales méthodes de valorisation d’une société (PIERRE, 2004) :

  • La méthode d’actualisation des flux de trésorerie (DCF)

Elle consiste à actualiser les flux de trésoreries futurs avec le coût moyen pondéré du capital pour obtenir la future valeur réelle de la création de valeur de l’entreprise par rapport à son coût de financement.

  • La méthode des multiples

Elle consiste à multiplier une donnée clef de l’entreprise (le plus souvent son résultat actuel ou prévisionnel) et à le multiplier par un ratio obtenu par rapport aux données historiques du marché pour des sociétés et des secteurs d’activité similaires.

  • L’actif net comptable

Il s’agit de l’ensemble des actifs au bilan de la société moins ses dettes. Certains investisseurs l’appellent « la valeur à la casse » puisque c’est la valeur de la société si elle devait être liquidée, ou si elle ne créait plus aucune valeur (avec un compte de résultat nul).

2.3.3Les critiques de la vision standard de la finance

Déjà durant les années 80, des observations démontraient que les titres financiers étaient excessivement volatiles au regard des dividendes qu’ils versaient (Shiller, 1981).

Pour cela, l’économiste Shiller a mené une étude en comparant la valorisation de l’indice Standard & Poors composite (S&P 500) à la valeur actualisée de ses dividendes, entre 1871 et 1979.

En remontant le cours de l’Histoire, on retrouve même une première critique de l’inefficience des marchés financiers avec les travaux de Louis Bachelier (1900) : sachant que les acheteurs et les vendeurs ne peuvent pas tous les deux réaliser un profit systématique (objectif de chaque investisseur), le prix sur le marché ne dépend pas de la valeur réelle de l’actif, mais de l’offre et la demande en fonction des volontés de profit de chacun. Le marché est par nature inefficient et a tendance à faire face à de nombreuses bulles (BACHELIER, 1900).

2.4Qu’est-ce que la finance comportementale ?

La finance comportementale est l’application des principes psychologiques aux marchés financiers, et à la finance en général. Cette science a pour objectif d’être complémentaire à l’approche standard de la finance. Elle vise à expliquer les anomalies de marchés.

2.4.1L’histoire de la finance comportementale

Dès le XVIIIe siècle, les travaux de Daniel Bernoulli ont mis en évidence des concepts précurseurs de la finance comportementale, notamment avec l’aversion au risque (Bernoulli, 1738).

C’est durant les années 1980 que naissent les premiers travaux de finance comportementale, en réponse aux théories sur l’efficience des marchés de Fama, Samuelson, ou encore Sharpe.

Cette science découlant de l’économie comportementale est apparue à l’initiative de quatre professeurs :

  • Hersh Shefrin (économiste) ;
  • Robert Schiller (économiste et prix Nobel d’économie en 2013) ;
  • Werner De Bondt (chercheur et économiste) ;
  • Richard Thaler (économiste, prix Nobel d’économie en 2017).

Selon Shiller et Thaler (1981), on observe systématiquement des anomalies de marché.

Cette science a connu un tournant en 2002 avec Daniel Kahneman et Vernon Smith avec leur théorie des perspectives.

Selon Kahneman, les individus prennent des décisions, non pas uniquement en fonction de leur rationalité et leurs calculs probabilistes, mais surtout en fonction de la manière dont une information leur est présentée.

C’est ainsi qu’ont été démontré un certain nombre de biais cognitifs, notamment l’aversion à la perte.

2.4.2Les biais cognitifs dans le rapport à l’argent et l’investissement

Les biais cognitifs durant des prises de décision pour un investissement financier ont été analysés d’un point de vue neurologique. Certains résultats démontrent que les individus dévient systématiquement rationnels lorsqu’il s’agit de gestion du risque (Kuhnen & Knutson, 2005).

2.4.2.1Surréaction des acteurs

En 1984, De Bondt et Thaler mettent en évidence les réactions excessives des investisseurs sur les marchés financiers. Ils démontrent en effet qu’une série de nouvelles (bonnes ou mauvaises) conduit à une évolution disproportionnée du cours d’une action (De Bondt & Thaler, 1984).

C’est notamment ce biais qui mènerait à des bulles, pour donner suite à de potentielles crises financières. C’est le cas de la bulle internet en mars 2000 : les marchés ont surréagi aux facteurs positifs qu’étaient les nouvelles technologies et internet (Lardic, 2006).

2.4.2.2Aversion à la perte et référentiel de prix

L’aversion à la perte décrite par Kahneman démontre qu’un individu surévalue l’impact d’une perte par rapport à un gain (Tversky & Kahneman, 1991).

 Selon Kahneman, ce biais implique qu’un individu, sur les marchés financiers, tend à essayer de minimiser ses pertes plutôt que de maximiser ses gains (Tversky & Kahneman, 1991).

En effet, entre « gagner mille euros » et « ne pas perdre mille euros », l’individu moyen choisira plus souvent le fait de ne rien perdre, plutôt que de gagner ce même montant. De même, la douleur émotionnelle d’une perte n’est pas compensée par un gain équivalent. Plusieurs études visent à quantifier ce rapport : il varie avec un rapport deux à trois fois supérieur pour l’émotion suscitée par la perte (Kahneman & Novemsky, 2005).

C’est justement cette aversion à la perte qui définit le prix d’un actif financier pour un individu. Au lieu de considérer le prix par rapport à l’environnement, les individus les définissent par rapport à ce à quoi ils renoncent : le plus souvent des biens de consommation (Carmon & Ariely, 2000).

Avec ce biais cognitif, un vendeur peut définir un prix de vente décorrélé de la demande (le prix maximal qu’est prêt à payer l’acheteur potentiel). Par exemple, le vendeur A vend des titres financiers non-côtés (sa valeur n’est pas sur un marché), il est aisé et il pense acheter une voiture de collection de 15 000 € en vendant ses titres. L’acheteur B est moins aisé et il est prêt à renoncer à un week-end à l’hôtel d’une valeur de 500 € pour acheter ces titres. Le marché est inefficient puisque le prix n’est plus corrélé à la valeur de l’actif.

Il en va de même pour une vente immobilière : le vendeur peut être amené à fixer un prix par rapport au budget dont il a besoin pour son futur achat de logement.

Cette situation peut mener à des incohérences de marché sachant que le prix est également défini par le profil des acteurs et leurs envies d’achats momentanées.

Ce constat est contradictoire avec la définition d’un achat donné par le collectif de Ian Bateman : un achat est, pour l’individu, une perte et non pas une renonciation à un bénéfice (Bateman, 2005). Pour Bateman, la monnaie fait perdre à l’individu la notion de comparaison de valeur.

2.4.2.3Peur de manquer une opportunité

Plus connu en anglais sous le terme de « Fear of missing out » (FOMO), ce principe démontre que les acteurs tendent à s’engager dans un investissement uniquement par peur de manquer une formidable opportunité d’investissement : leur jugement n’est plus rationnel.

En questionnant 15 participants, il s’avère que l’investissement en Crowdfunding (investissements non-côtés ouverts à tous sur une marketplace en ligne) durant la pandémie de Covid-19 était largement influencé par un « sentiment urgent de besoin émotionnel ». Ce type d’investissement est aussi une forme de construction de l’identité personnelle, et liée à une envie de se rattacher à un projet entrepreneurial qui est considéré comme devant réussir coûte que coûte, malgré les risques de pertes très importantes (Sabia, 2021).

2.4.2.4Aisance cognitive

Ce biais cognitif consiste à développer un sentiment positif suite à une perception accrue de ses facultés cognitives.

Une année d’étude augmente la probabilité de l’individu à participer aux marchés financiers de 6 % (Tariki, 2021).

Mais ce résultat est à nuancer, car les années d’études sont également liées au niveau de connaissance financière, au niveau de patrimoine et à de nombreux autres facteurs.

2.4.2.5Influence sociale et principe d’autorité

L’influence ou la pression sociale est l’impact de l’entourage sur un individu dans ses choix et décisions.

Le principe d’autorité est la règle selon laquelle quelques individus ont une expertise reconnue qui influence très fortement les décisions des autres acteurs. Pour Kapferer (1990), il se peut que seul 1 % des acteurs du marché boursier décident de l’opinion des 99 % d’investisseurs restants.

Le second aspect est le manque de déontologie de l’information. Pourtant, les entreprises côtés en bourse délivrent des états financiers très détaillés et largement exploitables pour une analyse avancée. Ces informations financières sont auditées et publiques : elles peuvent être jugées fiables. Pourtant, la majorité des informations qui sont traitées par les investisseurs particuliers (non professionnels et non institutionnels) proviennent de la presse écrite, qui est une information librement retraitée et relayée (Kapferer, 1990).

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